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Les trois sortes de souffrance

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Bouddha a mentionné trois niveaux de souffrance :

– la souffrance de la souffrance

– la souffrance du changement

– la souffrance inhérente à notre condition.


Le premier degré parle de la douleur : la douleur physique et morale (les maladies, les pertes, la mort, etc.), toutes les douleurs et les sensations désagréables du corps (la faim, la soif, le froid, la chaleur) et celles que l’on retrouve dans l’esprit (la tristesse, la peur, le chagrin, etc.). Tout cela fait partie de la souffrance de la souffrance, qui est l’aspect le plus grossier de la souffrance. Chaque être est capable de reconnaître ces différents états et veut les éviter. Les animaux, eux aussi, les reconnaissent et désirent les éviter. Cette première souffrance compte donc de nombreux aspects, et nous sommes tous capables de la reconnaître sans erreur.

Le deuxième niveau de la souffrance est la souffrance du changement. Nous expérimentons beaucoup de sensations corporelles agréables (être rassasiés quand nous avons faim, avoir chaud quand il fait froid, rencontrer quelqu’un et avoir de la compagnie quand nous sommes seuls) ainsi que des sensations mentales agréables (la richesse, le pouvoir, la possession, les relations, la renommée ou encore la gloire). Nous pouvons même croire éprouver un très grand bonheur ou une grande joie dans certaines circonstances. Mais tout cela ne nous apporte en réalité qu’un bonheur relatif, car ce que nous expérimentons au travers de notre corps et de notre esprit n’est rien d’autre qu’un bonheur impur qui est un autre aspect de la souffrance.

Bouddha a expliqué tous ces différents aspects. Cependant, cela ne signifie pas du tout qu’il est interdit d’expérimenter de tels bonheurs, qu’il faille supporter la faim et ne rien manger du tout parce que la satiété est souffrance. Bouddha a simplement démontré que ces sensations ne sont pas le pur bonheur. C’est un bonheur très superficiel, un bonheur limité qui a toujours un potentiel de souffrance ; il ne faut donc pas confondre ces sensations. Par conséquent, nous devons faire preuve de sobriété et de satisfaction envers ces expériences. Si nous en usons ainsi, elles pourront même nous être utiles. Au contraire, si nous en faisons le but principal de notre vie, elles provoqueront un fort attachement et beaucoup de désirs ; et si nous outrepassons une certaine limite, elles se transformeront alors en souffrances.

Prenons l’exemple de la faim : elle appartient au premier type de souffrance. Si, pour nous rassasier, nous recevons un met succulent ou très agréable à manger, il peut arriver que nous le dégustions lentement. Ce remplissage progressif de notre estomac nous semble alors très agréable, comme un réel bonheur. Cependant, très vite nous rencontrons une limite ; si nous la reconnaissons et que nous nous arrêtons, c’est très bénéfique. Si par contre nous l’outrepassons, cela entraînera de la souffrance. Procéder de la sorte peut nous rendre malades et nous pouvons même en mourir. En effet, beaucoup de maladies proviennent de la nourriture ou du fait de trop manger.

La solitude est un autre exemple de souffrance insupportable. Cependant, avec de la compagnie cette souffrance disparaît lentement et ce processus nous semble alors être un très grand bonheur. Être très pauvres et ne rien posséder est également une grande souffrance. Mais si nous pouvons accumuler des possessions et de l’argent, nous devenons plus riches et lentement cette pauvreté et cette souffrance disparaissent. Cette douleur peut donc même alors nous apparaître comme un bonheur, mais en réalité tous ces bonheurs limités sont désignés par Bouddha comme bonheurs impurs, raison pour laquelle nous devons en connaître les limites. Nous devons donc user de beaucoup de sagesse et de sobriété par rapport à ces bonheurs. La richesse tout comme une bonne relation avec quelqu’un peut, selon les circonstances, se révéler fort utile. Cependant, si nous n’en sommes pas conscients et restons aveugles, l’avidité peut transformer ce bonheur, faire de gros dégâts et nous pouvons en souffrir.

C’est la raison pour laquelle Bouddha a dit que cette sorte de bonheur conventionnel n’est qu’une autre apparence de la souffrance, mais c’est une souffrance plus profonde que la précédente. Les êtres du royaume des animaux ne sont pas capables de la reconnaître. Il en est de même pour la plupart des êtres humains pour qui ce bonheur conventionnel est le but principal : ils sont donc constamment préoccupés par cet objectif.

Si nous subissons de la souffrance à travers de grands problèmes par exemple, cela nous écrase et nous rend triste. De même, si nous expérimentons le bonheur, il nous écrase et nous éprouvons de grands désirs, de l’attachement, etc. Nous sommes donc constamment emportés par l’un ou par l’autre. De plus, nous avons une grande aversion pour le premier et un grand attachement pour le second. La personne qui fonctionne de cette manière est appelée dans le Bouddhisme un être mondain.

Comment différencier une personne mondaine d’une personne sur le chemin spirituel ? On ne peut pas le voir d’après les marques extérieures (les habits par exemple) et dire qu’une personne habillée comme un moine est une personne spirituelle, et qu’une autre qui porte des habits civils est une personne mondaine. De même, on ne peut affirmer qu’une personne habitant dans un monastère soit une personne spirituelle et qu’une autre vivant dans sa famille soit une personne mondaine, ni qu’un ermite en retraite soit une personne religieuse et que ceux qui vivent en ville soient des personnes mondaines. On ne devrait pas faire de telles distinctions.

Alors où se trouve essentiellement cette différence ? Une personne mondaine se différencie d’une personne religieuse par sa motivation intérieure. Pour la personne mondaine, la souffrance et cette sorte de bonheur passager sont très importants. Éprouver une très forte aversion, une grande peur face à la souffrance et un grand attachement face au bonheur est la caractéristique d’une personne mondaine. L’esprit de cette personne n’est d’une certaine manière pas très stable ; il est même inconstant. Par contre, la personne qui suit un chemin spirituel est caractérisée par son renoncement. Renoncer ne signifie pas simplement tout abandonner. Quand l’attachement de l’esprit, le désir de suivre ses habitudes et l’avidité de bonheur ont été un peu apprivoisés, sont devenus moins importants et aussi quand la peur face à la souffrance n’est plus aussi forte et qu’un début d’équanimité face au bonheur et à la souffrance a été établi, on peut dire qu’une certaine stabilité a été développée dans l’esprit. Voilà le sens réel du renoncement.

Souvent quand la richesse, le pouvoir, le renom ou la gloire sont présents, tout est facile mais dès que la maladie ou la souffrance apparaissent, alors les difficultés commencent. Si à ce moment nous sommes capables non pas de nous laisser écraser par ces expériences mais au contraire de développer face à elles un peu d’équanimité, alors nous deviendrons une personne sur le chemin spirituel. En usant de ce bonheur avec sobriété, contentement et sagesse, il est possible que ces expériences deviennent utiles pour nous-mêmes et pour tous les autres êtres. Il est cependant important de reconnaître qu’il ne s’agit pas là du bonheur ultime ou d’un bonheur durable et pur.

Le troisième niveau de souffrance est encore plus profond : il s’agit d’une souffrance fondamentale. Contrairement aux deux premières souffrances, ce niveau n’est pas en rapport avec une quelconque sensation agréable ou désagréable. Il s’agit au contraire d’un état général et neutre qui caractérise notre condition dans le cycle des existences, ou Samsara. Cet état est par définition, que nous y éprouvions du bonheur ou de la souffrance, un état dans lequel nous n’avons aucune réelle liberté.

Bouddha a dit :

La plus profonde signification de la souffrance est le manque de liberté.

Donc, ne pas avoir de liberté complète, de totale libre disposition de soi, ne pas avoir le contrôle permanent de sa propre existence et de son propre destin est la signification la plus profonde de la souffrance.

Ne pas avoir sous contrôle le cycle de notre propre naissance, de notre propre mort et de notre propre renaissance est un manque de réelle liberté. Ainsi, nous subissons le cycle des existences dans lesquelles nous prenons naissance et nous vieillissons, nous subissons le processus de la maladie et nous mourons en fin de compte sans rien maîtriser. Que cela nous plaise ou non, que nous le voulions ou non, nous devons le subir.

Une telle situation, un tel cycle des existences est de la nature de la souffrance qui caractérise et définit le cycle des existences conditionnées. Tous les êtres font l’expérience d’un tel cycle : nous y sommes nés, que cela nous plaise ou non, que l’environnement ou les conditions nous plaisent ou non. On peut même dire que nous sommes tombés dans cette situation inconsciemment, sans plans préétablis ; nous y sommes nés quelque part sans aucune sorte de contrôle.

Notre naissance est effective dès la conception. En effet, pour le Bouddhisme la naissance a lieu bien avant la naissance conventionnelle. Puis immédiatement dans le ventre de notre mère a commencé notre processus de vieillissement. A chaque instant nous devenons plus âgés, personne ne rajeunit. Ainsi nous passons par les différents stades de la vie : bébé, jeune enfant, jeune homme, homme d’âge mûr et vieillard, dernier stade qui n’arrive que si nous avons une longue vie. Durant ce cheminement, nous éprouvons à certains stades plus de plaisir que dans d’autres. Cependant nous devons, depuis la naissance, traverser ce processus complet qui est comme une course sans fin. D’ailleurs, nous ne pouvons pas dire : «Ici je fais une petite pause» ; «cela me plaît mieux ici» ou «je vais rester plus longtemps ici». Les évènements vont à leur propre vitesse dans un processus inéluctable comme dans une course de chevaux. Tout conduit à une fin : la mort, que cela nous plaise ou non, qu’on le désire ou non.

La plupart des gens ne désire pas mourir mais la mort survient malgré tout. Nous n’avons d’ailleurs aucune certitude sur celle-ci, nous pouvons simplement affirmer qu’elle aura lieu. Nous ne pouvons pas déterminer son moment précis, sa manière et son lieu. Tout cela échappe à notre contrôle. Cependant dans le Bouddhisme, la mort n’est pas la fin. D’autres existences suivront automatiquement dans un processus inexorable et cet enchaînement de vies compose une sorte de cycle des existences sur lequel nous n’avons aucun contrôle. Telle est notre situation fondamentale de souffrance.

Il est facile de reconnaître cette situation : elle est semblable à une personne qui se trouve en prison. C’est une situation assez douloureuse dans laquelle elle fait peut-être des expériences pénibles, mais surtout dans laquelle elle perd sa liberté. Il peut arriver parfois que la nourriture y soit un peu meilleure. Mais le fait d’être en prison est une situation de souffrance et tous les problèmes qui en découlent sont liés au fait d’être incarcéré. Cette situation signifie que le prisonnier n’a aucune liberté sur son destin. Le fait d’être en prison est donc la cause de la souffrance. Nous évoluons de la même manière dans le cycle des existences conditionnées : il nous manque cette complète liberté sur notre destin, et cet état même est la profonde signification du troisième type de souffrance fondamentale.

Cette souffrance est différente ou distincte des deux premières expliquées plus haut ; certains êtres souffrent plus de la première, d’autres plus de la deuxième. Dans le Bouddhisme l’on parle de six sortes de royaumes d’existence. Certains êtres gravitent dans le premier royaume, d’autres dans le second… Tout est différent : tous ne sont pas au même endroit ni dans le même état. Chez les humains aussi, certains éprouvent plus de bonheur et d’autres plus de souffrance. Mais la troisième souffrance, fondamentale, concerne tous les êtres du cycle des existences. Qu’ils soient humains, animaux, dieux ou autre chose, tous sont toujours dans cette même situation où ils manquent totalement de complète liberté.

Telle est la signification de la première Noble Vérité de la souffrance. Bouddha a dit : «Ceci est la Noble Vérité de la souffrance.» Il n’a pas dit : «Il existe une Vérité de la souffrance et elle se trouve dans un endroit, par là-bas.» Il a dit : «C’est la Noble Vérité de la souffrance» ce qui signifie qu’elle n’est pas éloignée, dans un endroit indéfini ou perdue depuis longtemps dans le passé. Non, elle se situe exactement là, dans notre propre personne. Notre propre cycle des existences est donc explicité dans cette première Noble Vérité de la souffrance. Reconnaître cet état est un point très important.

Les Quatres Nobles Verités

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