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LA DANSEUSE NUE

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On a vu ici même hier que la danseuse, Adorée Villany, fut récemment poursuivie pour avoir dansé en public sans voile et que son procès ne put avoir lieu, la police n'ayant pu découvrir, parmi près de trois mille spectateurs, un seul plaignant. Cela s'est passé à Munich. Si je reviens sur cette histoire, c'est que je crois bon d'y ajouter quelques réflexions et d'appuyer un peu sur le désaccord qu'on y voit entre la morale officielle et courante et celle qui régit les groupes les plus intelligents de la société moderne. Il y a aujourd'hui, et il y eut peut-être toujours, même sous le règne du christianisme le plus sévère, quantité de gens auxquels il est impossible de faire comprendre qu'il est salutaire et moral de contempler une statue nue, mais malsain et immoral de regarder à l'état de nature le modèle de ladite statue. De plus, ils sont absolument convaincus, quoi qu'en pensent les extraordinaires moralistes, suscités peut-être par la corporation des tailleurs et chemisiers, que l'être humain vient au monde tout nu, que le nu est donc son état de nature, qu'il ne peut apparaître dans sa vraie beauté qu'à l'état de nu, et que le spectacle de la beauté étant réconfortant, il n'est rien de meilleur pour l'homme que la vue de soi-même à l'état de perfection, car je consens sans peine à ce qu'on ne dévoile que le nu parfait ou qui donne l'illusion du parfait. On comprenait encore cela il y a trois ou quatre siècles et, dans les fêtes solennelles, les magistrats commandaient aux plus belles femmes de bonne volonté de se montrer nues au peuple. Cela est rapporté, par exemple, dans le récit de l'entrée de Charles-Quint à Anvers. A la même époque il n'y avait pas encore à Paris de grandes fêtes sans l'exhibition de belles filles nues. Le Moyen Age, qui est, à bien des points de vue, spectacles, jeux, bains publics, le continuateur des mœurs antiques, ne professait nullement l'horreur du nu, et les hommes n'avaient pas encore l'hypocrisie de protester contre un spectacle que presque tous désirent dans leur cœur. Mais que les pudibonds le sachent bien, les mœurs à ce sujet sont en train de revenir aux vieux usages. A elle seule, l'anecdote de Munich le prouverait. Il y en eut de pareilles chez nous.

Le chat de misère

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