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Pièce numéro 17

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(Écriture de Lucien Thibaut.)

(Sans date, avec cette mention: Pour Geoffroy.)

Je l'ai vue pour la dernière fois. Elle est partie. Je suis seul.

Hier encore, je souffrais cruellement, c'est vrai, mais j'étais si heureux! Près d'elle, tout était oublié.

Je ne la verrai plus.

Te souviens-tu de notre haie où les chèvrefeuilles verdissaient déjà au-dessus des ronces quand je vis ma petite Jeanne pour la première fois?

La haie a fleuri, puis elle s'est dépouillée pour refleurir encore. C'était notre rendez-vous le plus cher. L'amour nous le consacrait, et le printemps et tout un essaim de jeunes souvenirs.

C'est là quelle m'avait dit: «Lucien», et que je lui avais répondu: «Jeanne».

Aucun autre aveu ne s'était échangé entre nous jamais, parce que nous aimions comme le cœur bat, tout naturellement. C'était notre existence. Nos âmes s'entendaient sans parler. Nous n'avions qu'une âme.

Ce matin, je me suis trouvé seul sous le grand châtaignier. Hier, elle m'avait dit: «On est bien qu'ici...»

J'ai attendu. Les branches parfumaient le vent, qui les balançait doucement. C'est bon d'attendre quand on sait que la bien aimée va venir.

Mais Jeanne ne venait pas et j'avais longtemps attendu. L'inquiétude m'a pris. Notre chère malade était si faible hier au soir!

J'ai franchi la haie.

De là on voit toute la route.

La route était déserte.

Oh! Jeanne! Jeanne! Mon anxiété, à peine née, allait déjà grandissant. Je me suis dirigé vers la petite maison. Les volets étaient fermés, la porte aussi. Que voulait dire cela?

Le souffle a manqué à ma poitrine.

J'ai frappé, pas de réponse.

Un paysan était à vanner du froment à cinquante pas de là, devant la porte de la métairie. Comme j'allais frapper encore, il m'a crié:

—Ce n'est pas la peine de cogner, il n'y a plus personne.

Je restai là tout étourdi.

C'était comme si j'eusse reçu un grand coup au-dedans de la poitrine.

La métayère, cependant, était sortie sur le pas de sa porte à la voix du vanneur. Elle m'appela, disant:

—La pauvre dame a laissé quelque chose pour vous en partant.

—Elles sont donc parties! m'écriai-je.

—Oui, comme ça, de grand matin, dans une carriole.

Et la dame était fièrement pâle.

—Parties pour quel endroit?

—Je ne sais pas. Voilà le paquet. Vous donnerez bien quelque chose pour la peine.

Je m'éloignai avant de rompre l'enveloppe. Je n'osais pas. J'attendis plusieurs minutes. Le hasard avait dirigé mes pas vers notre haie, dont le soleil chauffait maintenant les feuilles odorantes. Je m'assis ou plutôt je tombai en gémissant à la place même où j'avais vu ma petite Jeanne cueillir des primevères par ce beau soir de printemps....

Le dernier vivant

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