Читать книгу Conseils aux mères, ou De l'hygiène du nouveau-né et de l'enfant à la mamelle - Pierre René Louis Guiet - Страница 6

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CHAPITRE PREMIER

Table des matières

Des précautions que la femme doit prendre pendant sa grossesse.

Pendant neuf mois, le fœtus fait partie intégrante de sa mère: il se développe dans son sein et n’est, pour ainsi dire, qu’un organe surajouté qui vit aux dépens de ses humeurs et de son sang. Quel lien tendre et mystérieux unit ces deux êtres, dans cette période intime d’incubation, qui constitue la vie intra-utérine! Aussi comprend-t-on la violence que se fait une mère pour consentir à rompre brusquement un si doux commerce et pour jeter au sein d’une étrangère l’enfant qui vient de se détacher d’elle-même?... mais n’anticipons pas sur ces idées, qui trouveront leur place au chapitre Allaitement.

La femme se doit à elle-même, elle doit à son mari et à l’être qu’elle porte, de prendre certaines précautions hygiéniques. Il est donc important de consigner ici quelques conseils dans l’intérêt d’un enfant qui est souvent l’avenir et l’espoir d’une famille entière.

Lorsque la femme a conçu, elle en est avertie par la disparition de ses époques et par certains phénomènes sympathiques, tels que le dégoût pour les aliments, les nausées, les vomissements, le gonflement des seins, etc.; elle évitera dès lors de se serrer, comme elle le fait d’habitude; car, de nos jours, les femmes croient assez généralement qu’on ne peut avoir une jolie taille sans être coupée en deux comme une guêpe. Les médecins ne sauraient trop protester contre une mode fâcheuse qui trouble si profondément les fonctions digestives et respiratoires, et qui a sur la santé des femmes de si déplorables résultats. Qu’elles veuillent bien jeter les yeux sur la Vénus de Milo, ce type de la beauté physique, elles pourront s’assurer qu’elle n’a pas la peau meurtrie par les baleines d’un corset!...

C’est surtout pendant la grossesse que les femmes s’épargneront ce supplice, dans leur intérêt bien entendu et dans celui de leur enfant. La taille veut être soutenue, jamais comprimée. On comprend aisément que les filles, qui n’ont pas le droit de s’avouer mères, cherchent à cacher leur faute à tous les yeux, aux dépens même de leur produit; mais celles qui sentent, avec un légitime orgueil, remuer dans leurs entrailles le fruit d’un amour permis, ne doivent rien faire pour troubler, en quoi que ce soit, l’évolution de l’être qui se forme mystérieusement dans leur sein. Qu’elles sachent qu’une pression intempestive peut solliciter avant terme les contractions utérines, ou forcer le fœtus, gêné dans ses mouvements, à prendre une position mauvaise et déterminer ainsi une parturition laborieuse et contre nature!

Quant à l’alimentation de la femme pendant la grossesse, elle sera ce qu’elle était auparavant; il n’y faut rien changer. On pense assez communément que les femmes grosses doivent faire usage d’aliments plus recherchés et manger davantage, par la raison bien simple qu’il en faut plus pour deux que pour un. C’est là une fâcheuse erreur, qui amène chez certaines femmes une pléthore artificielle et force la médecine à intervenir plutôt contre l’abus du régime que contre la grossesse elle-même. On ne saurait trop le répéter: la grossesse est une fonction normale qui, dans l’immense majorité des cas, s’accomplit normalement. Le dégoût pour les aliments, les nausées, les vomissements, prouvent que les femmes ont plutôt à restreindre qu’à augmenter leur alimentation. L’enfant trouve toujours de quoi se nourrir. J’ai souvent vu des femmes, affectées de vomissements incessants, obligées par conséquent de se contenter de fort peu d’aliments, et de fort légers, donner le jour à des enfants bien nourris. J’en conclus qu’une grande sobriété est indispensable aux femmes enceintes.

Un exercice modéré est aussi nécessaire; les humeurs de la mère, épurées par une légère agitation du corps, seront plus saines pour l’enfant. Mais si l’exercice pris dans de certaines limites est favorable aux mères et aux enfants, celles-ci éviteront les courses, les sauts, la danse, les promenades à cheval ou dans une voiture mal suspendue, enfin tous les mouvements violents qui peuvent ébranler les viscères et provoquer l’avortement. On m’objectera, je le sais, qu’un certain nombre de femmes dansent, valsent ou polkent toute la nuit; qu’elles font de longues courses à cheval, au galop même, et qu’elles amènent, malgré tout, leur grossesse à bien. Je réponds à cela qu’une telle immunité n’est point une excuse, et qu’une femme qui compromet si légèrement et pour des motifs si futiles l’existence de son enfant, est coupable devant Dieu et devant les hommes.

Il est un excès contraire qui, s’il n’est pas aussi blâmable, n’en a pas moins des résultats mauvais. Je veux parler de ces femmes énervées pour qui tout mouvement est pénible, toute digestion fébrile, et qui passent sur une chaise longue tout le temps de leur grossesse. En laissant ainsi croupir leurs humeurs dans l’inaction, elles leur communiquent des qualités vicieuses qui sont inévitablement transmises à l’enfant; c’est la plus déplorable pratique que je connaisse.

Les soins du corps sont indispensables. Les bains sont un adjuvant utile pendant la grossesse.

Les femmes chercheront aussi à s’occuper. L’un des plus grands bienfaits d’une occupation quelconque, est de soustraire le cœur et l’imagination à l’influence des passions. Elles s’exaltent et fermentent, surtout dans l’oisiveté et dans l’ennui de la solitude. Les émotions vives, d’autant plus dangereuses qu’elles sont concentrées, peuvent avoir sur l’utérus une influence marquée et devenir une cause puissante d’avortement; il faut encore soigneusement éviter les excitations érotiques répétées.

On a dit que l’état moral de la femme, soit au moment de la conception, soit dans le cours de la grossesse, pouvait influer directement sur l’état moral et physique de l’enfant. Je ne sais jusqu’à quel point cette observation est juste, mais il est prudent d’en tenir compte. Ainsi tout le monde connaît l’histoire de cette femme qui, ayant vu rouer un criminel, en fut si terriblement impressionnée qu’elle accoucha d’un enfant dont les membres étaient rompus aux mêmes endroits. Peut-être l’imagination s’est-elle chargée d’embellir ce fait?

On a cru remarquer aussi que les enfants illégitimes sont plus sagaces et plus spirituels que les autres. Les savants ont cherché à expliquer ce fait. Que n’expliquent-ils pas, les savants?... D’après M. Le Camus, l’auteur de la Médecine de l’Esprit, lequel, si l’on en croit Voltaire, n’en aurait mis que dans le titre de son ouvrage, «les enfants

«illégitimes doivent le jour à un amour

«industrieux. L’esprit des parents, conti-

«nuellement aiguisé par des ruses néces-

«saires à une tendresse traversée par des

«obstacles continuels, exercé par les arti-

«fices propres à tromper la jalousie d’un

«mari ou la vigilance d’une mère, éclairé

«par le besoin de dérober à l’opinion pu-

«blique des plaisirs qu’elle condamne, doit

«nécessairement transmettre aux enfants

«qui en proviennent une grande partie

«des talents auxquels ils doivent le jour;

«au lieu que les enfants nés dans l’indolente

«sécurité d’un amour permis, doivent

«nécessairement se ressentir de cette

«espèce d’abandon, de cette inertie avec

«laquelle on leur a donné l’être.»

Je laisse à l’auteur de la Médecine de l’Esprit l’entière responsabilité de ces appréciations.

Quant aux envies de la mère, qui, si elles ne sont pas satisfaites, auraient une fâcheuse influence sur le fœtus, nul ne croit plus à notre époque les fables qui se sont débitées et qui se débitent encore à ce sujet. Les taches de vin, de café, etc., sont des vices de conformation et ne sont nullement dus à l’imagination de la mère. Si ces envies sont raisonnables, rien n’empêche d’y condescendre; mais si elles sont absurdes, exagérées, tyranniques, on peut y résister sans danger pour l’enfant.

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