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ÉVIAN-LES-BAINS (SITUATION, ORIGINE). — LA VILLE MODERNE (MONUMENTS, HÔTELS, VILLAS). — PARTICULARITÉS.

Il est quelque part un coin de terre béni, où chaque année, pendant la belle saison, de tous les pays du monde, accourent voyageurs, touristes et malades.

Les uns viennent y admirer des sites incomparables ou s’y reposer de leurs fatigues au retour d’excursions, les autres se vivifier au souffle des brises légères et aux sources d’une eau merveilleuse.

Nulle contrée plus séduisante pour solliciter l’admiration, nulle atmosphère plus pure à respirer. Là, en juillet, août et septembre, tempérées par une agréable fraîcheur, les ardeurs estivales sont allégrement supportées; là, éclate sous les pas une magnifique végétation, resplendit dans l’azur du ciel une radieuse clarté, qui vient se refléter sur des eaux miroitantes et dorer les cimes d’alentour. Vrai charme des yeux, repos du corps et quiétude de l’esprit!

Ce coin privilégié, que l’on découvre avec enthousiasme, que l’on retrouve avec bonheur et reconnaissance, d’où l’on s’arrache avec peine une fois qu’on en a pris possession, est-il donc au bout du monde? Faut-il, pour l’atteindre, franchir les océans lointains, aborder des continents nouveaux, affronter les steppes et les sa-haras?

Point n’est besoin; il est à notre porte, et il nous tend les bras... de sa petite mer. Hâtons-nous de le visiter. Sans quitter notre belle France, en quelques heures de chemin de fer et de bateau à vapeur, nous y parviendrons ai-sèment; arrivés au but, nous n’aurons point à regretter notre déplacement.

Voulez-vous, ami lecteur, me suivre dans l’ancienne province de Gavot? En votre aimable compagnie, je me ferai un plaisir de vous montrer son ex-capitale et de vous en faire les honneurs.

— Gavot? — me direz-vous. — Où prenez-vous ça?

— Mais, chez nous, cher Monsieur. Dans le département de la Haute-Savoie.

— Eh quoi! Au pays des Savoyards?

— Sans doute, ne vous déplaise! Du reste, rassurez-vous; nous laisserons, si vous le voulez bien, le Mont-Blanc de côté.

Coquettement assise sur les bords du Léman, la petite ville d’Évian s’élève en amphithéâtre, sur les premiers gradins qui viennent baigner dans le lac. Rien de curieux, de frais, d’élégant, comme l’aspect de la cité, quand celle-ci apparaît aux regards du spectateur, placé à l’avant du bateau entrant dans le port.

Les hôtels tout neufs, les villas somptueuses, les vieilles constructions déroulent devant l’œil surpris leurs façades éblouissantes ou pittoresques, qui émergent du sein de la verdure.

Çà et là, les pignons, les tourelles, les clochetons s’enlèvent et dansent, tout autour du vieux clocher, surmonté d’une lanterne. Si ce n’étaient les baies des fenêtres largement ouvertes, les toits pointus et ardoisés, on se croirait en présence de quelque ville orientale, dont les moucharabiehs seraient remplacés par des vérandas, des loggias et des balcons de pierre ornés de cariatides.

L’origine d’Évian se perd dans la nuit des temps, ainsi que celle d’une infinité de bourgades, ayant pris naissance dans une position exceptionnelle et passé successivement sous la domination des Barbares et des Romains.

On a attribué au vieux mot celte Eva, Evoua, qui veut dire eau, le nom qui par corruption est devenu Évian.

A ses débuts, ce n’était sans doute qu’un modeste village, habité par des familles de pêcheurs; de même qu’aujourd’hui encore les hameaux de Grande - Rive et de Petite-Rive, situés à proximité au bord du lac, donnent asile à de nombreux bateliers, qui tirent du produit de la pêche le plus clair de leurs ressources.

A l’époque lointaine de l’occupation romaine, la cité reçut, sous le règne de Valentinien, un gouverneur chargé de rendre la justice; ce qui fait supposer déjà un certain développement.

Pendant la période troublée du moyen âge, cette ville, excitant la convoitise des seigneurs féodaux du pays, fut bien des fois livrée à leurs déprédations et saccagée. Les vieilles chroniques rapportent qu’en 1237, un Pierre, comte de Savoie, la fit rebâtir et fortifier à l’aide d’une citadelle défendue par une enceinte.

Trois cent cinquante ans plus tard, vers la fin du seizième siècle, l’antique Aquatium des Romains eut à subir un siège terrible, en même temps que Thonon sa rivale, et fut, un mois après, emporté d’assaut par les troupes du roi de France, qui le pillèrent, le brûlèrent et l’anéantirent de fond en comble.

C’est à peine si, de nos jours, quelques vieux pans de mur, quelques vestiges, rongés par l’action du temps, subsistent encore pour attester la douloureuse épreuve du fer et du feu, par laquelle la noble cité a passé !

Le nom du sire De Blonay (qui était alors syndic de la ville) s’est cependant conservé jusqu’à nous; et on peut dire qu’il est resté justement révéré, dans la mémoire reconnaissante de ses habitants. Chose bien naturelle, en vérité, puisque la très ancienne famille des Blonay fut la providence d’Évian, qui lui doit une bonne partie de sa prospérité actuelle. De leur ancien manoir gothique, convenablement restauré par le dernier propriétaire, qui, à sa mort, en a généreusement fait don à la ville, dépend une tour carrée, vieux donjon féodal, dressant encore aujourd’hui sa fière façade crénelée, où grimpent audacieusement la bignone et la clématite. Actuellement le castel a été transformé en un superbe casino, aux allures seigneuriales; et c’est ainsi que le son des violons a doucement succédé au cliquetis des armes!

Du reste, là ne s’est pas borné le progrès. L’Évian moderne, pour se mettre au niveau du goût éclairé de ses nombreux visiteurs, s’est singulièrement métamorphosée. L’humble chrysalide a dépouillé son enveloppe grossière pour devenir un brillant papillon, aux ailes diaprées! C’est maintenant une charmante petite ville, chef-lieu de canton de 3,000 âmes, appelée, par sa position ravissante au bord du Léman, à prendre une rapide extension.

Si l’on se reporte à trente ou quarante ans en arrière, ce n’était qu’un médiocre bourg, traversé dans sa longueur par une rue étroite, irrégulière, atrocement pavée, où l’on accédait des rives du lac par des pentes rapides. La grande rue est restée, les pentes n’ont pas varié ; mais de coquettes villas, de somptueux hôtels, des castels élégants se sont élevés, comme par enchantement, dans le haut et le bas de la ville, et lui ont donné un cachet véritablement aristocratique, qui lui permet de rivaliser avec les stations thermales les plus réputées.

A peine connues naguère, les eaux d’Évian étaient appréciées de quelques personnes seulement, qui venaient là passer la belle saison, pour se reposer à l’ombre des frais ombrages et respirer un air pur, plutôt que pour suivre un véritable traitement. Mais la délicieuse thébaïde s’est bien vite peuplée: la mode s’en est mêlée, un courant s’est établi, augmentant peu à peu d’intensité ; et, ta vogue aidant, la prospérité n’a pas tardé d’apparaître.

C’est par milliers que, chaque année, se compte actuellement le nombre des étrangers, qui viennent demander à ses eaux le bénéfice d’une cure bienfaisante. En pleine saison, les hôtels regorgent de voyageurs; les maisons meublées, les chambres particulières sont partout mises à contribution, et il devient difficile de se loger.

On voit alors, mélancoliques, errant au hasard, un monceau de bagages à la main, des familles entières arrivées par le train ou le bateau, qui cherchent en vain à se caser. Examinez à ce moment les mines des hôteliers, et vous les trouverez rayonnantes. Ces messieurs jubilent en supputant d’avance la somme de leurs bénéfices. Par contre, rien de drôle comme leur visage, après deux journées de pluie, qui ont mis en fuite les oiseaux de passage; on le voit aussitôt se renfrogner, puis s’allonger, si l’examen du ciel ne paraît pas favorable.

En attendant qu’il s’en construise d’autres —et cela ne saurait tarder, car le développement de la ville ne répond plus qu’imparfaitement aux nécessités actuelles — il existe à Évian un certain nombre d’hôtels. Quelques-uns, tout à fait confortables, passent à bon droit pour être de premier ordre et sont admirablement situés.

Le Grand Hôtel des Bains, tout en haut de la ville, communiquant par des jardins en terrasses avec l’ancien établissement, occupe une situation unique, au centre d’une vaste plate-forme élégamment décorée. Du haut de son belvédère, on découvre sur le lac et sur la montagne un superbe panorama.

C’est le rendez-vous du monde select, des célébrités et des gens cossus. Une société choisie, triée sur le volet, y passe paisiblement ses journées, en grand décorum, et s’y délecte, à certaines heures, en entendant de la musique donnée sous un kiosque. Là, l’air est d’une idéale pureté, et, quand le temps est beau, il y fait bon vivre. Mais les abords de l’hôtel sont un peu difficiles, car ils nécessitent une véritable ascension; celle-ci, répétée plusieurs fois par jour, ne laisse pas de fatiguer. En cas de pluie ou de vent, c’est bien pis! A cette hauteur l’air est vif, et l’humidité de l’atmosphère vous oblige à ne pas mettre les pieds dehors.

Le Grand Hôtel d’Évian, situé plus bas à proximité du lac, et à deux pas du ponton des bateaux à vapeur, est également très apprécié des baigneurs, qui y trouvent réunis tout le luxe et le confort désirables.

Vient ensuite le Château gothique, élégante construction moderne, côte à côte avec le casino, et d’où l’on jouit sur le lac d’une vue très belle, en face d’Ouchy-Lausanne.

L’Hôtel de Fonbonne restauré à neuf, sur l’emplacement d’un ancien manoir, a également fort bonne figure et fait avec le précédent un digne pendant.

Dans l’intérieur de la ville et disséminés dans la grand’rue, sont les hôtels de France, du Nord, de la Paix, des Alpes, de Vandaux, des Étrangers, des Voyageurs, etc., qui certes n’ont pas la prétention de soutenir la comparaison avec les premiers; mais où l’on est heureux de trouver le couvert et le vivre, et dont les prix sont sensiblement inférieurs à ceux des grandes maisons.

La société qu’on y rencontre n’est pas, il est vrai, aussi distinguée, les personnes qu’on y coudoie, à table d’hôte et dans les corridors, ne sont sans doute pas toutes millionnaires; mais elles sont peut-être plus affables et en somme d’un commerce plus agréable. On y voit beaucoup de Français et, à nos yeux, ce n’est pas là un mince mérite. Il y a, Dieu merci, assez d’Anglais, d’Allemands et d’Italiens en Suisse et ailleurs; et rien n’est désagréable, pour nos oreilles un peu délicates, comme d’entendre du matin au soir, soit siffler la langue de Shakespeare, soit hacher de la paille allemande.

Parlerai-je des restaurants, des cafés, des brasseries, de toutes ces officines enfin que la civilisation a inventées, pour mettre notre pauvre estomac à une rude épreuve? Dame! Nous ne sommes pas ici sur le boulevard, ne l’oublions pas. Nous y chercherions en vain quelque Bignon, Durand ou Brébant.

Naturellement chaque hôtel a son chef, sa table d’hôte, son restaurant, son café, ses clients. Le service est plus ou moins luxueux, plus ou moins parfait; les menus varient à l’infini sur la carte du jour, empruntant à la science des Carème et des Vatel leurs titres les plus pompeux. Mais, faut-il l’avouer, la nourriture est à peu de chose près partout la même, ni bonne ni mauvaise. On n’y fait pas précisément maigre chère, mais on ne s’y régale pas non plus; comme du reste dans la plupart des tables d’hôte de villes d’eaux.

Quant aux cafés proprement dits, ils font défaut; et, en dehors du casino, il n’existe pas un seul endroit où le fumeur puisse passer sa soirée en agréable société. Il est vrai qu’avec les nécessités du traitement, on ne veille pas tard, en général, et qu’après les fatigues de la journée, chacun éprouve de bonne heure le besoin de se reposer.

La Vie à Évian-les-Bains

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