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LEIPOGRAMMES.
VOYAGE.

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Table des matières

A


Ieu des chemins Cyllenien Mercure

Qui tout le jour sur le ciel sers les Dieux,

Et toute nuict touches és tristes lieux

Les froids esprits despoüilles de mort dure,

Pren, je te pry, de ces vers quelque cure

Que tout le temps que sous les courbez cieux

Me pren chemin, que j’erre soucieux,

Je te depeins de diverse figure.

Les esprits n’ont mesprisé mon veiller,

Et d’une nuict ne m’ont veu sommeiller: :

Pour Neptune est mon onde designee;

Or doit de toy, si tu luy es benin,

Bon conducteur de telle destinee,

Prendre son heur mon entrepris chemin.

B

Pastres naurez, Pastorelles blessees,

Je veux marcher, car le jour est venu:

Sus, devant moy jettez menu menu,

Fleurs, roses, lys, lavandes et pensees.

Force chansons: Que vos voix soient haussees

Sur mon chemin,&me soit maintenu

Ce train gaillard, jusques au soir chenu,

Et du Soleil les carieres lassees,

Lors taisez-vous, car il faut reposer.

Mais qui seroit si hardy que d’oser

S’armer veillant contre le morne somme?

Il me souvient du contrast qu’une nuict

J’eu contre luy voulant veiller, comme

Le lendemain mon œil s’en repentit

C

Qui va lasser trop superstitieux

Ses pieds poudreux d’un long pelerinage,

Qui se hazarde au danger d’un voyage

Pour des thresors qui ne valent pas mieux:

Qui grand vanteur visitera maints lieux

Pour s’enbraver et valoir davantage;

Qui plein de sang, et guerre,&d’outrage

Au loin ira tout remplir de ses feux:

Or quant à moy, la superstition,

Le gain, la gloire, et moins l’ambition

e suyure Mars, ne m’induit, ne me meine.

Tant seulemeut le desir, qui jadis

Fit voyager Homere et tous les fils

Du Delien, aujourd’huy me promeine

D

Hier au soir sous leur vilaine bouë

Ne firent rien les paisans Lyciens

Que me fascher, plus importuns que chiens,

En mon sommeil par leur bourbeuse mouë:

Prophetes seurs pour l’aube qui se jouë

Et claire et nette ez lieux olympiens,

Car en son ris et poils ambrosiens

Sur mon chemin seraine elle se rouë.

Gente maistresse au grisastre Tithon

Amene-moy le pere à Phaëton

Autant serain que jaunastre est ta tresse

Ainsi au soir retournant en ton lict,

Le puisses-tu, tant longue soit la nuict,

Trouver remis en sa verte jeunesse.

E

SAns ton rayon la nuict au loing chassant,

Ardant Tithon, qui chaud adoucissoit

Son matin frais, ton los qui saisissoit

Mon luth pançu succomboit impuissant:

Car son frimas sur ma main amassant

Un froid cuisant, quand mon doigt surpinçoit

Son doux boyau, qui ton los prononçoit

Nous fit faillir un matin transissant.

Mais tout à coup ton rayon nous a fait

Du chaud hastifiouïr tout à souhait,

Donnant ma main à son plaisir obmis,

Mon doigt au luth confus auparavant.

Ma voix au chant qui la va poursuivant,

Mon pas au train à mon travail promis.

F

Rossignolet, qui sous les pleurs d’Aurore

Vas degoisant tes regrets douloureux,

Sens-tu tousiours de ton fort rigoureux

Le desplaisir qui ton ame devore?

Si tu le sens,&tu te plainds encore

Au souvenir de ce tort malheureux,

Je te supply, lamentons-nous tous deux

Sous ce laurier, qui ce jardin decore.

Tu te plaindras de ton honneur osté,

Je pleureray ma douce liberté:

Tu blasmeras l’iniure violente

De ton tyran je gemiray du tort

Que je reçoy d’un bel œil qui me tente

Si doucement, qu’il me meine à la mort,

G

DEtant de pleurs ces prez raicunissans

Ne moüillent point leur verte couverture,

Que de travaux en ce chemin t’en dure

Pour deux beaux yeux mes yeux esbloüissans.

De tant de vents ces tourbillons croissans,

N’ont point soufflé ceste forest obscure,

Que de souspirs pour une absence dure,

Sont aujourd’huy de mes poulmons issans.

Helas! deceu j’avois quelque esperance,

Pensant, pensant en fuyant sa presence,

Que je fuirois quant&quant sa prison.

Mats à mon mal j’espreuve le contraire,

Sentant, tant plus je fuy pour m’en distraire,

Tant plus en moy s’embraser mon tisou.

H

LE beau pays, qui t’a, muse m’amie,

Donné renom, ores s’en va laissé:

Mais pour avoir tant de pays passé,

Ne sois pourtant lasse ny endormie.

Escoute un peu. Entens-tu bien que crie

Ce bergerot dans ce pré tapissé?

Il se complainct, ainsi que moy blessé

De la rigueur de sa douce ennemie.

Il est tout seul,&nul ne luy respond

Que l’entr’ouvert de ce caverneux fond,

A sa douleur ce luy semble allegeance.

Et qu’ay-je mieux? si ay, car j’ay au moins

Muse, ces vers qui me seront tesmoins

A l’advenir, de ma perseverance.

I

COurons, courons, reste race de verre

Me va, me va par trop espouventant:

Passons-la tost, Muse, Car on n’entend

Pas un seul mot de leur brusque tonnerre.

Ces grands carrous me font par trop la guerre,

Tout leur esbat est d’avaler d’autant:

Les refuser, est presque tout autant

Que ravager l’alteré de leur terre.

Sont bonnes gens, bon leur gouvernement,

Bon leur estat, on ne peut bonnement

Que les loüer, leur façon est fort bonne:

Braves soldats, en la guerre tres-bons:

Sucçans enfans le teton de Bellone;

Et hommes grands, les pots&les flascons.

K

VIença berger, reste bergere belle

Est-ce ta sœur, ou si c’est autrement?

(Il n’entend pas.) Son gentil instrument

S’accorde-il avec ta chalumelle?

Mais, par ta foy, te plais-tu avec elle,

Elle avec toy? vien-ça, dy moy comment

L’heur t’en voulut, lors que premierement

Elle se fit ta compagne fidelle?

Et puis, où fut-ce? Et y a-il long temps?

Et du depuis les gentils passetemps

Des amoureux ont-ils tenté vostre ame?

Il n’entend pas. Va, que tu es heureux,

Pleust au destin que j’eusse icy ma dame,

Pour achever ainsi nos jours tous deux.

L

C’Est bien monté. Ceste sente bizerre

Nous menera, que je croy, jusqu’aux Dieux.

Nous pourrions bien par trop audacieux

Sur nostre teste une infortune acquerre.

Non, Jupiter, ce n’est pour faire guerre

A ton Empire et siege spatieux,

Comme faisoient ces sots, qui de tes cieux

Dessus leur chef tirerent ton tonnerre.

Encore un peu, bien tost nous atteindrons

Ceste cassine, et puis nous descendrons

Continuans nostre entrepris voyage.

Nous y voicy. Or pere Jupiter,

En descendant aussi bien qu’au monter,

Jette sur nous ton gratieux visage.

M

GEnte Progné, qui d’une aiste legere

Coupes le plain de cest air spatieux.

Ne sçais-tu point le lieu où sont les yeux

D’une beauté que j’adore&revere?

Passe au dessus de ceste gent austere,

Qu’on n’entend point; va t’en jusques au creux

Du lict d’où sort le Rosne furieux.

Suy bien ce fleuve&sa viste carriere.

Passe Lyon,&t’en va jusques là,

Où d’autres fois Petrarque distilla

Pour sa Laura le sucre de sa veine.

Le pont passé tost tu la trouveras:

Quel bon recueil, lors que tu luy diras

De son desir nouvelle si soudaine.

N

QUi voudroit voir le pourtraict de la belle

me maistrise, il faudroit voir cela,

Que ce zephir souffle par cy par la,

Pour parer mieux Flora sa plus fidelle.

Cest arbre droit a pris sa taille d’elle;

Voyez ces lys, c’est la couleur qu’elle a:

Ce Philomel, lors qu’elle me parla,

Apprit la voix qui sa bouche emmielle:

Elle a baillé à ces fleurs leur odeur,

Et ce pré vert imita la couleur

Quelle voulut que ce jour je portasse.

Phœbe à ses yeux alluma ses flambeaux,

Et ce lierre accola ses rameaux,

lors qu’elle dit qu’heureux je la baisasse.

O

Las! je ne sçay si durant ceste absence

Quelque autre prend le bien qui me retient,

Vivant ça bas, bien qui seul m’appartient

Digne salaire à ma perseverance.

Certes nenny. Si legere inclemence

Ne git au cœur de celle qui me tient

De celle-la qui vivant me maintient

Heureux du feu que sa beauté m’eslance.

Mais de laisser celuy qui m’a laissé,

N’est-ce bien fait? Et qui m’a dispensé

De m’absenter ainsi de sa presence?

J’ay tres-mal fait. Mais, Maistresse, mercy,

Partes beaux yeux. Les Dieux prennent ainsi

Pitié de ceux qu’abbat la repentance.

P

J’Estois lassé sous un arbre estendu,

Ne songeant rien, Florine, qu’en ta grace;

Le sommeil vient, met sa main sur ma face:

Tout aussi tost j’ay ton ris entendu.

Hé, que de roye et de bien m’a rendu

Ce doux esclat. Je m’esueille, j’embrrasse

Autour de moy: mais je devins tout glace,

Ne trouvant rien de mon bien attendu.

Je cherche en vain, en vain je me tourmente,

En vain en l’air je m’escrie et lamente,

Rien qu’une Echo ne redonne ma voix.

Helas, mon bien n’est donc rien que mensonge!

Helas, mon heur ne me vient donc qu’en songe!

En rien aussi desormais je m’en vais.

Q

Pour avoir veu la pierreuse Savoye,

Et le Suisse en ces monts suspendu;

Pour avoir veu le Grison morfondu.

Et d’où le Rhin ses ondes nous envoye:

Pour avoir veu l’Italie, l’eau gaye

De l’Eridan dessus elle estendu;

Et le marais, où lon a deffendu

Aux chariots de Venise la voye:

Pour avoir veu l’Alleman carrousseur,

Ramer dessus son Danube malheur,

Passé Boheme, Hongrie, et Moravie,

Je n’en suis point pourtant plus satisfaict

Si la beauté, d’où prend vie ma vie,

Ne se souvient de mon amour parfaict.

R

Je l’avoy’ dit, amy, je le confesse,

Et le devoy: mais j’ay esté deceu.

Je le pensoy’, mais qui, que Dieu, asçeu

L’evenement du demain qui nous laisse?

Je le devoy’, le lien qui sans cesse

Me va collant au bien que m’as voulu

Le demandoit: mais, las! je ne l’ay peu?

A ce seul coup sur moy ta plume cesse.

Las! c’est bien peu si ce n’estoit qu’à toy.

J’ay bien failly plus meschamment de soy,

J’en paye aussi la devë penitence.

Si que jamais ny le chemin joyeux,

Ny la beauté de tant de plaisans lieux

N’ont mes ennuys soulagez d’allegeance.

S

Cœur de venin, œil qu’a forgé l’envie,

Langue de chienne à mon mal abbayant,

Bec contre moy ton fiel noir degorgeant,

Ce mien depart ta rage a-il remplie.

Je croy que non. Car tant que j’auray vie

Ton cœur d’enfer n’aura contentement.

Hé, que ta dent mangeroit doucement

De mon cœur vif une bonne partie!

Hé! ne crain point, me voila loing de toy,

Cela devroit te contenter, je croy,

Et mitiger quelque peu ton courage.

Ha! je me trompe, et ton cœur inhumain

Contre ma belle attaquee en ta rage

Aigrit encor’ le fiel de ton venin.

T

PAr mon chemin, ou que la pluye espaisse

Moïülle sans fin, sans fin noye mon dos,

Ou qu’esgaré je me regarde enclos

Deçà de là d’un vallon qui se baisse

Ou de l’hyver, la rigueur, la rudesse

Gele mon sang, mes moëlles, mes os,

Lors que la bize au souffle bien dispos

Le nez, les yeux, les oreilles me fesse:

Ou bien qu’un fleuve à son ravineux cours,

Ou qu’un rocher domicile des ours

Offre à mes pas son passage effroyable:

J’ay mesprisé la pluye le val creux,

Le froid, les eaux le rocher dangereux

Au souvenir d’un visage aggreable.

V

SOrtez brebis, hors du toict brebiettes,

Il en est temps. Sortez, le matin frais

est passé, et le Soleil est prés.

Sortez, tondez ces tendrettes herbetes:

Faites enfler de thin ces mammelettes,

Rongez la robe à ce morne cyprès,

Ne perdez temps ny loisir, et après

Tendez le pis à ces blanches fillettes.

Car le berger le permet,&l’a dit,

Il le commande, elles ont ce credit:

Mais il en a trois baisers de salaire,

O de berger belle condition!

O de berger desirable ordinaire,

Passant des grands la folle ambition!

X

J’Erre bien loing pour fuyr la presence

D’une dont l’œil m’accompagne tousjours;

D’une, de qui les trop vittes amours

Ne meurent point pour une longue absence.

L’esloignement n’y a nulle puissance;

Ce ne sont rien que fantastics discours,

Sots avortons d’entendemens trop lourds,

Car le fuyr n’allege ma souffrance.

S’il estoit vray, n’ay-je assez cheminé,

Ne suis-je pas d’elle assez esloigné?

Or rebroussons maintenant nostre course.

Et puis qu’il faut que necessairement

Nous estanchions nostre altéré tourment.

Il est meilleur de le faire à la source.

Y

MUse, conseil; lequel il me faut prendre

Pour reposer. Le frais, l’ombre ou le vert

Que ce ruisseau, ce bois, ce pré ouvert

Me vent donner, me fournir, et m’estendre.

Son cours, son ombre et son herbage tendre

Est-il trop froid, trop noir, trop descouvert?

Parle bien tost, car la fraischeur se perd,

Le vert fannit, l’ombre ne veut attendre.

Mais quel besoin de reposer si pres,

Et pour si peu consulter, si le frais,

Si l’ombre, ou si la verdure m’est bonne

Vois-tu la ville où nous mettrons à fin,

Sans que ruisseau, ne bois, ne pré, nous donne

Lieu de repos, nostre entrepris chemins?

Z

CA, me voila au bout de ma carriere,

Et si fort haut Phœbus encor nous luit.

Cyllenien, pour m’avoir bien conduit

Comme j’en fy à ta bonté priere,

Je t’appen là bourdon et pannetiere,

Chapeau, manteau, et tout ce qui s’enfuit.

Corde&bouchon, le tout de cuir bien cuit,

Guestres, souliers, et ceinture&rapiere.

Le pelerin, qui les voudra porter

Pour son chemin, ne les puisse emporter

Sans devant toy premierement promettre,

Que de retour les remettant icy,

Pour s’acquit et il chantera aussi

A ton honneur un tout semblable metre.

Vers leipogrammes et autres oeuvres en poésie de S. C. S. D. R

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