Читать книгу Cymbeline - Уильям Шекспир, William Szekspir, the Simon Studio - Страница 3

ACTE PREMIER
SCÈNE I

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La Grande-Bretagne. – Jardin derrière le palais de Cymbeline

Entrent DEUX GENTILSHOMMES

LE PREMIER GENTILHOMME. – Vous ne rencontrez ici personne qui ne fronce le sourcil. Nos visages n'obéissent pas plus que nos courtisans aux lois du ciel. Tous retracent la tristesse peinte sur le visage du roi.

LE SECOND. – Mais quel est le sujet?..

LE PREMIER. – L'héritière de son royaume, sa fille qu'il destinait au fils unique de sa femme (une veuve qu'il vient d'épouser), s'est donnée à un pauvre, mais digne gentilhomme: elle est mariée; – son époux est banni, elle emprisonnée. Tout présente les dehors de la tristesse; pour le roi, je le crois, il est affligé jusqu'au fond du coeur.

LE SECOND. – Personne autre que le roi?

LE PREMIER. – Celui aussi qui a perdu la princesse; la reine aussi, qui souhaitait le plus cette alliance; mais il n'est pas un des courtisans, quoiqu'ils portent des visages composés sur celui du roi, qui n'ait le coeur joyeux de ce dont ils affectent de paraître mécontents.

LE SECOND. – Et pourquoi cela?

LE PREMIER. – L'homme à qui la princesse échappe est un être trop mauvais pour une mauvaise réputation; mais celui qui la possède (je veux dire celui qui l'a épousée, ah! l'honnête homme! et qu'on bannit pour cela), c'est une créature si accomplie qu'on aurait beau chercher son pareil dans toutes les régions du monde, il manquerait toujours quelque chose à celui qu'on voudrait lui comparer. Je ne pense pas qu'un extérieur aussi beau et une âme aussi noble se trouvent réunis dans un autre homme.

LE SECOND. – Vous le vantez beaucoup.

LE PREMIER. – Je ne le vante, seigneur, que d'après l'étendue de son mérite; je le rapetisse plutôt que je ne le déroule tout entier.

LE SECOND. – Quel est son nom, sa naissance?

LE PREMIER. – Je ne puis remonter jusqu'à sa première origine. Sicilius était le nom de son père, qui s'unit avec honneur à Cassibelan contre les Romains. Mais il reçut ses titres d'honneur de Ténantius, qu'il servit avec gloire et avec un succès admiré, et il obtint le surnom de Léonatus. Il eut, outre le chevalier en question, deux autres fils qui, dans les guerres de ce temps, moururent l'épée à la main. Leur père, vieux alors et aimant ses enfants, en conçut tant de chagrin qu'il quitta la vie: son aimable épouse, alors enceinte du gentilhomme dont nous parlons, mourut en lui donnant le jour. Le roi prit l'enfant sous sa protection, lui donna le nom de Posthumus, l'éleva, et l'attacha à sa chambre: il l'instruisit dans toutes les sciences dont son âge pouvait être susceptible; et il les reçut comme nous recevons l'air aussitôt qu'elles lui furent offertes; dès son printemps, il porta une moisson: il vécut à la cour loué et aimé (chose rare), modèle des jeunes gens, miroir redouté des hommes d'un âge mûr; et pour les vieillards, un enfant qui guidait les radoteurs. Quant à sa maîtresse, pour laquelle il est banni aujourd'hui, ce qu'elle lui a donné proclame le cas qu'elle faisait de sa personne et de ses vertus. On peut lire dans son choix, et juger au vrai quel homme est Posthumus.

LE SECOND. – Je l'honore sur votre seul récit. Mais, dites-moi, je vous prie, la princesse est-elle le seul enfant du roi?

LE PREMIER. – Son seul enfant. Il avait deux fils; et si ce détail vous intéresse, écoutez-moi. Tous deux furent dérobés de leur chambre; l'aîné à l'âge de trois ans, et l'autre encore au maillot; jusqu'à cette heure, pas la moindre conjecture sur ce qu'ils sont devenus.

LE SECOND. – Combien y a-t-il de cela?

LE PREMIER. – Vingt ans environ.

LE SECOND. – Qu'on enlève ainsi les enfants d'un roi! qu'ils fussent si négligemment gardés, et qu'on ait été si lent dans les recherches qu'on n'ait pu retrouver leur trace!

LE PREMIER. – Quelque étrange que cela vous semble, et quoique cette négligence soit vraiment ridicule, le fait est vrai, seigneur.

LE SECOND. – Je vous crois.

LE PREMIER. – Il faut nous taire, voici Posthumus, la reine et la princesse.

(Ils sortent.)

(La reine, Posthumus, Imogène entrent avec leur suite.)

LA REINE. – Non; soyez-en sûre, ma fille, vous ne trouverez jamais en moi, comme on le reproche à la plupart des marâtres, un oeil malveillant pour vous. Vous êtes ma captive; mais votre geôlière vous confiera les clefs qui ferment votre prison. Pour vous, Posthumus, aussitôt que je pourrai fléchir le courroux du roi, on me verra plaider votre cause; mais le feu de la colère est encore en lui; et il serait à propos de vous soumettre à son arrêt, avec toute la patience que votre prudence pourra vous inspirer.

POSTHUMUS. – Si Votre Majesté le trouve bon, je partirai d'ici aujourd'hui.

LA REINE, – Vous connaissez le danger. – Je vais faire un tour dans les jardins, compatissant aux angoisses des amours qu'on traverse, quoique le roi ait ordonné de ne pas vous laisser ensemble.

(Elle sort.)

IMOGÈNE. – O feinte complaisance! Comme ce tyran sait caresser au moment où elle blesse! Mon cher époux, je crains un peu la colère de mon père, mais, soit dit sans blesser mes devoirs sacrés envers lui, je ne redoute rien des effets de sa colère sur moi. Il vous faut partir; et moi je soutiendrai ici à toute heure le trait de ses regards irrités, n'ayant rien qui me console de vivre, si ce n'est la pensée qu'il existe dans le monde un trésor que je puis revoir encore.

POSTHUMUS. – Ma reine! mon amante! Ah! madame, ne pleurez plus; si vous ne voulez m'exposer à me faire soupçonner de plus de faiblesse qu'il ne convient à un homme. Je veux être l'époux le plus fidèle, qui jamais ait engagé sa foi. Ma résidence sera à Rome, chez un nommé Philario, qui fut l'ami de mon père; moi, je ne le connais que par lettres. Écrivez-moi là, ô ma reine! mes yeux en dévoreront les mots que vous enverrez, dût l'encre être de fiel.

(La reine entre.)

LA REINE. – Abrégez, je vous prie. Si le roi survenait, je ne sais pas où s'arrêterait sa colère contre moi. (À part.) Cependant je saurai diriger ici sa promenade; je ne l'offense jamais qu'il ne paye mes offenses pour nous réconcilier; il achète chèrement tous mes torts.

(Elle sort.)

POSTHUMUS. – Quand nous passerions à nous dire adieu tout le temps qui nous reste encore à vivre, la douleur de nous séparer ne ferait qu'augmenter… Adieu.

IMOGÈNE. – Ah! demeure un moment. Quand tu monterais à cheval uniquement pour aller prendre l'air, cet adieu serait encore trop court. – Vois, mon ami, ce diamant était à ma mère; prends-le, mon bien-aimé, mais garde-le jusqu'à ce que tu épouses une autre femme quand Imogène sera morte.

POSTHUMUS. – Quoi! quoi! une autre femme? Dieux bienfaisants, accordez-moi seulement de posséder celle qui est à moi; que les liens de la mort me préviennent dans mes embrassements si j'en cherche une autre. (Il met le diamant à son doigt.) Reste, reste à cette place tant que le sentiment pourra t'y conserver. (A Imogène.) Et vous, la plus tendre, la plus belle, qui, à votre perte infinie, n'avez reçu que moi en échange de vous; je gagne encore sur vous quand il s'agit de ces bagatelles; pour l'amour de moi, portez ceci; c'est une chaîne; je veux la mettre moi-même à ce beau prisonnier d'amour.

(Il lui attache un bracelet.)

IMOGÈNE. – O dieux! quand nous reverrons-nous?

(Entrent Cymbeline et les seigneurs de la cour.)

POSTHUMUS. – Hélas! le roi!..

CYMBELINE. – Vil objet, va-t'en; disparais de ma vue. Si, après cet ordre encore, tu fatigues la cour de ton indigne présence, tu meurs. Fuis, ta vue empoisonne mon sang.

POSTHUMUS. – Que les dieux vous protègent et bénissent les hommes de bien que je laisse à votre cour; je m'en vais.

(Il sort.)

IMOGÈNE. – La mort n'a point d'angoisses plus douloureuses que celles-ci.

CYMBELINE. – Fille déloyale, toi qui devrais rajeunir ma vieillesse, tu accumules un siècle sur ma tête.

IMOGÈNE. – Seigneur, je vous en conjure, ne vous faites point de mal par ces emportements; car je suis insensible à votre courroux: un sentiment plus rare étouffe en moi toute peine, toute crainte.

CYMBELINE. – Au delà de toute grâce! de toute obéissance!

IMOGÈNE. – Au delà de l'espérance! au désespoir!.. Dans ce sens, au delà de toute grâce!

CYMBELINE. – Tu pouvais épouser le fils unique de la reine.

IMOGÈNE. – Oh! bienheureuse de ne pas le pouvoir: j'ai choisi un aigle, et j'ai évité un faucon dégénéré.

CYMBELINE. – Tu as choisi un misérable; tu voulais asseoir l'ignominie sur mon trône.

IMOGÈNE. – Dites que j'en ai relevé l'éclat.

CYMBELINE. – O âme vile!

IMOGÈNE. – Seigneur, c'est votre faute si j'ai aimé Posthumus; vous l'avez élevé comme le compagnon de mes jeux: il n'est point de femme dont il ne soit digne; il m'achète plus que je ne vaux, presque de tout le prix que je lui coûte.

CYMBELINE. – Quoi! as-tu perdu la raison?

IMOGÈNE. – Peu s'en faut, seigneur: veuille le ciel me guérir! Oh! que je voudrais être fille d'un paysan, et que Posthumus fût le fils du berger voisin!

(La reine paraît.)

CYMBELINE. – Femme imprudente, je les ai trouvés encore ensemble; vous n'avez pas suivi mes ordres, retirez-vous avec elle, et l'enfermez.

LA REINE, à Cymbeline. – J'implore votre patience. (A Imogène.) Silence, ma chère fille, silence. – Bon souverain, laissez-nous seules, et cherchez dans votre raison quelque consolation pour vous-même.

CYMBELINE. – Qu'elle languisse en perdant chaque jour une goutte de sang, et que vieille avant le temps elle meure de sa folie!

(Il sort.)

LA REINE, à Imogène. – Allons, il faut que vous laissiez passer… (Pisanio entre.) Voici votre serviteur. Eh bien! Pisanio, quelles nouvelles?

PISANIO. – Le prince, votre fils, a tiré l'épée contre mon maître.

LA REINE. – Ah! j'espère qu'il n'y a pas de mal?

PISANIO. – Il aurait pu y en avoir; mais mon maître n'a fait que jouer plutôt que de combattre, et il n'était pas soutenu par la colère; des gentilshommes qui se sont trouvés là les ont séparés.

LA REINE. – J'en suis bien aise.

IMOGÈNE. – Votre fils est l'ami de mon père; il prend son parti! Tirer l'épée sur un proscrit! ô le brave prince! – Je voudrais les voir tous deux dans les déserts de l'Afrique, et moi près d'eux, avec une aiguille, pour en piquer le premier qui reculerait. – Pourquoi avez-vous quitté votre maître?

PISANIO. – Par son ordre. Il n'a pas voulu que je l'accompagne jusqu'au port; il m'a laissé une note des ordres que j'aurai à remplir quand il vous plaira d'accepter mon service.

LA REINE. – Cet homme, jusqu'ici, a été pour vous un serviteur fidèle. J'ose garantir, sur mon honneur, qu'il le sera toujours.

PISANIO. – Je remercie humblement Votre Majesté.

LA REINE, à Imogène. – Je vous prie, promenons-nous un moment ensemble.

(Elles sortent.)

Cymbeline

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