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LEIPOGRAMMES.
VEILLE D’UNE NVICT.

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Table des matières

A


Sprits qui voletez sur le bruict que bour donne

Le fleuve recourbé qui de son victe cours

Leche presque le tour de ceste ville, où l’ours

Qui fut premier trouvé le redouté nom donne:

Si deuot quelquesfois vostre troupe mignonne

l’honore de mes vers. Et sur les legers tours

Que le soir vous tournez, de mes divers discours

Le son tristé enroüé pour contrebruict t’entonne:

Priez pour moy le Dieu qui qui sied de costé

Sur le moite surion de ce fleuve irrité,

Qu’il cesse un peu le bruict qui trouble mes oreilless

Ores que je vous veux estrener de ces vers,

Puis escoute benin mille discours divers

Que je force sortir d’une nuict de mes veilles.

B

Qui vondroit resister à la puissance tienne

Doux enfat de la nuit, il luy faudroit aux diem

S’esgaler tout a fait, escheler leurs hauts cieux,

Et de leur doux Nectar humer la coupe pleine;

Mais garde le tonnerre au fils de Dindymene

Garde le traittement qu’eurent les factieux

Qui m’ont sur mont monté, (forfaict audacieux)

Rougirent de leur sang la motte Pelienne

Mieux vaut donc faire joug, et ne point resister,

Sommeil, à ton effort, de peur de t’irriter,

Et n’en remporter rien que repentir&peine:

Mais, Sommeil, je te pry ne te courrouce point,

Et dispense mes yeux en ce seul petit poinct,

Car ma douce fureur ceste nuict me demeine.

C

L’Espouvantable plant des pointes de Memphis,

Le tortueux entour de la prison serree

Du fils de Pasiphaë, Et la tour enserree

Que pour ta Danaë rude pere tufis.

L’or, l’azur, et l’email des aislerons du fils,

De la fille à la mer: Et la plaine azuree

Qui prit jadis son nom de la lourde viree

Que sentit le voleur, Phaebus, que tu deffis.

Les Titans guerroyans dessous la troupe haute,

Et le Saturnien qui de foudres n’a faute

Sur leurs testes dardant son soulfre garde-Dieux:

Le fugitif de Troye, Et depuis, le bon homme

Qui la louue seura des batisseurs de Rome,

J’ay veu au peu de temps que j’ay fermé les yeux.

D

SOnge-creux Palinur’ quant ceste forte enuie

T’accabloit sommeillant, il falloit à l’escart

Laissant ton gouvernail te retirer à part,

Et là ronfler ton soul en asseurant ta vie:

Et vivant tu aurois avec ta compagnie

Trouvé les marcassins sous le chesnu fueillart,

Quant mesme il eust fallu sur le Latin rempart

Que l’ame t’eust esté par l’ennemy ravie.

L’honneur t’en fust resté: Puis on eust eu le soin

A te faire inhumer, si les armes au poing

Les Troyens t’eussent veu poursuivre la victoire,

Non, come un gros taureau, tomber la teste en bas:

Va, je ne te plain point. Ne te falloit-il pas

Eschapper eu veillant la mort toute notoire?

E

Il n’y a pas une apostrophe pour sauver l’e

Pour ravir la toison quand Jason courut tant,

Il y parvint pour vray, l’arrachant hors du sort

Aux dragons flamboyãs: mais non par son bras fort,

Non par son bac fatal à Cholios loing flottant.

Car sans ton fort pouvoir qui luy fut assistant

O doux fils à la nuict, par un subtil confort,

Son cas alloit fort mal: Il y sust plustost mort,

Tant grand, tant bon fust-il, tant hardy combatant.

Mais tu luy fus amy, quand ton appast charmoit

Son dragon, qui sans fin son tison allumoit.

Il toüt donc par toy du prix ainsi conquis:

Donc à toy qui luy fis un tant amy support,

Vu tour tant à propos, un tant divin confort,

Soit un los immortel à tout jamais acquis.

F

Si viste par la plaine à l’heritier de Rhee

Le sapin tabourdé d’un Oüest inconstant

Ne galope leger: Et le traict loin-portant

Ne coupe si soudain la campagne aëree:

Si tost ses traits grondans de sa voute atheree

Le mary de Juno ne va point esclatant:

Et l’aigle ravisseur, si tost ne va battant

De son ventre poussé, la colombe esgaree:

Que l’importun Sommeil m’a dardé le rainceau.

Qu’il trempe dans le creux de l’oublieux ruisseau.

Et m’a contraint baisser dessous son coup la teste.

Pardonne moy, Sommeil, Roy de toute la nuict

Sinon aux soucieux, car pour ton seul deduict

Cest estrange discours à ton honneur s’appreste.

G

JE te veux entonner d’une façon nouvelle

Mon doux Bourdó de nuict, dous tyrã de mó cœur.

Je te veux ceste nuict rendre brave vainqueur

Du charme ensorceleur d’une libre cervelle.

Sa force vienne avant qu’elle espanche cruelle

Cent pavots sur me yeux, ny leur morne liqueur,

Ny ses pipeurs efforts ne te vaincront, moqueur,

De son pouvoir charmeur d’une foible femelle.

Passons donc ceste nuict, Bourdon, joyeusement.

Passons-la sans dormir, et veillons bravement,

Vainquons de ces pavots la puissance endormeuse

Mais, Bourdon mon amy, seulement ceste nuict,

Car d’aller plus avant outre que cela nuit,

On en remporte en fin repentance fascheuse,

H

Mignards, doux, gracieux, courtois, avantureux,

Esprits de la nuict sombre, ô demons, si ma ioye

Despend toute de vous, et si je vous desploye

Mes vers, mon passetemps, mon bien plus doucereux,

Esprits mon doux plaisir, mon esbat amoureux,

Si pour vous je me plais à ceste nuict tant coye,

N’engardez qu’à mon gré curieux je ne voye

Le rond de vostre bal dont je suis desireux:

Quelque verue peut estre esclatant de la note

Que fredonne en ces prez la bande qui balote

Me fera mille vers nou ouis entonner:

Car encor que je soy trop bas pour telle gloire,

Estant enflé de vous, j’oseray me donner

Un espoir nourrissier d’une longue memoire.

I

O Somme trop fascheux, tãt long temps combatu,

Te campant à l’entour de mon frót, de ma teste,

Ton charme ensorcelleur à m’attaquer s’appreste:

Va t’en. A quel propos tant outrageux mes tu?

Venez tost mes demons, monstrez vostre vertu,

Courez à mon secours, que vostre force preste

Rompe l’endormeur coup de la morne tempeste

Dont ce fort combatant me veut rendre abatu.

Ne vous emparessez courez à ce forceur,

Arrachez de ses bras son baston terrasseur,

Baston à mon cerveau trop dommageable peste:

Autrement tous ces vers vouëz à vostre nom

s’en vont en grand hazard de perdre le beau reste

Que vont leur promettez d’un eternel renom.

K

Amoureux papillon de ta fatale flamme

Qui deça, qui de la voltiges mille tours

A l’entour du luisant de tes folles amours,

Peu sage batissant de ton tombeau la lame:

si quelque soing te tient de la tendrelette ame

Va tost, suy t’en d’icy: de ton importun cours

Par trop infortuné n’ entreromps les discours

De la douce fureur qui ceste nuict m’emflamme.

Quoy, tu n’en fais donc rien? ô mortelle amitié!

Pauvret, n’auras-tu point de toy mesme pitié?

Chetif te voila mort tu as beu ta folie,

He! que j’en ay regret. Ainsi fait peu de cas

Le soldat esuenté de sa chetifue vie

Tournant tant le rempart qu’il trouve le trespas.

L

Prez verdis de gasons, vous que va fendant Aare

Au cours precipité, prez qui enceinturez

D’un honneur bigarré ces antres retirez

Où mainte Hamadriade et maint Faune s’esgare:

Orrez vous point ma voix en ces nouveautez rare,

Voix dont j’ay vos esprits fantastics honorez?

Vous seray-je ennuyeux, vous que j’ay desirez

Ornemens et sujets dont mes chansons je pare?

Or prez verdement beaux, si hardy j’ay conduict

Dessus vostre toison ait sombre d’une nuict

Une troupe seante au sommet de Permesse,

Endurez je vous pry’ que par ce nouveau son,

(Car mesme vos esprits en ont de moy promesse).

J’entonne dessus vous ma fantasque chanson.

M

Sous ce large peuplier par trois fois trois je tourne,

J’y basty un autel de trois fois trois gazons,

J’y apporte du feu de trois fois trois tisons,

Et trois fois trois grillons pour y brusler s’adjourne:

Par trois fois trois encor y verser je retourne

Trois fois trois pots de laict, trois fois trois poils grisons

Je croise tout autour, trois fois trois oraisons

Par trois fois trois encor barboter j’y contourne.

C’est pour vous bas esprits de ces antres bossus,

C’est pour vous Satyreaux des costaux de là sus,

C’est pour vostre troupeau Dryades forestieres,

C’est pour vous dieux des eaux aux reluisãs talons,

C’est pour vous dieux des bois: cest autel, ces grillons,

Ces pots blanchis de laict, ces poils et ces prieres.

N

Fatigué du travail que j’avoy’ de mes veilles

Je m’estoy resolu quoy qu’il deust m’arriver

De laisser à mes yeux le sommeil esprouver,

Pour ce que sa douceur a fort peu de pareilles:

Mais voicy tout à coup, (gracieuses merveilles)

Dryades et Satyrs pres de moy s’efleuer,

Et de leur bruict meslé du sommeil me priver

Qui sorcier m’avoit pris les yeux et les oreilles.

A l’heure je rougy. Mais pour réparer mieux

La faute qui m’avoit faict abaisser les yeux

Je me mis au millieu de leurs gayes caroles.

Flore me prit le doigt, l’yvoire je saisy

Qui m’avoit pour esclave serviteur choisi,

Et je levay les pieds à leurs balades folles.

O

LUt, aide gracieux à ma plume pesante

Quand le dieu Lethien vient assaillir mes yeux,

Lut le sainct esbat mien, le plaisir gracieux

Quand le fils de la nuict mes paupieres enchante:

Tairay-je à mes escrits le jeu sacré qu’enfante

Afin de m’esveiller ce nerf tien precieux?

Ingrat me diras tu du chant delicieux.

Chãt mignard, chãt plaisant qui mes peines esuente?

Atten, à mes escrits tes chants je mariray,

Aux âges mes escrits: Ainsi je publieray

Eternels mes escrits, et tes chants perdurables.

Si que tant que sera la terre dans la mer,

Et dedans l’air la mer, et dedans les cieux l’air,

Tes chants et mes escrits je rendray admirables.

P

Fier Somme, qui mes sens estourdis de l’ombrage

Dont tu vas ennublant mes yeux tant harassez,

Fascheux, que je te hay. Ne t’est-ce donc assez,

De ce que je t’ay faict en mes vers tout hommage?

Voire: le grand honneur, la gloire, l’advantage

Dont tu te vanteras sur des membres lassez

Membres des chastes sœurs forcez et tracassez,

Et guidez ceste nuict d’une fantasque rage,

Elles me font l’honneur de m’aimer, me chérir,

Elles daignent venir m’entendre discourir,

Ne craignans d’un sorcier la charmeuse cholere.

Elles me font dicter ces sujets hazardeux,

Admirent le nouveau que je delaisse en eux,

Toy, Somme tu seras de ma gloire adversaire

Q

Pour vous mes Satyreaux en la peine je suis (tes

Où vo’ me pouvés voir:&pour vous Nymphelet-

Aus beaus yeux, aus beaus dois, aus tresses blodeletes,

Je n’apprehende point d’endurer ces ennuis:

Pour vous dieux fonteniers aux rafraichissãs muis,

Pour vous sources encor aux eaux argentelettes,

Pour vous prez esmaillez de mille violettes,

Et pour vous belles fleurs je passe ainsi ces nuicts,

C’est pourtant seulement avec vous deviser

Au frais de ceste nuict, c’est pour vous courtiser,

C’est pour de mon pouvoir fouler vos rives nettes,

C’est pour sans nul danger me laver en vos eaux,

Pour vaguer dessus vous, pour m’orner: Satyreaux,

Nymphes, dieux fonteniers .sources, prez&fleurettes.

R

Sans fin les vents esmeus n’agitent pas l’eschine

De l’océan moiteux:&du haut tempestant

N’est l’indignation dans les monts esclatant

Sans fin ses coups, ses feux, sa vengeance divine:

Il n’est pas dit aussi que celle qui domine

Dessus tes passions, en fin naille abatant

Ceste folle hautesse et ce desdain, qui tant

Ta face diminue et ta liesse mine.

Attendant quoy, Amy, vien t’en jusques icy,

Vien avec mes demons,&chasse tout souci:

Au moins tien bonne mine, et ne fay plus l’esclave.

Maint gay demon t’attend fantastik&joyeux,

Et mainte belle Nymphe en chemise se lave,

Afin qu’elle te noye eu l’appast de ses yeux.

S

LE grand contentement, la joye incomparable

que d’honorer le dieu qui cherit le laurier!

Le fortune bon-heur que de luy dedier

Louange meritee en cloge agreable!

L’honneur, la volupté, le bien, l’heur favorable

Qu’avec mainte Nymphete&maint Faune cheurier

Tout le long d’une nuict tuer le mal, meurtrier

De la joye au mortel tant et tant profitable!

O moy content et gay de tel bien recevoir!

O quel heur me ravit privé de moy, de voir

Telle troupe baler le long d’un beau rivage!

Amy, croy moy vien t’en, quitte l’ambition,

Quitte moy de la Cour l’ennuy, la fiction

Un antre, un roc, un pré la vaut et davantage

T

Je ne croy pas qu’on aye aux champs Elysiens

Plus d’heur ny de plaisir: je ne croy pas qu’on aye

Plus de soulas, de bien, de liesse, de joye,

O Venus, ô Amour dans vos champs Paphiens:

Comme s’en ay receu comblé de mille biens

Sur le rivage gay de ce pré qui verdoye,

Sur qui mon nouveau vers, sur qui ma Muse gaye

Exerce sans danger sesieux Parnassiens.

Se voir ensorcelé d’une grace amiable,

Se perdre dans le son d’une lyre agreable,

D’un vers emmielé l’ambrosie succer,

S’esveiller au doux air d’une voix doucereuse,

Se brusler dans les feux d’une œillade amoureuse,

C’est le miel que j’y veux d’un plein aise amasse

V

L’Estoile de Cypris à la face riante

Commençoit à paroistre,&l’orizon doroit,

Et Phœbé crin-doré son chariot tiroit,

Prest de recommencer sa cariere esclairante.

Prest d’Aare le bastif le sommeil se presente

En pieds, à moy songeard, depit il preparoit

Son baston charme-soin, dont semblant il faisoit

De me frapper le front en sa force pesante.

Mais le Latonien, prince benin&fort,

Ayant le soin de moy, paroit à son essort

Le destin non chanté de ma belle entreprise.

Dont malgré ce songeard, ce frere de la mort,

Hardy je parseray, m’aidant de son confort,

Le style delaissé de ma lettre promise.

X

Hanter és enuirons des esmaillez rivages,

Dans l’ombrage d’un bois s’escarter gayement,

Dans l’obscur d’une nuict se fourrer seurement,

Apprivoiser l’horreur des antres plus sauvages:

Voir au travers de l’air mille&mille visages

De demons fantastics crier folastrement,

Et sur le bruict d’une eau sans espouvantement

Entrevoir des esprits les reluisans images.

Voila tout le plaisir, voila tout le deduict

Que tu verrois le long de ceste estrange nuict;

Mais guidé seulement d’une fureur divine:

Car ne pense jamais, Amy, qu’un estranger

Des Muses le peust voir sinon en grand danger

De tomber temeraire en piteuse ruine.

Y

Muse, n’est-ce point là le feu de la Deesse

Qui nasquit autrefois dãs le champ marinier,

Qui d’un bril esclattant ne nous veut denier

Du matin qui s’en vient le jour&la promesse?

Defia, n’est-ce point là l’Aurore qui se dresse,

Vermillonnant les monts de son char saffranier?

Desia, n’est-ce pas là le flambeau journalier,

Qui des plus petits feux faict escarter la presse?

C’est le jour, pour le seur, c’est le poinct asseuré

Qui te delivrera du combat enduré,

Qui t’a toute la nuict faict guerre si cruelle.

Mon œil ne veille plus, tu es en liberté

De t’aller reposer par le jour appresté,

Qui t’annonce le poinct de ceste aube nouvelle.

Z

Par vostre bon secours folastres Satyreaux,

Par vostre bon secours Dryades buissonnieres.

Par vostre bon secours Naiades fontenieres,

Par vostre bon secours joyeux demons des eaux:

Par vostre bon secours Phœbus aux cheveux beaux,

Par vostre bon secours sœurs chastes et entieres,

Par vostre bon secours chansons non coustumieres,

Cotaux, antres, valons, sources, rives et preaux:

Je suis venu au bout de mes lettres laissees,

A vous, par le labeur d’une nuict, addressees:

Et pour n’en estre ingrat, sur ce nouvel autel

l’engrave cest escrit en lettres immortelles,

CERTON, POURAPOLLON ET POUR LES NEVE PUCELLES,

EN L’OBSCUR D’UNE NUICT A FAIT CEST OEUVRE TEL

Vers leipogrammes et autres oeuvres en poésie de S. C. S. D. R

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