Читать книгу André Cornélis - Paul Bourget - Страница 9

IV

Оглавление

Table des matières

es faits qui suivirent? Je me les rappelle à peine. Ils furent si petits, si médiocres, entre cette première vision d'épouvante et la vision de tristesse qui lui succéda deux années plus tard. En 1864, mon père mourait. En 1866, ma mère épousait M. Jacques Termonde. Dans l'intervalle de ces deux dates se place une période qui n'est pourtant pas abolie de mon souvenir, car c'est la seule où ma mère se soit occupée de moi avec une attention suivie. Avant la date fatale, c'était mon père, et, plus tard, ce ne fut personne. Nous avions quitté notre appartement de la rue Tronchet, qui nous rappelait trop le sinistre drame, et nous nous installâmes dans un petit hôtel du boulevard de Latour-Maubourg, qui avait appartenu à un peintre amateur. Un mince jardin l'entourait, qui semblait plus grand parce que d'autres jardins verdoyaient derrière son mur d'enclos. Cet hôtel renfermait une espèce de hall qui avait été l'atelier du précédent propriétaire, et dont ma mère fit presque tout de suite sa pièce d'habitation. Il y avait en elle, je le comprends aujourd'hui à distance, quelque chose d'irréel et d'un peu théâtral, mais si naïvement, qui la poussait à exagérer l'expression visible de tous les sentiments qu'elle éprouvait. Tandis qu'elle s'occupait à étudier avec une enfantine coquetterie les attitudes propres à traduire son émotion, elle laissait cette émotion elle-même s'en aller de son cœur. C'est ainsi que, dans l'exil volontaire où elle voulut se cloîtrer après son malheur, ne recevant plus qu'un petit nombre d'amis dont était M. Jacques Termonde, elle recommença bien vite de se parer et de parer toutes choses autour d'elle, avec le goût délicat et subtil qui lui était inné. C'était une femme d'une beauté singulière, mince et pâle, avec des cheveux si longs qu'ils tombaient réellement jusqu'à terre quand elle les peignait devant moi le matin. Devait-elle cette beauté originale de son fin profil, de ses yeux si doux et de sa fragile personne aux gouttes du sang grec qui coulaient dans ses veines? Son aïeul maternel était un M. Votronto, venu du Levant à Marseille, lors de l'annexion des îles Ioniennes à la France. Toujours est-il que souvent depuis j'ai pensé au contraste étrange de cette beauté si rare et si menue avec la solide et lourde carrure de mon père, et avec la mienne propre. Qui peut dire que ce ne fut pas là une grande cause à tant de malentendus irréparables? Mais, à cette époque, je ne raisonnais pas. Je subissais le charme de cet être gracieux qui me disait: «mon fils». Quand elle était assise à son piano dans cet asile élégant qu'elle s'était organisé parmi les étoffes drapées, les plantes vertes et tout un petit décor si à elle, je la contemplais avec une idolâtrie infinie. À cause d'elle, je m'efforçais, malgré ma maladresse native, de me garder bien propre dans les costumes de plus en plus composés qu'elle me faisait porter, et de plus en plus aussi la terrible image de l'assassiné s'effaçait de cet intérieur,—dont toute la délicatesse était cependant payée par la fortune que nous avait laissée son travail à lui. La vie moderne comporte si peu le drame sanglant, les rudes sauvageries du meurtre et de la passion, que les scènes tragiques auxquelles une famille a pu assister semblent bien vite, aux personnes mêmes de cette famille, une espèce de songe, un cauchemar dont il est impossible de douter et auquel on ne croit pourtant pas entièrement.

Oui, la vie avait repris son cours presque normal quand le second mariage de ma mère me fut annoncé. Je me souviens, cette fois, avec une précision minutieuse, non seulement de l'époque, mais du jour et de l'heure. Je me trouvais en vacances chez mon unique tante, une sœur de mon père, vieille demoiselle de quarante-cinq ans, qui habitait Compiègne. Elle vivait là, dans une maison située à l'extrémité de la ville, avec trois domestiques, parmi lesquels était ma bonne Julie, dont le caractère ne convenait pas à maman. Ma tante Louise était petite, avec un air d'une personne de province;—à peine si elle consentait à visiter Paris pour quarante-huit heures, quand vivait mon père. Elle portait presque toujours une robe de soie noire faite à la maison, avec une ligne de blanc au cou et aux poignets, et autour du cou aussi une vieille chaîne d'or, très longue, qui passait sous son corsage et ressortait à sa ceinture avec sa montre et des breloques anciennes. Quand elle n'avait pas son bonnet à rubans, noirs comme sa robe, ses cheveux grisonnants montraient leurs bandeaux et encadraient un front et des yeux d'une telle expression de douceur, que la pauvre femme plaisait tout de suite, malgré son nez un peu fort, ses lèvres trop larges et son menton trop long. Elle avait élevé mon père ici même, dans cette petite ville de Compiègne. Elle lui avait donné de sa fortune ce qu'elle avait pu distraire des besoins si simples de sa vie. Quand il avait voulu épouser Mlle de Slane, c'était le nom de jeune fille de maman, elle l'avait doté pour que la famille où il voulait entrer s'ouvrît plus aisément devant lui. Combien elle avait souffert depuis deux ans, le contraste entre le portrait que j'avais d'elle dans mon album d'enfant et de son visage actuel le disait assez. Ses cheveux avaient beaucoup blanchi, les rides qui vont des narines aux coins des lèvres s'étaient creusées, ses paupières s'étaient comme flétries. Et cependant elle ne s'était livrée à aucune démonstration. À mon regard de petit garçon observateur, l'antithèse entre le caractère de ma mère et celui de ma tante se précisait dans la différence de leurs douleurs. Alors j'avais de la peine à comprendre la réserve de la vieille fille dont je ne pouvais cependant pas suspecter la tendresse. Aujourd'hui, c'est pour l'autre sorte de nature que je suis injuste. Ma mère aussi avait l'âme tendre, si tendre qu'elle ne s'était pas sentie capable de me révéler sa vie nouvelle, et c'était ma tante qui s'en chargeait. Elle n'avait pas voulu assister au mariage, et M. Termonde avait préféré, je l'ai su depuis, que je n'y assistasse point, afin sans doute d'épargner la sensibilité de celle qui devenait sa femme. Mon Dieu! comme ma tante Louise, malgré sa surveillance d'elle-même, avait des larmes au bord de ses yeux bruns lorsqu'elle m'emmena dans le fond du jardin, où mon père avait joué, enfant comme moi. Les teintes dorées du mois de septembre commençaient à s'étendre sur le feuillage des arbres. Le berceau sous lequel nous nous assîmes était garni d'une vigne dont les raisins, déjà presque blonds, attiraient un vol bourdonnant de guêpes. Ma tante prit mes deux mains dans les siennes et commença:

—André, j'ai à te faire part d'une grande nouvelle.

Je la regardai avec anxiété. De la secousse que m'avait infligée l'affreux événement, il me restait une sorte de susceptibilité nerveuse. Pour la moindre surprise, mon cœur battait à me faire mal.

—Ta mère se remarie, dit simplement la vieille fille, à laquelle mon trouble ne put échapper.

Chose étrange, cette phrase ne me causa pas tout de suite l'impression que mon regard de tout à l'heure aurait fait prévoir. À l'accent de ma tante, j'avais pensé qu'elle allait m'apprendre une maladie de maman ou sa mort. Mon imagination frappée avait de ces peurs. Ce fut donc avec un certain calme que je répondis:

—Avec qui?

—Tu ne devines pas? demanda ma tante.

—Avec M. Termonde? fis-je brusquement.

Encore aujourd'hui, je ne me rends pas compte des raisons qui me poussèrent ce nom aux lèvres, comme cela, tout de suite. Sans doute M. Termonde était venu souvent chez nous depuis le veuvage de ma mère. Mais n'y venait-il pas autant, sinon davantage, avant que ma mère ne fût veuve? Ne s'était-il pas occupé du détail de nos affaires avec une fidélité que je comprenais dès lors être bien rare? Et pourquoi la nouvelle de son mariage avec ma mère m'apparaissait-elle tout d'un coup comme plus triste que si elle eût épousé n'importe quel autre? C'est la sensation contraire qui aurait dû se produire, semblait-il. Je connaissais cet homme depuis si longtemps. Il m'avait beaucoup gâté autrefois, et il me gâtait encore. Mes plus beaux jouets m'étaient venus de lui, et mes plus beaux livres,—un merveilleux cheval de bois quand j'avais sept ans, qui marchait avec une mécanique; avais-je assez amusé mon pauvre père en lui disant de ce cheval qu'il était «deux fois pur sang»?—le Don Quichotte, de Gustave Doré, cette année même, et sans cesse quelque nouveau cadeau. Et cependant, je ne me sentais plus en sa présence le cœur ouvert comme jadis. Quand ce malaise avait-il commencé? Je n'aurais pu le dire; mais je le trouvais trop souvent entre ma mère et moi. J'en étais jaloux, pour tout avouer, de cette jalousie inconsciente des enfants, qui me faisait, quand il était dans la chambre, prodiguer les caresses à maman pour mieux lui montrer qu'elle était ma mère et qu'elle ne lui était rien, à lui. Avait-il reconnu ce sentiment?... Qui sait? L'avait-il partagé? Toujours est-il que je trouvais maintenant dans son regard, malgré sa voix toujours flatteuse et ses manières toujours polies, une antipathie pareille à la mienne. À l'âge que j'avais, l'instinct ne se trompe guère sur ces impressions-là. C'était bien de quoi expliquer le petit frisson qui me saisit à prononcer son nom. Mais, à ce frisson et au cri que j'avais jeté, je vis ma tante tressaillir.

—Avec M. Termonde, fit-elle, oui, c'est vrai; mais pourquoi as-tu pensé à lui tout de suite?... Et, me regardant jusqu'au fond des yeux, elle me dit, à voix basse, comme si elle avait eu honte de poser une question semblable à un enfant:

—Que sais-tu?

À ces mots, et sans autre motif qu'une espèce d'énervement presque maladif auquel j'étais en proie depuis la mort de mon père, je me mis à fondre en larmes.—Des crises pareilles me prenaient quelquefois, tout seul, enfermé dans ma chambre, le verrou tiré, victime d'une angoisse dont je ne pouvais pas triompher, et comme à l'approche d'un danger. Je prévoyais d'avance les pires accidents: par exemple, que ma mère allait être assassinée comme mon père, et moi ensuite, et j'épiais sous tous les meubles. Quand je me promenais avec un domestique, il m'arrivait de me demander si cet homme n'était pas complice du mystérieux criminel et chargé de me conduire à lui, ou tout au moins de me perdre. Mon imagination, trop excitée, me dominait. Je me voyais échappant au complot, et, pour mieux m'y dérober, gagnant Compiègne. Aurais-je assez d'argent? Et je me disais qu'il serait possible de vendre ma montre à un vieil horloger que je regardais, en allant au lycée, travailler, sa loupe contre son œil droit, derrière la vitre d'une petite échoppe. Triste puissance de prévoir le pire qui m'a ainsi empoisonné tant d'heures inoffensives de mon enfance!—C'était elle encore qui me faisait à ce moment, et sous la tonnelle de ce jardin d'automne, éclater en sanglots tandis que ma tante me demandait de lui dire ce que j'avais sur le cœur contre M. Termonde. Le plus douloureux de mes griefs d'alors, je le lui contai, la tête appuyée contre son épaule, et ce grief résumait tous les autres. Il y avait de cela deux mois à peine. Je revenais du collège, vers les cinq heures, contre l'habitude parfaitement gai. Le professeur, comme il arrivait dans les dernières classes de l'année, nous avait fait une lecture divertissante, et j'avais reçu de sa bouche, à la sortie, des compliments sur mes compositions de prix. Quelle bonne nouvelle à rapporter chez nous et qui me vaudrait un baiser plus tendre! Je me précipitai, aussitôt mes cahiers déposés et mes mains lavées sagement, vers le petit salon où se tenait ma mère. J'entrai sans frapper, avec tant de vivacité qu'elle poussa un léger cri lorsque je m'élançai vers elle pour l'embrasser. Elle était debout contre la cheminée, toute pâle, et M. Termonde auprès d'elle, debout aussi, qui me saisit par le bras, pour m'écarter.

—Ah! disait ma mère, que tu m'as fait peur!...

—Est-ce que c'est une manière d'entrer dans un salon? reprit, de son côté, M. Termonde.

Sa voix s'était faite brutale comme son geste. En me prenant le bras, il m'avait serré assez fort pour que, le soir, j'eusse trouvé une marque noire à la place où ses doigts m'avaient étreint. Ce ne fut ni cette phrase insolente ni la souffrance de cette étreinte qui me firent demeurer comme stupide et le cœur oppressé. Non, mais d'entendre ma mère qui répondait:

—Ne le grondez pas trop, il est si jeune... Il se corrigera...

Elle bouclait mes cheveux de ses doigts, et, dans ses paroles, dans leur accent, dans son regard, dans son demi-sourire, je surprenais une timidité singulière, presque une supplication adressée à cet homme qui fronçait le sourcil en tirant sa moustache de ses doigts nerveux, comme impatient de ma présence. De quel droit m'avait-il parlé en maître et chez nous, lui, un étranger? Pourquoi avait-il porté la main sur moi, si légèrement que ce fût? Oui, de quel droit? Est-ce que j'étais son fils ou son élève? Pourquoi ma mère ne me défendait-elle pas contre lui? Même si j'étais fautif, je ne l'étais qu'envers elle. Un accès de colère s'empara de moi, qui me donna une envie furieuse de sauter sur M. Termonde, comme une bête, de le griffer au visage et de le mordre. Je le regardai avec rage, et aussi ma mère, et je m'en allai de la chambre, sans rien répondre. J'étais boudeur, défaut douloureux qui tenait à mon excessive et presque morbide sensibilité. Toutes mes émotions s'exagéraient, en sorte que je me fâchais pour des riens, et que de revenir m'était un supplice. L'impression de la honte à dompter était trop forte. Même mon père avait eu beaucoup de peine à triompher autrefois de ces accès de susceptibilité blessée, durant lesquelles je luttais contre mes propres attendrissements avec une colère froide et contenue, qui me soulageait tout ensemble et me torturait. Je me connaissais cette infirmité morale, et, avec la bonne foi d'un enfant très honnête, j'en rougissais. Ce me fut donc un comble d'humiliation que M. Termonde, au moment où je sortais de la chambre, dît à ma mère:

—En voilà pour huit jours de bouderie maintenant. C'est un caractère vraiment insupportable...

Ce dernier mot eut cet avantage que je mis un point d'honneur à le démentir et que je ne boudai pas. Mais cette simple scène m'avait trop profondément ulcéré pour que je l'eusse oubliée, et voici que tout mon ressentiment se réveillait à mesure que je faisais ce récit à ma tante. Hélas! ma double vue presque inconsciente d'enfant trop sensible ne s'y trompait pas. C'était toute l'histoire de ma jeunesse que cette scène puérile et douloureuse symbolisait ainsi: mon invincible antipathie envers l'homme qui allait occuper la place de mon père, et la partialité aveugle, en sa faveur, de celle qui aurait dû me défendre d'abord et toujours.

—Il me déteste, disais-je en pleurant à ma tante Louise, que lui ai-je fait?...

—Calme-toi, répondait l'excellente fille; tu es là, comme ton pauvre père, à outrer toujours tes moindres chagrins... Et puis, tâche d'être gentil pour lui, à cause de ta mère, de ne pas t'abandonner à ces violences qui me font peur... Ne t'en fais pas un ennemi, ajouta-t-elle.

C'était si simple qu'elle me parlât de la sorte, et cependant son insistance me parut un peu étrange, dès ce moment-là. Je ne sais pourquoi aussi elle me sembla comme surprise de ma réponse à sa question: «Que sais-tu?» Elle voulait m'apaiser, et elle augmenta encore l'appréhension où j'étais de l'usurpateur,—ainsi je l'appelai depuis,—par le léger tremblement qu'elle avait dans la voix lorsqu'elle en parlait.

—Il faut que tu leur écrives dès ce soir, dit-elle enfin.

Leur écrire! Cette simple formule me fit mal. Ils étaient unis. Jamais, jamais je ne pourrais plus penser à l'un sans penser à l'autre.

—Et vous? demandai-je à ma tante.

—J'ai déjà écrit, répondit-elle.

—Et quand se fait le mariage?

—Il est fait d'hier, fit-elle d'une voix si basse que je l'entendis à peine.

—Et où? demandai-je de nouveau après un silence.

—À la campagne, chez des amis communs, dit-elle; et, tout de suite:—Ils ont préféré que tu n'y fusses pas, pour ne pas déranger tes vacances. Ils sont partis pour trois semaines, puis ils viendront te voir à Paris avant d'aller en Italie... Moi, tu sais que je ne suis pas assez bien pour voyager. Je te garderai jusque-là... Sois doux, ajouta-t-elle, et va écrire.

J'avais bien d'autres questions à lui poser, bien d'autres larmes à répandre. Je me contins pourtant, et, un quart d'heure plus tard, j'étais assis dans le salon de la bonne et chère tante, et à son bureau. Que j'aimais cette pièce du rez-de-chaussée qu'une porte-fenêtre séparait du jardin! C'était une chambre tapissée de souvenirs. À côté du secrétaire ancien, je pouvais voir, appendus au mur dans leurs cadres de toutes formes, les portraits de ceux que la sainte fille avait aimés et qui étaient morts. Que ce petit coin funèbre remuait doucement ma rêverie! Il y avait là une miniature coloriée, représentant mon arrière-grand'mère, la mère de mon aïeule, en costume du Directoire, avec une taille courte et des cheveux à la Prudhon. Il y avait encore mon grand-oncle, son fils, une miniature aussi. Quel aimable et important visage à toupet d'admirateur de Louis-Philippe et de M. Thiers! Il y avait mon grand-père paternel avec sa rude physionomie de parvenu,—et mon père à tous les âges. Plusieurs de ces portraits, déjà très anciens, avaient été faits au daguerréotype; la lumière qui jouait sur les plaques à demi effacées rendait difficile de bien distinguer tous les traits. Une bibliothèque basse régnait un peu plus loin, où je retrouvais tous les livres de prix de mon père, gardés pieusement. Mon Dieu! comme je me sentais protégé par les portières en velours vert traversées de longues bandes de tapisseries,—chef-d'œuvre de ma tante,—qui tombaient à gros plis sur les portes! Comme je regardais avec complaisance le tapis aux nuances passées, dont j'avais, tout petit, voulu cueillir les fleurs! C'était une des légendes de ma première enfance, de ces anecdotes qui se redisent sur un fils qu'on chérit et qui lui font sentir combien les moindres détails de son existence ont été regardés, compris, aimés. J'ai touché plus tard la glace de l'indifférence... Ma tante surtout, parmi ces meubles aux formes démodées, comme je l'aimais, avec son visage où je ne lisais que tendresse absolue pour moi, avec ses yeux dont le regard me faisait du bien à une place mystérieuse de mon âme! Je la sentais si voisine de moi par la seule ressemblance avec mon père,—et ce jour-là davantage encore,—si bien que je me levai quatre ou cinq fois de table pour l'embrasser dans l'intervalle du temps que je mis à écrire ma lettre de félicitations adressée au pire ennemi que je me connusse au monde.—Et ce fut la seconde date ineffaçable de ma vie.

André Cornélis

Подняться наверх