Читать книгу Le jardinier des appartements, des fenêtres, des balcons et des petits jardins - Maurice Cristal - Страница 4
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Le goût des fleurs se vulgarise chaque jour davantage. Ce n’est point un engouement, une mode; c’est un sentiment inspiré par la nature et infiltré dans les mœurs; c’est le besoin de plaisirs délicats, de jouissances pures et simples que chacun veut satisfaire, ce qui, maintenant, s’obtient sans peine, grâce à la modicité des prix que nous procure le perfectionnement incroyable apporté au jardinage de commerce.
En France, la floriculture qui est la plus attrayante des subdivisions de l’horticulture, obtient une préférence signalée.
Malheureusement, pour l’agrément des villes et pour la santé des habitants, on commence à chasser des cités les jardins et les arbres. Les propriétaires calculent qu’une maison, avec de hauts étages, encombrant de pierres les moindres espaces, rapporte plus que les jardins, et, si l’on n’y prend garde, avant peu, il n’y aura plus un seul jardin dans les villes grandes ou petites de France.
II
A Paris, les jardins diminuent chaque jour. Le moellon et la pierre de taille les chassent sans pitié. Bientôt nous n’aurons plus que les squares et les jardins publics. Bien des parcs, même aux portes de la capitale, ont été convertis en champs de pommes de terre ou affectés à la culture de la betterave. Le jardin de Tivoli, qui occupait l’emplacement de l’embarcadère du chemin de l’Ouest, et qui, partant de la rue Saint-Lazare, s’étendait jusqu’au parc de Monceaux, Tivoli a disparu. Les beaux arbres, les jardins des Capucines et de l’hôtel d’Albe viennent de tomber pour faire place à d’immenses maisons; les jardins du boulevard du Temple ne sont plus qu’un mythe; Monceaux, un des parcs les mieux dessinés de France, est envahi par la construction et, réduit aux proportions mesquines d’un square de carrefour, passe à l’état de souvenir.
Il y a quelques années seulement, dans les rues les plus sombres et les plus étroites, on apercevait, soit à Paris, soit en province, à travers la grille, des marronniers plantés en quinconce, de longues allées ombragées et mystérieuses, de vastes pelouses qui laissaient l’air et la lumière se jouer aux façades d’un hôtel antique, ou d’un couvent déserté. Dans les maisons modestes, il y avait toujours le petit jardin réservé. Au fond s’abritait la maisonnette, tapissée de lierre et de vigne; dans les volières, les oiseaux chantaient; sur les gazons se roulaient en riant des groupes enfantins, et le jet d’eau en miniature grésillait doucement près des rosiers couverts de fleurs, où furetait le chat familier.
Tout cela est disparu. On trouve encore quelques grands arbres survivants. Dans la cour de la maison des bureaux du journal le Siècle, on en a conservé un, il monte à la hauteur du quatrième étage. Ce sont là les derniers débris de ces allées de grands arbres, ornements séculaires des jardins qui donnaient une physionomie si gaie et si calme à la fois à la plupart des quartiers de Paris, aujourd’hui si mornes et si désolés avec leur façade de pierre.
III
Cependant, le goût des fleurs augmente, mais aujourd’hui, quand on veut un jardin, on l’achète hors de la ville. Dans la ville on se rejette sur la culture familière des fleurs à la fenêtre et dans l’appartement.
Pour obtenir du succès, la culture de ces jardins aériens réclame des précautions, des soins, toute une petite science qui ne s’acquiert qu’à la longue. Pour éviter l’ennui de toutes ces expérimentations, nous allons étudier les conditions les plus favorables à la végétation de ces jardins familiers. Nous dirons les moyens les plus simples, les plus économiques et les plus sûrs d’obtenir de la verdure, des fleurs et même des fruits dans ces circonstances exceptionnelles. Nous indiquerons les plantes qui subissent le mieux ce genre de culture; nous dirons aussi la manière de les placer pour qu’on en obtienne le plus bel effet.
Tel est le but de notre livre. On rapporte qu’un droguiste, étant convaincu qu’avec de l’eau et de la farine, un blanc d’œuf et quelques autres ingrédients, on pouvait faire du lait, se mit un beau jour à composer, avec toutes ces substances combinées dans les proportions voulues, une mixture qu’il enferma dans une bouteille. Le mélange devenant blanc, le droguiste s’écria: «Quel beau lait!» Il le goûta et le trouva parfait pour la pratique. Les chalands vinrent et goûtèrent à leur tour; mais ils ne partagèrent pas l’opinion du droguiste et la mixture ne trouva pas d’acheteurs.
En toute honnêteté, je puis le dire, ce livre n’est point fabriqué comme le lait du susdit droguiste. Ce n’est point un livre de science, mais un livre d’art à propos de la botanique ornementale appliquée à l’embellissement de nos demeures. Les considérations morales qui ressortent de toutes choses, ne manquent pas dans cette question, jugée à tort futile, des jardins d’appartements et de fenêtres; nous les indiquerons à l’occasion. La partie technique de la culture sera touchée avec tout le détail que comporte un semblable sujet. Mais, comme tout est sérieux, même la futilité, nous mêlerons, par-ci par-là, quelques traits qui puissent dérider le lecteur affadi par la technologie horticole. Si l’on nous accuse d’avoir mal à propos tenté de mêler. l’agréable à l’utile, nous nous défendrons en disant qu’il ne faut jamais mépriser les frivolités qui tendent à amuser un peu tout le monde; â ceux qui trouveront que les apparentes frivolités sont déplacées dans notre livre, sous prétexte que ce sont là les preuves d’esprit de ceux qui n’en ont guère, nous répondrons que nous ne voulons, en aucune manière, faire preuve d’esprit et qu’en tous cas nous pensons avec Talleyrand que ceux qui n’ont guère d’esprit en ont toujours plus que ceux qui n’en ont pas.
Muni de nos conseils, cher lecteur, mettez-vous à l’œuvre hardiment: mais gare les sottises!
Sachez bien ce que vous faites, autrement il vous adviendra comme à la dame de Bayeux qui avait pris à son service un grand garçon dont on lui avait garanti la probité, tout en faisant des réserves graves quant à l’intelligence.
— La probité, voilà l’essentiel, dit la dame; quant au reste, je le formerai, et elle sort en voiture pour faire des visites.
— Germain, s’écrie-t-elle, mes cartes, les avez-vous?
— Oui, madame.
— Bien!
Germain prend place derrière la voiture, les visites commencent, et dans chaque maison où les maîtres sont absents, la dame fait déposer deux cartes, et ainsi de suite pendant quinze visites. A la seizième, la dame interpelle son domestique:
— Germain, ici vous remettrez trois cartes.
— Impossible, madame.
— Et pourquoi?
— Madame, c’est qu’il ne m’en reste plus que deux, l’as de trèfle et le sept de pique.
Vive les gens d’intelligence!
Tâchez, cher lecteur, de n’en point manquer et rendez-vous bien compte de vos moindres opérations. Si vous plantez en hiver ce qui doit être planté en automne, si vous égarez dans votre mémoire les conseils des horticulteurs, si vous confondez les sacs où sont vos graines, si vous ne mettez pas les qualités de terre recommandées, etc., etc., vous êtes sûr de votre affaire.
— Papa Doliban, dit Danières, j’avais planté des pommes de terre dans mon jardin; savez-vous ce qui est venu?
— Parbleu, répond Doliban, voilà une belle question! il est venu des pommes de terre.
— Point du tout, il est venu des codions qui les ont mangées.
Voilà, lecteur, ce qui vous adviendra si vous jardinez à la légère et la tête en l’air, le nez au vent, sans réfléchir au soleil, à la pluie, au temps, au terrain, à la dépense, aux oiseaux du ciel et aux voisins.
IV
Afin d’établir un peu d’ordre dans nos élu des, nous examinerons séparément:
1° Les ustensiles et le matériel;
2° Le jardinage dans l’appartement;
3° Le jardinage à la fenêtre;
4° Les petits jardins;
5° Le commerce des fleurs et quelques généralités de la culture d’appartement et de fenêtre;
6° La pisciculture dans les plantes aquatiques d’appartement et de fenêtre.