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CHAPITRE II
DE DIEU
ОглавлениеOutre la matière dont nous et l'univers sommes faits, nous connaissons encore quelque chose d'immatériel qui donne la vie à notre corps et est uni à lui. C'est cette chose immatérielle que nous appelons l'âme. De même, cette chose immatérielle qui n'est unie à rien et qui donne la vie à tout ce qui existe, est ce que nous appelons Dieu.
I. —L'homme découvre Dieu en soi-même
1
La base de toute religion est dans la reconnaissance, non seulement de tout ce que nous voyons et ressentons matériellement, mais encore de ce quelque chose d'invisible, d'immatériel qui nous donne la vie, à nous et à tout ce qui est tangible et matériel.
2
Je sais que j'ai en moi quelque chose sans quoi rien ne serait. C'est ce que j'appelle Dieu.
D'après ANGÉLUS.
3
Tout homme, en réfléchissant à ce qu'il est, est forcé de s'apercevoir qu'il n'est pas tout, mais une partie isolée de quelque chose. L'ayant compris, l'homme pense généralement que ce quelque chose dont il est séparé est le monde matériel qu'il voit: la terre sur laquelle il vit et où ont vécu ses ancêtres, et aussi le ciel, les étoiles et le soleil qu'il aperçoit. Mais en y réfléchissant plus à fond, ou en apprenant ce qu'en pensaient les sages de tout l'univers, il reconnaît que ce quelque chose, dont les hommes se sentent séparés, n'est pas le monde matériel qui s'étend à l'infini, dans l'espace et dans le temps, mais quelque chose d'autre. Si l'homme réfléchit encore et qu'il apprend ce qu'en pensaient également les sages, il comprendra, que le monde matériel, qui n'a jamais commencé, ne finira jamais et ne peut avoir de limites, n'est pas réel, mais est une conception de notre cerveau et que, par suite, le quelque chose dont nous nous sentons séparés, n'a ni commencement ni fin, ni dans le temps ni dans l'espace, mais qu'il est immatériel et spirituel.
Ce quelque chose de spirituel, que l'homme reconnaît, comme son commencement, est ce que les sages appelaient et appellent Dieu.
4
On ne peut reconnaître Dieu qu'en soi-même. Tant que tu ne l'as pas trouvé en toi, tu ne le trouveras nulle part.
Il n'y a pas de Dieu pour celui qui ne Le sens pas en soi.
5
Je sens en moi un être spirituel séparé de tout. Je sens le même être spirituel, également séparé de tout, dans les autres hommes. Mais si je le reconnais en moi et si je le reconnais dans les autres êtres, il ne peut ne pas exister lui-même. C'est cet être existant par lui-même que nous appelons Dieu.
6
Ce n'est pas toi qui vis: ce que tu considères comme toi est mort. Ce qui t'anime est Dieu.
ANGÉLUS.
7
Ne pense pas gagner Dieu par tes actes; toutes les œuvres sont nulles devant Dieu. Il ne faut pas gagner Dieu, mais être Lui.
ANGÉLUS.
8
Si nous ne voyions pas de nos yeux, si nous n'entendions pas de nos oreilles, si nous ne touchions pas de nos mains, nous ne saurions rien de ce qui est autour de nous. Mais si nous ne reconnaissions pas Dieu en nous-mêmes, nous ne nous connaîtrions pas nous-mêmes; nous ne connaîtrions pas en nous-mêmes celui qui voit, qui entend le monde autour de soi.
9
Celui qui ne saura devenir fils de Dieu, restera à jamais dans l'étable avec le bétail.
ANGÉLUS.
10
Si je mène la vie du siècle, je peux me passer de Dieu. Mais je n'ai qu'à réfléchir d'où je suis issu, quand je suis né et où j'irai après ma mort, pour que je reconnaisse aussitôt qu'il y a quelque chose dont je suis venu et où je vais. Il m'est impossible de ne pas reconnaître que je suis venu dans ce monde de quelque chose d'incompréhensible et que je vais vers quelque chose de tout aussi incompréhensible pour moi.
C'est cet incompréhensible dont je viens et où je vais que j'appelle Dieu.
11
On dit que Dieu est l'amour et que l'amour est Dieu. On dit aussi que Dieu, est la raison et que la raison est Dieu. Tout cela n'est pas absolument exact. L'amour et la raison sont des qualités de Dieu que nous reconnaissons en nous-mêmes, mais nous ne pouvons savoir ce qu'Il est par Lui-même.
12
C'est bien de craindre Dieu, mais mieux encore est de L'aimer. Le mieux, c'est de Le ressusciter en soi.
ANGÉLUS.
13
L'homme doit aimer; mais on ne peut aimer réellement que ce qui est parfait. Il doit donc exister quelque chose qui n'a pas de défauts. Et il n'y a qu'un seul être qui est sans défaut: Dieu.
14
Si les hommes ne sont pas toujours d'accord sur ce qu'est Dieu, tous ceux qui croient réellement en Lui comprennent toujours de la même façon ce que Dieu veut d'eux.
15
Dieu aime la solitude. Il n'entrera dans ton cœur que lorsqu'il y sera seul et que tu ne penseras qu'à Lui.
D'après ANGÉLUS.
16
Il existe un conte arabe que voici: En traversant le désert, Moïse entendit un pâtre prier Dieu: «O Seigneur! disait-il, comment faire pour Te rencontrer et devenir Ton esclave! Avec quelle joie je Te chausserai, je laverai, je baiserai Tes pieds, je peignerai Tes cheveux, je laverai Tes vêtements, j'arrangerai Ta demeure et je T'apporterai le lait de mon troupeau! Mon cœur Te désire!» Moïse, entendant ces paroles, se fâcha contre le pâtre et dit: «Tu blasphèmes. Dieu n'a pas de corps. Il n'a besoin ni de vêtements, ni de demeure, ni de serviteur. Tu dis des sottises.» Le pâtre en fut attristé. Il ne pouvait se représenter Dieu sans corps et sans besoins matériels; il ne pouvait plus prier et servir Dieu, et il tomba dans le désespoir. Alors Dieu dit à Moïse: «Pourquoi as-tu éloigné de Moi Mon fidèle esclave? Chaque homme a ses pensées et ses termes. Ce qui est mal pour l'un est bien pour l'autre; ce qui est poison pour toi est miel pour un autre. Les paroles ne signifient rien. Je vois le cœur de celui qui s'adresse à Moi.»
17
Si l'homme ne sait pas qu'il respire l'air, il sait, lorsqu'il étouffe qu'il lui manque quelque chose sans quoi il ne peut vivre. Il en est de même de celui qui perd Dieu, bien qu'il ne sache pas ce qui le fait souffrir.
II —Tout homme doué de raison est forcé de reconnaître Dieu
1
Nous voyons aux cieux et dans chaque homme ce que nous appelons Dieu.
Lorsqu'on hiver, pendant la nuit, tu regardés le ciel, tu vois des étoiles, encore des étoiles et des étoiles sans fin, et lorsque tu penses que chacune de ces étoiles est nombre de fois plus grande que la terre où tu vis, que par-dessus les étoiles que tu vois, il y a des centaines, des milliers, des millions d'autres étoiles et de plus grandes encore et que ni les étoiles, ni le ciel n'ont de fin, tu comprends que ce que nous ne pouvons concevoir existe.
Lorsque nous regardons en nous-mêmes et que nous voyons ce que nous appelons notre «moi», lorsque nous y voyons quelque chose que nous ne pouvons pas comprendre non plus, mais que nous connaissons mieux que tout le reste et qui nous fait comprendre tout ce qui est, nous voyons dans notre moi, dans l'âme, quelque chose de plus compréhensible et de plus grand que ce que nous voyons dans les cieux.
C'est ce que nous voyons au ciel et ce que nous sentons en nous, en notre âme, que nous appelons Dieu.
2
De tous temps, chez tous les peuples s'était formée la foi en une force invisible gouvernant le monde.
Les anciens attribuaient cette force à la raison universelle, à la nature, à la vie, à l'éternité; les chrétiens appellent cette force: esprit, Père, Seigneur, raison, vérité.
Le monde visible, changeant, est en quelque sorte l'ombre de cette force.
De même que Dieu est éternel, le monde visible, son ombre, est éternel. Seule la force invisible, Dieu, existe véritablement..
SKOVORODA. 2.
3
Il y a un être sans lequel ni le ciel, ni la terre, ne seraient. Cet être est paisible, immatériel; ses qualités s'appellent: amour et raison; mais l'être lui-même n'a pas de nom. Il est le plus éloigné et le plus proche.
LAO-TSEU.
4
On demanda à un homme: Pourquoi sait-il que Dieu existe? Il répondit: «Faut-il donc une chandelle pour voir l'aurore?»
5
Si l'homme considère quelque chose comme grand, c'est qu'il ne voit pas les choses de la hauteur de Dieu.
ANGÉLUS.
6
Je peux ne pas réfléchir à ce qu'est l'univers infini et à ce qu'est mon âme qui se connaît elle-même; mais si j'y pense, il m'est impossible de ne pas reconnaître ce que nous appelons Dieu.
9
Il y a en Amérique une petite fille aveugle et sourde-muette de naissance. On lui a appris à lire et à écrire par le toucher. Lorsque sa maîtresse lui eut expliqué qu'il y avait un Dieu, la fillette répondit qu'elle le savait, mais qu'elle ignorait son nom.
III. —La volonté de Dieu
1
Nous concevons Dieu moins par la raison que par notre sensation d'être en Son pouvoir, tel un nourrisson dans les bras de sa mère.
L'enfant ne sait pas qui le tient, le réchauffe, le nourrit, mais il sait que ce quelqu'un existe et non seulement il connaît, mais il aime ce quelqu'un dont il dépend. Il en est de même de l'homme.
2
Plus l'homme accomplit la volonté de Dieu, plus il Le connaît.
Si l'homme n'accomplit pas la volonté de Dieu, il ne Le connaît pas du tout, bien qu'il dise Le connaître et qu'il L'invoque.
3
De même qu'on ne peut reconnaître une chose qu'en s'en approchant, on ne peut connaître Dieu, qu'en s'approchant de Lui, et on ne peut le faire qu'à l'aide de bonnes actions. Et plus l'homme s'habitue au bien, mieux il apprend à connaître Dieu; et plus il apprend à le connaître, plus il aime ses semblables.
4
Nous ne pouvons connaître Dieu. Tout ce que nous savons de Lui c'est Sa loi, Sa volonté, telles qu'elles sont écrites dans l'Evangile. De la connaissance de Sa loi, nous déduisons que Celui qui l'a faite existe, mais nous ne pouvons pas Le connaître Lui-même. Nous ne savons au juste qu'une chose, c'est que nous devons accomplir la loi que Dieu nous a donnée et que notre vie est d'autant, meilleure que nous suivons plus strictement cette loi.
5
Il est surprenant que je n'aie pu voir avant la simplicité de cette vérité qu'en dehors de ce monde et de notre vie, il y a quelqu'un, quelque chose qui sait pourquoi le monde existe et pourquoi nous y sommes, telles les bulles qui se forment dans l'eau bouillante et qui éclatent et disparaissent.
Oui, il se passe quelque chose en ce monde, grâce à tous les êtres vivants, à moi, à ma vie. Autrement, pourquoi existeraient ce soleil, ces printemps, ces hivers et pourquoi ces souffrances, ces naissances et ces morts, ces bienfaits, ces crimes, pourquoi tous ces êtres séparés qui apparemment n'ont aucun sens pour moi et qui vivent de toutes leurs forces, qui se soucient tant de leur vie? La vie de tous ces êtres me convainc parfaitement que tout cela est nécessaire à quelque chose de raisonnable, de bon, mais qui ne m'est pas accessible.
6
Tant que l'homme chante, crie et dit devant tous: «O Seigneur, Seigneur!» c'est qu'il n'a pas trouvé le Seigneur. Celui qui L'a trouvé garde le silence.
RAMA-KRICHNA.
7
Dans les mauvais moments, on ne sent pas Dieu, on doute de Lui. Mais le salut est toujours le même: penser non à Dieu, mais à Sa loi et l'accomplir: aimer tout le monde.
IV. —On ne peut comprendre Dieu par la raison
1
On peut sentir Dieu en soi, ce qui n'est pas difficile. Mais comprendre Dieu et savoir ce qu'Il est, est impossible et inutile.
2
On ne peut comprendre par la raison, que l'homme contient son âme et Dieu; de même, il est impossible de concevoir qu'il n'y ait pas de Dieu et que l'homme n'ait pas d'âme.
PASCAL.
3
Pourquoi suis-je séparé de tout le reste et pourquoi sais-je que tout ce dont je suis séparé existe, et pourquoi ne puis-je comprendre ce qu'est ce tout? Pourquoi «moi» change-t-il constamment? Je ne peux rien comprendre à tout cela. Mais je ne puis m'empêcher de penser que tout cela a un sens, qu'il y a un être pour lequel tout cela est compréhensible, qui sait à quoi tout cela sert.
4
Chacun peut sentir Dieu, et personne ne peut Le comprendre.
C'est pourquoi ne cherchons pas à Le comprendre, mais accomplissons sa volonté, qui est de le sentir en soi avec plus d'intensité.
5
Si tes yeux sont aveuglés par le soleil, tu ne dis pas qu'il n'y a pas de soleil. Tu ne diras pas non plus que Dieu n'existe pas parce que ta raison s'embrouille et se perd, lorsque tu veux comprendre le commencement et la cause de tout.
D'après ANGÉLUS.
6
«Pourquoi me demandes-tu mon nom? – dit Dieu à Moïse. – Si derrière ce qui se meut tu peux voir ce qui a toujours été, ce qui est et ce qui sera, tu Me connais. Mon nom est le même que ma substance. Je suis réel. Je suis celui qui est.
«Celui qui veut savoir mon nom, ne me connaît pas.»
SKOVORODA.
7
La raison qu'on ne peut concevoir n'est pas la raison éternelle; l'être qu'on peut nommer n'est pas l'être suprême.
LAO-TSEU.
8
Si étrange que soit le fait que je ne connaisse pas Dieu, j'ai toujours peur lorsque je suis sans Lui, et je ne suis tranquille que lorsque je suis avec lui. C'est plus étrange encore que je n'aie point besoin de Le connaître mieux et davantage que je ne Le connais maintenant dans ma vie actuelle. Je peux et je voudrais me rapprocher de Lui; ma vie entière tend à cela. Mais ce rapprochement n'augmente aucunement ma connaissance de Dieu. Toute tentative de mon imagination me démontrant que je le conçois (par exemple, lorsque je me l'imagine créateur ou miséricordieux, ou quelque chose d'analogue) m'éloigne de lui et arrête mon rapprochement de Lui. Même le pronom «Il», appliqué à Dieu, détruit en quelque sorte pour moi toute sa signification. Le mot «Il» le diminue.
9
Tout ce qu'on peut dire de Dieu ne Lui ressemble pas. On ne peut dépeindre Dieu par des paroles.
ANGÉLUS.
V. —Du manque de foi en Dieu
1
L'homme raisonnable trouve en lui-même la conception de son âme, de lui-même et de l'âme de l'univers, qui est Dieu; et en reconnaissant l'impossibilité d'amener ces conceptions à la netteté complète, il s'arrête docilement devant elles, sans toucher à ce qui les voile.
Mais il y a eu et il y a encore des gens d'un esprit et d'une sagesse raffinés et qui veulent expliquer la conception de Dieu par des paroles. Je ne condamne pas ces gens. Néanmoins, ils ont tort lorsqu'ils affirment qu'il n'y a pas de Dieu, et un pareil athéisme ne peut durer. D'une façon ou d'une autre, l'homme aura toujours besoin de Dieu. Si Sa divinité s'était révélée à vous avec plus d'éclat encore que jusqu'à présent, je suis convaincu que ceux qui contestent Dieu inventeraient de nouvelles subtilités pour Le nier. La raison se plie toujours devant les exigences du cœur.
ROUSSEAU.
2
Penser qu'il n'y a pas de Dieu, revient au même d'après Lao-Tseu, que de croire que l'air qui sort d'un soufflet, a le soufflet pour origine et que le soufflet pourrait fonctionner là où il n'y aurait pas d'air.
3
Lorsque les gens de mauvaise vie disent que Dieu, n'existe pas, ils ont raison: Dieu n'existe que pour ceux qui regardent de Son côté et se rapprochent de Lui. Mais pour celui qui s'est détourné de Lui et s'en éloigne, il ne peut y avoir de Dieu.
4
Deux catégories d'hommes connaissent Dieu. Ceux qui ont le cœur modeste – qu'ils soient sages ou sots – et ceux qui sont vraiment intelligents. Seuls, les hommes orgueilleux et d'intelligence médiocre ne connaissent pas Dieu.
PASCAL.
5
Moïse dit à Dieu: «Où te trouverai-je, Seigneur?» – Dieu lui répondit: «Tu m'as déjà trouvé, si tu Me cherches».
6
Prouver que Dieu existe! Il ne peut y avoir rien de plus stupide que l'idée de prouver l'existence de Dieu. Le faire, c'est vouloir prouver la raison de sa vie. A qui? Comment? Pourquoi? Si Dieu n'existe pas, il n'y a rien. Or, comment dès lors prouver Son existence?
7
Dieu existe. Point n'est besoin de le prouver. Le faire, serait blasphémer; le nier, une folie. Dieu demeure dans notre conscience, dans la conception de l'humanité entière, dans la structure de l'univers. Seul un homme très misérable ou très dépravé peut nier Dieu sous la voûte du ciel étoile, sur la tombe des êtres chers ou devant la mort heureuse d'un martyr.
MAZZINI.
VI. —L'amour de Dieu
«Je ne comprends pas ce que signifie l'amour de Dieu. Peut-on aimer l'inconcevable et l'inconnu? On peut aimer son prochain, c'est compréhensible et bien. Mais aimer Dieu, ce sont des paroles vides de sens.» Ainsi parlent bien des gens. Mais ceux qui le disent et le pensent se trompent lourdement: ils ne comprennent pas ce qu'est aimer son prochain – non pas un homme agréable ou qui nous est utile, mais indifféremment tout homme, quand même il serait le plus désagréable et le plus hostile. Seul, celui qui est le même partout, peut aimer ainsi son prochain. De sorte que ce n'est pas l'amour de Dieu qui est incompréhensible, mais l'amour du prochain sans l'amour de Dieu.
2
Philosophe ukrainien du XVIIIe siècle dont l'exceptionnelle valeur ne fut que récemment reconnue en Russie. (N. du trad.)