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CHAPITRE II

Table des matières

CATASTROPHE. —VOYAGE DE L’AUTEUR EN PROVENCE. — HISTOIRE D’ARNAUD CATELAN.

Hélas! quelques jours après notre promenade au bois de Boulogne, madame C..., cette charmante femme, était enlevée avec la rapidité de la foudre à la tendresse de toutes les personnes qui la connaissaient et savaient l’apprécier.

Je cherchai à me distraire de la perte de mon excellente amie en réalisant le vœu qu’elle avait exprimé, de me voir écrire l’histoire du troubadour provençal. Je me décidai à aller faire un voyage en Provence, afin de recueillir sur les lieux mêmes les renseignements qui m’étaient nécessaires pour écrire la vie d’Arnaud Catelan.

Secondée dans mes recherches par un aimable homme, habitant la Provence de père en fils depuis des siècles, et possédant une bibliothèque immense, où se trouve consigné l’historique de ce beau pays si brillant, surtout à l’époque de Béatrix et des troubadours, il me tomba sous la main des notes qui m’aidèrent à me diriger dans ce temps si éloigné de nous.

Voici le résultat de mes recherches:

On a écrit l’histoire d’un grand nombre de troubadours, un seul a échappé à l’attention; le hasard vient de me faire connaître combien était digne cependant d’un meilleur sort ce jeune homme, qui sut avec tant de philosophie, de courage et de talent, supporter les diverses vicissitudes de la fortune. Un caractère aventureux joint à un physique remarquable, dans un temps où la beauté personnelle était au nombre des plus grands avantages; ce qui excitait à la fois la jalousie des hommes et la bienveillance des femmes.

La naissance d’Arnaud Catelan est voilée de mystère. Il fut confié comme page à Béatrix, comtesse de Provence, à l’âge de quatorze ans, par un chevalier croisé, qui paraissait avoir pour lui la plus tendre affection; il devait le reprendre à son retour de la guerre des Sarrasins, mais il ne revint jamais, et jamais le nom de ce chevalier n’a été prononcé.

Le jeune Catelan était doué d’un naturel charmant; il jouait admirablement du luth et possédait une voix délicieuse; il avait le don de la poésie, qui dans ce siècle était vivement appréciée et même cultivée par toutes les personnes d’une classe élevée; son éducation et ses études avaient été très-soignées par son protecteur, qui parlait plusieurs langues. Le jeune Arnaud et la comtesse de Provence n’en parlaient qu’avec le plus profond respect, ayant entièrement perdu l’espérance de le revoir jamais et se doutant bien qu’il était sans doute tombé au nombre des victimes des Sarrasins.

Arnaud dut choisir une profession; ses talents, sa facilité à parler plusieurs langues, ses connaissances dans les sciences exactes, lui ouvrirent toutes les carrières, et la haute et puissante protection de sa bienfaitrice aplanissait toutes les difficultés. Il se tira, quoique bien jeune encore, avec beaucoup d’honneur, de plusieurs négociations fort délicates dont il fut chargé par la princesse, qui alors lui donna toute sa confiance et conçut pour lui le projet d’un riche et bel établissement. Dans cette intention, elle l’envoya chez un châtelain dont la sœur, femme aussi aimable que belle, avait été son amie d’enfance; elle souffrait beaucoup d’une cruelle mésintelligence, qui durait depuis plusieurs années, avec le chevalier Robert de Castelneau; elle désirait vivement mettre un terme à un procès qui avait interrompu ses. relations d’amitié avec Marguerite de Castelneau, sœur du cauteleux chevalier.

L’avocat troubadour parvint tellement à charmer le chevalier processif et sa sensible sœur, qui était cependant la plus intéressée dans ces débats, que, quelques jours après son arrivée dans la châtellenie, le traité de paix et le pacte d’alliance furent signés à la fin d’un banquet où le jeune poëte avait chanté toute la procédure en s’accompagnant de son luth.

Cependant, le chevalier dit qu’il y mettait une condition qui ne devait être connue que de la princesse; et Arnaud en partant fut chargé pour elle d’une lettre close.

Le sage et discret Amanieu, vieux troubadour, ami du châtelain, qui avait pour lui la plus haute estime, mais que l’on voyait rarement hors du lieu solitaire de ses travaux, était cependant venu passer un jour chez le châtelain; il apprit avec plaisir la fin de cet interminable procès, un léger sourire traversa sa barbe blanche et épaisse en voyant fermée la lettre close confiée au jeune troubadour. Catelan l’avait vivement intéressé par le génie et la facilité de ses improvisations.

Marguerite lui donna pour souvenir un flacon de parfums exquis, dont elle avait seule la recette, parce que seule elle cultivait les fleurs dont il était le produit. Elle en faisait hommage à Béatrix de Provence, et éprouva le plus vif regret de voir s’éloigner le jeune ambassadeur.

Son retour à la cour de la comtesse fut pour ainsi dire un triomphe. Elle employa tous les moyens qui furent en sa puissance pour lui témoigner sa satisfaction d’avoir si heureusement et si promptement terminé un différend qui lui avait causé beaucoup de chagrin, puisque toutes les tentatives qui avaient été faites à cet égard par des hommes du plus grand talent avaient échoué.

Armand Catelan, ou Le troubadour provençal au Bois de Boulogne, XIIIe siècle

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