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Pièce numéro 26 bis
Оглавление(Écrite et signée par la supérieure des Dames de la Sainte-Espérance.)
Paris, ce 4 juillet 1865.
À Mme la marquise de Chambray, en son château, près et par Dieppe.
Ma chère fille,
J'ai le regret de vous apprendre que votre charitable intention au sujet de la demoiselle Jeanne Péry n'a pas eu le résultat qu'elle méritait et que vous désiriez.
Le nécessaire fut fait en temps pour prendre, rue de Verneuil, 31, et amener dans notre maison cette jeune personne à laquelle vous aviez la bonté de vous intéresser.
On lui donna une chambre commode et bien aérée, avec vue sur les arbres de l'enclos: elle eut la pension de deuxième classe à laquelle on ajouta quelques douceurs et toutes les consolations imaginables.
Je l'invitai même une fois, à cause de vous, chère fille, à ma modeste table privée, avec les grandes pensionnaires du premier degré.
Rien n'y a fait. Elle s'est tenue à l'écart pendant tout le temps de son séjour, rebutant nos mères par son silence boudeur qui ressemblait peu, en vérité, à la résignation chrétienne.
Puis, le matin du septième jour, elle a pris la clé des champs.
Elle était libre d'aller et de venir. Nous n'avions pas le droit de fermer sur elle la grille du cloître.
Je vous dirai, chère fille, qu'elle avait des lettres dans son tiroir. Nous avons cru devoir en parcourir une ou deux. Elles étaient signées de deux initiales L. T. et toutes remplies d'amour pur, de jeunes rêves, d'élans de l'âme et autres balivernes ridicules.
Sa fuite ne nous a donc causé aucune surprise.
Je vous rappelle les conditions de notre établissement: le mois commencé est dû en entier, plus le service et quelques suppléments tels que ports de lettres, visites de médecin, articles de pharmacie, bains, etc.
Notre mère-économe a pris la liberté de tirer sur vous et la présente vaut avis.
Je suis, en J. C, ma chère fille, etc.
P. S.—Nous sommes toujours en pourparlers avec le vieux millionnaire de la rue du Rocher, pour le terrain où doit être bâtie notre nouvelle maison. Il possède des hectares dans Paris! Et au prix où il veut vendre, nul ne saurait évaluer l'immensité de cette fortune.
On dit que vous êtes sa parente; ma chère fille, ne pourriez-vous lui écrire en notre faveur, faisant valoir avec votre tact précieux et votre brillante intelligence, que nous sommes un établissement de bienfaisance et que nos ressources sont bien bornées?
Je ne sais ce qu'il faut croire sur l'origine peu honorable des grands biens de ce vieillard, qui vit en dehors de l'Église, quoique séparé du monde.
Son nom est peu connu dans nos quartiers, bien qu'il y possède d'énormes immeubles, mais son sobriquet, «le Fournisseur», est populaire par l'envie et la haine qu'il inspire.
Avec un pied dans la tombe, qu'a-t-il besoin d'augmenter encore ses richesses? Parlez-lui pour nous. Ce qu'il lui faudrait ce sont des prières.