Читать книгу Maritime Disputes in the Eastern Mediterranean - Roudi Baroudi - Страница 10

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En finir avec les jeux à somme nulle : Pourquoi Coopération rime avec Civilisation

Ce livre évoque explicitement la nécessité de définir les frontières maritimes internationales afin que les États côtiers, principalement ceux de la mer Méditerranée et en particulier ceux de ses eaux les plus orientales, soient plus libres d’exploiter en sécurité et efficacement les ressources au large de leurs côtes respectives. Il existe également une croyance implicite dans l’État de droit, dans l’immuabilité de la science et dans le devoir de tous les gouvernements responsables de rechercher le règlement pacifique des différends. En résumé, en tant qu’espèce, nous sommes arrivés au point où nous disposons maintenant des lois, des précédents et des procédures nécessaires pour résoudre de manière équitable et fiable la quasi-totalité des différends relatifs aux frontières maritimes du monde. Ce degré de certitude est rendu possible par les progrès technologiques qui ont révolutionné les domaines de la cartographie de précision et des logiciels de traitement des données. Les solutions sont disponibles pour résoudre des litiges vieux de plusieurs décennies, voire de plusieurs siècles. Mais cela ne peut se faire que si les États concernés respectent leurs obligations, sans prendre les armes, donc en utilisant les outils juridiques et diplomatiques à leur disposition.

Ces litiges ne sont en aucun cas dépourvus de conséquences. Tout d’abord, les 21 États qui bordent la Méditerranée ont une population totale de quelque 516 millions d’habitants, un nombre considérable si l’on considère ceux correspondants, par exemple, à la Russie (146 millions), aux États-Unis (329 millions) ou même à l’ensemble de l’Union européenne (513 millions). De plus, la plupart des pays méditerranéens sont en proie à la pauvreté et aux inégalités, aussi l’émergence d’un secteur énergétique prospère permettrait d’améliorer sensiblement la vie de centaines de millions de personnes. Enfin, le règlement du conflit sur les frontières maritimes permettrait d’ouvrir de vastes étendues de fonds marins aux entreprises pétrolières et gazières, ainsi qu’à d’autres secteurs comme l’exploitation minière,à des fins d’exploration et d’exploitation. Etant donné que les ZEE des 21 États côtiers contiennent un total de 67 volcans, dont la présence indique souvent l’existence de gisements variés allant du nickel aux diamants, en passant par l’or, alors le potentiel minier serait une opportunité sans précédent pour la région.

Les États de cette région sont liés par une géographie, une géologie et une appartenance commune aux Nations unies, à l’esprit de coopération incarné par le Processus de Barcelone (notamment le lancement du partenariat euro-méditerranéen en 1995), à la conférence des ministres de l’énergie à Trieste en 1996 et à la création en 2008 de l’Union pour la Méditerranée (UpM). Cette histoire commune donne aux 21 États côtiers et, par extension, à l’Union européenne tout entière, un intérêt collectif à promouvoir des conditions qui favorisent le commerce, les investissements et l’intégration économique transfrontalière. Par ailleurs, les sept États côtiers de la Méditerranée orientale abritent plus d’une vingtaine de centrales électriques fonctionnant au charbon,1 le plus polluant de tous les hydrocarbures, et un contributeur notoire au changement climatique mondial. Quand ces pays auront réglé leurs problèmes de frontières maritimes et commencé à produire du gaz naturel, le plus propre des hydrocarbures, la totalité ou la plupart desdites centrales à charbon pourraient être converties en ou remplacées par des installations au gaz, ce qui serait très bénéfique pour l’environnement à moyen et à long terme.

Le rôle de l’ONU est de servir de médiateur entre les gouvernements nationaux dans le but de mettre en place un système international régi par l’État de droit, et non par le recours à la menace ou à l’emploi de la force militaire. Ce rôle commence avec la Charte des Nations unies elle-même, qui oblige explicitement tous les États membres à régler leurs différends de manière pacifique. Et chaque fois qu’un gouvernement opte pour le dialogue plutôt que pour les chars, les sociétés humaines deviennent un peu plus civilisées. Pour notre propos, le point le plus pertinent de la boîte à outils des Nations unies est la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM). La CNUDM comporte un ensemble complet de règles applicables à tous les États qui l’ont signée et ratifiée, soit actuellement près de 170 pays, plus l’Union européenne.

On peut attribuer la création de la CNUDM aux actions du président états-unien Harry Truman. En 1945, Truman a étendu la revendication des États-Unis sur les ressources naturelles offshore de quelques milles nautiques au large des côtes à l’ensemble de leur plateau continental, qui pouvait s’étendre sur des dizaines, voire des centaines de milles en mer. La décision de Truman a été motivée par la prise de conscience que de vastes quantités d’hydrocarbures et d’autres ressources étaient probablement enfouies dans les profondeurs des fonds marins et que les progrès technologiques allaient bientôt rendre leur repérage et leur extraction possibles. D’autres pays ont rapidement suivi le mouvement, ce qui a entraîné la prolifération de revendications maritimes dans le monde entier et à des appels à l’établissement d’un système ordonné qui régulariserait la délimitation des frontières maritimes pour résoudre les différends et prévenir les conflits.

Ces appels ont finalement abouti à la création de la CNUDM, qui a été conclue en 1982 et est entrée en vigueur en 1994. Washington n’a jamais ratifié l’accord en raison de préoccupations concernant une section particulière, mais la politique des Etats-Unis a généralement consisté à accepter et à respecter les autres dispositions de la convention. Une situation similaire s’applique à Israël, ainsi qu’au Liban. Bien qu’Israël ne soit pas membre de la CNUDM, le pays a reconnu ouvertement et explicitement la suprématie des règles et procédures de la CNUDM dans son accord bilatéral sur les frontières maritimes avec Chypre. Dans toute négociation (directe ou indirecte) entre Israël et le Liban, le Liban a le droit d’insister pour que toutes les procédures se déroulent dans le respect des principes et des normes de la CNUDM. Ces normes acceptées permettront au Liban et aux autres petits États de résoudre les différends qui non seulement retardent leur développement économique mais exacerbent aussi les tensions. En particulier pour Chypre, la Grèce, le Liban et la Turquie, mais aussi pour plusieurs autres États méditerranéens, la création de zones maritimes clairement définies et la liberté de produire et d’exporter du pétrole et/ou du gaz pourrait améliorer grandement le niveau de vie des générations à venir.

Les producteurs nationaux d’électricité auraient accès à un combustible moins cher, ce qui permettrait de parvenir à l’équilibre des budgets. Les nouveaux revenus permettraient aux gouvernements de réaliser des investissements inédits qui contribueraient à relancer leur économie et à sortir des millions de personnes de la pauvreté. Compte tenu des avantages potentiels, il incombe à tous ces gouvernements de ne négliger aucun effort pour ouvrir la voie à leurs secteurs énergétiques respectifs. Malgré tous les avantages d’un processus «by-the-book2» ancré dans la CNUDM, aucune négociation ne se déroule en vase clos, et le différend israélo-libanais est un cas de figure qui nécessite la médiation des États-Unis.

Beaucoup s’opposent à ce type d’engagement, même indirect, mais si le Liban veut exploiter ses ressources énergétiques offshore3 en paix, il n’y a pas d’alternative à une forme d’entente avec les Israéliens, et donc pas de substitut à l’engagement des Etats-Unis. Des facteurs similaires s’appliquent à d’autres zones revendiquées qui se superposent en Méditerranée orientale, notamment à celles qui impliquent la Turquie et Chypre, la Grèce, la Syrie et même l’Égypte. Dans chacun de ces cas, les deux parties auront des raisons légitimes d’éviter les négociations, parmi lesquelles la désapprobation inévitable et potentiellement incendiaire des nationalistes. Comme pour le Liban et Israël, les ingrédients nécessaires au progrès devront donc inclure la sagesse de voir au-delà des préoccupations à court terme, d’avoir la volonté de surmonter les différences et le bon sens de préparer le terrain politique en éduquant le public sur les bénéfices potentiels que peut offrir la diplomatie.

La démarcation maritime en Méditerranée orientale constitue une grande opportunité pour démontrer la pertinence et la finalité de la méthode de la CNUDM. Si par exemple, et surtout quand le processus libano-israélien viendra à réussir, Israël et (surtout) le Liban pourront en récolter les bénéfices importants. Il en va de même pour d’autres litiges frontaliers dans la région. Plus les gouvernements se rendent compte de l’efficacité et de la polyvalence des outils juridiques et diplomatiques à leur disposition, plus ils sont susceptibles de se doter d’instruments similaires.

Cela signifierait plus de discussions, moins de tensions, plus de liberté pour construire des économies fortes et une diminution de la probabilité de conflits armés. Cela permettrait également au système international tout entier d’être plus proche d’un système entièrement fondé sur des règles, conformément à l’esprit de la Charte des Nations unies. Il est difficile de voir pourquoi quelqu’un pourrait s’opposer à tout cela.

1. Voir Carbon Brief, “Mapped: the world’s coal power plants,” 2018 (https://www.carbonbrief.org/mapped-worlds-coal-power-plants).

2. By-the-book : selon les règles

3. Offshore : au large ou en mer

Maritime Disputes in the Eastern Mediterranean

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