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LE COUP DE GRACE

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On contait hier cette histoire. Sur une route, collision entre une voiture et une automobile. Le cheval est massacré. On le roule vers un fossé, on envoie quérir l'équarisseur, et on attend. C'est loin, enfin il arrive. Mais alors on se ravise. Il faut que l'agent d'assurance constate l'état de la bête. L'équarisseur s'en retourne navré, non de n'avoir pas fait son métier, mais d'abandonner à sa souffrance le pauvre cheval, car cet équarisseur est une manière d'homme sensible. Enfin passe un monsieur encore plus sensible qui ne peut pas supporter ce spectacle et prend sur lui de faire achever la bête qui durait toujours et haletait toujours. L'équarisseur revient, donne le coup de grâce. Sans doute, si cela avait été un animal humain, on l'eût porté à l'hôpital; mais il n'aurait pas eu l'aumône du coup de grâce. Les chirurgiens seraient arrivés, auraient recreusé son corps, l'auraient recousu, retapé, prolongé, qui sait? peut-être remis en état de se faire traîner dans un petit chariot. Figurez-vous le réveil du monsieur qui s'aperçoit qu'il n'a plus de jambes, que son corps est scié au ras du ventre. Vaudrait-il pas mieux qu'il ne se réveillât pas du tout? C'est dans les souvenirs du baron Larrey, je crois, qu'on trouve l'histoire de ce malheureux dont un boulet avait emporté la moitié de la figure, toute la face avec les yeux, le nez, la bouche, la langue et qu'on réussit à faire vivre dix-sept jours! Il mourut de saisissement, en passant la main sur ce qui lui restait de tête. Cette humanité n'est que de la cruauté. La vie n'a aucune valeur en soi, et quand elle ne peut plus être qu'une souffrance de tous les instants, les hommes devraient avoir le courage de se l'abréger mutuellement. En vérité, l'animal dont je viens de dire la fin a encore été relativement heureux. S'il s'était agi d'une créature humaine, elle souffrirait encore, elle souffrirait sans espoir.

Le chat de misère

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