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III

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Table des matières

Une ère de prospérité et de bonheur s'ouvrit pour Chausserouge. Maria était en effet la femme forte, accoutumée aux privations, aux misères et aux fatigues du Voyage qu'il s'était figuré; la vieille mère, qui bien à contre-coeur et sur la prière du dompteur, avait renoncé à son métier de bonne-ferte, l'aidait dans les soins du ménage.

Elle avait pris goût à la profession de son gendre et elle s'était instituée l'infirmière des animaux malades.

Aidée par sa grande connaissance des simples, possédant les recettes traditionnelles de ceux de sa race, elle acquit bientôt sur tout le Voyage une réputation de guérisseuse telle qu'on venait la chercher des ménageries voisines dès qu'une bête ne mangeait plus ou donnait des signes de maladie.

Son concours fut à Chausserouge d'une utilité d'autant plus grande qu'il ne perdait jamais une occasion d'augmenter sa collection.

Quelques campagnes heureuses lui avaient permis de reconstituer à peu près son capital; il en profita pour acheter une lionne, puis deux hyènes, puis une panthère.

La lionne mit bas, et deux lionceaux, qu'il fit élever par une chienne Terre-Neuve, furent la souche de toute une génération.

Sans demander plus de conseils aux spécialistes du métier qu'il ne l'avait fait jadis pour les loups et les ours, Chausserouge se livra à l'éducation de ces nouveaux pensionnaires, dont il ne connaissait ni les habitudes, ni le caractère, avec la même insouciance et la même énergie qu'autrefois.

Un succès pareil couronna son effort.

Bref, il eût été complètement heureux s'il fût né un enfant de son union avec Maria.

Un enfant dont il aurait fait un monsieur, que, selon son expression, il aurait mis dans la «diplomatie», c'est-à-dire à qui il eût donné une profession libérale, celle de médecin ou d'avocat, par exemple.

Un enfant dont il pût, dans ses vieux jours, être fier et qui n'aurait pas besoin de traînailler comme lui par les routes pour gagner son pain.

Combien de fois n'interrogea-t-il pas à cet effet sa belle-mère, qui passait à consulter ses cartes tout le temps que lui laissait ses multiples occupations.

—Tu auras un fils, lui répétait toujours la vieille, mais ne désire pas trop sa venue, qui sera pour toi le signal d'un grand malheur!

Et si Chausserouge insistait pour savoir de quelle calamité il était menacé:

—Les cartes ne le disent pas. Elles parlent d'un malheur, voilà tout!

La prédiction de la vieille se réalisa. Maria devint enceinte après six ans de mariage et accoucha d'un fils, mais une fièvre puerpérale consécutive à son accouchement se déclara et l'enleva en trois jours.

La douleur de Chausserouge fut immense.

Une épidémie décimant ses animaux, même la déconfiture complète le remettant au point d'où il était parti, l'eût trouvé ferme et résigné, prêt à recommencer la lutte, mais l'irrémédiable catastrophe qui l'atteignait brisa son courage en ruinant son espérance.

Six années durant, Maria avait été la compagne dévouée, l'assistant dans ses déboires, l'aidant dans ses entreprises.

Désormais, une place allait rester vide éternellement, qui lui rappellerait son bonheur passé; lui, qui sans appui était parvenu à se créer une situation indépendante et enviable, il se sentait à présent isolé, faible, comme si le génie qui avait présidé à sa fortune l'eût pour toujours abandonné.

Il se sentait vaincu et perdait toute foi dans l'avenir.

La vieille mère se montra plus forte. Après l'abattement du premier moment, elle se releva plus courageuse, plus fataliste que jamais.

—Ainsi l'a voulu la destinée! disait-elle.

Et elle lui montra le petit François, dont l'éducation restait à faire.

C'est pour celui-là que maintenant il allait falloir travailler.

Le père, désolé, prit l'enfant dans ses bras et tout en conservant gravé éternellement dans son coeur le souvenir de sa chère Maria, il reporta sur l'être chéri, dont la venue tant désirée avait coûté si cher, toute l'affection dont il était capable.

Il se remit au travail avec plus d'acharnement que jamais, voulant oublier; il se plut aux exercices les plus audacieux, tels qu'il n'aurait pas osé les tenter auparavant, et il dépassa en prouesses les dompteurs les plus fameux.

Il se lançait avec une sorte de furie dans les aventures les plus hardies, étonnant par le stoïque mépris de la mort, le sang-froid avec lequel il s'exposait au danger.

Quelques jours avant la mort de sa femme, il avait reçu d'un marchand d'animaux deux superbes tigres royaux adultes, qu'il avait baptisés Jim et Toby.

Personne n'avait encore osé pénétrer dans leur cage et chaque jour il remettait au lendemain cette dangereuse expérience.

Un soir, qu'il venait de terminer différents exercices dans la cage centrale, devant une assistance nombreuse, il eut l'idée, soudain, d'affronter les deux terribles fauves.

Au lieu de se retirer, comme il avait l'habitude de le faire pour permettre de faire passer dans des cages voisines les animaux qui ne devaient pas travailler, il frappa résolument du pommeau de son fouet, à la mince cloison de planches qui le séparait de Jim et de Toby.

—Ouvre! cria-t-il au garçon de piste.

—Mais, monsieur Chausserouge, ce sont les tigres!

—Ouvre! répéta le dompteur d'un ton qui n'admettait pas de réplique. Passe-moi la fourche et ouvre!

Tremblant à la pensée de ce qui allait arriver, s'attendant à voir son maître mis en pièces par les monstres furieux, le garçon obéit.

A l'aide d'un croc en fer, il tira le portant et livra passage au dompteur, qui s'avança brusquement, le fouet haut et la fourche en arrêt.

Un instant stupéfait par cette visite inattendue, les deux tigres se tapirent en grondant au fond de la cage, prêts à bondir.

Chausserouge, sous les yeux d'un public haletant, marcha à leur rencontre et fouailla...

Surpris par l'attaque, fascinés par le regard du dompteur, Jim et Toby s'élancèrent, décrivant autour de la tête de l'imprudent des cercles vertigineux, ébranlant la voiture par leurs bonds désordonnés...

Lui, ne les quittait pas de l'oeil et fouaillait sans relâche...

—La chasse au tigre, messieurs!

Et il déchargea sur eux ses pistolets chargés à poudre... les poursuivant dans les angles de la cage, ne se laissant pas intimider par leurs effroyables rugissements...

—Passe les barrières! cria-t-il tout à coup.

Et les deux tigres affolés, harcelés par le dompteur, dont la lutte doublait l'audace et l'énergie, sautèrent les barrières d'abord, puis les cerceaux enflammés.

Sur les gradins, la foule trépignait d'enthousiasme.

Enfin, le garçon tira de nouveau le portant de sortie et les deux monstres se précipitèrent dans l'ouverture béante.

Le dompteur était sauvé.

Debout, sans une égratignure, toujours très calme, quoique ruisselant de sueur, il salua les spectateurs qui l'acclamèrent.

--- Vous savez, patron, lui dit le garçon encore tout tremblant d'émotion, c'est bon pour aujourd'hui, mais il ne faudrait pas recommencer ce petit jeu-là!

—Pourquoi pas? répliqua Chausserouge, les tigres sont domptée, ils ont obéi. Maintenant je suis sûr de moi!

Et le lendemain, et les jours suivants, il renouvela son périlleux exercice avec le même succès que la veille.

Cependant le petit François grandissait.

Le père l'entourait d'une affection jalouse; l'enfant ressemblait trait pour trait à sa mère et il croyait voir revivre en lui sa défunte.

La vieille bonne-ferte élevait son petit-fils en vrai ramoni.

Si à sept ans, François ne connaissait pas ses lettres, il lisait couramment les tarots et parlait sa langue originelle.

Habitué à vivre au milieu d'eux, les rugissements des fauves ne l'effrayaient pas. Au contraire, son grand bonheur était de pouvoir passer son après-midi dans la ménagerie, tandis que son père, enfermé dans la cage centrale, dressait les animaux.

Il lui arrivait de dire:

—Quand je serai grand, moi aussi je dompterai les lions!

Alors le père l'interrompait:

—Quand tu seras grand, tu iras au collège et on fera de toi un savant afin que tu puisses devenir un jour un monsieur, «un diplomate!»

L'enfant faisait la moue et ne répondait rien, mais il était facile de voir que dans sa petite tête était née et s'affermissait la résolution bien arrêtée de vivre comme avaient vécu ses parents.

Néanmoins, le dompteur tint bon, malgré les avis de la bonne-ferte qui soutenait l'enfant dans sa révolte.

—Jamais un ramoni n'a été au collège... laisse-le donc vivre en ramoni!

Chausserouge n'entendit rien.

Quand l'enfant eut dix ans, malgré ses cris et ses protestations, il le plaça dans une institution, à Saint-Mandé.

Quatre jours après, il le retrouvait un soir dans la ménagerie, installée alors boulevard de la Villette, blotti derrière la caisse aux serpents.

François avait profité de la première promenade pour s'échapper.

Le dompteur, inflexible, prit son fils par l'oreille et le reconduisit incontinent, en le recommandant d'une façon particulière.

François Chausserouge passa cinq ans dans cette maison d'où on se serait bien gardé de le renvoyer, car le père payait largement; mais jamais on n'avait vu élève plus indocile, plus indiscipliné, plus amoureux de sa liberté.

Il grandissait, s'adonnait avec passion à tous les exercices du corps, mais il montrait pour l'étude une répugnance invincible, à ce point qu'il avait dû redoubler toutes ses classes et qu'il dépassait de la tête tous ses camarades de cours.

En vain son père lui reprochait-il son apathie:

—Je ne puis pas, répondait-il, c'est plus fort que moi!... Je veux être dompteur... comme toi!

Chausserouge s'entêtait, mais à la fin il dut céder.

A quinze ans, son fils, s'il était devenu un gaillard hardi et bien planté, n'avait fait aucun progrès.

Justement, la vieille bonne-ferte, tombée en enfance, venait de mourir; la solitude pesait au vieux belluaire.

Le soir de l'enterrement, il ne reconduisit pas son fils à l'institution.

—Reste avec moi, lui dit-il avec un soupir, tu m'aideras... C'est égal, j'aurais tout de même bien voulu faire de toi un monsieur...

—Bah! j'en sais assez pour te remplacer... j'ai besoin pour vivre de l'odeur de toutes ces bonnes bêtes... J'ai besoin d'entendre leurs rugissements... je suis né pour cela, je te dis! J'ai le métier dans le sang!

Et il embrassa son père si tendrement, que le dompteur ne sut s'il devait déplorer le manque d'aptitude de son fils ou s'en réjouir.

Dans tous les cas, il avait fait l'impossible pour ouvrir au jeune homme une carrière moins périlleuse; il ne regrettait pas les sacrifices qu'il s'était imposés, puisqu'il avait rempli son devoir.

—On ne peut pas résister à sa destinée, répétait sans cesse François, à qui la vieille grand'mère avait inculqué son fanatisme et ses superstitions.!

—Eh bien! advienne que pourra! prononça Chausserouge.

De ce jour, il eut un lieutenant sur lequel il pouvait aveuglément compter.

A François était dévolue la tâche de surveiller les garçons, d'assurer le service des vivres, de seconder son père en faisant «l'explication» pendant le cours des représentations, de présider au montage et au démontage de l'établissement à chacun des déplacements de la ménagerie.

Mais François ne se résignait qu'à regret à ce rôle qu'il jugeait par trop effacé.

Ce qu'il voulait, c'était affronter, lui aussi, les crocs des fauves, soumettre à sa volonté les redoutables pensionnaires de la ménagerie.

Il avait soif des applaudissements qui saluaient son père, chaque fois qu'il avait terminé ses exercices.

Vivre libre, courir les routes, ne plus être obligé de pâlir sur des livres entre quatre murs, c'était très bien, mais ce qui l'attirait, c'était l'appât du danger et le bruit des bravos, journalière récompense de la glorieuse victoire de l'homme sur la bête.

Lui aussi, il voulait voir fixés sur lui les yeux de tout un public frémissant de crainte, partagé entre l'effroi et l'admiration.

Mais quand il parla pour la première fois à son père d'entrer à son tour dans les cages, de commencer son apprentissage, il se heurta à un refus formel.

Cet homme qu'une sorte d'inconscience avait toujours protégé contre la peur, qui avait affronté mille périls sans un battement de coeur, tremblait à l'idée de voir son unique enfant s'exposer aux mêmes dangers.

François insista. Le père tint bon, tout d'abord, mais il finit par se laisser toucher.

Il fut convenu que le jeune homme débuterait le jour où il aurait atteint sa dix-huitième année.

En attendant, le vieux dompteur lui enseigna les premiers principes de son art.

Une lionne venait justement de mettre bas.

Chausserouge résolut de confier à son fils le dressage des trois lionceaux.

Tout d'abord, il lui rappela que, comme l'homme, l'animal naît avec des instincts bons ou mauvais, qu'il n'était pas rare de trouver dans des sujets issus du même père et de la même mère, des types de caractères absolument dissemblables; les uns dociles et doux, les autres rebelles à toute éducation.

La difficulté énorme pour le dompteur quand il s'adresse à des animaux arrivés adultes chez lui, se trouve bien amoindrie quand il a affaire à des bêtes qu'il a vu naître, dont il a eu le temps par conséquent d'étudier le tempérament, de discerner le degré de franchise.

Il lui reste alors à habituer ses élèves à sa présence, à appliquer à chacun le genre de travail qui lui convient, en ayant soin de ne pas trop demander à la fois, afin de ne pas rebuter l'animal et provoquer ainsi ses légitimes révoltes.

Se faire craindre, en sachant se faire aimer, telle devait être le but et la devise du dompteur.

Chausserouge fut charmé de voir avec quel entrain son fils acceptait sa nouvelle tâche, avec quelle adresse il mettait en pratique ses conseils.

En effet, du moment où il fut institué le précepteur des lionceaux, François tint à ce que nul que lui ne les approchât.

Il les soignait, leur donnait à manger, entrait chaque jour dans leur cage, afin de les familiariser avec lui.

Il avait à lui deux lionnes et un lion; il les baptisa Saïda, Rachel et Néron.

Au bout de quelques mois, il commença leur éducation.

Les lionnes étaient assez dociles, surtout Rachel, mais Néron se montrait rétif; le jeune homme dut déployer à l'égard de ce dernier, beaucoup de patience et d'énergie.

Le père qui suivait tous ces essais d'un oeil inquiet, sentit bientôt s'évanouir toutes ses appréhensions.

Son fils était bien un vrai Chausserouge; il en avait les qualités, l'audace et la persévérance, pourquoi fallait-il qu'il y joignit des défauts inconnus à sa race?

Car s'il remplissait avec une exemplaire rectitude tous les devoirs de son nouvel état, François depuis qu'il était libre, laissait, en dehors du service auquel il s'astreignait avec joie, un libre cours à ses penchants naturels.

Son père lui avait tracé la voie; il n'avait pas à lutter comme lui avec les difficultés d'un pénible début.

La situation acquise, l'aisance dans laquelle il n'avait qu'à se laisser vivre le dispensait de compter et puisqu'il travaillait, pensait-il, il était juste aussi qu'il profitât de l'existence.

La vie nomade qu'on mène sur le Voyage est pleine de périls pour un jeune homme; François y succomba.

Tandis que sur la masse des forains, les uns, les sérieux et les économes, n'ont d'autre désir, leur journée finie, que de rentrer chez eux et d'y goûter les joies de la famille, les autres se réunissent dans le cabaret dont ils ont fait choix et où ils se donnent rendez-vous et attendent que l'heure tardive les oblige de regagner leurs caravanes.

Au fond d'une arrière-salle d'estaminet, on boit, on joue et plus d'un voyageur a perdu là souvent le gain de sa journée.

Le soir, quand Chausserouge avait rabattu l'auvent qui fermait l'entrée de la ménagerie, François s'esquivait pour aller retrouver les nombreux amis qu'il s'était faits.

Il aimait le jeu, le vin; ces réunions avaient pour lui un attrait irrésistible.

Ce gros garçon si fort, si insoucieux du danger, si audacieux, était un faible.

Il s'était laissé entraîner une première fois par Jean Tabary, le fils du directeur d'un Concert Tunisien; peu à peu il avait laissé prendre sur lui par son compagnon de plaisir un ascendant contre lequel il n'avait pu réagir.

Le père Chausserouge, plein d'indulgence, n'avait d'abord vu dans ces escapades qu'un passe-temps, qu'après tout son fils avait bien le droit de prendre, puis quand il avait compris quelle influence fâcheuse pouvait avoir sur l'avenir de François cette habitude de «godaille», il s'était gendarmé, mais en vain.

Le pli était formé, et Jean Tabary était là pour contrebalancer son autorité.

—Est-ce qu'on ne peut pas rigoler un brin quand on a turbiné toute une sainte journée? Laisse-le donc dire, le vieux! Quand t'auras son âge, t'auras toujours le temps d'être sérieux, ne cessait de répéter Jean Tabary.

Et François passait outre; mais comme, le lendemain, il se mettait au travail avec une nouvelle ardeur, le père soupirait et fermait les yeux.

Ce fut à la foire de Neuilly que le fils Chausserouge parut pour la première fois en public.

Quand il apparut dans la cage centrale, serré dans un coquet dolman à brandebourgs d'or, culotté de blanc, chaussé de bottes à l'écuyère, il y eut parmi la foule des spectateurs un petit murmure d'admiration.

Tout fier et plus ému qu'il ne voulait le paraître, le père se tenait en avant des premières, dans l'allée qui longe les cages, un croc de fer à la main.

Il n'avait voulu laisser à personne le soin de faire le service de garçon de piste.

Tour à tour défilèrent, aux applaudissements de la foule, les vieux pensionnaires de la maison, lions, hyènes, ours, loups et jusqu'aux deux tigres, Jim et Toby, qui évoluèrent sous le fouet et exécutèrent leurs exercices habituels sans, de leur part, grande velléité de résistance.

La volonté du père Chausserouge les avait rudement asservis; celle du fils les tenait en respect plus rudement encore.

Ils comprenaient qu'ils avaient affaire à un maître et ils obéissaient.

Le vieux dompteur était radieux. Il ne regrettait plus maintenant d'avoir permis au jeune homme de suivre une vocation pour laquelle il était si manifestement né.

Il y eut un entr'acte.

On jeta de la sciure sur le plancher de la cage, après quoi le père Chausserouge prit la parole:

—Mesdames et messieurs, pour terminer la représentation, mon fils François Chausserouge—et il prononçait ce nom avec orgueil,—va avoir l'honneur de présenter, pour la première fois, un lion et deux lionnes du Sahara, tous trois adultes et capturés récemment, Néron, Rachel et Saïda!

Il se fit un grand silence.

Chausserouge venait de tirer le portant et d'introduire les trois fauves dans la grande cage.

Néron était maintenant âgé de trois ans. C'était une bête superbe. Sa tête énorme disparaissait sous une épaisse crinière.

Il promena un instant son regard torve sur l'assistance et poussa un sourd rugissement auquel répondirent les deux lionnes.

François frappa trois coups du pommeau de son fouet, puis il entra brusquement, tandis que d'une voix de stentor, le père clamait:

—Le dompteur François Chausserouge dans les cages!

A la vue du jeune homme, la crinière de Néron se hérissa.

Suivi des lionnes, la gueule menaçante, les crocs prêts à déchirer, il s'élança au-devant du nouveau venu.

Tranquillement, François se débarrassa de son fouet et marcha droit sur le fauve, qu'il saisit par la crinière, malgré ses grondements.

Puis, rassemblant ses forces, il le mit debout et le jeta à la renverse.

L'animal retomba sur ses pattes à l'angle opposé de la cage.

Un tonnerre d'applaudissements salua cette énergique entrée en matière.

François Chausserouge se tourna aussitôt vers Saïda, dont il entr'ouvrit les mâchoires, et à trois reprises il plaça son bras droit, puis son visage entre les crocs aigus de la bête.

Il s'avança ensuite sur le bord de la cage.

A son commandement, Rachel se dressa contre lui, appuya ses lourdes pattes contre sa poitrine et lui lécha la face...

Cette fois, l'enthousiasme fut à son comble; le père Chausserouge pleurait de joie.

François maniait ses bêtes avec autant de tranquillité et d'aisance que s'il se fût agi de jeunes chiens.

Il se fit passer sur un plat d'étain un morceau de viande, noua autour du cou de Néron une serviette, plaça la viande devant son nez, et l'animal ne s'en saisit en grondant que lorsqu'il lui en donna l'ordre.

—Maintenant, sautez!

Et tour à tour il fit franchir à ses élèves des barrières de un mètre cinquante de haut.

Comme de simples caniches, il les fit passer à travers des cerceaux de papiers et des cerceaux enflammés, puis pour couronner ses exercices, il donna un signal.

Instantanément, le gaz fut baissé et la salle se trouva plongée dans l'obscurité.

Quand on ralluma, François Chausserouge était étendu à terre, la tête appuyée sur Néron et les deux lionnes étaient couchées à ses côtés.

Puis tandis que la salle entière l'acclamait, il se leva, salua profondément et sortit.

Il avait à peine disparu que les trois fauves se précipitaient en rugissant contre la grille, l'ébranlant sous leurs efforts, labourant le plancher de leurs griffes.

—Allons! les agneaux! C'est trop tard, criait narquoisement le père Chausserouge, rentrez vos gousses d'ail! Y a rien à faire!

Et se tournant vers le public:

—Mesdames et messieurs, c'est pour avoir l'honneur de vous remercier. Demain, deux grandes représentations, l'une à trois heures, l'autre à neuf heures du soir, la dernière, suivie du repas des animaux!

Dans la caravane, où il le rejoignit, il étreignit longuement son fils dans ses bras.

Il pouvait mourir maintenant. Il avait un digne successeur.

Jamais, même au temps de sa jeunesse, il n'aurait égalé en hardiesse et en vigueur ce galopin de dix-huit ans.

Il en avait honte, mais ça lui faisait tout de même bien plaisir.

Mais en même temps que, de par son succès, François devenait grand premier rôle, un soudain changement s'opéra chez lui.

Grisé par ses triomphes quotidiens, il oublia son humble origine et par quelle série de privations son père avait dû passer pour atteindre à ce degré de prospérité, qui lui avait permis de débuter si brillamment.

Il n'attribua qu'à lui l'engouement subit dont le public avait été saisi et qui faisait chaque soir affluer dans la baraque le «monde chic» et tout ce que Paris comptait de notabilités.

Certes, sa jeunesse, la crânerie avec laquelle il affrontait le péril étaient pour quelque chose dans cet enthousiasme, mais la vieille renommée de son père, qui l'avait façonné, instruit, qui l'avait fait bénéficier de ses trente années de dure expérience, y était aussi pour beaucoup.

Plein d'orgueil, le jeune homme s'en rendit d'autant moins compte qu'il était en but à des sollicitations bien faites pour flatter sa vanité.

Comme les militaires, comme les acrobates, comme tout ce qui porte élégamment un uniforme ou un costume brillant, il fut assailli de déclarations, de demandes de rendez-vous et il en vint bonnement à penser que ces marques d'une sympathie un peu outrée s'adressaient bien plus à son intime personnalité qu'à son dolman soutaché d'or.

Il y répondit, et certaines déconvenues qui auraient dû le convaincre que son prestige tombait quand il n'apparaissait pas dans la cage, debout au milieu de ses fauves, ne parvinrent pas à le détromper.

Il dédaigna dès lors de coucher dans la caravane paternelle.

A proximité du campement, il choisissait un hôtel de belle apparence et il y louait une chambre pour la durée de chaque séjour.

Le père, aveuglé par sa tendresse paternelle, laissait faire.

—Il jette sa gourme, pensait-il, il deviendra sérieux quand il sera temps.

Au contraire, la recherche de mauvais goût avec laquelle son fils s'habillait lui semblait le dernier mot de l'élégance.

Il trouvait un motif d'orgueil dans le genre de succès qu'obtenait François et il finissait par fermer les yeux sur la vie qu'il lui voyait mener, si en désaccord pourtant avec l'existence austère qu'il avait tenue lui-même dans sa jeunesse.

Il avait rêvé de faire un «monsieur» de son enfant, et François avait trouvé le moyen de devenir un «monsieur» tout en restant dompteur.

Il réhabilitait la profession; c'était l'idéal.

Le pauvre homme n'apercevait pas le danger qu'il y avait à laisser contracter à son fils des habitudes de plaisir et d'intempérance.

Mais peu à peu François se relâcha de ses devoirs. S'il se livrait avec la même ardeur au périlleux exercice de son état, il jugea bientôt indigne de lui de s'adonner comme par le passé aux mille petits détails que nécessite le bon entretien de la ménagerie.

En dehors des heures consacrées au dressage des nouveaux pensionnaires ou aux représentations, il devint impossible d'obtenir de lui le moindre service.

C'eût été déroger.

C'est ce qu'il parvint à persuader à son père, la première fois que celui-ci hasarda une timide observation.

Il parla même de renforcer le personnel, d'engager de nouveaux employés.

—Tant que je serai là, répliqua le vieillard, nous n'aurons pas besoin d'augmenter nos frais déjà si lourds, je suffirai à tout par mon travail et mon active surveillance, mais si je venais à disparaître?...

—Bah! je gagne assez d'argent pour ne pas m'astreindre à une besogne de manoeuvre et de domestique!

—Rien ne vaut l'oeil du maître! Tu te laisseras voler et les animaux en souffriront. Un dompteur doit toujours tenir ses bêtes en haleine.

—J'ai mon fouet et cela suffit! répondait le jeune homme.

Le père hochait la tête, n'osait pas insister, et des semaines, des mois, des années passèrent, sans que rien vint remédier à un état de choses qu'il ne pouvait s'empêcher de déplorer.

A vingt-cinq ans, le fils Chausserouge était devenu un dompteur accompli, mais il s'était acquis une réputation de noceur et de bourreau des coeurs dont il tirait vanité.

Sur tout le Voyage, on ne l'appelait plus que «le beau François».

Il était le chef reconnu de la jeunesse foraine et la chronique scandaleuse ne s'alimentait que du bruit de ses conquêtes et de ses exploits.

Puis peu à peu et à mesure que sa renommée grandissait, le jeune homme se fit des relations en dehors de son monde.

Il s'était trouvé en rapport avec des reporters, des boulevardiers à l'occasion des fêtes de bienfaisance pour lesquelles on avait réclamé son concours; il se lia avec eux et, dès lors, on put chaque soir, après sa représentation, le rencontrer sur le boulevard, habitué assidu des restaurants de nuit et des tripots clandestins.

Le père Chausserouge s'alarma sérieusement et ce fut pour mettre fin à cette vie de débordements que, très inquiet de l'avenir de son établissement, lorsqu'il ne serait plus là pour veiller aux intérêts matériels de la ménagerie, il conçut un beau jour le projet de marier son fils.

Peut-être, lorsqu'il saurait trouver chez lui une femme gentille, aimante, le jeune homme consentirait-il à renoncer aux joies turbulentes et dispendieuses du dehors.

Justement, il avait quelqu'un à lui proposer.

Un de ses rares amis, originaire de la même province et directeur d'un Musée mécanique, le père Collinet, avait une fille, qui passait sur tout le Voyage pour une vertu inexpugnable.

Amélie avait vingt ans et était fille unique.

A elle seule devait donc revenir un jour l'héritage du vieil Auvergnat, un malin lui aussi, qui à force d'économie, avait su arrondir sa pelote.

C'était donc un parti. Le fils Chausserouge pouvait décemment épouser. Les deux compères eurent à ce sujet une longue conversation et ils tombèrent d'autant mieux d'accord, qu'Amélie, pressentie à ce sujet, laissa comprendre que son union avec le jeune dompteur mettrait le comble à ses voeux.

François était son camarade d'enfance. Ils avaient été élevés côte à côte, la baraque de Collinet avoisinant toujours la ménagerie de Chausserouge.

Puis, à mesure qu'ils avaient grandi, l'affection fraternelle que la jeune fille portait à son ami s'était changée en une sorte d'admiration muette qu'elle n'osait manifester.

Elle avait été, comme tout le monde sur le Voyage, spectatrice attristée du changement si radical survenu dans la manière de vivre de François et, plus que personne, elle en avait souffert tout bas.

Et voilà que ce rêve formé au plus profond de son coeur de devenir un jour la compagne du jeune dompteur allait peut-être se transformer en une réalité.

Certes, une bien vive tendresse l'attachait à son père, dont elle était l'utile auxiliaire, mais elle n'hésiterait pas à quitter cette caravane dans laquelle elle avait vu le jour pour se consacrer toute entière à l'être chéri pour le bonheur duquel il lui semblait qu'elle était née.

Depuis ses récents succès, François l'avait bien un peu négligée... Il avait paru oublier son amie des premiers ans, cette petite Amélie si douce, si aimante... Il lui en avait préféré d'autres plus belles, plus riches... Mais elle lui pardonnait toutes ses fautes passées, puisqu'il allait lui revenir et pour toujours!

Et elle lui montrerait tant de soumission aveugle, tant de dévouement, qu'il finirait bien, à son tour, par l'aimer un peu!

Son illusion fut de courte durée.

Lorsque, le soir même du jour où il avait «pris des arrangements» avec Collinet, le père Chausserouge s'ouvrit à son fils de son projet d'avenir, il se heurta à un refus formel.

—Je n'épouserai pas Amélie, déclara nettement François, je n'aime pas les gnangnans... C'est une bonne fille, mais ça ne suffit pas! D'ailleurs, je suis trop jeune pour me marier... Je n'ai que vingt-cinq ans, j'ai le temps d'y penser!

—Amélie t'aime... Elle a une jolie dot... Le père Collinet a l'idée de vendre son Musée aussitôt après le mariage de sa fille pour s'en aller vivre au pays... Tu vois donc bien que c'est une bonne affaire... Je n'insisterais pas s'il s'agissait d'une étrangère, mais celle-là, tu la connais... tu sais ce qu'elle vaut... Je te le dis, ça sera une vraie ménagère et, y a pas, une bonne femme, c'est un trésor!... Elle serait rudement utile chez nous!

—C'est possible! mais je ne reviens pas sur ce que j'ai dit... Je ne veux pas me marier!

Ce fut au tour du père Chausserouge d'entrer dans une violente colère.

C'était la première fois que son fils lui résistait aussi ouvertement.

—Eh bien! répliqua-t-il durement, libre à toi de ne pas m'écouter... Jusqu'ici j'ai fermé les yeux, tu as fait ce que tu as voulu et je n'ai rien dit, quoiqu'il m'en ait coûté... A partir d'aujourd'hui, tout va changer... Tu n'es plus que mon aide, mon employé... Tu seras victime, entends-tu, de la vie que tu mènes... Mais comme je ne veux pas qu'il soit dit que tant que je vivrai, une situation que j'ai eu tant de peine à acquérir soit compromise, comme je ne veux pas que mes bêtes en souffrent, je te retire toute autorité... dans ma maison. Après ma mort, tu feras ce que tu voudras...

—Si l'établissement marche, à qui le dois-tu? riposta insolemment François. Il me semble que c'est à moi... Et si je te quittais?

—Tu le peux! Mais je resterai le maître! Le jour où tu partiras, je rentrerai dans les cages et on verra une fois de plus ce que peut faire le père Chausserouge, sans culottes collantes et sans dolmans à brandebourgs d'or! Je t'apporte le bonheur... tu le refuses, tant pis pour toi! A la fin, si je cédais toujours, vous vous ficheriez de moi, toi et toute ta séquelle d'amis! Car, veux-tu que je te dise, tu es un brave garçon, fort et courageux comme pas un... mais tu as été perdu par les galvaudeux dont tu fais ta société! Il y a surtout Jean, Jean Tabary!... Celui-là, que je lui voie jamais mettre les pieds dans la ménagerie, je le flanque dans la cage à Néron!

—Jean Tabary n'a pas plus peur de Néron que de toi!

—C'est possible! Mais qu'il se le tienne pour dit! Et puis, finissons-en! Tu ne sors pas de la culotte du pape... Tu es comme moi un paysan, un Chausserouge... un saltimbanque... Tu vivras en saltimbanque, puisque tu l'as voulu... puisque, malgré moi, c'est cet état-là que tu as choisi! Voilà tout ce que j'ai à te dire!

—C'est ton dernier mot?

—C'est mon dernier mot!

Rentré seul dans sa caravane, le vieux Chausserouge pleura pour la première fois peut-être depuis la mort de sa femme, mais n'importe, il avait déchargé son coeur.

Il s'applaudit tout bas de l'énergie qu'il avait montrée et il se jura de ne pas céder. N'était-ce pas le bonheur de son enfant qu'il adorait, qui était en jeu?

Il n'avait que trop tardé à faire acte d'autorité. Il n'était que temps de réagir, avant que le pli ne fût pris irrémédiablement.

Et, en effet, il tint parole.

A partir de ce jour, il reprit en mains les rênes du gouvernement.

Il s'installa au contrôle, s'occupa des multiples détails de l'administration et François, qui jadis puisait à pleines mains dans la caisse commune, dut désormais passer chaque samedi toucher sa paye, comme le dernier des palefreniers.

En vain, il essaya de faire revenir son père sur sa décision.

Chausserouge resta inflexible.

—J'ai fait pour toi tous les sacrifices que me commandait mon affection. Tu me résistes... Je cesse de te traiter en fils, car je ne veux pas voir gaspiller mon bien... Tu travailles, je te donne ton salaire... Tu n'as le droit de rien exiger de plus... Je ne te dois plus rien...

Furieux de cet entêtement qu'il était loin de prévoir, François Chausserouge continua par amour-propre son habituel genre de vie, mais il ne tarda pas à s'apercevoir que l'existence qu'il s'était choisie était hors de proportion avec les ressources relativement modestes dont il disposait à présent.

Le premier, il dut s'avouer vaincu. Un soir de déveine, il perdit au tripot et joua sur parole.

Le lendemain, il lui fallait mille francs pour acquitter sa dette.

Après de longues hésitations, il dut s'adresser à son père.

Le vieux dompteur écouta en silence, réfléchit un instant, puis, levant son regard vers son fils:

—Il faut toujours écouter les anciens, dit-il, et voilà le commencement de ma prédiction qui se réalise. A ton âge, je n'avais pas mille francs à perdre, ni surtout un père derrière moi... N'importe! C'est entendu, tu auras ton argent, mais à une condition... Nous partons demain en «villes mortes».

Partir en villes mortes! Quitter Paris, abandonner le Voyage! Courir la province de chef-lieu en chef-lieu isolément! Mais ça ne se pouvait pas.

—Alors nous ne partirons pas.

—Mais l'argent... les mille francs qu'il me faut!

—Alors partons! Je n'en ai pas autant, vois-tu, garçon, à te donner tous les jours, et je ne veux pas me voir obligé une belle fois, de vendre mes bêtes pour payer tes dettes...

—Mais nous sommes en pleine fête de Montmartre! Tous les jours nous faisons salle comble! La ménagerie est très courue! C'est de la folie!

—Tant mieux! Nous ne ferons que de plus belles recettes en province, où le bruit de tes succès est parvenu et où on ne te connaît pas! Quand nous reviendrons à Paris, plus tard... beaucoup plus tard... tu n'en seras que mieux accueilli!... Nous partirons demain!

Devant cette décision sans appel, il n'y avait qu'à s'incliner.

—Soit! tu ne t'en prendras qu'à toi de la bêtise que tu commets aujourd'hui! répliqua rageusement François.

Le père Chausserouge donna sans regret les mille francs au moyen desquels il payait le bonheur à venir de son fils.

Il était heureux d'en être quitte à si bon compte.

Maintenant qu'il allait le tenir éloigné de cet entourage funeste qui l'avait perdu, qu'il était sûr de l'avoir près de lui, toujours, il était certain de réussir, de réveiller dans le coeur de ce grand enfant tous les bons sentiments qui sommeillaient.

L'éloignement de Paris, c'était la rupture définitive des habitudes prises; au milieu des vicissitudes d'une promenade à travers le monde, François n'aurait ni le moyen, ni l'occasion de renouer des relations dangereuses.

Obligé désormais de consacrer tous ses instants à son métier, il se reprendrait à aimer la vie tranquille, et qui sait... peut-être?...

Quand François rendit compte à Jean Tabary du résultat de sont entretien:

—Mais tu ne vas pas faire ça! Menace de le lâcher! Il n'a que toi... Il n'osera pas te laisser aller... Dis-lui donc, au vieux, que Perdel, son concurrent, t'offre un engagement magnifique...

—Tu voudrais que je quitte mon père?

—Pourquoi pas? Puisqu'il te traite en gamin.

—Non! ne me demande pas ça... parce que, voisin, il y a aussi mes bêtes... Et je les aime, mes bêtes!... Le vieux passerait outre, quand même ça lui ferait gros coeur... mais, moi, ça me ferait encore plus de peine de voir mes bêtes partir sans moi! On se reverra, un jour, va donc!

—Tu es un lâche, tiens! T'as pas plus de coeur qu'une poule!

Le soir même, après la dernière représentation et à la grande stupéfaction du personnel de l'établissement, le vieux dompteur donna l'ordre de tout préparer pour le départ.

Deux jours après, la ménagerie Chausserouge quittait le Voyage.

Au moment où François, qui s'était attardé pour prendre congé de ses amis, la rejoignait à la barrière de Fontainebleau, il remarqua, suivant les somptueuses voitures qui contenaient les cages et le matériel, une humble caravane.

Il regarda plus attentivement.

C'était Amélie Collinet qui la conduisait.

A la vue du jeune homme, elle sourit, mais François fronça le sourcil, fouetta nerveusement les poneys attelés à sa charrette et passa.

Zézette: moeurs foraines

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