Читать книгу La cour et la ville de Madrid vers la fin du XVIIe siècle - Marie Catherine d'Aulnoy - Страница 1

AVIS AU LECTEUR

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Ce livre méritait, à notre sens, d'être tiré de l'oubli où, depuis longtemps, il était tombé. Diverses circonstances ont contribué à le discréditer. Le nom de l'auteur, entre autres, n'a pas été sans influence à cet égard. En effet, madame d'Aulnoy s'est fait connaître surtout par des contes de fées et autres fadaises qui ne donnent point idée du véritable tour de son esprit. Elle ne manquait pas de finesse, savait observer et peindre, mais elle ne s'en doutait pas et, fort à tort, se croyait douée d'imagination. Nous ne saurions nous expliquer autrement la forme bizarre qu'elle a donnée à la relation de son séjour en Espagne. La fiction s'y mêle sans cesse à la réalité. Ainsi madame d'Aulnoy nous raconte en termes qui ne manquent pas d'agrément ses aventures de voyage. A chaque pas elle a maille à partir avec les gens du pays; les muletiers, les hôteliers s'efforcent à l'envi de la piller en sa qualité d'étrangère. Elle résiste à leurs exigences et finit par s'en débarrasser. Elle arrive à Saint-Sébastien. Jusque-là, rien que de fort naturel; mais, au moment de se coucher, elle aperçoit un rayon de lumière qui filtre à travers la muraille; elle regarde et voit deux jeunes filles qu'un vieillard maltraite cruellement. Elle s'en étonne, va les trouver, et apprend ainsi leur lamentable histoire. A quelques jours de là, elle se trouve mêlée à des événements non moins romanesques. Le lecteur, surpris, se demande ce qu'il doit en croire. A la fin, il s'aperçoit, non sans humeur, que madame d'Aulnoy lui fait des contes.

Est-ce une raison de jeter le livre? Nous ne le pensons pas. Ces contes sont de simples intermèdes, destinés dans la pensée de l'auteur à délasser l'attention de son public. Tournez la page, et vous verrez qu'elle en revient à ses propres affaires sans plus se souvenir des personnages qu'elle a mis en scène. Elle parle des méchants gîtes qu'elle trouve, de la chère abominable qu'on lui fait faire, de l'accueil qu'elle reçoit à Madrid. Elle va visiter les dames de la Cour, assiste à leur toilette, s'enquiert avec un intérêt bien naturel de leurs ajustements, de leur genre de vie, de leurs affaires de ménage. Elle recueille, en passant, les histoires scandaleuses du jour. Elle a l'honneur d'être présentée aux deux Reines, et, comme elle parle le castillan, elle ne tarde pas à se mettre au fait de toutes les intrigues du palais. A ce point de vue quelque peu frivole, elle observe bien, mais il ne faut point l'en tirer. Ne lui demandez pas son opinion sur la politique de Philippe II, ni sur les causes de la décadence de l'Espagne. Elle n'en sait rien et ne s'en soucie guère. En revanche, elle saisit au vol les physionomies, les rend nettement, et arrive ainsi, sans y songer, à composer un tableau fort curieux de la Cour et de la ville de Madrid. Nous devons l'avouer, les détails qu'elle nous donne sur les mœurs des Espagnols sont parfois tellement extraordinaires qu'on hésite à la croire sur parole. Ce doute nous laissait un devoir à remplir. Il fallait, nous assurer du degré de confiance que méritaient ses assertions.

Nous avons consulté, dans cette pensée, les relations de voyage, les mémoires et les ouvrages qui se rapportent à cette époque. L'impression qui nous en est restée est favorable à madame d'Aulnoy. Néanmoins, nous n'oserions point nous prononcer si nous n'avions encore une autre preuve de sa véracité. En effet, ces mœurs, qui nous semblent si fort étranges, se sont perpétuées jusqu'à nos jours; du moins, nous en trouvons encore maints vestiges. Les témoignages de nos contemporains ne nous laissent aucun doute à cet égard. Nous citerons, entre autres, celui du vicomte de Saint-Priest, ambassadeur de Sa Majesté Charles X en Espagne. Nous avons recueilli dans des notes ces divers renseignements, qui non-seulement confirment, mais encore accentuent souvent les traits les plus piquants de ces récits. Nous avons corrigé quelques erreurs, ajouté des éclaircissements qui nous semblaient indispensables.

Nous avons, d'ailleurs, conservé au livre sa physionomie, nous avons ainsi respecté jusqu'aux négligences de style. Les contes de madame d'Aulnoy ne méritaient assurément pas de tels ménagements. A tout hasard nous les avons conservés, seulement nous en donnons le texte entre guillemets. Nous avertissons ainsi le lecteur et l'engageons à se contenter de les feuilleter. Madame d'Aulnoy ne nous pardonnerait vraisemblablement pas la liberté de ce conseil, mais les curieux de notre temps nous en sauront gré, nous l'espérons, du moins.

La cour et la ville de Madrid vers la fin du XVIIe siècle

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