Читать книгу Aux glaces polaires: Indiens et esquimaux - R. P. Duchaussois - Страница 10
CHAPITRE IV
L’ÉTÉ
ОглавлениеLe soleil de minuit.—Activité de la nature.—Les maringouins.—Activité du missionnaire préparant l’hiver.—Le fleuve Athabaska-Mackenzie.—Les rapides de l’Athabaska.—Comment on les évita d’abord, par le Portage la Loche.—Comment on les attaqua enfin.—Mgr Taché et le Lac la Biche.—Mgr Faraud et les Sœurs Grises dans les rapides, en 1867.—Les vingt ans de Mgr Faraud au Lac la Biche.—La Prairie et les bohémiens de l’apostolat.—La grande poussée, sous Mgr Grouard et Mgr Breynat.—Les barges d’Athabaska-Landing.—La plus dure épreuve.—Les vitres du Père Séguin.
Enfin, après neuf mois de mort, le suaire de neige se dissout sur l’immensité de l’Extrême-Nord, et la vie circule tout à coup dans les fleuves, les lacs, les forêts et les plaines.
Le soleil, suspendu par le solstice, ne se couche plus sur le champ arctique. Au bord du Cercle Polaire, il flotte sans déclin dans le ciel, et la fête du soleil de minuit console de leur quarantaine de ténèbres les reclus de l’hiver. En deçà, sur l’espace qui reste de l’Athabaska-Mackenzie, il disparaît si peu qu’au Grand Lac des Esclaves son crépuscule et son aurore confondus chamarrent le firmament de couleurs en fusion, si vivantes, chatoyantes et nuancées, que, fixées sur la toile dans la réalité de leurs teintes, elles paraîtraient invraisemblables au spectateur de Londres ou de Paris.
Mais, de même que l’apparition du soleil est le signal de la résurrection et du mouvement dans les régions boréales, ainsi son premier coucher sera le signal du retour à l’immobilité glaciale.
Comme avertie de son court moment de grâce, la nature hâte son travail. L’on voit, pour ainsi dire, monter la végétation, les feuilles s’étaler en quelques jours, les fleurs sauvages pousser leurs fruits; et, en moins de trois mois, se planter et se récolter grains et légumes destinés à mûrir[7].
De concert avec la végétation, gibiers de poil et de plume se hâtent de naître et de grandir. Deux armées aux rangs pressés vont envahir, chaque été, les mousses attiédies et sans ombrage des bords de l’océan Glacial: les rennes par troupeaux; les oies, les cygnes et les canards par volées innombrables. Les rennes y élèvent leurs faons; les oiseaux aquatiques y font éclore leurs œufs. Cela fini, les rennes se remettent en marche vers le Sud; les oiseaux reforment leurs triangles, les anciens coupant l’air devant les nouveaux, et regagnent ensemble, à plein ciel, dans un tourbillon de cris, les doux climats de la Californie, de la Louisiane et du Mexique. En même temps, des milliers d’oisillons, accourus de l’Amérique du Sud pour chanter dans tous les bois du Nord, repartent, sautillants, avec leurs couvées nouvelles.
Ce rapide été de soleil, de fleurs et d’oiseaux serait si beau qu’il ferait peut-être oublier la longue saison triste, s’il n’était écrit que le Nord n’accordera que des plaisirs payés de sang.
Le fléau de l’été polaire est une engeance pullulant au delà de toute imagination. Elle commence aux premiers rayons de mai, avant même que les glaces soient fondues, pour ne finir qu’au lendemain des dernières chaleurs.
Encore ne meurt-elle pas complètement. Le froid saisit les derniers nés, les pétrifie, comme il le fait des grenouilles et de certains poissons, en attendant que le printemps les rende au mouvement et à la malfaisante fonction de produire les œufs d’une autre génération et de s’acharner encore sur les hommes, jusqu’à l’éclosion générale.
La moustiquaire est, dans le Nord, aussi bien que dans les pays équatoriaux, un article indispensable du trousseau: moustiquaire de jour, qui enveloppe la tête, et moustiquaire de nuit, qui défend tout le grabat.
Ces insectes, communément appelés maringouins dans les deux Amériques, sans doute par une sorte d’onomatopée, prise à la lancinante musique de leurs ailes, sont les moustiques des pays chauds, les cousins. S’acharnant sur tout être vivant, ils se jettent avec une fureur de prédilection sur les Blancs, les nouveaux venus surtout, dont le sang paraît à leur voracité plus succulent que le sang indien:
Je ne connais pas, écrit un missionnaire, de plus grand supplice que d’être assailli par ces myriades d’ennemis insaisissables: la faiblesse même, prise en particulier; la puissance la plus tyrannique et la plus irrésistible, prise en masse; multitude de chanteurs et de suceurs, qui vous suivent ou qui se remplacent; mais qui sont toujours et partout assez nombreux pour obscurcir le ciel, vous envelopper, vous harceler, vous exaspérer, vous couvrir la face, les mains, toutes les parties du corps accessibles à leur dard, vous siffler aux oreilles, vous entrer dans le nez, vous piquer la peau et se gorger de votre sang.
—Les maringouins qui nous avaient ménagés dans la rivière Athabaska, au début de notre voyage, dit Mgr Grouard, s’étaient, je crois, donné rendez-vous dans le bois, et n’avaient différé de nous attaquer que pour nous faire une guerre plus acharnée. Ni trêve, ni merci! Tel était le mot d’ordre. Il n’y avait qu’une chose à faire. C’était de se précipiter tête baissée au milieu de nos ennemis, de faire une trouée dans leurs rangs et d’atteindre, par une marche accélérée, les bords de la rivière la Paix, où nous pourrions respirer à l’aise. Notre plan réussit fort bien, quoiqu’il en coûtât du sang versé de part et d’autre...
Sans parler des guêpes et des taons qui ne font pas défaut, présentons une autre espèce de piqueurs, qui défie les moustiquaires aux mailles les plus fines, les brûlots:
Bestioles invisibles, dit le Père Lécuyer, missionnaire à l’embouchure du Mackenzie, bestioles créées pour l’expiation de nos péchés, qui pénètrent partout, passent à travers les couvertures et les habits, et dont la piqûre brûle (d’où leur nom vulgaire) comme un tison ardent. D’où vient tout ce petit monde? Je ne le sais guère; car s’ils attendaient qu’on aille les chercher... mais cela surgit comme par enchantement du feuillage, du recoin des rochers, et, en un clin d’œil, ils se rangent en bataillons et s’apprêtent à vous dévorer...
Au milieu de cette animation de la nature amie et ennemie, le missionnaire aussi déploie son activité.
Son traîneau remisé et ses chiens relâchés, il se hâte de préparer l’hiver suivant.
Comme l’hiver a été le temps des voyages apostoliques, ainsi l’été sera le temps des voyages d’affaires: voyages du personnel, prêtres et religieuses; voyages du matériel des missions que l’on ne peut se procurer que dans les pays civilisés.
Un fleuve est l’unique voie pour pénétrer, durant l’été, dans l’Athabaska-Mackenzie.
Ce fleuve est grand, magnifique et périlleux.
Il ne mesure pas moins de 4.000 kilomètres, à le suivre depuis sa source principale, qui est le mont Brown, dans les montagnes Rocheuses, jusqu’à son embouchure, qui est la baie Mackenzie, dans l’océan Glacial.
Il reçoit, chemin faisant, plus de cent rivières, dont les plus célèbres dans l’histoire des missions sont, sur la gauche, la rivière la Paix, la rivière au Sel, la rivière au Foin, la rivière des Liards grossie elle-même de la rivière Nelson, la petite rivière Rouge Arctique, la rivière Peel, ou Plumée; et, sur la droite, la rivière la Biche, la rivière des Maisons, la rivière de l’Ours.
Il draine en outre le trop plein de lacs nombreux, parmi lesquels: le Petit Lac des Esclaves, le lac la Biche, le lac Athabaska, le Grand Lac des Esclaves, le lac la Martre, le Grand Lac de l’Ours[8].
La dernière évaluation de son bassin se porte à 2.600.000 kilomètres carrés.
N’est-il pas à déplorer que l’on ait donné à ce colossal déversoir des eaux arctiques des noms divers, qui paraissent fragmenter l’unité de son parcours? Du mont Brown, sa source, au lac Athabaska, on l’appelle rivière Athabaska; du lac Athabaska au confluent de la rivière la Paix, la rivière des Rochers; de là au Grand Lac des Esclaves, la rivière des Esclaves; du Grand Lac des Esclaves à la mer polaire, le fleuve Mackenzie. C’est bien cependant la même grande artère, si pleine et si puissante qu’elle traverse, sans s’y confondre, le lac Athabaska et le Grand Lac des Esclaves.
Elle mériterait au moins le titre d’Athabaska-Mackenzie.
Nous suivrons l’usage; mais nous nous souviendrons qu’à l’appel de chaque nom divers ce sera toujours le même grand et incomparable fleuve qui répondra.
Sa magnificence lui vient d’abord de son immensité elle-même. La largeur moyenne de l’Athabaska atteint le kilomètre; celle du Mackenzie n’est presque jamais en deçà d’un kilomètre et demi. L’Athabaska s’évase souvent de deux à quatre kilomètres, et le Mackenzie de quatre à sept plus souvent encore. Le Mackenzie sort du Grand Lac des Esclaves par une porte royale de 35 kilomètres environ; il en reprendra plus de 20 à la tête de son delta, et plus de 80 à son embouchure.
La variété escorte l’immensité de l’Athabaska et du Mackenzie.
Souvent escarpées depuis sa source jusqu’au fort Mac-Murray, les rives de l’Athabaska s’aplanissent ensuite jusqu’au lac dont elle emprunte le nom et qui lui sert de chenal. La rivière des Rochers, sortant du lac Athabaska, et la rivière des Esclaves, sa suivante, coulent dans une plaine continue. Les rives du Mackenzie, unies depuis le Grand Lac des Esclaves, s’encaissent, en aval du fort Simpson, dans les hauts contreforts des montagnes Rocheuses, venues à la rencontre du grand fleuve. Montagnes et fleuve vont jouer, dès lors, jusqu’à l’océan, à se côtoyer, se contourner, se traverser, à la condition que l’ampleur du fleuve soit toujours respectée. Une fois, cependant, les masses granitiques se resserrent subitement, comme pour arrêter le fleuve; mais celui-ci, se précipitant avec une force redoublée, maintient l’obstacle en deux remparts parallèles, amas fantastique de tours et donjons aux créneaux béants. Au sortir de cet effort, le Mackenzie évolue en un vaste cirque de relai, qu’il s’est creusé devant Good-Hope. Vue de la mission, cette scène est l’une des plus grandioses de l’univers. Plus loin, dans la zone polaire, le fleuve se place résolument vis-à-vis du Nord; et, entre deux haies lointaines de montagnes et de glaciers aux cimes resplendissantes, il descend une avenue très large et très droite de 70 lieues.
A l’entrée des remparts du Mackenzie, près Good-Hope
Sur tout le parcours de l’Athabaska-Mackenzie, jusqu’à cette extrémité de la région arctique où rien n’échappe plus à la mort, les forêts vierges succèdent aux forêts vierges. Le silence de ces forêts n’est brisé que par le fracas des torrents roulant, de loin en loin, dans les gorges sauvages; et l’on ne voit sur les plages que les orignaux et les ours qui viennent s’abreuver au fleuve.
Au dégel des hautes neiges, les rivières la Paix et des Liards se chargent, au point d’en être pontées, d’une flotte d’arbres de toutes formes, avec leurs racines et leurs ramures, arrachés aux flancs des montagnes Rocheuses. La rivière des Esclaves recueille ce providentiel tribut de la rivière la Paix, et le Mackenzie celui de la rivière des Liards, pour les distribuer à toutes les grèves de leur domaine, jusqu’à l’océan Glacial. Ce bois de grève sera le combustible abondant du prochain hiver pour les déshérités de l’Extrême-Nord. En même temps, les eaux du Mackenzie devenues limoneuses, comme les fleuves de la Haute-Asie, forment des îles nouvelles, grugent les anciennes, rongent les rivages, comblent les chenaux, allongent les abords des lacs et transforment les paysages de leur défilé. La rapidité de cette drague à accomplir ses ouvrages provient de la vitesse que partagent tous les cours d’eau, envoyés aux océans par les montagnes Rocheuses.
Tel est le fleuve Athabaska-Mackenzie, appelé par les sauvages, ses riverains: le Naotcha, la rivière géante, ou la rivière aux bords géants.
Hélas! ce fleuve géant, que le voyageur trouve plus beau chaque nouvelle fois qu’il en descend les flots, a englouti dans ses profondeurs quatre de nos missionnaires. Cinq autres furent noyés dans ses affluents.
Les deux dernières victimes, les Pères Brémond et Brohan, chavirèrent ensemble, aux rapides du fort Smith, dans la rivière des Esclaves.
Ces morts, si cruelles pour nos missions, ne sont cependant qu’un faible tribut payé aux traîtrises des rivières et des fleuves. Presque tous les missionnaires eussent sombré dans les rapides du Nord, au cours de tant de voyages, faits et refaits, sur leurs embarcations fragiles, si la main de Dieu ne les eût, quelque jour, comme miraculeusement sauvés; et chacun d’eux apporterait ici ses preuves, bien à lui, de ces interventions d’en-haut, survenues à l’instant où il se croyait perdu.
Nous venons d’écrire le mot redoutable, qui revient si souvent dans les récits des missionnaires: les rapides.
Dans les Rapides
C’est autour des rapides que l’on peut grouper toutes les difficultés de la question vitale de l’Extrême-Nord, la question des transports.
A éviter les plus dangereux rapides d’abord, à les braver ensuite, compagnies de fourrures et missionnaires ont dépensé leurs énergies et leurs ressources.
Le Canada, ce grand corps continental veiné de cours d’eau, n’en laisse peut-être pas circuler un seul, jusqu’à sa fin, sans le hacher d’obstacles. Des cataractes de Niagara, mères du Saint-Laurent, aux Chutes du Sang du fleuve Coppermine, au bord de l’océan Arctique, le système fluvial canadien court de rapides en rapides.
La carte orographique septentrionale explique d’elle-même à l’œil la provenance et la multitude des barrages rocailleux, causes des rapides[9].
On demeure stupéfait devant les blocs arrachés à la masse de ces barrages et projetés en aval par la force des courants contrariés. La brèche ainsi ouverte, les eaux s’y précipitent avec une impétuosité proportionnée à leur propre volume, à l’étroitesse de l’engorgement et à la déclivité d’une pente qui va s’accusant sans cesse de la tête du banc de pierre à la reprise du lit normal, lequel se creuse plus vite que ne peut s’user l’obstacle. Lorsque cette pente, toujours désordonnée et violente, descend en soubresauts, c’est le rapide. Si elle tombe de rochers en rochers, elle devient la cascade. Les cataractes s’écrasent à pic dans les gouffres.
Les cataractes et la plupart des cascades demeurent inaccessibles à l’homme. Les rapides se laissent franchir, ou non, selon la hauteur des crues, la qualité des esquifs et l’habileté des pilotes. Mais citerait-on vingt rapides, parmi les milliers du Canada, qui n’aient jamais broyé quelque barque contre leurs récifs, ou saisi dans leur remous tournoyant quelque infortuné?
Merveilleuse exception, le fleuve Mackenzie proprement dit n’est entravé, dans les 2.000 kilomètres de son cours, que par trois ou quatre rapides, qu’il suffit de connaître pour les aborder impunément: l’un dans la plaine, les autres parmi les montagnes. Un vapeur peut remonter ce fleuve, de son delta à sa source, qui n’est autre que le Grand Lac des Esclaves, traverser ce lac, s’engager dans la rivière des Esclaves, et suivre celle-ci, sans arrêt, jusqu’au fort Smith, soixantième degré de latitude et limite sud du vicariat du Mackenzie. Il aura parcouru 2.500 kilomètres ininterrompus depuis la mer Glaciale. Le jour viendra, sans doute, où des vaisseaux océaniques arriveront au fort Smith, de toutes les mers du monde, par le détroit de Behring, aussi facilement qu’à Montréal, par le Saint-Laurent, quoique en une plus brève saison. Des dragages dans le delta du Mackenzie, aux abords du Grand Lac des Esclaves, dans certains méandres où s’accumulent les alluvions, et le déblaiement d’un passage dans les rapides ouvriraient aisément cette voie. Jusqu’ici, les vapeurs en usage ont dû prendre une forme qui ne demande qu’un faible tirant d’eau; et encore vont-ils échouer sur les hauts-fonds. Ces quilles trop plates rendent la traversée des lacs particulièrement dangereuse.
Au fort Smith, sur 35 kilomètres continus de la rivière des Esclaves, se dresse la barrière invincible des rapides et des cascades qui furent le tombeau des Pères Brémond et Brohan.
Cette barrière du fort Smith est tellement invincible que les poissons eux-mêmes ne purent l’escalader. La preuve en est dans ce fait que l’on ne trouva jamais, en amont de ces rapides, un seul spécimen d’une espèce répandue dans toutes les rivières et dans les lacs du Nord communiquant avec la mer Glaciale, et que l’on pêche, en abondance parfois, au pied même du dernier rapide du fort Smith. Le nom scientifique de ce poisson est le saumon du Mackenzie (Mackenzii salmo). Son nom vulgaire, seul usité, est l’inconnu. L’inconnu, de belle taille et de chair blanche, est fort apprécié des gens du Nord.
On s’aventura d’abord sur quelques extrémités de la rive droite des rapides du fort Smith, mais au prix de grands dangers, de plusieurs naufrages et de trois longs portages sur des côtes horribles. Puis, un portage définitif de 25 kilomètres, et permettant d’éviter complètement toute la chaîne des rapides, fut pratiqué dans la forêt qui longe la rive gauche.
Un portage est un chemin de terre destiné à faire passer un convoi d’une eau navigable dans une autre, soit que ces eaux, en réalité, ne communiquent pas entre elles, soit qu’elles offrent des conditions trop accidentées ou une profondeur insuffisante à la flottaison. Tout est débarqué sur le rivage et porté à dos par l’équipage. Les embarcations sont portées ou traînées, selon leur poids.
Mgr Charlebois dans un portage du Keewatin (1921)
Les portages exécutés au fort des chaleurs, dans les cailloux et les marécages, à travers broussailles et moustiques, sont les impasses appréhendées par les voyageurs d’aujourd’hui autant que par les découvreurs du siècle passé. Ils n’ont point progressé dans le Nord, excepté quelques-uns, plus longs et plus fréquentés, comme ceux du fort Smith, du Vermillon, de la Loche, qui ont fini par recourir aux bœufs ou aux chevaux.
De la tête des rapides du fort Smith au lac Athabaska, en remontant la rivière des Esclaves et la rivière des Rochers, il ne se rencontre que deux rapides peu redoutables.
Du lac Athabaska au fort Mac-Murray, belle et tranquille navigation.
C’est ici, sur le fort Mac-Murray, situé au confluent de la rivière Athabaska, qui arrive du Sud, et de la petite rivière Eau-Claire, qui arrive de l’Est, que nous prions le lecteur de fixer sa particulière attention, s’il veut bien s’intéresser à notre problème des transports; problème qui absorba la vie de Mgr Faraud, premier vicaire apostolique de l’Athabaska-Mackenzie, qui fit blanchir son successeur, Mgr Grouard, et qui demeura, jusqu’à ces dernières années, le tourment de Mgr Breynat, vicaire apostolique du Mackenzie.
Mac-Murray marque la fin d’une série de rapides qui commencent 130 kilomètres en amont, et dévalent dans un encaissement de rives, où la nature semble avoir voulu précipiter toutes ses sauvages beautés.
Ce sont les rapides de la rivière Athabaska, ou simplement les rapides. Si bien que, dans les récits du Nord, dire «les rapides», sans plus, c’est évoquer ceux-là, comme si les autres n’étaient que négligeables, et qu’il n’y eût à compter qu’avec ces terreurs de l’Athabaska pour atteindre le Nord.
Le premier des rapides de l’Athabaska, que ses mugissements annoncent de loin aux voyageurs qui descendent la rivière, est appelé le Grand Rapide. Mgr Faraud en fit cette description, en 1867, quelques jours après y avoir échappé à la mort: