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CHAPITRE VII
DES EXCÈS
ОглавлениеLe seul et unique bonheur de l'homme est dans l'amour. Mais il est privé de ce bien, lorsqu'au lieu de développer en lui l'amour, il augmente et encourage les exigences de son corps.
I. —Tout le superflu dont jouit le corps est nuisible, tant au corps qu'à l'âme
1
Il ne faut satisfaire les besoins du corps que dans les limites du nécessaire. Imaginer de nouveaux plaisirs pour le corps, c'est vivre à rebours, c'est-à-dire mettre l'âme au service du corps, au lieu du corps au service de l'âme.
2
Moins on a de besoins, plus la vie est heureuse; c'est là une ancienne vérité qui est loin d'être acceptée par tout le monde.
3
Plus tu t'habitues au luxe, plus tu te soumets à la servitude; car plus tu auras de besoins, plus tu limiteras ta liberté. La liberté absolue consiste à n'avoir besoin de rien, et celle plus limitée est de n'avoir besoin que de peu.
JEAN CHRYSOSTOME.
4
On pèche envers les hommes et l'on pèche envers soi-même. Les péchés envers les hommes viennent de ce qu'on ne respecte pas l'Esprit Divin chez son semblable. Les péchés envers soi-même, de ce qu'on ne respecte pas l'Esprit Divin en soi-même.
5
Si tu veux vivre tranquille et libre, déshabitue-toi de ce dont tu peux te passer.
6
Tout ce qui est nécessaire au corps est facile à obtenir. Il n'est difficile de se procurer que ce qui n'est pas nécessaire.
7
C'est bon d'avoir ce qu'on désire; mais c'est mieux de ne rien désirer de plus de ce qu'on a.
MENEDEM.
8
Si tu te portes bien et que tu as travaillé jusqu'à sentir la fatigue, l'eau et le pain te paraîtront meilleurs qu'au riche ses mets choisis, ta paillasse plus moelleuse que tous les lits à ressorts, et ta blouse de travail te sera plus agréable que tous les vêtements de velours.
9
Socrate s'abstenait de toute nourriture qui flattait, seulement le goût, ne mangeait que juste pour satisfaire sa faim, et recommandait à ses élèves de suivre son exemple. Il disait que les excès de boisson et de nourriture étaient très nuisibles non seulement au corps, mais aussi à l'âme, et il conseillait de sortir de table ayant encore faim. Il leur rappelait l'histoire du sage Ulysse et de la fée Circé qui n'a pu ensorceler Ulysse uniquement parce qu'il n'avait pas mangé à l'excès, alors que tous ses compagnons furent métamorphosés par elle en pourceaux dès qu'ils se sont empiffrés de mets délicats.
10
La plupart des hommes d'aujourd'hui sont persuadés que le bonheur est de flatter les exigences corporelles. Cet état d'esprit est révélé par l'extension de la doctrine socialiste. D'après cette doctrine, l'homme dont les besoins sont peu développés est une brute, tandis que l'accroissement des besoins est le premier indice de l'homme civilisé, indice de la conscience de sa dignité. Les hommes de notre temps ont à tel point foi en cette fausse doctrine qu'ils ne font que railler les sages qui voyaient le bien de l'homme dans la diminution de ses besoins.
11
Voyez comment voudrait vivre l'esclave. Il veut, tout d'abord, qu'on le mette en liberté. Il pense que, sans cela, il ne peut être ni libre, ni heureux. Il dit: «Si on m'avait donné la liberté, j'aurais été immédiatement heureux. Je ne serais plus obligé d'exécuter les caprices, ni de gagner les bonnes grâces de mon maître; je pourrais parler à qui me plaira, comme à mon égal; je pourrais aller où je voudrais sans eu demander la permission à personne.»
Mais aussitôt qu'il est en liberté, il se met à chercher qui il pourrait bien flatter pour mieux dîner. Pour y parvenir, il est prêt à toutes les bassesses. Et dès qu'il réussit à s'installer auprès d'un homme riche, il retombe dans le même esclavage que celui d'où il voulait tant sortir.
Lorsqu'un tel homme commence à s'enrichir, il prend une maîtresse et retombe auprès d'elle dans une servitude pire encore. Riche, il possède moins de liberté encore, et alors il souffre et pleure. Et lorsqu'il est très malheureux, il se rappelle sa servitude d'autrefois et dit: «Je n'étais vraiment pas mal chez mon maître. Je n'avais aucun souci, j'étais vêtu, chaussé, nourri, et lorsque j'étais malade on me soignait. Le travail n'était pas trop difficile. Tandis que maintenant, j'ai tant à faire. Je n'avais alors qu'un seul maître; maintenant, j'en ai un grand nombre. Que de gens à satisfaire!»
ÉPICTÈTE.
II. —L'Insatiabilité des passions charnelles
1
Pour entretenir la vie, notre corps a besoin de peu; tandis que les caprices de notre corps ne peuvent jamais être contentés.
2
Flatter le corps, lui assurer le superflus, est une grande erreur. En effet, la vie de luxe n'augmente pas, mais diminue le plaisir de manger, de se reposer, de dormir, de s'habiller, de se loger. Si l'on mange trop, ou sans avoir faim, l'estomac se délabre et on n'a pas de goût à la nourriture. Si l'on roule en voiture quand il est facile de faire le même trajet à pied, si l'on s'habitue à un lit moelleux, à une nourriture délicate et recherchée, à une installation luxueuse, si l'on est habitué à faire faire aux autres ce que l'on peut faire soi-même, on n'a plus de plaisir à se reposer après le travail, à avoir chaud après le froid, à bien dormir, et l'on ne fait que s'affaiblir de plus en plus et diminuer ses joies, sa paix et sa liberté.
5
Les hommes devraient prendre exemple sur les bêtes pour savoir traiter leur corps. Dès que l'animal a ce qui est nécessaire à son corps, il se calme. Pour l'homme, il ne suffit pas de contenter sa faim, de pouvoir s'abriter; il invente continuellement de nouveaux plats et de nouvelles boissons, construit des palais, fabrique une grande quantité d'objets inutiles qui ne le rendent que plus malheureux.
III. —Péché d'intempérance dans la nourriture
1
Un sage disait: Je remercie Dieu de nous avoir rendu facile tout ce qui est nécessaire, et difficile tout ce qui ne l'est pas. C'est juste surtout pour la nourriture; celle qui est nécessaire à l'homme pour qu'il se porte bien et puisse travailler est simple et bon marché: le pain, les fruits, les légumes, l'eau. On en trouve partout.
Seuls les plats compliqués sont difficiles à préparer. Non seulement ils sont difficiles à préparer, mais encore ils sont nuisibles.
2
On meurt plus rarement de faim que de la bonne chair.
3
Il faut manger pour vivre, et non pas vivre pour manger.
4
Sans la gourmandise, nul oiseau ne serait pris dans les filets de l'oiseleur. On prend les gens au même appât. Le ventre – c'est comme des chaînes aux mains et des fers aux pieds. Celui qui est esclave de son ventre reste toujours esclave. Si tu veux être libre, commence à te libérer de ton ventre. Mange pour calmer ta faim, et non pour y trouver du plaisir.
D'après SAADI.
IV. —Le péché de manger de la viande
1
Pythagore ne mangeait pas de viande. Lorsqu'on demandait à Plutarque, qui avait décrit la vie de Pythagore, pourquoi celui-ci ne mangeait pas de viande, il répondait qu'il s'étonnait non pas de ce que Pythagore ne mangeait pas de viande, mais de ce qu'il y avait, encore des gens qui, au lieu de se nourrir de graines, de légumes et de fruits, captivent des êtres vivants et les tuent pour les manger.
2
«Tu ne tueras point» ne se rapporte pas uniquement au meurtre de l'homme, mais de tout ce qui vit. Ce commandement avait été gravé dans le cœur de l'homme avant de l'être au Sinaï.
3
La compassion pour les animaux est si étroitement liée à la bonté que l'on peut affirmer avec assurance que celui qui est cruel pour les bêtes, ne peut avoir bon cœur.
SCHOPENHAUER.
4
Ne lève pas ta main sur ton frère et ne verse pas le sang des êtres qui peuplent la terre: hommes, animaux domestiques, bêtes fauves et oiseaux; des profondeurs de ton âme s'élève une voix qui le défend de répandre le sang, car le sang c'est la vie, et tu ne peux pas rendre la vie.
LAMARTINE.
5
Les joies que la pitié et la compassion pour les animaux donnent à l'homme rachètent au centuple les plaisirs dont, il se prive en renonçant à la chasse et à la chair abattue.
V. —Péché de la griserie: vin, tabac, opium, etc
1
Pour pouvoir bien vivre, les hommes ont surtout besoin de leur raison. Ils devraient donc tenir tout particulièrement à leur saine raison. Pourtant, ils trouvent du plaisir à l'étouffer par le vin, le tabac et l'opium, et c'est parce qu'ils désirent mener une mauvaise vie et que leur raison non obscurcie leur montre que leur vie est mauvaise.
2
Pourquoi les hommes, ayant des habitudes différentes, gardent-ils l'habitude de fumer et de boire? Parce que la plupart parmi eux sont mécontents de leur vie. Ils en sont mécontents parce qu'ils-recherchent les plaisirs charnels sans jamais pouvoir les satisfaire. C'est pourquoi les pauvres comme les riches cherchent l'oubli dans l'ivresse.
3
Si l'homme mange trop, il lui est difficile de ne pas être paresseux. S'il boit des boissons grisantes, il lui est difficile de rester chaste.
4
Personne ne s'est jamais enivré ni grisé de fumée pour accomplir une bonne action: travailler, prendre une décision, soigner un malade, prier Dieu. Mais la plupart des mauvaises actions sont faites dans un état d'ébriété.
Ce n'est pas un crime de se griser; mais c'est créer l'état qui dispose au crime.
VI. —Servir le corps, c'est nuire à l'âme
1
Si un homme a beaucoup plus qu'il ne lui faut, c'est que d'autres manquent du nécessaire.
2
Qui est plus heureux: celui qui se nourrit par son travail juste assez pour ne pas avoir faim, s'habille pour ne pas rester nu, se loge pour ne pas souffrir de la pluie et du froid; ou bien celui qui se procure une bonne nourriture, des vêtements riches et une habitation luxueuse par la mendicité, la servilité, ou par l'escroquerie et la force?
3
Si nous n'avions pas inventé le luxe, tous ceux qui sont maintenant dans la misère pourraient vivre sans manquer de rien, et les riches sans craindre pour leur vie ou leurs richesses.
4
De même que le premier principe de la sagesse est la connaissance de soi-même, parce que celui qui se connaît peut connaître les autres, de même le premier principe de la charité est de se contenter de peu, car seul celui qui se contente de peu, peut être charitable.
J. RUSKIN.
5
Les grands penseurs et les saints étaient sobres et chastes.
6
De même que la fumée chasse les abeilles de leur ruche, la voracité et l'ivrognerie chassent les meilleures forces spirituelles.
BASILE LE GRAND.
7
Ne tuez pas votre cœur par des excès de nourriture et de boisson.
MAHOMET.
VII —Seul celui qui est maître de ses désirs charnels est libre
1
Lorsque l'homme vit, non pour l'âme mais pour le corps, il imite un oiseau qui irait d'un endroit à l'autre sur ses faibles pattes, au lieu de voler en toute liberté sur ses ailes.
2
Vous dites que la bonne chair, les vêtements riches et le luxe sont le bonheur. Moi, je crois que la plus grande félicité est de ne rien désirer, et, afin de se rapprocher de ce bonheur suprême, il faut, s'habituer à avoir besoin de peu.
SOCRATE.
3
Personne ne s'est jamais repenti d'avoir vécu trop simplement.
4
Ce qui arrive à l'estomac lorsqu'on le bourre jusqu'à l'indigestion, arrive quand il y a excès dans les distractions. Plus les hommes s'évertuent d'augmenter le plaisir de manger, en inventant des plats raffinés, plus l'estomac s'affaiblit et plus le plaisir d'absorber la nourriture diminue. Plus les gens s'efforcent à augmenter le plaisir des distractions par des jeux compliqués, plus leur faculté de goûter ce plaisir s'affaiblit.