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DU SENS GÉNÉSIQUE

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Instinct sexuel dans l’espèce humaine. — Phénomènes de la puberté dans les deux sexes. — Établissement du flux menstruel. — Pertes séminales involontaires. — Nécessité de la continence durant le jeune âge.

— Devoirs des parents à cet égard.

I. L’instinct sexuel est cette impulsion naturelle qui porte les deux sexes à se rechercher et à s’unir en vue de la conservation de l’espèce.

Cet instinct, qui joue un si grand rôle dans la vie physiologique et morale de l’homme, la marque tout entière de son empreinte. Suivant sa force ou sa faiblesse, suivant que, dans les limites de la nature, il reçoit une légitime satisfaction, suivant qu’il est méconnu ou abandonné à lui-même sans gouvernail et sans frein, il a une influence bienfaisante ou pernicieuse.

Dans l’homme toutes les fonctions organiques, qui ont besoin pour s’exercer du concours de la volonté et du contrôle de la raison, sont guidées par un sens spécial qui a son origine dans la profondeur des organes dont il révèle les besoins. La fonction génitale est soumise à cette loi. De même que la faim ou la soif préviennent l’homme d’un besoin à satisfaire pour la conservation du corps, le sens génital l’invite à concourir à la conservation de son espèce.

Mais tandis que chez les animaux la nature a pris soin de soumettre à une règle invariable et très-étroite cette puissance qu’elle ne pouvait leur confier sans s’exposer à les voir s’épuiser et leurs races s’éteindre rapidement, elle en a remis à l’homme le libre usage, voulant honorer en lui l’être raisonnable. Aussi, tandis que chez les animaux à l’état de nature le temps du rut ne survient en général qu’une fois l’an, l’homme est-il toujours apte à faire usage de la puissance sexuelle: il est chargé par l’auteur de toutes choses de toute la responsabilité de l’emploi de cette grande fonction, le plus salutaire ou le plus funeste des dons qui lui ont été faits suivant qu’il en use bien ou mal.

Quoique chez l’homme la révélation de la sexualité ne soit complète qu’au temps de la puberté, il en existe cependant des vestiges dès l’âge le plus tendre. Les goûts, les occupations et les jeux des petits garçons et des petites filles trahissent de bonne heure l’influence sexuelle. La curiosité qui vient aux enfants élevés loin de leur mère, ou trop peu surveillés, relativement à la fonction génératrice, et leur désir de pénétrer ses mystères sont une preuve encore plus directe de l’influence hâtive du sexe. Il importe que les parents connaissent les dangers de cette curiosité et se tiennent en garde contre elle par une surveillance active.

En même temps que s’éveille la vie sexuelle se montre le sentiment de la pudeur, qui est propre à notre espèce, nous caractérise et nous distingue des animaux en nous élevant au-dessus d’eux.

A mesure que l’enfant grandit, quel que soit son sexe, il est agité par de secrètes inquiétudes, impressionné par des pensées qui tiennent à des sensations vagues; le système nerveux est d’une impressionnabilité excessive, d’une mobilité extrême; l’âme est portée aux sentiments tendres, à la rêverie, et passe en un instant des espérances chimériques aux désespoirs insensés et sans cause. La jeune fille, plus encore que le jeune garçon, devient facilement la proie de ces affections de l’âme qui la portent à prendre en dégoût ses occupations ordinaires, à fuir la société, à rechercher la solitude.

Chacun de nous n’a qu’à puiser dans ses souvenirs pour se faire le doux et terrible tableau de cette période de la vie humaine.

II. C’est ordinairement vers l’âge de quinze ans chez l’homme et celui de quatorze ans chez la femme que s’éveillent vivement ces sensations nouvelles et qu’apparaissent les premiers signes de la puberté.

Chez l’homme, les organes génitaux deviennent plus volumineux et la sécrétion spermatique s’établit; les règles apparaissent chez la femme et ses seins se gonflent; dans les deux sexes les parties génitales se couvrent de poils.

Bientôt les différences extérieures se manifestent par des phénomènes de plus en plus tranchés.

Chez les jeunes garçons, les membres et le corps revêtent les traits caractéristiques de l’homme. La peau perd sa blancheur et sa délicatesse; les cheveux deviennent plus rudes, plus abondants et plus foncés; les muscles se développent; la physionomie se caractérise; la figure prend une expression sérieuse et virile; les yeux deviennent vifs et ardents; la première barbe remplace le duvet de l’enfance. Le cerveau prend beaucoup de développement, et il en est de même du cervelet; la boite crânienne augmente sa capacité à mesure que les études développent l’énergie de la pensée. Le système osseux achève son accroissement en hauteur; le larynx change de calibre, la glotte devient plus large, la voix plus grave. Les organes génitaux acquiérent le volume et l’efficacité qui leur est nécessaire pour accomplir leur fonction; les testicules grossissent du double et sécrètent les spermatozoaires; le pénis prend un volume plus fort et devient susceptible d’érection; le scrotum acquiert une coloration brune.

Chez la jeune fille, la puberté porte aussi le corps à son entier développement; mais la peau reste blanche, ou plutôt acquiert une blancheur et un éclat nouveaux; le tissu cellulaire graisseux se développe, et rayonne en quelque sorte autour de deux foyers dont l’un est l’instrument immédiat de l’œuvre de la génération, et dont l’autre, constitué par les organes destinés à nourrir le nouvel être, est en même temps l’attribut le plus élevé de la beauté physique des femmes. La masse cellulaire s’arrange autour de ces deux parties, qu’elle rend plus saillantes, comme autour de deux centres, d’où elle envoie ses productions aux différents organes qui sont sous leur dépendance. Les productions cellulo-graisseuses qui partent du centre supérieur, après avoir arrondi le col et lié les traits du visage, vont se perdre agréablement vers les épaules et se prolonger vers les bras, pour leur donner ces contours fins, déliés et moelleux qui se continuent jusqu’aux extrémités des mains. Les productions qui partent de l’autre centre vont modifier à peu près de la même manière toutes les parties inférieures. Le principe actif qui opère ce développement imprime en même temps aux humeurs un mouvement qui donne à toutes les parties de la consistance, de la chaleur et du coloris. Tout s’anime alors chez la femme: ses yeux, auparavant muets, acquièrent de l’éclat et de l’expression; tout ce que les grâces légères et naïves ont de piquant, tout ce que la jeunesse a de fraîcheur, brille dans sa personne.

Un grand nombre de circonstances influent sur l’âge auquel surviennent les phénomènes de la puberté. Le développement individuel varie:

1° Selon le sexe: la puberté est plus précoce et peut-être plus énergique chez la femme que chez l’homme, ce qui tient, suivant Buffon, à ce que, l’homme étant naturellement plus fort et plus robuste que la femme, la nature doit nécessairement employer plus de temps pour le conduire à son entier développement. — Tout le monde sait que, par compensation, la faculté de reproduction s’éteint beaucoup plus tôt chez la femme que chez l’homme.

2° Selon le tempérament: il est prompt chez les sujets sanguins, nerveux et bilieux; il l’est moins chez les lymphatiques,

3° Selon les aliments: il est beaucoup plus précoce chez les peuples qui se nourrissent de la chair des animaux et de celle des poissons que chez ceux qui se nourrissent exclusivement de végétaux.

4° Selon la saison: il est plus rapide pendant le printemps et l’été, et moins pendant l’hiver. Buffon a démontré que la chaleur de l’été contribue à la fécondité.

5° Selon le climat: il est plus fort dans les régions torrides, moins dans les régions tempérées, moins encore dans les climats septentrionaux. — La vieillesse est en rapport avec la puberté : plus celle-ci est précoce, plus hâtive est la vieillesse.

6° Selon la race d’hommes: il est à son plus haut degré chez les Éthiopiens; il est moins développé dans la race mongolique, et il l’est moins encore dans la race caucasique.

7° Selon le genre de vie: il est plus fort chez l’oisif et paresseux habitant des villes, qui vit au milieu de tous les excitants sensuels, que chez l’agriculteur laborieux.

L’établissement des règles chez la jeune fille se fait généralement d’une façon qui ne manque pas de l’effrayer. «J’ai vu, dit de Lignac, une jeune personne aux portes de la mort, faute d’avoir été prévenue sur ce qui devait lui arriver. Les religieuses qui l’environnaient m’avouèrent que des femmes imprudentes s’étaient amusées de son étonnement. L’infortunée vécut encore quatre ans, jouissant à peine d’une santé chancelante, et mourut des suites cruelles d’une nouvelle suppression causée par la peur. Il n’est pas de médecin qui ne puisse donner plusieurs observations semblables, et ces catastrophes affligeantes ne doivent-elles pas dicter à une mère ce qu’il faut faire pour les prévenir? On dit tant de choses aux enfants! que ne leur apprend-on ce qui doit se passer en eux? que ne les prévient-on contre la surprise, la tristesse, la frayeur et le danger auxquels les exposent la pudeur et l’ignorance?»

Chez beaucoup de personnes, la périodicité régulière de cette fonction ne s’établit qu’avec peine. Normalement, c’est tous les mois ou tous les vingt-huit jours que le retour des règles doit avoir lieu; mais il arrive souvent des intermittences, surtout au commencement.. C’est le cas de consulter un médecin et de voir si cet état ne tient pas à un principe maladif. Je ne saurais trop recommander aux mères de ne point écouter sur ce sujet les conseils des matrones, et de ne pas employer inconsidérément les remèdes qui passent pour jouir de vertus emménagogues. Souvent l’emploi de ces préparations est plus nuisible que profitable. Il n’est pas rare de rencontrer des filles, d’ailleurs bien portantes, chez lesquelles la menstruation s’établit tardivement, sans qu’on en puisse expliquer la cause. On cite même des femmes qui n’ont jamais été réglées et que cette particularité singulière n’a pas empêchées de devenir enceintes. Fabrice de Hilden parle d’une femme de quarante ans qui n’avait jamais été réglée, ni avant, ni après son mariage, et qui cependant était mère de sept enfants bien portants. Rœster donne l’observation d’une autre, mariée à un meunier, qui ne voyait jamais ses mois que pendant ses grossesses.

L’approche des règles s’annonce, en général, par un changement d’humeur, des coliques, de l’assoupissement, un poids et une chaleur insolites aux parties sexuelles, le gonflement et la sensibilité des seins.

La durée normale du flux est de trois à six jours. Le premier liquide qui s’écoule par la vulve est un mucus vaginal plus ou moins coloré de sang, le deuxième jour, c’est du sang à peu près pur. Vers la terminaison de la période, le sang s’éclaircit peu à peu.

La quantité de sang écoulé est fort variable. Les femmes sédentaires, oisives, ou celles qui ont un tempérament très-prononcé, en perdent beaucoup. Les femmes .grasses, indifférentes, ou très-occupées, ont un écoulement moins abondant; on évalue à 250 grammes ce que perd ordinairement chaque mois une femme bien réglée.

Il n’existe aucune différence entre le sang des règles et celui qui coule dans les vaisseaux. C’est à tort que Paracelse et d’autres savants anciens le regardent comme un poison, et ceux qui ont écrit qu’une femme dans cet état faisait mourir une vigne en la touchant, ou rendait un arbre stérile et un chien enragé, étaient de minces observateurs.

Pendant qu’une femme a ses règles, elle ne peut, sans le plus grand danger, s’éloigner des lois de la plus stricte hygiène. C’est surtout en ces moments que la moindre imprudence peut avoir des suites irréparables, et les mères ne sauraient trop en prévenir leurs filles. Il ne faut pendant ce temps ni s’exposer à la pluie, ni se mouiller les pieds, ni laver le linge, ni se baigner, ni toucher l’eau froide, ni descendre à la cave, ni, en un mot, s’exposer au changement brusque de température. Les grandes émotions, la peur en particulier, amèneraient les mêmes inconvénients qui sont en général, avec la suppression du flux, des contractures de membres, l’hypertrophie de tissus, les gastralgies, le défaut de nutrition, les maladies nerveuses, et tous les symptômes de a chlorose et de l’anémie. J’ai eu occasion de voir deux jeunes filles de bonne famille, l’une dans le nord de la France, l’autre dans le midi, qui avaient été atteintes de suppression pour être descendues à la cave pendant qu’elles avaient leurs règles. Chez l’une comme chez l’autre cet accident avait amené une contracture de presque toutes les articulations et l’impossibilité de se donner le moindre mouvement. La première guérit par l’usage des eaux thermales, la seconde n’a jamais pu se rétablir et traîne encore une vie languissante. Une autre jeune fille de la campagne, pour avoir passé un ruisseau nu-pieds, étant dans le même état, fut prise de danse de Saint-Guy à la suite de la suppression que son imprudence occasionna. Nous l’avons longtemps traitée à l’hôpital, elle n’a jamais pu être guérie.

Pendant que la menstruation s’établit chez les jeunes filles, un phénomène analogue se présente chez le garçon: c’est l’évacuation involontaire de sperme. Cette évacuation ne se fait pas, comme celle de la femme, à des époques régulières et éloignées, mais elle se présente souvent avec une fréquence et une abondance qui jettent le trouble dans l’esprit des jeunes gens. Les auteurs ont beaucoup exagéré ce que ce phénomène peut présenter de dangereux. Je crois volontiers avec eux que les pertes séminales continues et insensibles peuvent devenir une cause d’affaiblissement général. Je suis convaincu que les pertes provoquées par les manœuvres honteuses de la masturbation ont les plus funestes effets sur le développement physique et intellectuel de celui qui s’y abandonne; mais ma conviction est qu’on ne doit voir dans la pollution survenue pendant la nuit au milieu des incohérences des rêves, ou même pendant le jour quand on se présente à la selle, que le déversoir naturel de la pléthore spermatique si naturelle au jeune homme robuste, sanguin, plein de vie, dont les organes se forment en silence, tandis que son esprit suit les salutaires préceptes d’une austère continence. Presque toujours ces pollutions utiles sont copieuses, précédées de rêves agréables et ne diminuent en rien la force et l’énergie de celui qui les supporte, sans s’en apercevoir, autrement que par la maculation de sa chemise ou de sa couche.

Il faut donc prévenir les jeunes gens qu’ils n’aient pas à s’effrayer de ce phénomène; mais il est utile de leur faire comprendre en même temps que la spermatorrhée, qui est une maladie, touche de très-près à cette fonction naturelle et les exhorter à éviter les causes qui pourraient stimuler ou augmenter cette disposition. Ainsi la chaleur du lit, l’usage du thé ou du café le soir, la plénitude de la vessie, le décubitus dorsal devront être évités avec autant de soin que les lectures trop tendres, les pensées lascives, les regards obscènes pendant le jour, qui peuvent servir de thème à la fabulation nocturne du cerveau.

III. L’époque de la puberté n’est pas seulement une révolution dans les organes; elle en amène une aussi dans l’intelligence et jusque dans les profondeurs de l’âme humaine. Cette élévation subite de la vigueur organique à sa plus haute puissance augmente l’énergie des sensations, la force et la profondeur de l’esprit. Au moment de la puberté le cerveau se développe, les facultés intellectuelles s’accroissent, l’homme devient apte aux exercices les plus élevés de l’esprit et à l’accomplissement des plus nobles desseins.

Le système nerveux est alors doué d’une sensibilité et d’une amativité exquises que tous les sens tendent à exalter et à entraîner dans une voie qu’une raison faible encore évitera difficilement, si la science ne vient lui en faire connaître le danger.

Dès lors commence une lutte d’où dépend tout l’avenir du jeune homme, car celui-là seul acquerra toute sa valeur et toute la puissance virile du corps et de l’âme, qui en sortira vainqueur.

C’est à l’époque de la puberté que les qualités de l’homme prennent ce relief qui forme le caractère et qui révèle l’avenir. Comme un bienfaisant soleil, l’appareil génital dissipe les brouillards qui, dans l’enfant, voilaient l’homme, et fait éclore les germes jusque-là enfouis. Il apporte au corps et à l’esprit un surcroît de vie qui leur donne tout leur essor, en même temps qu’il transmet à l’âme toute sa puissance d’aimer et toute sa chaleur.

Une involontaire impulsion semble pousser l’adolescent vers les plaisirs de l’amour, mais ce n’est pas le désir des jouissances purement physiques ou animales qui domine, c’est surtout le cœur qui s’éveille et porte les jeunes gens à l’amour moral. Jusqu’alors ils n’avalent aimé que leurs parents, eux-mêmes ou leurs compagnons du même sexe, mais maintenant ces affections ne suffisent plus à leur bonheur, toute leur tendresse se porte vers une personne d’un autre sexe et du même âge. La vie leur semble impossible, à moins qu’ils ne soient unis corps et âme comme ils sont unis par les mêmes sentiments et les mêmes pensées.

Malheur à celui chez lequel cette époque de la vie ne développe point toutes les puissances de l’esprit et du cœur! il est à jamais condamné à végéter dans les rangs inférieurs de la société.

La puberté a quelque chose de plus remarquable encore chez la jeune fille; chez elle la métamorphose est plus complète et plus surprenante. La révolution qu’elle éprouve est telle, qu’elle diffère entièrement de ce qu’elle était. Pas un de ses mouvements, pas un de ses regards, pas une de ses paroles ne conserve le caractère de l’enfance. Il n’est personne qui n’ait été frappé de la chasteté de sensitive de la jeune adolescente, de sa timidité, de son embarras, de ses caprices; on voit que chez elle la pudeur et la coquetterie, ces deux puissants ressorts, agissent en sens contraire, jusqu’à ce que de leur combinaison naisse cet attrait puissant qui enchaîne l’homme à sa compagne.

Le temps des amours est le plus glorieux de la vie dans toute l’échelle des êtres. C’est alors que les plantes comme les animaux possèdent leur maximum de vie et de beauté.

Le corps des insectes, aux formes si variées et si merveilleuses, prend alors un nouvel éclat; des couleurs nouvelles et plus brillantes s’ajoutent à celles dont il brillait déjà ; il peut même, comme le ver luisant, devenir réellement lumineux et mériter qu’on dise de lui avec Cabanis, «qu’il porte, à la lettre, le flambeau de l’amour». Les écailles des poissons reflètent, avec une vivacité sans égale, toutes les couleurs nuancées du prisme; les oiseaux revêtent les plus éclatantes parures et leurs chants mélodieux animent l’univers, en lui communiquant leur ivresse et leur joie.

IV. Chez l’homme, l’ardeur de l’âme sensible est si grande, qu’elle consume les éléments destinés à l’entretien de la nutrition. Palleat omnis amans! s’écrie Ovide.

Quoique les organes sexuels se développent rapidement vers l’âge de quatorze à quinze ans, cependant ils ne sont aptes à exercer leurs fonctions chez la femme que vers vingt à vingt-cinq ans et chez l’homme que de vingt-cinq à trente. Jusque-là leur puissante action, stimulante et fortifiante, doit tourner au profit non de l’espèce, mais de l’individu. — Leur usage prématuré a les funestes conséquences que nous étudierons plus tard; il donne naissance à des enfants délicats et maladifs qui arrivent rarement à maturité, et il retarde le développement des parents, nuit à leurs forces, altère leur constitution et abrége leur vie.

Il importe donc extrêmement pendant la jeunesse de ne pas dissiper cette force en pure perte au profit d’une basse jouissance sensuelle, et de ne pas soustraire trop complètement l’homme à son influence, pendant toute les époques de la vie, parceque alors il tombe au-dessous de lui-même et meurt de bonne heure.

Combattre ses passions et vaincre ses désirs, c’est là le triomphe et la marque de la véritable énergie morale. C’est en s’exerçant à pratiquer ce précepte que les jeunes gens apprendront à devenir des hommes.

Nous, voyons qu’autrefois tous ceux dont on attendait quelque chose d’extraordinaire étaient obligés de s’interdire les jouissances de l’amour, tant on était persuadé que ces plaisirs ôtent à l’homme son énergie et qu’on ne saurait rien faire de grand lorsqu’on s’y livre avec excès.

Hufeland établit, comme une règle de conduite des plus importantes, le précepte suivant: Quiconque veut conserver sa santé et vivre longtemps doit s’abstenir de tout commerce avec les femmes jusqu’au mariage.

Les Germains, qui ne pensaient au commerce des femmes qu’à l’âge de vingt-quatre ou vingt-cinq ans, ne connaissaient aucun des inconvénients et des maux qu’on attribue de nos jours à la continence. Bien loin d’en souffrir, ils acquéraient une vigueur extraordinaire qui frappait les Romains eux-mêmes d’étonnement.

Maintenant on ne croit pas pouvoir se débarrasser assez tôt du fardeau de la chasteté, Longtemps même avant d’avoir pris tout leur accroissement, les jeunes gens dissipent déjà les forces que la nature destinait en eux à produire de nouveaux êtres. Il en résulte qu’ils ne deviennent point véritablement hommes, et qu’à l’âge où nos pères commençaient à faire usage des facultés reproductrices, ils sont pour la plupart épuisés; de sorte que les plaisirs de l’amour n’excitent plus en eux qu’ennui et dégoût, et qu’ils sont devenus incapables de sentir l’aiguillon d’un des stimulants les plus propres à répandre du charme sur l’existence.

Ce qui donnait aux chevaliers ce courage, cette vigueur, cette énergie de caractère, ce qui remplissait leur âme d’une noble ardeur et d’une fidélité à toute épreuve; en un mot, ce qui faisait d’eux de véritables hommes, c’était surtout leur chasteté exemplaire et le soin qu’ils avaient de ménager leurs facultés viriles. Leur jeunesse était consacrée aux grandes entreprises, aux exploits périlleux, et non aux plaisirs des sens. L’amour, au lieu de n’exciter en eux que des passions brutales, était un puissant mobile qui les poussait à des actions grandes et hardies. Chaque chevalier portait dans son sein l’image de sa bien-aimée; le serment de fidélité qui le liait à la souveraine réelle ou imaginaire de son cœur servait comme d’égide à sa vertu, et, en lui montrant de loin la douce récompense qu’il était tenu d’acheter au prix des plus rudes travaux, lui faisait une loi de la continence; ce qui non-seulement doublait ses forces physiques, mais encore donnait une nouvelle trempe à son âme. Quelque romanesques que ces idées puissent paraître, je trouve qu’il y avait beaucoup de sagesse à savoir tirer aussi habilement parti de l’instinct générateur, l’un des plus puissants mobiles de la nature humaine. Mais que les temps sont changés! Cet instinct qui, bien dirigé, faisait éclore le germe des vertus et de l’héroïsme, a dégénéré en dépravation morale. On ne cherche plus que des jouissances brutales; on s’y abandonne avant le temps prescrit par la nature, et on boit jusqu’à satiété dans la coupe du plaisir. La continence, sans laquelle l’homme ne saurait avoir ni moralité, ni caractère, est tournée en ridicule, et honnie comme un pédantisme hors de mode. Que ne cherchons-nous donc à nous rapprocher des mœurs de nos ancêtres!

Nous voudrions que tous les parents pussent mettre entre les mains de leurs enfants le traité que le savant Tissot a consacré au plus redoutable des fléaux de cet âge, l’onanisme. Assurément, si l’enfant ignore le danger de l’usage prématuré des organes sexuels, il ne saura pas gouverner cette puissance impérieuse contre laquelle une initiation scientifique et chaste l’aurait prémuni.

C’est ordinairement dans les grandes villes, dans les pensionnats, colléges, couvents, que cette funeste habitude promène ses ravages. Ses victimes ne sont que trop nombreuses, et soit qu’elle les prenne parmi les jeunes gens, soit qu’elle sévisse sur les jeunes filles, elle n’en est pas moins redoutable. L’onanisme, chez les garçons, s’appelle masturbation; il prend le nom de clitorisme dans l’autre sexe.

Les enfants adonnés à ce vice sont faciles à reconnaître. On les voit fuir la société de leurs camarades et les plaisirs de leur âge pour rechercher les lieux solitaires. Ils sont pâles, engourdis, craintifs, tristes, et marchent la tête base. Leur corps se courbe; leur figure s’amaigrit et s’étiole, leurs traits s’amincissent, leur esprit devient lourd, la mémoire s’affaiblit. Chez les jeunes hommes, les pertes ne tardent pas à devenir spontanées, et l’érection, ce signe de formation et de force, disparaît. Chez les jeunes femmes, les seins se flétrissent, et un écoulement fétide épuise la constitution. L’imbécillité et la folie sont un terme fatal où ils courent à pas de géant.

«J’ai vu, dit Zimmerman, un homme de vingt-trois ans qui devint épileptique après s’être affaibli le corps par de fréquentes masturbations. Toutes les fois qu’il avait des pollutions, il tombait dans un état d’épilepsie complet. La même chose lui arrivait après les masturbations, dont il ne s’abstenait pas, malgré les accidents et tout ce qu’on pouvait lui dire. Il eut enfin des accès dans les rues mêmes, et on le trouva mort un matin dans sa chambre.»

«J’ai eu le malheur, écrivait un malade, dès ma tendre jeunesse, entre huit et dix ans, de contracter cette pernicieuse habitude qui, de bonne heure, a ruiné mon tempérament; mais surtout depuis quelques années, je suis dans un accablement extraordinaire; j’ai les nerfs extrêmement faibles; mes mains sont sans force, toujours tremblantes, et dans une sueur continuelle; j’ai de violents maux d’estomac, des douleurs dans les bras, dans les jambes, quelquefois aux reins et à la poitrine, souvent de la toux; mes yeux sont toujours faibles et cassés, je maigris beaucoup et j’ai tous les jours plus mauvais visage.»

«Il n’y a pas longtemps, dit Tissot, qu’une fille, âgée de dix-huit ans, qui avait joui d’une très-bonne santé, tomba dans une faiblesse étonnante; ses forces diminuaient; elle était tout le jour accablée par l’assoupissement, et la nuit par l’insomnie. Elle n’avait plus d’appétit, et une enflure œdémateuse s’était répandue par tout le corps. Elle consulta un habile chirurgien qui, après s’être assuré qu’il n’y avait point de dérangement dans les règles, soupçonna la masturbation. L’effet que produisit sa première question lui confirma la justesse de son soupçon, et l’aveu de la malade le changea en certitude. Il lui fit sentir le danger de cette manœuvre, dont la cessation arrêta en quelques jours les progrès du mal.»

«Une autre demoiselle de douze à treize ans, dit le même auteur, par cette détestable manœuvre, s’est attiré une consomption avec le ventre gros et tendu, une perte blanche et une incontinence d’urine. Les remèdes l’ont soulagée, mais elle languit toujours, et je crains une suite funeste.»

Il serait facile de multiplier ces douloureuses confidences; j’aime mieux en appeler aux instincts généreux de la jeunesse pour éviter, dès qu’il leur sera signalé, un abus qui peut avoir de si funestes conséquences sur tout le cours de son existence.

Que de maux évite celui qui a pris de bonne heure la coutume de régler la passion de l’amour et de la soumettre à un sage contrôle! Chez lui les plus hauts sentiments croissent en force et les plus brillantes facultés acquièrent toute leur puissance et tout leur éclat. Il sait imposer silence à la voix des sens et surtout de celui de la génération, cette puissance créatrice dont la conservation est avant tout une source de vie pour l’individu, et dont l’usage déréglé est une source certaine de mort.

«Éprouve ton cœur, disait Pythagore, avant de permettre à l’amour d’y séjourner: le miel le plus doux s’aigrit dans un vase qui n’est pas net.»

Il importe d’autant plus de prévenir ce terrible vice, qu’il est plus difficile de le guérir, quand il s’est transformé en habitude. Les parents et les maîtres doivent donc mettre tous leurs soins à empêcher l’instinct générateur de se développer avant le temps fixé par la nature.

Le mal est si commun et se communique si rapidement, qu’il doit être l’objet des soucis continuels de tous ceux qui ont pour mission de veiller sur la jeunesse. On ne réussit à le prévenir que si, dans l’ordonnance de toutes les parties de l’éducation, on ne le perd jamais de vue.

Voici les conseils dont il importe le plus de tenir compte:

1° Ne pas donner aux enfants des aliments trop substantiels ou excitants (viandes noires, vin, café, etc.), surtout au repas du soir, et peu de temps avant le coucher.

2° Avoir bien soin de ne jamais les faire coucher sur un lit trop mou et trop chaud; éviter particulièrement les lits de plume et les édredons.

Ne les mettre au lit le soir qu’après qu’ils se sont fatigués à jouer.

Les lever le matin aussitôt qu’ils seront éveillés; l’habitude contraire est une des causes les plus fréquentes de l’onanisme, et jamais les enfants ne doivent rester éveillés dans leur lit.

Exiger d’eux que, jusqu’à ce qu’ils soient endormis, ils placent leurs mains sur leurs couvertures; leur faire prendre l’habitude de ne se coucher ni sur le ventre, ni sur le dos, mais sur le côté.

Ne jamais faire coucher plusieurs enfants dans le même lit.

3° Les lotions quotidiennes à l’eau froide, les bains tièdes en toute saison, les bains de rivière quand ils sont possibles, les jeux qui nécessitent du mouvement, la gymnastique, toutes choses dont il a été parlé ci-dessus, doivent simultanément aider à atteindre le but qui nous occupe. En effet, tous ces moyens amoindrissent l’excitabilité, régularisent la distribution des forces, et, les appelant sur les organes du mouvement qu’il importe de fortifier, les détournent de ceux dont il faut empêcher le développement prématuré. Aussi la vie sédentaire est-elle une des causes de ce mal.

4° Que les vêtements ne soient pas serrés autour de la taille des enfants, parce que la gêne de la circulation abdominale et l’engorgement qui en résulte sont dangereux.

Que la chemise et le gilet de laine qu’on fait porter l’hiver aux petits garçons n’aient pas trop de longueur.

Enfin que les pantalons ne soient ni trop étroits, ni portés trop tôt.

5° Les parents seront attentifs à ne pas éveiller eux-mêmes ce dangereux penchant par des discours ou des actes qui ne seraient pas de la plus rigoureuse décence; et jamais ils ne souffriront que des enfants, surtout de sexe différent, soient, en présence l’un de l’autre, entièrement dépouillés de leurs vêtements. Il est encore bien des parents qui n’attachent aucune importance à suivre ces conseils, et qui croient que l’innocence du jeune âge rend toutes précautions inutiles. Eh bien! qu’ils n’oublient jamais qu’on ne saurait impunément laisser s’affaiblir chez les enfants le sentiment de la pudeur, ce gardien naturel de la chasteté, et exciter leur curiosité sur des choses qu’ils ne doivent pas savoir.

On doit surveiller attentivement les lectures des enfants. Les sujets de leurs études ne sont pas toujours sans danger, et il vaut certainement mieux les occuper d’histoire naturelle que de la mythologie.

Il faut redouter la corruption par les nourrices, les servantes, les condisciples, etc., et exercer toujours sur eux une grande surveillance, car leur dépravation a perdu bien des enfants.

6° L’oisiveté est une des causes les plus ordinaires du mal qui nous occupe. Les enfants auxquels le jeu ne plaît pas, qui n’ont de goût à rien, qui passent d’une chose à une autre, changent à chaque instant de position, touchent leurs oreilles, leurs cheveux, balancent leur chaise, ou ont d’autres habitudes qui annoncent à la fois le désœuvrement de l’esprit et celui du corps, réclament de la part des maîtres une attention particulière. Car, dans l’engourdissement de l’esprit et le repos des fonctions organiques, il arrive souvent qu’on voit l’instinct sexuel s’éveiller.

7° Enfin, si, malgré toutes les précautions, ce malheureux défaut survient, il y a lieu d’examiner si ce n’est pas plutôt une maladie qu’un vice. Les vers intestinaux, le carreau, certaines affections de la peau, accompagnées de prurit, etc., peuvent en être cause. C’est alors une maladie qu’il faut combattre. Heureux les enfants, quand elle n’a pas duré assez de temps pour laisser après elle une mauvaise habitude enracinée et invincible!

De la Santé des gens mariés

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