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La petite Madeleine, à l’âge de six ans, étant de santé assez délicate et fragile, sa mère, qui habitait New-York, jugea prudent de l’envoyer passer quelque temps en Franconie, où l’air plus salubre, bien que l’on fût au début de la saison froide et neigeuse, lui semblait plus favorable que tout autre à sa croissance et au développement de ses forces. Son frère aîné William, jeune garçon studieux et déjà raisonnable, l’accompagnait chez leur tante, Mme Henry, dont le fils Frédéric, surnommé Riquet, un petit homme de neuf ans, avait la turbulence et l’étourderie de son âge.

Dans les premiers jours, Madeleine, par prudence, fut gardée à la maison, à cause de la neige qui tombait en .abondance et du vent froid qui la poussait, en l’entassant sur les chemins. Mais, dès l’apparition du soleil, on la transportait, dans un fauteuil, sur la vaste terrasse de l’habitation, au meilleur endroit, celui qui recevait le plus de rayons, et elle demandait aussitôt le chien Franco qui s’entendait déjà très bien avec elle, et qui, sur un signe de la fillette, sautait bientôt sur ses genoux.

Franco était une bête sans race marquée, mais intelligente et fine, qui était presque un personnage dans la maison, et que tous, maîtres et serviteurs caressaient et gâtaient à l’envi. Le chien se laissait faire et semblait considérer qu’en le choyant, on ne faisait que son devoir.

Il y avait aussi, chez Mme Henry, un autre personnage important, un jeune garçon d’origine française, ingénieux et inventif, dévoué à ses maîtres, du nom de Delafainerie, que les enfants nommèrent bientôt et plus simplement Lafaine. Il était engagé en qualité de serviteur; mais, d’une véritable vocation d’éducateur, en même temps que toujours prêt à rendre service, il prodiguait, avec autant de supériorité que d’originalité, à ses compagnons plus jeunes, ce que l’on appelle aujourd’hui des leçons de choses, en même temps que de bons conseils.

Les fermes et les cottages environnants, plus ou moins isolés, comptaient bon nombre d’enfants, garçons et filles, plus petits ou plus grands, appelés parfois chez Mme Henry, à l’occasion de quelque fête, et qui donnaient, ces jours-là, une grande animation à cette maison confortable et hospitalière, pour la plus grande satisfaction de Madeleine, de son frère William, de son cousin Riquet, et aussi de Lafaine qui y trouvait des occasions de se rendre utile, sans jamais se faire valoir.

Ce jour-là, William et Riquet étaient partis, de compagnie, dans le but de couper quelques branches, pour confectionner des harpons qui leur serviraient à saisir, au passage, une foule d’objets entraînés au courant de la petite rivière voisine, peut-être même quelques poissons surpris, le long du bord, pendant leur sommeil. Franco qui ne résistait pas à l’envie de gambader librement, les avait suivis, malgré les appels réitérés de Madeleine, à qui Riquet avait témérairement promis, pour la consoler, de lui rapporter un gros bouquet de perce-neige.

A peine s’étaient-ils éloignés, qu’elle entendit un bruit assez voisin, comme si quelqu’un fendait du bois. Elle se dirigea de ce côté, et aperçut bientôt Lafaine qu’elle appela. Celui-ci se retourna, et reconnaissant la fillette, lui souhaita affablement le bonjour. Celle-ci lui dit aussitôt qu’elle désirait beaucoup faire une promenade en traîneau.

— C’est facile, répondit Lafaine, mais désirez-vous aussi qu’il soit attelé avec un ours? Vous n’avez qu’à parler.

Cela parut original à Madeleine qui accepta courageusement et, pour un instant, Lafaine disparut, mais revint bientôt, marchant à quatre pattes, en grognant, sous une peau d’ours dont il s’était affublé. Il s’en débarrassa vivement, en riant de l’effroi momentané de Madeleine et en disant qu’il allait se mettre immédiatement à la confection du traîneau. Ce qui ne fut pas long. Un simple plateau hors d’usage employé jadis pour servir le thé, une courroie que Lafaine attacha solidement à l’anse, ce fut tout; et le garçon ayant endossé de nouveau sa peau d’ours se remit à quatre pattes et traîna Madeleine, un bon bout de chemin, ce qui l’enchantait.

Pour sa récompense, Lafaine lui demanda de lui conter une histoire. C’était sans doute pour avoir l’occasion d’en raconter d’autres lui-même, car il aimait cela, surtout à en inventer, ou à les broder, comme il disait, pour les rendre plus intéressantes.

Pendant ce temps là William et Riquet toujours préoccupés de leurs harpons, se mettaient en quête des branches nécessaires, tandis que Franco, le museau sur la neige, allait de droite et de gauche, lorsque tout à coup il disparut. Les deux cousins n’y prirent point garde, tout d’abord; mais, à la longue, ils commencèrent à s’inquiéter, et Riquet se mit à sa recherche, en l’appelant fréquemment:

— Allons, Franco! Ici Franco!

LAFAINE REVINT BIENTOT MARCHANT A QUATRE PATTES. (PAGE 8.)


Mais Franco restait muet et invisible, lorsque enfin Riquet l’aperçut dans un creux, au pied d’un tronc d’arbre, et ce ne fut pas sans mille peines qu’il le décida à le suivre, il faut le dire, en le prenant dans ses bras. Porter un chien, fût-il de poids ordinaire, de cette façon, et en même temps tirer un traîneau assez chargé de branches à harpons, n’est point chose très commode, et Franco, profitant de l’embarras de Riquet, s’échappa de ses bras et après avoir suivi son maître sagement pendant un instant, se mit à fuir à toutes pattes, en jetant des aboiements répétés:

— Franco est enragé, pensa Riquet qui, effrayé à cette idée, revint sur ses pas pour retrouver William.

Dès qu’il l’eut rejoint, Riquet lui exposa ses idées au sujet de Franco, mais sans succès.

— A quoi as-tu reconnu que Franco est enragé ? demanda William.

— Ça, je ne sais pas, répondit Riquet.

— Eh bien, si tu ne sais pas, laisse Franco tranquille et rentrons.

Franco n’était pas de retour, et comme il était assez tard, Madeleine était déjà couchée.

Riquet en fut extrêmement contrarié, car il eût voulu être le premier à lui annoncer la disparition de son favori et la cause à laquelle il l’attribuait. L’enfant aimait à raconter les aventures dramatiques, et cela le chagrinait d’être obligé d’attendre jusqu’au lendemain.

FRANCO, APRÈS AVOIR SUIVI SON MAITRE SAGEMENT... (PAGE 10.)


Et puis, il y avait aussi l’histoire des perce-neige, promise et si bien oubliée! C’était évidemment un très mauvais cas, et il était difficile de s’en tirer sans le concours de quelqu’un de plus raisonnable, William par exemple; mais le si calme et si laborieux William n’était pas facile à approcher, quand il était au travail, sans accomplir certaines formalités préalables. Riquet était aussi patient que brave, et, après une assez longue attente, il s’adressa de nouveau à son cousin.

— William, j’ai pensé à une chose très faisable, je crois, au sujet de Franco, lui dit-il, ce serait d’acheter un autre chien pour le remplacer. Comme cela, Madeleine n’aurait plus rien à dire. Ne le crois-tu pas?

— Je n’entends quoi que ce soit aux chiens, dit William, et à ta place, je consulterais Lafaine. Il est plus adroit, à lui tout seul, que nous tous ensemble, et tu t’en trouveras bien.

Aussitôt fait; et Riquet s’en alla mettre le jeune domestique au courant de la disparition de Franco, et lui fit part de ses craintes au sujet de l’animal qu’il croyait enragé.

— Enragé, dit Lafaine, quelle folie! Franco aura senti un renard et voilà tout. Qu’y aurait-il d’étonnant à cela? Soyez tranquille, je le retrouverai. Avec mes raquettes à neige, j’aurai vite gagné l’endroit où il vous a faussé compagnie.

Lafaine reparut bientôt avec ses raquettes, et Riquet n’eût pas mieux demandé que de l’accompagner, mais c’était l’heure de l’étude, et il fut obligé de se contenter de le suivre des yeux, sur la neige, jusqu’à ce qu’il eût disparu.

JE N’ENTENDS RIEN AUX CHIENS... (PAGE 12.)


Quand il revint, sur le tard, sans le chien, ce fut une déception. Non seulement Lafaine avait perdu sa peine, mais il n’avait pu obtenir, sur la bête perdue, le moindre renseignement. Il fallut donc songer de nouveau au projet d’achat, et bien que Madeleine fût très désolée, à la perspective de ne point revoir Franco, qu’un autre chien ne remplacerait pas dans son affection, l’idée d’un voyage d’exploration en traîneau, suggérée par Lafaine, ne fut pas sans atténuer son chagrin.

Le soir, comme c’est la coutume des parents américains, Mme Henry monta près de Riquet et de Madeleine et remplaça la lecture habituelle par une petite leçon de morale, à la portée de leur jeune intelligence. Madeleine, toujours désolée, s’endormit, une larme au bord des paupières, en pensant à Franco.

Quant à Riquet, il comprit la faute qu’il avait commise en emmenant le chien, malgré la résistance de Madeleine, et quand sa mère l’embrassa, en lui souhaitant le bonsoir, il avait aussi des larmes dans les yeux.

Les vacances de Riquet et de Madeleine

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