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DU PRÉLÈVEMENT DES EAUX.

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Stérilisation des vases. — De la prise des eaux courantes, des eaux de source, de puits. — Prélèvement des eaux à diverses profondeurs. — Récolte des eaux de pluie, de la neige et de la grêle.

Le but qu’on se propose quand on veut étudier quantitativement et qualitativement les bactéries d’une eau est certainement de ne soumettre à l’observation que les bactéries tenues en suspension dans cette eau; d’où la nécessité d’éviter, par tous les moyens possibles, la contamination du liquide considéré par des organismes étrangers.

Cette simple réflexion fixe, déjà, l’expérimentateur sur la nature des précautions dont il doit s’entourer dans l’opération très importante du prélèvement des eaux.

Il devra n’employer à cet effet que des vases propres et stérilisés, c’est-à-dire ne contenant pas de matières organiques et purgés au préalable de tout germe.

Autrefois, je me servais de tubes ou déballons effilés en pointe, scellés à une haute température, dont on cassait l’extrémité capillaire dans l’eau qu’on désirait prélever. Sous l’influence du vide partiel produit par l’air raréfié par la chaleur, l’eau se précipitait dans le tube ou dans le ballon qu’elle remplissait à moitié ; cela fait, la pointe capillaire était de nouveau scellée. Cette façon de procéder est la plus exacte et la plus scientifique; mais, outre qu’elle n’est pas d’une application facile entre les mains d’un correspondant peu au fait des choses de la micrographie, les ballons scellés à pointe effilée sont fort fragiles, peu commodément transportables: aussi doit-on dans la plupart des cas leur substituer des appareils d’une manipulation moins délicate.

On peut employer à cet usage des flacons de verre de 100cc à 200cc simplement bouchés au liège et auxquels on aura fait subir le traitement suivant:

Les flacons, d’abord munis à leur goulot d’un tampon d’ouate, sont disposés dans un bain d’air dont on élève graduellement la température jusqu’à 200°. Au bout d’une demi-heure, on peut considérer les germes contenus dans l’intérieur des flacons comme irrévocablement détruits. Les flacons refroidis, on enlève, avec une pince ou un fil métallique flambé, le coton roussi, qu’on remplace par un bouchon de liège légèrement carbonisé à sa surface par la flamme d’une lampe à alcool ou d’un bec de gaz. Les flacons sont alors entourés d’une feuille de papier et cachetés dans cette enveloppe. C’est ainsi que je remets aux agents chargés du prélèvement des eaux que j’analyse les vases destinés à les contenir. Ces flacons restent indéfiniment stérilisés, d’abord parce qu’ils sont purgés de tout microbe et de toute humidité, ensuite parce que la partie extérieure de ces vases, surtout la fente circulaire qui sépare le goulot du bouchon, reste à l’abri des sédiments atmosphériques et de toutes autres impuretés.

Il va sans dire qu’en l’absence d’un four à flamber on peut soumettre les flacons, à l’autoclave, à la température humide de 110° ; on arrive encore à les stériliser en les chauffant lentement en tous sens dans une large flamme, de façon à les porter quelques instants vers 250°. Dans ce dernier cas, on se servira avantageusement de petits ballons, de petits matras, de tubes à essais en verre mince; le risque de voir les vases se casser sous l’inégale répartition de la chaleur sera considérablement diminué.

Voici maintenant les diverses façons de prélever les échantillons d’eaux:

A. L’eau est courante et accessible à la main. — Le flacon stérilisé, débarrassé sur le lieu de la prise de son enveloppe protectrice de papier, est débouché et plongé à quelques centimètres de profondeur dans la masse liquide, le col du vase dirigé en amont de la rivière, c’est-à-dire en sens inverse du courant. Le flacon rempli est retiré de l’eau, bouché avec le bouchon de liège qu’on a constamment tenu au bout des doigts, sans l’appuyer contre les habits, le sol ou un objet quelconque.

B. L’eau est courante et peu profonde. — Il faut dans ce cas surtout, s’il s’agit d’une source, d’un drain émergeant du sol, prendre toutes les précautions possibles pour éviter de soulever le limon ou le sable qui forme le lit de la source ou du ruisseau.

Quelques eaux très pures jaillissent du sol avec une certaine violence en provoquant des tourbillons de sable et de matières vaseuses ou calcaires souvent souillées de productions microphytiques; pour avoir la composition bactériologique exacte de ces eaux de source, il est évidemment indiqué d’opérer le puisage à une distance assez éloignée de leur lieu d’émergence. Les sources de l’Avre qu’on va amener à Paris, et parmi elles la source des Graviers, présentent la particularité très gênante que je viens de signaler.

C. L’eau est inaccessible à la main, stagnante ou courante. — On désire, par exemple, puiser de l’eau dans la branche montante de son siphon d’arrivée de la Vanne au réservoir de Montrouge, dans l’aqueduc de la Dhuis, le canal de l’Ourcq, dans un puits, une citerne, un collecteur d’égout; pour cela, le flacon est lesté d’une masse de plomb, suspendu par le col au moyen d’un nœud coulant à l’extrémité d’une ficelle ou d’un fil métallique flexible, débouché et plongé dans l’eau à quelques centimètres de profondeur. Le vase plein est remonté, bouché, puis délesté et libéré de son fil suspenseur.

D. L’eau circule dans une canalisation. — Hors le cas des fontaines sans cesse jaillissantes, les robinets donnant accès à l’eau qu’on veut analyser doivent être grandement ouverts; à ce moment, il n’est pas rare de voir le liquide sortir vaseux et trouble sous l’influence d’une chasse énergique à forte pression, mais l’eau ne tarde pas à reprendre sa limpidité normale et à se montrer débarrassée des matières diverses qui peuvent s’accumuler et séjourner dans les branchements. On maintient environ dix minutes l’écoulement à plein jet avant d’effectuer le prélèvement. Agir autrement, c’est s’exposer à recueillir non seulement une eau souillée de dépôts terreux, mais encore une eau chaude ayant séjourné longtemps dans des conduites secondaires et à tous les points de vue différente de celle qui circule sans relâche dans les artères des canalisations urbaines.

Fig. 1.

Appareil pour prélever les eaux à diverses profondeurs.


E. Prélèvement des eaux à diverses profondeurs. — On peut avoir intérêt à connaître les richesses en micro-organismes des diverses couches liquides qui se superposent dans un fleuve, un réservoir ou un puits. Il est ici absolument nécessaire, pour opérer avec précision, d’avoir recours aux vases scellés. L’appareil que je vais décrire, représenté par la fig. 1, peut servir à cet usage; il a été mis sous les yeux du public, en 1886, à la caserne Lobau, lors de l’exposition de la Société de médecine publique et d’hygiène professionnelle.

Il se compose d’un petit matras d’essayeur M, d’environ 50cc de capacité, à pointe effilée recourbée en col de cygne P′, maintenu verticalement dans une armature métallique aaa. Le système, lesté d’un poids de plomb P de 2kg à 3kg, est suspendu à une cordelette résistante, graduée en mètres et fractions de mètre au moyen d’anneaux et de nœuds. Le long de cette cordelette glisse, dans les anneaux d, d, espacés d’un mètre, un fil de cuivre terminé par une bague A, embrassant le col fragile recourbé P’ du matras.

L’instrument descendu à la profondeur voulue, par un mouvement brusque et sec, on relève la bague qui tranche la pointe capillaire du vase scellé, et l’eau se précipite dans le matras stérilisé où un vide partiel ou complet a été produit.

F. Récolte des eaux de pluie. — L’analyse de l’eau de pluie pouvant donner dans quelques cas des renseignements utiles sur les microbes des diverses régions de l’atmosphère, il est indispensable de la recueillir avec les précautions spéciales qu’impose la nature de ce météore. Je mentionnerai l’appareil que j’emploie depuis quinze ans à cet usage à l’Observatoire de Montsouris. Il est fort simple, comme on peut en juger par l’examen de la fig. 2, mais il doit offrir certaines qualités que je dois faire ressortir.

Sur une tige de fer horizontale T, solidement vissée à un poteau de bois vertical P planté en terre, on fixe, à une hauteur de 2m, un entonnoir E en cuivre nickelé ou argenté, soigneusement flambé sur le lieu même de l’expérience. Au-dessous de cet entonnoir, on dis pose un creuset de platine P’ porté au rouge au préalable.

Fig. 2.

Appareil pour récolter les eaux de pluie.


La construction de cet udomètre doit être telle que, sans qu’il soit touché aux autres parties de l’appareil, le vase de platine P’ puisse être retiré et remis avec la plus grande facilité ; ce qui permet de récolter séparément la pluie au commencement, pendant et à la fin des averses ou des orages. Le petit couvercle C sert plus tard à préserver le contenu du creuset des impuretés atmosphériques qu’il pourrait recevoir au moment du transport et des manipulations effectuées au laboratoire.

J’insiste tout particulièrement pour que cet udomètre à prises d’échantillons de pluie soit suspendu le plus haut possible. Si on néglige cette précaution importante, si l’appareil est, par exemple, placé à 50cm ou 1m du sol, il arrive souvent que la pluie, en tombant sur la terre détrempée, fait rejaillir dans l’entonnoir et dans le vase récepteur des gouttelettes d’eau boueuse qui enrichissent considérablement en bactéries les eaux météoriques qui s’en montrent normalement peu chargées.

Je n’aime pas laisser mon appareil exposé à l’air extérieur pendant de longues heures, surtout durant les intervalles où la pluie cesse pour reprendre au bout de quelque temps, car pendant ces éclaircies les poussières de l’air viennent se déposer dans l’entonnoir, et l’ondée qui survient les entraîne avec elle dans le récipient, ce qui augmente évidemment la richesse microbienne du météore aqueux. Cependant, quand la pluie est fine et continue, comme cela peut arriver aux périodes pluvieuses de l’automne et du printemps, l’udomètre peut rester exposé au grand air pendant une douzaine d’heures; mais alors il importe, dans les saisons où la température dépasse 10° à 12°, de refroidir l’eau de pluie au fur et à mesure qu’elle tombe dans le vase destiné à la recueillir; pour cela, je l’amène dans un long tube de cuivre argenté fermé à son extrémité inférieure et plongeant dans un manchon cylindrique hermétiquement clos contenant du sulfure de carbone, où l’on fait barboter de l’air au moyen d’une trompe aspirante, de façon à maintenir la pluie recueillie vers 0°.

A cet appareil construit sur mes indications, il y a plus de huit ans, par la maison Wiesnegg, on peut avec avantage en substituer de plus simples en vissant le tube de cuivre récepteur à un récipient contenant soit du chlorure de méthyle ou encore de l’acide carbonique liquides; on règle le pouvoir réfrigérant de l’appareil avec un robinet de dégagement qui permet d’activer ou de ralentir la vaporisation de ces gaz liquéfiés souspression. La stérilisation du tube récepteur de l’eau de pluie s’obtient en plaçant horizontalement la bouteille et en promenant dans le tube un petit tampon d’ouate enflammée imbibée d’alcool. Pour éviter les accidents, l’appareil réfrigérant doit fonctionner à ce moment et produire un froid inférieur à 0°, ce qui ne nuit aucunement à ce flambage superficiel suffisant pour empêcher la condensation de l’eau et pour brûler les germes adhérant à la paroi interne du tube.

D. Récolte de la neige et de la grêle. — La neige et la grêle se recueillent très aisément, en exposant à l’air extérieur, au moment de la chute de ces météores, une boîte de cuivre cylindrique brasée, nickelée ou argentée et parfaitement flambée. La récolte opérée, on recouvre la boîte de son couvercle également stérilisé, puis on expose cet udomètre, aussi primitif que simple et exact, à la chaleur d’une étuve portée vers 30°. Au bout de 5 à 10 minutes, la neige et la grêle sont fondues et on dose en bactéries cette eau de fusion comme les eaux ordinaires. Une pesée pratiquée avant et après l’exposition donne en outre, au moyen d’un calcul élémentaire, la hauteur de la tranche de pluie correspondant à la chute de la neige ou de la grêle durant l’exposition de la boîte.

Il est une cause d’erreur inhérente au prélèvement des échantillons d’eaux destinés à l’analyse micrographique, dont j’ai vu plusieurs esprits méticuleux s’exagérer les conséquences: je veux parler de la contamination fortuite de ces échantillons par les poussières voyageant dans l’atmosphère. Il est évident que toutes les opérations du prélèvement des eaux s’effectuant au contact de l’air, ce dernier élément peut accidentellement déposer un ou deux germes dans l’eau destinée à être ultérieurement analysée. Mais, je le demande, en quoi ce fait peut-il fausser le résultat du dénombrement des bactéries? Un microbe perdu dans 150cc à 200cc d’eau, si par le plus grand des hasards il était saisi par l’analyste qui opère d’habitude sur 2cc à 3cc, n’augmenterait pas la richesse de l’eau considérée d’une bactérie par centimètre cube. Généralement, dans ces sortes d’essais, les unités sont pour la plupart du temps négligées et parfois même, avec les eaux de rivière, il est saugrenu de tenir compte des dizaines et des centaines.

Il importe beaucoup plus de se préoccuper d’une cause d’erreur autrement sérieuse qui peut, à l’insu de l’expérimentateur, altérer la sincérité des analyses microbiologiques: je veux parler de la pullulation des bactéries dans les eaux abandonnées à elles-mêmes.

Manuel pratique d'analyse bactériologique des eaux

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