Читать книгу Les vacances de Riquet et de Madeleine - P.-J. Stahl - Страница 5
II
ОглавлениеLorsque Lafaine avait promis quelque chose aux enfants, il tenait sa promesse et son esprit inventif n’était jamais en peine, cela, toutefois, avec l’assentiment de Mme Henry que son adresse et son dévouement rassuraient.
Il se mit aussitôt à l’agencement d’une sorte de traîneau qui ne ressemblait à rien, mais qu’il aménagea, de la façon la plus adroite avec une foule d’accessoires propres à lutter contre le froid: bottes de pailles étendues sur une claie, peaux de bouffles chaudes et lourdes, etc., de sorte que sa machine de transport avait un aspect des plus confortables. Lafaine y ajouta la peau d’ours, qui devait servir de siège à Madeleine et déclara que tout était prêt pour le voyage. On ne sait pourquoi il donna à sa construction le nom de «palanquin». M Henry vint faire ses adieux à la petite caravane, et, le cheval attelé, une large couverture tendue sur des piquets, au-dessus du palanquin, afin de servir d’abri, en cas de besoin, on se mit en route.
Deux chemins se présentaient conduisant à une ferme où Lafaine désirait prendre langue. L’un était couvert de neige encore résistante; dans l’autre, plus exposé au soleil, elle avait fondu, en creusant nombre de fondrières impraticables. C’est le long du premier que Lafaine s’engagea.
Comme il y faisait assez frais, Madeleine se couvrit, jusque par-dessus la tête, avec la peau d’ours, tout en priant Riquet de lui faire la description exacte et minutieuse des choses qu’il verrait, ce à quoi il se prêta fort adroitement, de sorte que la tillette, sans rien voir, savait ce qui se passait, sur la route et dans les alentours.
Ainsi se déroulaient sous les yeux de Madeleine, — ce qui est une manière de dire, puisqu’elle n’y voyait que par les paroles de Riquet, — un moulin, l’école de l’endroit, un étang gelé sur lequel des bœufs traînaient, en la faisant glisser, une lourde bille de bois, etc. Cette fois, la petite fille n’y put résister; elle se débarrassa de la peau d’ours et écarquilla les yeux pour voir tout ce qu’elle entendait.
Arrivé à la ferme, Lafaine entra dans la grande cour où un jeune homme s’occupait à atteler une couple de bœufs. A la vue des arrivants, il se mit à rire et interpella Lafaine:
— Eh bien! que nous amenez-vous donc là ?
— C’est notre palanquin, répondit Lafaine, et nous venons voir si vous n’auriez point un chien à nous vendre car nous avons perdu Franco qui, pour l’instant, vagabonde on ne sait où.
Madeleine entendant, du côté de l’étable, des bêlements de moutons, en oublia Franco et son remplaçant probable, et, avec la versatilité de son jeune âge, déclara qu’elle préférait de beaucoup deux petits agneaux, en dépit des efforts d’éloquence de Riquet pour lui démontrer que Tom, le chien du fermier, était tout le portrait de Franco.
QUE NOUS AMENEZ-VOUS DONC LA. (PAGE 16.)
Nonobstant, le prix de l’achat réglé par Lafaine, on se saisit de Tom, qui fut installé non sans peine et sans résistance dans le palanquin; à la fin, il dut se résigner, car Lafaine réussit à l’introduire dans un panier, bientôt recouvert d’une toile serrée, et l’on tourna bride pour regagner la maison de Mme Henry.
En chemin, les voyageurs rencontrèrent un jeune garçon occupé à remplir des bouteilles, à l’aide de conduits enfoncés dans l’arbre à sucre (érable) assez commun en Franconie, la sève qui s’écoulait non sans quelque abondance et qui, soumise ensuite à la cuisson, expliqua Lafaine, fournissait une certaine quantité de matière sucrante. Ils se proposèrent de tenter l’expérience, en prenant les conseils de Lafaine. Pour le moment, après avoir visité les arbres dont la sève s’échappait par les entailles creusées, ils remontèrent dans le palanquin, et, au prochain tournant, ils aperçurent la maison d’école. Les enfants, filles et garçons, jouaient dans la cour et interrompirent leurs jeux pour voir passer le singulier attelage.
Lafaine fit arrêter le cheval, pour leur permettre de le contempler à l’aise, tandis que plusieurs de leurs camarades demeuraient près d’un trou fait dans le mur de la cour et semblaient y observer quelque chose avec attention. Un jeune écolier, s’en approchait, une pierre à la main, dans une intention méchante, tandis qu’un autre, plus rusé ou plus charitable, se mettait à genoux et offrait du pain, sans doute à quelque animal qu’il voulait faire sortir.
FRANCO SE MIT A GAMBADER. (PAGE 20.)
— Ici, Pompée, disait-il, d’un ton engageant, viens pauvre Pompée!
— C’est sans doute un chien qui s’appelle ainsi, dit judicieusement Riquet.
Et aussitôt apparut, à l’ouverture du trou, une tête de chien, blanche avec des oreilles de couleur fauve.
— Je crois que c’est Franco, dit Riquet qui descendit du palanquin et se mit à l’appeler en courant vers l’école. Et c’était bien Franco qui s’élança hors du trou et se mit à gambader autour du jeune garçon, avec une joie folle, sauta dans le palanquin et se blottit contre Madeleine.
Riquet apprit des écoliers qu’en arrivant le matin, à l’école ils avaient trouvé le chien couché sur les marches du perron et que, effrayé par leurs cris, il s’était réfugié dans le trou où Mary Bell, une de leurs camarades, lui avait porté à manger. A la fin de la classe elle était revenue, pour voir ce qui s’était passé, et constata avec plaisir que l’intrus n’avait rien laissé de la pitance.
Alors, Lafaine, heureux d’avoir retrouvé Franco, proposa une promenade générale en palanquin, et Mary Bell fut chargée de demander l’autorisation à la maîtresse qui l’accorda. Elle ne savait rien refuser à la charmante Mary Bell, et ce fut une allégresse générale que cette promenade, sous la direction de Lafaine, mêlée d’éclats de rire et de clameurs joyeuses. Le retour, comme le départ, s’effectua dans les meilleures conditions, et avant de s’éloigner de Mary Bell, Madeleine l’embrassa avec effusion, en la remerciant de sa bonté pour Franco qu’elle avait empêché de mourir de faim; et elles se quittèrent les meilleures amies du monde.
Mme Henry ne s’opposa pas à ce qu’il y eût désormais deux chiens dans la maison.