Читать книгу La Pensée de l'Humanité - Лев Толстой, Tolstoy Leo, Leo Tolstoy - Страница 9

CHAPITRE VIII
DE LA LUBRICITÉ

Оглавление

Le principe divin demeure dans tous les êtres humains, femmes et hommes. C'est donc un grand péché que de considérer les porteurs de ce principe comme un moyen de plaisir sensuel.

Pour l'homme, chaque femme doit être, avant tout, une sœur, et l'homme pour la femme, un frère.

I. —On doit tendre à la complète chasteté

1

Il est bon de vivre honnêtement marié, mais il vaut mieux encore de ne jamais se marier. Peu de gens en sont capables. Mais celui qui le peut est heureux.

2

Les gens qui se marient lorsqu'ils peuvent s'en passer, agissent comme celui qui tombe sans avoir trébuché. Si l'on trébuche et que l'on tombe, il n'y a rien à y faire, mais si l'on n'a pas trébuché, pourquoi tomber exprès? Si tu peux vivre chaste, sans pécher, il est préférable de ne pas te marier.

3

C'est une erreur de croire que la chasteté est contraire à la nature humaine. La chasteté est possible et donne bien plus de bonheur qu'un mariage, même heureux.

4

Les excès de nourriture sont funestes à une vie honnête; mais les excès sexuels le sont plus encore. C'est pourquoi moins l'homme s'adonne aux uns et aux autres, mieux cela vaut pour sa vie spirituelle. La différence entre les uns et les autres est toutefois très sensible. En renonçant entièrement à la nourriture, l'homme ne peut prolonger sa vie, alors qu'en renonçant au besoin sexuel, il ne supprime ni sa vie, ni la vie de son espèce qui ne dépend pas de lui seul.

5

«Celui qui n'est pas marié, s'occupe des choses du Seigneur pour plaire au Seigneur. Mais celui qui est marié s'occupe des choses du monde pour plaire à sa femme. Il y a cette différence entre la femme mariée et la vierge, que celle qui n'est pas mariée s'occupe des choses du Seigneur pour être sainte de corps et d'esprit, tandis que celle qui est mariée s'occupe des choses du monde pour plaire à son mari.

I COR., 7, 33.

6

Si les gens se marient avec la conviction qu'ils servent ainsi Dieu et les hommes en prolongeant l'espèce humaine, ils s'abusent. Au lieu de se marier pour augmenter le nombre des enfants, ils feraient bien mieux de concourir au sauvetage de millions de petits êtres qui périssent de misère et manquent de soins.

7

Bien que très peu d'hommes puissent atteindre à une chasteté absolue, chacun doit comprendre et se rappeler qu'il peut toujours être plus chaste qu'il ne l'a été, et que plus l'homme se rapproche de la chasteté absolue, plus il sera heureux lui-même et pourra concourir au bonheur des autres.

8

On dit que si tous étaient chastes, le genre humain s'éteindrait. Or, suivant l'Eglise, la fin du monde doit arriver; de même suivant la science, la vie humaine et notre planète même doivent avoir une fin.

Pourquoi dès lors nous révolter à l'idée qu'une vie morale amènerait également le genre humain à sa fin?

En réalité, l'extinction ou la prolongation du genre humain ne doit pas nous préoccuper. Chacun de nous ne doit avoir qu'un souci: vivre honnêtement, ce qui, pour le désir sexuel, veut dire s'efforcer d'être aussi chaste que possible.

9

Un savant a calculé que si l'humanité continue à se doubler tous les 50 ans, suivant la progression actuelle, dans 7.000 ans un couple aura produit tant d'hommes qu'en les entassant l'un contre l'autre sur toute l'étendue du globe, une 27e partie seulement de tous les hommes pourrait s'y placer.

Pour éviter cette alternative, il n'y a qu'un moyen, celui indiqué par tous les sages de la terre et qui s'accorde avec les aspirations de l'âme humaine: la chasteté; il faut tendre à la plus grande chasteté réalisable.

10

«Vous avez entendu qu'il a été dit aux anciens (dit le Christ en citant les paroles de la loi de Moïse): tu ne commettras point d'adultère. Mais moi, je vous dis, que quiconque regarde une femme pour la convoiter, a déjà commis un adultère avec elle clans son cœur.» (MATTH., V, 27-28).

Ces paroles ne peuvent signifier autre chose que la possibilité pour l'homme d'aspirer à la chasteté absolue.

«Comment la réaliser? objectera-t-on. Si les hommes deviennent entièrement chastes, le genre humain disparaîtra.» Mais en parlant ainsi, on oublie qu'indiquer la perfection à laquelle l'homme doit tendre, ce n'est point exiger la perfection absolue. Il n'est pas donné à l'homme d'atteindre la perfection en aucune chose. La destinée de l'homme est dans la marche vers la perfection.

II. —Le péché de luxure

1

Un homme non dépravé éprouve toujours du dégoût et de la honte à parler des rapports sexuels et à y penser. Garde ce sentiment. Ce n'est pas sans raison que ce sentiment est propre à l'homme. Il l'aide à se contenir de l'impudicité et à rester chaste.

2

On désigne par le même mot l'amour spirituel, – pour Dieu et son prochain, – et l'amour charnel de l'homme pour la femme et de la femme pour l'homme.

C'est une grande erreur. Il n'y a rien de commun entre ces sentiments. Le premier, – l'amour spirituel pour Dieu et son prochain – est la voix de Dieu; le second – l'amour entre homme et femme – est la voix de la bête.

3

La loi de Dieu consiste à aimer Dieu et son prochain, c'est-à-dire, tous les hommes sans distinction. Dans l'amour sexuel, l'homme aime une femme plus que tous et la femme n'aime qu'un seul homme. Il s'ensuit le plus souvent que l'amour sexuel empêche l'homme d'observer la loi divine.

III.– Malheurs provoqués par la licence sexuelle

1

Tant que tu n'as pas exterminé dans sa racine le désir sexuel que tu éprouves pour une femme, ton esprit sera lié aux choses de la terre, comme le veau-têtard est lié à sa mère.

Les gens pris de désir s'agitent comme un lièvre pris dans un piège. Dès qu'ils sont pris dans les filets de la passion charnelle, ils restent longtemps sans pouvoir se débarrasser des souffrances.

Sagesse bouddhiste.

2

Le papillon de nuit vole vers la lumière parce qu'il ne sait pas qu'il se brûlera les ailes; le poisson avale l'amorce parce qu'il ne sait pas que cela le fera périr. Mais nous savons que le désir sexuel nous engluera, nous fera sûrement périr; malgré cela, nous nous y abandonnons.

3

De même que les feux follets des marécages conduisent les hommes aux fondrières, puis disparaissent; les plaisirs sexuels illusionnent l'homme.

Il s'égare, empoisonne son existence et, lorsqu'il se dégrise, il n'aperçoit même plus le mirage auquel il avait sacrifié une partie de sa vie.

D'après SCHOPENHAUER.

IV. —Altitude criminelle des conducteurs d'âmes dans la question sexuelle

1

Pour bien comprendre toute l'immoralité, tout esprit anti-chrétien de la vie des peuples chrétiens, il suffit de se rappeler que la situation des femmes qui vivent du vice est reconnue et réglementée dans tous les pays.

2

Les gens riches se sont fait une conviction partagée par la fausse science, suivant laquelle les rapports sexuels seraient indispensables; seulement, le mariage n'étant pas toujours possible, les rapports sexuels n'engageraient à rien, sauf à les payer, et seraient absolument naturels. Cette conviction est devenue tellement générale et inébranlable que les parents, sur les conseils d'un médecin, organisent la débauche pour leurs enfants, et les institutions dont le seul but est de s'occuper du bien-être des citoyens, autorisent l'existence d'une classe de femmes qui doivent périr moralement et physiquement, pour satisfaire à la dépravation de l'homme.

3

Parler de l'utilité ou de la nocivité des rapports sexuels, reviendrait à demander s'il est utile ou nuisible de boire le sangd'autrui.

V. —Lutte contre le péché sexuel

1

L'homme, comme l'animal, est obligé de lutter contre les autres êtres et se reproduire pour assurer l'existence de son espèce. Mais, créature douée de raison et d'amour, l'homme ne doit pas lutter contre les autres êtres et ne doit pas penser à se reproduire; il doit rester chaste. De la combinaison de ces deux aspirations contraires résulte la vie humaine telle qu'elle doit l'être.

2

La lutte contre le désir sexuel est la lutte la plus difficile, et il n'y a pas de situation ni d'âge, excepté l'enfance et la profonde vieillesse, où l'homme en est libéré. C'est pourquoi tout adulte, homme ou femme, doit surveiller l'ennemi qui n'attend qu'une occasion propice pour attaquer.

3

De même que nous devons prendre sur les animaux l'exemple de tempérance dans la nourriture: ne manger que lorsqu'on a faim et sans en abuser, nous devons les imiter dans nos rapports sexuels: s'abstenir comme eux jusqu'à l'âge de puberté, ne s'y adonner que lorsqu'on y est irrésistiblement attiré et s'abstenir encore dès que la conception se manifeste.

VI. —Le Mariage

1

Il est bon à l'homme de ne point toucher la femme. Mais, pour ne pas commettre d'adultère, que chacun ait sa femme et que chaque femme ait son mari.

I COR., VII, 1-2.

2

La doctrine chrétienne ne donne pas les mêmes règles pour tout et pour tous; elle ne fait qu'indiquer la perfection vers laquelle il faut tendre. Il en est ainsi pour la question sexuelle: la perfection, c'est la chasteté absolue. Tout effort vers la chasteté absolue constitue une observation plus ou moins grande dé la doctrine.

3

Pour toucher une cible, il faut viser plus loin. De même pour que le mariage soit indissoluble et les deux époux fidèles l'un à l'autre, il faut que tous deux tendent à la chasteté.

4

Si l'homme cherche le plaisir dans les rapports sexuels, même entre époux, ainsi que cela arrive parmi nous, il tombera sûrement dans le vice.

5

La cohabitation entre homme et femme ayant des enfants pour résultat est le mariage réel; toutes les cérémonies extérieures ne font pas le mariage, mais ne s'emploient que pour reconnaître comme mariage une seule union entre beaucoup d'autres.

6

La véritable doctrine chrétienne ne contient aucune allusion à l'institution du mariage. Aussi, les chrétiens de notre temps qui s'en aperçoivent, mais ne voient pas l'idéal du Christ (qui est la chasteté absolue) parce qu'il leur est voilé par l'Eglise, demeurent, quant au mariage, sans aucune règle de conduite. C'est à cela que tient le fait, étrange au premier abord, que chez les peuples professant des doctrines bien moins élevées que le christianisme, mais possédant une définition exacte du mariage, l'esprit de famille, la fidélité conjugale sont bien plus développés que chez les soi-disant chrétiens.

Les peuples qui professent des doctrines inférieures au christianisme admettent le concubinage, la polygamie et la polyandrie dans certaines limites, mais ils évitent en revanche la dépravation qui se révèle par le concubinage, la polygamie et la polyandrie qui régnent parmi les chrétiens et sont masqués par la monogamie apparente.

7

Pour que le mariage soit un acte sage et moral, il faut:

Primo: Ne pas penser que chaque homme ou chaque femme doit absolument se marier, mais se dire, au contraire, qu'il est préférable de rester pur pour que rien ne nous empêche de consacrer toutes nos forces à servir Dieu.

Secundo: Considérer les rapports sexuels comme un mariage indissoluble. (MATTH., XIX, 4-7).

Tertio: Ne pas considérer le mariage comme un encouragement à la satisfaction des désirs charnels, mais comme un péché qui doit être expié par l'accomplissement des devoirs de famille.

VII —Les enfants servent à l'expiation du péché mortel

1

Si les hommes pouvaient atteindre la perfection et devenir chastes, le genre humain s'éteindrait et n'aurait plus de raison d'exister sur la terre, parce que les hommes seraient devenus pareils aux anges qui ne se marient pas, comme il est dit dans l'Evangile. Mais tant que les hommes ne sont pas arrivés à la perfection, ils doivent produire leur progéniture pour qu'en se perfectionnant, la postérité puisse atteindre à la perfection à laquelle l'homme tend.

2

Le mariage, le vrai mariage qui a pour mission la production et l'éducation des enfants, est un moyen indirect de servir Dieu par les enfants. «Si je n'ai pas fait ce que je pouvais et devais faire, mes enfants le feront.»

C'est pourquoi les gens qui se marient éprouvent toujours un certain apaisement. Ils ont le sentiment de la possibilité de transmettre une partie de leurs obligations à leurs enfants à venir. Mais ce sentiment n'est légitime qu'au cas où les époux élèvent leurs enfants de façon qu'ils ne soient pas une entrave à l'œuvre divine, mais ses ouvriers. La conviction que si je n'ai pas pu me consacrer entièrement au service de Dieu, je ferai tout mon possible pour que mes enfants le fassent – cette conviction donne un sens moral au mariage ainsi qu'à l'éducation des enfants.

3

Bénie soit l'enfance qui, au milieu des cruautés de la terre, laisse entrevoir un peu de ciel! Les 80.000 naissances quotidiennes dont parle la statistique, constituent le débordement d'innocence et de fraîcheur, luttant non seulement contre l'extinction de l'espèce, mais encore contre la corruption humaine et contre une infection générale par le vice. Tous les bons sentiments éveillés par le berceau et l'enfance sont un des mystères de la grande Providence; supprimez cette rosée vivifiante, et la rafale des passions égoïstes séchera, comme par le feu, la société humaine.

Si l'humanité se composait d'un milliard d'êtres immortels, dont le nombre ne pourrait ni augmenter ni diminuer, où serions-nous et que serions-nous, Grand Dieu! Nous serions incontestablement mille fois plus savants, mais aussi mille fois plus mauvais.

Bénie soit l'enfance pour le bonheur qu'elle donne elle-même, pour le bien qu'elle fait sans le savoir et sans le vouloir en obligeant, en permettant de l'aimer! Ce n'est que grâce à elle que nous apercevons une parcelle de paradis sur terre. Bénie soit également la mort! Les anges n'ont pas besoin de naître, ni de mourir pour vivre; mais, pour les hommes, l'un et l'autre sont nécessaires, indispensables.

AMIEL.

5

Les gens riches, qui considèrent les enfants comme une entrave au plaisir, un accident malheureux ou une sorte de jouissance quand il en naît un nombre fixé à l'avance, ne les élèvent pas en vue de la mission humaine qu'ils auront à accomplir en tant qu'êtres intelligents et affectueux, mais en vue des plaisirs qu'ils peuvent donner à leurs parents. Les enfants de tels parents sont, pour la plupart, entourés de soins en vue de les rendre propres, blancs, rassasiés, beaux, et, par conséquent, douillets et sensuels.

Les costumes, les lectures, les spectacles, la musique, la danse, la bonne chair, tout l'arrangement de leur existence, depuis les images sur les boîtes, jusqu'aux romans, nouvelles et poèmes, ne fait qu'exciter leur sensualité, ce qui suscite chez les enfants des classes aisées les plus bas vices et les maladies sexuelles.

La Pensée de l'Humanité

Подняться наверх