Читать книгу SOUS LA VOILE - Peter Foerthmann - Страница 5
Introduction
ОглавлениеTout au long de l’histoire, l’homme a pris la mer à bord de voiliers pour faire du commerce, partir à la découverte de nouveaux continents ou à des fins de conquête. Ce n’est pourtant qu’au XXe siècle qu’a jailli l’idée qu’il y aurait peut-être moyen de concevoir un voilier équipé d’un système de pilotage automatique. À l’âge d’or des grands voiliers et même durant les temps modernes, piloter un bateau signifiait ne pas lâcher un instant la barre à roue. À l’époque la main-d’œuvre était légion et bon marché et tous les travaux au niveau du pont et des gréements, ainsi que le mouillage et la remontée de l’ancre s’effectuaient manuellement. Lorsque la force brute ne suffisait pas, on avait recours à des poulies et des palans, ainsi qu’aux avantages mécaniques des barres d’anspect et cabestans pour manœuvrer l’ancre. Voyant qu’ils étaient en passe d’être évincés par la flotte de bateaux à vapeur en pleine expansion, les derniers grands voiliers se sont vus équipés de petits moteurs à vapeur susceptibles de venir en aide à l’équipage. Or, le pilotage proprement dit n’en demeurait pas moins une tâche purement manuelle et rude, même s’il y avait trois officiers de quart et lorsqu’on fixait la barre avec une aussière. Même les grands bâtiments à gréement carré sillonnaient les océans sans l’aide du moindre moteur électrique ni système hydraulique.
Au début du XXe siècle, la navigation de plaisance était un sport élitaire, réservé aux gens fortunés possédant un yacht et pouvant se payer un équipage au grand complet. Pour eux, il était inconcevable – même dans leurs rêves les plus fous – que la pièce maîtresse de leur joujou, c.-à-d. la barre, puisse un jour être automatisé.
Ce n’est qu’après le triomphe de la vapeur qui est allé de pair avec un essor rapide du commerce maritime et des croisières internationales que le barreur est devenu de moins en moins indispensable et a été finalement supplanté par le pilote automatique, dont l’invention remonte à 1950.
Les puissants autopilotes électrohydrauliques n’ont pas tardé à faire partie de l’équipement standard de tous les nouveaux bâtiments et, même si la barre à roue n’a pas été éliminée, l’autopilote a désormais sa place parmi les dispositifs automatiques, de plus en plus nombreux. Sur les navires commerciaux et les bateaux de pêche, la grande majorité des équipements sur et sous le pont – des dispositifs de charge aux cabestans en passant par les écoutilles des cargos et les winchs destinés à remonter plus rapidement les filets – ont été rapidement dotés de moteurs électriques ou hydrauliques. Avant que les grands bateaux ne soient équipés d’un système complexe de générateurs électriques et d’une kyrielle d’instruments très gourmands en énergie, et tant que le moteur principal n’était pas en panne, il y avait de l’énergie à revendre à bord.
Aujourd’hui, tous les navires commerciaux et bateaux de pêche du monde naviguent exclusivement sur pilote automatique – une donne qui devrait donner matière à réflexion aux plaisanciers. Même l’officier de quart le plus vigilant à bord d’un navire porte-conteneurs se déplaçant à une vitesse de 22 nœuds est incapable de faire virer son bâtiment instantanément de bord. Un cargo est plus vite là qu’on ne le pense, surtout à bord d’un yacht à voile où la hauteur des yeux est virtuellement nulle. Les collisions entre voiliers et cargos, telles qu’immortalisées par le dessinateur de bandes dessinées Mike Peyton, sont le cauchemar de tout navigateur. Les magazines de voile font régulièrement état de mésaventures de ce genre, les unes plus terrifiantes que les autres, au terme desquelles, dans la plupart des cas, le bateau rejoint les poissons au fond de la mer. Parfois l’équipage est sauvé et l’histoire se termine bien. Mais il y a aussi celle de ce navigateur solitaire dont le yacht a heurté un cotre de pêche pendant qu’il dormait. Une histoire tout aussi hallucinante qu’exceptionnelle qui a défrayé la chronique et s’est terminée devant les tribunaux.
À la lumière de ces histoires, on serait tenté de taxer la voile en solitaire de sport extrêmement dangereux – tout skipper étant tôt ou tard obligé de dormir. Or, on oublie trop souvent que la nuit, les navires commerciaux qui sillonnent les océans sont souvent laissés à la vigilance d’un seul homme... Et que si cet homme s’assoupit ou s’endort, le résultat est le même : le navire se transforme en un bateau fantôme constituant un énorme danger pour le navigateur qui a le malheur de croiser sa route juste à ce moment-là.
L’époque du barreur en chair et en os est pratiquement révolue. Le pilote automatique, non seulement infatigable, mais aussi plus fiable et performant, rend le barreur quasiment superflu. Même dans les fjords les plus étroits de la côte suédoise, les grands ferries de la compagnie Stena Line se faufilent sans encombre, à plein régime, entre les rochers et bancs de sable en se fiant entièrement à leur pilote automatique et aux signaux de leur système de navigation Decca. Dans de telles conditions, l’homme n’a plus qu’un rôle de supervision – un rôle qu’il ne peut, bien entendu, exercer que lorsqu’il a les yeux ouverts !
À la barre du Sedov, un quatre-mâts russe à gréement carré