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PRÉFACE.

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Il n'en est pas de Christophe Colomb comme de la plupart des grands hommes que l'histoire nous présente en exemple, et dont la gloire est souvent ternie par des actes qui blessent la morale, la justice ou l'humanité: c'est en vain que leurs admirateurs cherchent à justifier de tels actes par des motifs spécieux de politique ou d'impérieuse nécessité; cette prétendue gloire n'en est pas moins contestée, elle est même niée par les esprits droits qui ne reconnaissent de véritable grandeur que celle qui est basée sur la vertu.

«La gloire suit la vertu comme l'ombre suit le corps:» a dit le plus éloquent des orateurs romains. Ces belles paroles n'ont jamais pu s'appliquer à personne mieux qu'à Christophe Colomb; aussi, pendant que, tous les jours, on compare Annibal à Scipion, pendant qu'on cherche à décider si César l'emporte sur Alexandre ou sur tel autre héros des temps anciens ou modernes, on voit Colomb marcher hors ligne au-dessus de toutes les rivalités; sa gloire n'est seulement pas effleurée par les attaques que l'ignorance et l'envie ont essayé de diriger contre lui, et il est proclamé comme un modèle aussi parfait qu'il est possible de le concevoir d'un simple mortel.

C'est au commencement de 1851 que je pensai à accomplir le projet, depuis longtemps formé dans mon esprit, d'écrire la vie de Christophe Colomb. Je ne me fis nullement illusion sur les qualités qui manquaient à mon style pour traiter un tel sujet avec la supériorité littéraire qu'il exigeait; mais avant tout et selon moi, les voyages, la carrière maritime, les théories, les plans, les découvertes de Christophe Colomb ne pouvaient être bien exposés que par un marin; et quelle que fût mon infériorité sous d'autres rapports, je crus que cette qualité de marin devait passer avant toutes les autres, qu'elle me donnerait des droits à l'indulgence pour celles que je ne possédais pas; et, en me promettant de chercher à être clair, exact et véridique, je me mis consciencieusement à l'œuvre.

Je n'eus cependant pas la présomption d'aborder la critique de front; j'avais un libre et honorable accès dans un recueil mensuel, intitulé: Nouvelles annales de la marine: ce fut là qu'article par article, j'obtins que mon histoire de Christophe Colomb serait imprimée et qu'elle se livrerait aux yeux des lecteurs. Un accueil bienveillant fut fait à cet essai; enfin, aujourd'hui, il m'a été permis de trouver un Éditeur qui a réuni en un corps de volume tous mes articles successifs[1]. Ainsi, l'auteur a déjà reçu quelques éloges ou plutôt quelques encouragements, et l'on doit regarder ce livre comme une seconde édition de son œuvre primitive.

Il paraît même que l'ouvrage répond par sa nature au tour ou au mouvement présent des esprits parmi nous. Ce sujet a, en effet, été traité, depuis peu, sous diverses formes, et par des hommes de grande réputation: le Civilisateur de Lamartine contient un brillant résumé de la vie de l'immortel navigateur, principalement de la période qui a pour objet la découverte de l'Amérique; Cooper dans son roman de Mercédès, traduit en français sous le titre de Christophe Colomb, avait déjà décrit la même période; M. Jubinal nous a donné cette découverte d'après des pièces originales; la musique, enfin, par l'organe de Félicien David, l'un de ses plus harmonieux interprètes, en a fait le thème d'un des chants les plus mélodieux qui aient jamais frappé l'oreille des hommes.

Mon œuvre moins éloquente, moins fleurie, sans doute, que celles dont je viens de parler est, cependant, plus complète; elle embrasse toute la vie du grand homme; enfin, et je le répète puisque c'est son principal ou même son seul mérite, elle est écrite par un marin.

J'ai nommé Lamartine; ce n'est pas assez de le nommer, je dois encore le citer, bien que son magnifique style ne puisse que jeter une ombre défavorable sur le mien; mais il a fait de Christophe Colomb un éloge si complet, si profondément senti et si vrai, j'éprouve un si grand charme à voir mon admiration partagée, en tout point, par un homme d'un talent aussi élevé, que je ne puis résister au désir de reproduire ici les paroles de l'illustre écrivain:

«Tous les caractères du véritable grand homme sont réunis dans le nom de Christophe Colomb: génie, travail, patience, obscurité du sort vaincue par la force de la nature, obstination douce mais infatigable au but, résignation au ciel, lutte contre les choses, longue préméditation de pensée dans la solitude, exécution héroïque de la pensée dans l'action, intrépidité et sang-froid contre les éléments dans les tempêtes et contre la mort dans les séditions, confiance dans l'étoile non d'un homme, mais de l'humanité, vie jetée avec abandon et sans regarder derrière lui dans cet Océan inconnu et plein de fantômes, Rubicon de 1,500 lieues bien plus irrémédiable que celui de César! Étude infatigable, connaissances aussi vastes que l'horizon de son temps, maniement habile mais honnête des cours pour les séduire à la vérité, convenance, noblesse et dignité de formes extérieures, qui révélaient la grandeur de l'âme et qui enchaînaient les yeux et les cœurs, langage à la proportion et à la hauteur de ses pensées; éloquence qui convainquait les rois et qui domptait les séditions de ses équipages, poésie de style qui égalait ses récits aux merveilles de ses découvertes et aux images de la nature; amour immense, ardent et actif de l'humanité jusque dans ce lointain où elle ne se souvient plus de ceux qui la servent; sagesse d'un législateur et douceur d'un philosophe dans le gouvernement de ses colonies, pitié paternelle pour ces Indiens, enfants de la race humaine dont il voulait donner la tutelle au vieux monde et non la servitude des oppresseurs; oubli des injures, magnanimité de pardon envers ses ennemis; piété, enfin, cette vertu qui contient et qui divinise toutes les autres quand elle est ce qu'elle était dans l'âme de Colomb; présence constante de Dieu dans l'esprit, justice dans la conscience, miséricorde dans le cœur, reconnaissance dans les succès, résignation dans les revers, adoration partout et toujours!

«Tel fut cet homme; nous n'en connaissons pas de plus achevé; il en contenait plusieurs en un seul!»

Vie de Christophe Colomb

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