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1. Grands organisateurs du Capital : BlackRock & al.

Pas seulement depuis la « crise financière », les économies nationales de la « communauté de valeurs occidentale » sont entrées en stagnation et ce, de manière systémique et durable. Non seulement les États, mais aussi les entreprises investissent de moins en moins et sont en même temps de plus en plus endettées, et ceci à un niveau supérieur à celui d’avant la crise financière. Et ce surendettement n’est plus rattrapable avec ce type d’économie. De même, l’endettement et aussi le surendettement des ménages a augmenté et continue d’augmenter.1

Rétrécissement économique, surendettement irrémédiable

La croissance officiellement souvent supérieure aux États-Unis repose sur des combines statistiques portées (elles aussi) à un niveau supérieur, et comporte jusqu’à deux pour cent d’exagération2 – ou alors repose sur des produits qui sont de toute manière socialement inutiles, à usage militaire et nuisibles à l’environnement. Le chômage et le sous-emploi sont durablement élevés, leurs statistiques également trafiquées. Au sein du capitalisme transatlantique, la proportion des revenus issus du travail salarié se trouve en baisse continue depuis 1990, et en baisse accélérée depuis 2007.3 Les salaires se voient contraints soit au sursoit au sous-emploi, allant de pair avec une situation de working poor (travaillant et restant pauvre), demeurant pauvre malgré un travail à plein temps – ou alternativement sous pression permanente avec une paie correcte.

Au sein du capitalisme occidental règne une « stagnation séculaire », selon les termes de l’ancien ministre des Finances états-unien Lawrence Summers4 qui avait contribué sous la présidence de William (Bill) Clinton à déclencher cette évolution. Le capitalisme occidental ne table donc pas, en pratique, sur une « croissance permanente » comme le critique des altermondialistes et des partisans de la décroissance. Au sein du capitalisme occidental, c’est le bénéfice privé qui croît, mais le travail de qualité et la qualité de vie des salariés baissent. L’infrastructure nécessaire à la majorité des populations – logements abordables, écoles, maternelles, hôpitaux, EHPAD, administration municipale, distribution d’eau et traitement des eaux usées, égouts, transports publics par train, bus ou métro – est négligée, rétrécie, se dégrade, ou alors elle est privatisée et le coût d’accès augmente.

Il règne une « grève des investissements en Europe », selon un titre du quotidien économique allemand proche des milieux investisseurs, le Handelsblatt (HB, dont le nom signifie littéralement « La feuille du commerce »). Mais les auteurs, censés si bien connaître « l’économie », tombent ici dans des explications psychologiques fumeuses : « Il paraît que la confiance envers l’avenir n’est tout simplement pas assez grande. »5

Le patron de BlackRock : « Le suprême des capitalistes suprêmes »

Certains ne peuvent qu’en rire, d’abord clandestinement, désormais publiquement. Il faut dire que certains investisseurs ont beaucoup de confiance dans l’avenir du capitalisme rétréci surendetté. Depuis la crise financière, ils investissent encore davantage, en silence et avec conséquence.

Dans les étages supérieurs du monde occidental, le patron de BlackRock, Lawrence Fink, est adulé comme aucun autre. De façon familière, les médias dominants l’appellent « Larry ». Lorsqu’il arrive en jet privé au Forum économique mondial qui se déroule annuellement à Davos en Suisse, les élites, non élues comme élues, se mettent au garde-à-vous. Ceci parce qu’« ils ont tous compris, ces managers, entrepreneurs, banquiers, grands investisseurs, politiques, économistes, que cet Américain est quelque chose comme le président non déclaré de la communauté financière mondiale, le suprême des capitalistes suprêmes, celui qui détermine les lois et les destins du capitalisme plus que beaucoup d’autres », selon les mots de l’auteur du Handelsblatt qui a eu l’occasion de participer à l’événement, tout à son admiration.6

Des spéculations d’initiés

Examinons, dans l’ordre, certaines des activités typiques du suprême des capitalistes suprêmes. Prenons un « investissement » datant de 2016. BlackRock et d’autres investisseurs financiers se firent donner des crédits, par d’autres investisseurs du même type, pour un milliard d’euros et rachetèrent un tiers de toutes les actions de la (Note du traducteur : compagnie aérienne allemande) Lufthansa à d’autres actionnaires de celle-ci, en partie pour une durée limitée (en parlait alors d’« actions en location »). BlackRock & al. spéculèrent sur l’attente qu’en raison de la crainte d’attentats terroristes et du Brexit, moins de billets d’avions seraient achetés et que les actions perdraient en valeur. Ce qui arriva, en suivant les lois du marché occidentales, la valeur desdites actions chutant de 14 %. Les investisseurs rendirent les actions prises « en location » à leurs véritables propriétaires, au bout de quelques semaines, comme convenu, et rachetèrent des actions de Lufthansa dont la valeur avait baissé… en effectuant un gain, puisque la valeur de ces actions remontait par la suite.7

Cependant, BlackRock n’est ici pas un spéculateur venu de l’extérieur, mais l’un des principaux actionnaires de Lufthansa. Si on n’a aucune idée du capitalisme contemporain, on pourrait alors poser la question : pourquoi un copropriétaire spécule-t-il sur la baisse de la valeur de l’action de sa propre entreprise ?

Dans le capitalisme dans sa version la plus récente, les entreprises ne constituent, pour des propriétaires tels que BlackRock, que la base de départ pour effectuer des spéculations. Si celles-ci rapportent plus que la conservation des actions et l’attente annuelle du versement des dividendes, alors, on investit dans la spéculation… même s’il apparaît pervers d’appeler cela un « investissement », non ?

BlackRock & al. misent en permanence une partie des paquets d’actions qu’ils détiennent chez Lufthansa, Daimler, Siemens, Coca-Cola, Goldman Sachs, Vivendi, Vinci etc. à des fins de spéculations. Arrêtons-nous à la date du 18 août 2016 : ce jour-là, en Allemagne, BlackRock signale à la Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht (Bafin ; note du traducteur : équivalent allemand de l’Autorité des marchés financiers, en France) des ventes à découvert d’actes chez Kali&Salz AG, zooplus AG et ElringKlinger AG (note du traducteur : des sociétés cotées en bourse, le sigle allemand AG pour Aktiengesellschaft signifiant « société par actions », équivalent du sigle français S.A.). L’investisseur Marshall Wace signale à la Bafin des ventes à découvert d’actions chez Deutsche Bank, Lufthansa et Grammer AG ; l’investisseur AQR signale à la Bafin des ventes à découvert chez le groupe de la construction Bilfinger ; l’investisseur Lansdowne fait de même chez Volkswagen ; Millenium fait de même chez Wacker Chemie AG, etc. etc.8

Susciter la panique et escroquer

Ces ventes à découvert effectuées en une seule journée ne constituent qu’un infime extrait de l’ensemble et ne concerne que l’Allemagne. De telles ventes à découverte par BlackRock & al. se déroulent en même temps dans beaucoup d’autres entreprises en Allemagne, et dans beaucoup d’autres entreprises dans d’autres États. BlackRock est en mesure de « durcir des variations du cours boursier (d’une entreprise) et de susciter ainsi la panique », remarque même le quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung qui, par ailleurs, admire les spéculateurs.9

D’autres spéculations avec les actions permettent de se livrer à une escroquerie. BlackRock loue, contre frais, des actions à d’autres acteurs sur le marché. Dans le cadre des affaires devenues connues sous l’appellation « Cum Ex », BlackRock avait loué des actions lui appartenant pour une durée déterminée à des individus riches et à des banques. En contrepartie, dans pareil cas, BlackRock encaisse une commission. Ceux qui sont devenus locataires des actions peuvent se faire passer, vis-à-vis du service des impôts de leur pays, pour leurs propriétaires et se faire rembourser la taxe sur les dividendes sans l’avoir versée. BlackRock & al. peuvent jouer les innocents : nous ne savions pas ce que les locataires font avec les actions… Entre-temps, des procureurs de la République en Allemagne se sont réveillés et ont fait perquisitionner la filiale allemande de BlackRock.10

Violer des lois et payer l’amende avec la petite monnaie

En se livrant à de telles spéculations, BlackRock a violé des obligations déclaratives selon les articles 21, 22 et 25 de la Wertpapierhandels-Gesetz (Loi sur le commerce des titres de valeur) allemande. La Bafin, autorité allemande de surveillance des marchés financiers, suite à des contrôles sélectifs, infligea ainsi en mars 2015 à BlackRock une amende de 3,25 millions d’euros. Ceci est l’amende la plus élevée, et de loin, que la Bafin ait jamais imposée. « Les déclarations de BlackRock en matière de droits de vote (dans une société par actions) et d’outils financiers étaient inexactes sur le fond et/ou tardives. »11

Il fait partie de l’activité de BlackRock, comme il a été décrit, d’acheter et de vendre quotidiennement des paquets d’actions de ces entreprises, d’en créer des produits dérivés et de tirer profit des différences des cours entre les bourses du monde. Dans cette optique, des déclarations trop tardives et fausses aux pouvoirs publics ont une influence sur les gains. La Bafin n’a pas répété le contrôle sélectif effectué en 2013, exigeant des moyens lourds, jusqu’ici.

BlackRock paya sans sourciller les 3,25 millions d’amende, avec la petite monnaie de la filiale allemande. La Bafin est dépassée rien qu’avec le contrôle de l’ensemble des activités de la firme BlackRock, à elle seule, sans évoquer les quatre dizaines d’autres structures du même acabit. Ce club rabaisse les autorités publiques de contrôle du secteur financier du capitalisme occidental au rang de pantins ridicules.

Super-cerveau de l’économie occidentale

BlackRock spécule en permanence, avec des actions lui appartenant ou appartenant à d’autres, dans toutes les bourses du monde. Ce faisant, des différences entre les cours des actions existant à l’échelle de nanosecondes entre les bourses situées à New York, Tokyo, Paris, Singapour, Londres, Zurich, Milan, Francfort, Paris, au Luxembourg, à Rio de Janeiro etc. sont exploitées. La même chose se passe avec des titres de valeur de toutes sortes, basées sur des actions : futures (contrats à terme), produits financiers dérivés, ETF (exchange traded funds, voir plus loin), iShares (voir plus loin). Cela se déroule, pour la plus grande partie, de manière automatique.

Les logiciels appartiennent à Aladdin, le super-cerveau robotisé de BlackRock. Cette installation informatique composée de 5.000 superordinateurs est gérée par 2.000 spécialistes en informatique, programmateurs et analystes de données. Le système consomme autant d’électricité pour le refroidissement des supercalculateurs que la plus grande partie de cette plus grande base de traitement de données financières de l’économie occidentale a été implantée à une distance de 4.425 kilomètres de la Wall Street, au Nord-Ouest des États-Unis, à proximité de la petite ville de Wenatchee comptant 30.000 habitants. Là-bas, les centrales hydroélectriques sur les rives du fleuve Columbia produisent l’électricité la moins chère des États-Unis. C’est là que sont implantés aussi les centres de calcul relativement petits, mais ayant tout de même la taille d’un terrain de football, par exemple de Yahoo, Microsoft et Dell.

Aladdin est le sigle pour Asset Liability and Debt Derivative Investment Network. Son fonctionnement intègre des facteurs de risque tels que des changements de gouvernement, guerres et actions militaires, tremblements de terre, variations climatiques, grèves et mouvements de contestation, changements du comportement des consommateurs, faillites, campagnes publicitaires. A ce propos, des changements brusques et les évolutions qui le préparent revêtent un intérêt particulier. Il s’agit surtout de savoir comment on pourra, en étant informé avant les autres – l’antériorité pouvant parfois jouer sur quelques fractions de secondes – influer sur l’évolution du cours de titres de valeurs, et en tirer un bénéfice à travers des achats et des ventes. Dans ce prisme, des grèves, des crises gouvernementales, des guerres et surtout des menaces de guerre peuvent alors revêtir une fonction positive.

BlackRock est en même temps, ensemble avec d’autres organisateurs du Capital du même type – Vanguard, T.Rowe Price, State Street, Fidelity, Wellington, Northern Trust, JPMorgan, Capital Group et autres – copropriétaire des principales bourses du monde occidental, du New York Stock Exchange (NYSE) et de la bourse des valeurs technologiques Nasdaq tout autant que de la bourse de Londres ou de la Deutsche Börse (note du traducteur : Bourse allemande, ayant son siège à Francfort-sur-le-Main), et copropriétaire de milliers de sociétés cotées comme Lufthansa et Coca-Cola.

Ainsi BlackRock combine la capacité de traitement de données la plus importante du secteur financier occidental avec la fonction du plus important initié des secteurs financiers et économiques. BlackRock étant par exemple aussi un actionnaire majeur de la Deutsche Bank, la gestion de fortune de cette dernière est pilotée par Aladdin. Désormais, Aladdin effectue aussi les analyses de risque pour plus de 150 organisateurs du Capital de taille plus réduite, mais aussi pour des fondations, fonds publics, compagnies d’assurances, caisses de retraite et même pour cinquante banques centrales occidentales, dont la Banque centrale des États-Unis d’Amérique et la Banque centrale européenne (BCE).12

Au sein des milieux financiers, on a pleinement conscience que ces spéculations publiquement favorisées, y compris au profit de BlackRock & al., « mettent en péril la stabilité des marchés financiers » et renforcent la tendance à la crise, déjà structurellement présente au sein du type d’économie actuellement dominant.13

La classe capitaliste transnationale

BlackRock ne compte que 13.000 salariés à l’échelle mondiale. Les banques majeures traditionnelles gèrent incomparablement moins de capitaux, mais elles ont besoin, malgré toutes les coupes dans les dépenses, de nettement plus de personnel : JPMorgan Chase compte 230.000 salariés et la Deutsche Bank 100.000.

Cela est lié au fait qu’en comparaison, le nombre de clients – super-riches – que BlackRock doit suivre est infime. Il n’y a pas de clientèle de passage, pas de guichets bancaires. A l’échelle mondiale, des héritiers d’entreprises, des clans patronaux, des chefs d’entreprise, des dirigeants et membres de Conseils d’administration de sociétés et de banques, des gérants, des fondations patronales, des milliardaires et des millionnaires déposent leurs liquidités entre les mains de BlackRock. De tels clients sont nommés Ultra High Net Worth Individuals (UHNWI), « clients à la valeur nette ultra-élevée ». A partir de cinquante millions, mieux encore à partir de cent millions, on en fait partie. Des banques traditionnelles, compagnies d’assurances, banques centrales, services financiers d’entreprises, caisses de retraite aussi confient des capitaux à BlackRock.

Les responsables respectifs et les bénéficiaires économiques forment la classe capitaliste transnationale.14 Seuls BlackRocks & al. connaissent les noms de leurs clients. L’opinion publique les ignore, les services des impôts devraient les ignorer la plupart du temps aussi. A leur tour, les entreprises au sein desquelles BlackRock achète pour le compte de ces clients les actions ou d’autres titres de valeur ignorent les noms de leurs « vrais » propriétaires. BlackRock & al. forment une machine d’anonymisation… ce savoir exclusif fait partie des sources de leur pouvoir.

BlackRock & al. forment ainsi un réseau global des super-richissimes, qui traînent derrière eux encore quelques millions de petits investisseurs sans pouvoir ni information. Le capital accumulé est investi par BlackRock & al. dans les entreprises les plus profitables à l’échelle mondiale, ces dernières appartenant alors elles-mêmes au réseau capitaliste transnational. Nous aborderons plus loin les connections gouvernementales qui vont avec et l’« armée privée civile ».

Cartels de prix, rachats, fusions

BlackRock et quelques dizaines d’autres organisateurs du Capital comparables sont les premiers initiés du capitalisme occidental. Ils possèdent des relations étroites avec des directions de groupes économiques, des gouvernements, des agences de notation, des institutions financières internationales telles que le FMI et la BCE et avec la crème des sociétés de conseil comme PwC et Freshfields qui conseillent et des groupes économiques et des gouvernements. Ainsi, BlackRock & al., voyant plus loin que d’autres, peuvent non seulement anticiper les évolutions à long terme, mais aussi influencer leur cours et en tirer profit.

Cartels de fixation des prix

Les spéculations sur les titres de valeur ne sont qu’une source de bénéfices. Pour rester sur l’exemple de la compagnie aérienne Lufthansa : on y réduit les coûts afin de rendre l’entreprise plus rentable. En raison des externalisations, le groupe est désormais composé d’environ cinq cents entreprises, filiales et participations (en matière d’équipement, catering, technologie, services informatiques, sous forme de transporteurs aériens achetés et filialisés). Le personnel au sol et le personnel navigant sont moins bien rémunérés, les retraites sont diminuées pour les pilotes, des nouveaux pilotes sont embauchés par une filiale low cost, des lignes low cost sont mises en place. La vision à long terme est ainsi définie : sur les 120.000 employés actuels, environ un dixième devraient rester au bout d’une décennie.

Cartels de banques et de compagnies aériennes aux États-Unis

Cela ne serait pas possible, sous une forme aussi brutale, avec les moyens traditionnels d’un groupe « allemand ». C’est ici que BlackRock & al. entrent en jeu. BlackRock et l’organisateur du Capital occupant actuellement la place numéro 2, Vanguard, sont copropriétaires de Lufthansa, mais aussi des compagnies aériennes états-uniennes American Airlines et Delta Airlines. Les fusions et acquisitions poussent les bénéfices à la hausse. Au pays d’origine de BlackRock & al., les États-Unis, ces entreprises financières ont formé des cartels avec les banques dont elles sont également copropriétaires : les frais de ces banques ont été augmentés et en même temps, les intérêts sur l’épargne ont été baissés. Dans les compagnies aériennes états-uniennes, les prix du billet ont été en même temps augmentés.15

Par exemple : Bayer rachète Monsanto

La prochaine étape consiste en fusions et rachats. Prenons pour exemple le rachat du groupe biotechnologique états-unien Monsanto par le groupe de chimie allemand Bayer. Il ne s’agit pas d’une « OPA hostile » d’un groupe « américain » par un groupe « allemand », comme les médias dominants et les médias secondaires le relatent.16

En réalité, ce rachat est déclenché par les gros actionnaires… et ce sont les mêmes dans les deux groupes. Les principaux actionnaires de Bayer sont, dans l’ordre : BlackRock, Sun Life Financial, Capital World, Vanguard, Deutsche Bank. Les principaux actionnaires de Monsanto sont, dans un ordre légèrement différent : Capital World, Vanguard, BlackRock, State Street, Fidelity et Sun Life Financial.17 La concentration du capital et du pouvoir au niveau de BlackRock est encore plus élevée : BlackRock est aussi un des principaux actionnaires de la Deutsche Bank, copropriétarie de Bayer.

Ainsi naît le premier groupe mondial de l’agrochimie : il réunit de manière synergique les places de leader mondial sur les marchés dans les domaines de la semence, des pesticides, des brevets agricoles et détient le plus grand nombre de données sur les paysans, les entreprises agricoles et les marchés agricoles.

Bristol-Myers Sqibb rachète Celgene

Bien évidemment, BlackRock, Vanguard, Capital, State Street, Fidelity, Wellington etc. figurent aussi parmi les principaux actionnaires d’autres groupes de l’agroalimentaire et de la chimie tels que BASF (Allemagne) ; LG Chem (Corée du Sud), Akzo Nobel (Pays-Bas) ainsi que Pfizer et DowDupont (États-Unis).

En 2019 a démarré la fusion des groupes pharmaceutiques états-uniens Bristol-Myers Sqibb et Celgene, jusqu’ici son concurrent. Ils souhaitent former l’entreprise en tête, entre autres, en matière de médicaments contre le cancer.18 Les principaux actionnaires de Bristol-Myers Squibb sont, dans l’ordre : BlackRock, Vanguard, State Street ; les principaux actionnaires de Celgene sont, dans l’ordre : Wellington, Vanguard, BlackRock, State Street.

Linde rachète Praxair

Le leader du marché européen en matière de gaz industriels, Linde, souhaite racheter le concurrent états-unien Praxair. Chez Linde et Praxair, aussi, BlackRock & al. sont les principaux actionnaires des deux côtés : les plus grands propriétaires chez Linde sont le fonds souverain norvégien Norges, BlackRock et Sun Life ; chez Praxair, ce sont Capital World, Vanguard, State Street et BlackRock, ensuite on trouve entre autres à nouveau Norges.19 La fusion entre Linde et Praxair ferait « naître le plus grand producteur de gaz industriels du monde ».20

Sur ce chemin, la suppression d’emplois dans les deux groupes antérieurs est programmée. Les 8.000 salariés de Linde en Allemagne ne devraient être protégés contre le licenciement que jusqu’en 2021. Le siège juridique de l’entreprise née de la fusion devrait être installé dans le paradis financier que constitue l’Irlande. Ainsi, des emplois et des impôts sont perdus dans plusieurs États.

Formation de monopoles dans le secteur énergétique

Au début de l’année 2018, les deux principaux fournisseurs d’énergie en Allemagne, E.ON et RWE, s’arrangèrent pour instaurer un nouveau partage des rôles entre eux. E.ON acheta la filiale de RWE, Innogy, et reprit ainsi la distribution de l’énergie et l’équipement sous formes de lignes de haute tension. E.ON obtient ainsi en Allemagne 75 % du marché de l’électricité, 50 % des réseaux de distribution d’électricité et 40 % des compteurs électriques. En même temps, RWE monopolise la production d’électricité.21 Au passage, la suppression de 5.000 emplois est programmée.22

BlackRock est l’un des principaux actionnaires auprès de chacun des deux groupes. Et en même temps, BlackRock est également le principal propriétaire, après RWE, chez Innogy, suivi par Templeton, Norges, Caffi Delen, Franklin et Vanguard. Innogy a distribué 550 millions d’actions.23 Pour le rachat d’Innogy, E.ON a payé aux actionnaires de cette société quarante euros par action.24 Les 6,87 % des actions d’Innogy que possède BlackRock correspondent à 34,35 millions d’actions. Ce nombre multiplié par quarante donne un résultat de 1,36 milliard d’euros… de bénéfice pour BlackRock. Templeton, Norges, Caffi Delen, Franklin et Vanguard détiennent ensemble 6,12 % des actions, et reçoivent ainsi ensemble un peu plus qu’un milliard d’euros.

Fusions de banques

BlackRock & al. poussent aussi, sur le plan national et international, à la fusion entre banques. Pour le chef de la Deutsche Bank, il y a en Allemagne et dans l’UE « tout simplement trop de banques… Nous avons besoins d’autres fusions, sur le plan national, mais aussi au-delà des frontières du pays. » La Deutsche Bank pourrait fusionner, à ses yeux, par exemple avec la Commerzbank.25

Aux États-Unis, mais aussi en France et en Italie, une évolution similaire se dessine. BlackRock est le premier détenteur de capitaux de quatre parmi les cinq principales banques nord-américaines, et en Europe, le premier détenteur de capitaux par exemple de la Deutsche Bank, de l’ING Bank néerlandaise, de la Hongkong and Shanghai Banking Corporation (HSBC) britannique, de la Banco Bilbao espagnole, et le deuxième plus grand détenteur de capitaux de BNP Paribas en France, de Unicredit et de la Banco Sanpaolo en Italie.

Depuis l’introduction en bourse en 2010, le bénéfice de BlackRock a ainsi crû en permanence. En 2016, il est de 16 % plus élevé que l’année précédente. Au premier trimestre 2018, le bénéfice net augmenta encore, malgré les turbulences boursières, de 27 %pour atteindre 1,09 milliard de dollars.26

Une ascension à travers la crise financière

Nous allons maintenant soulever la question : quand et comment est né ce nouveau type d’organisateur du Capital ?

BlackRock fut fondé en 1998 par Lawrence Fink. Ce dernier avait travaillé à la Wall Street auprès de la banque d’investissement First Boston. A l’époque, les banques majeures états-uniennes commençaient à se libérer des régulations antérieures, même avant que l’administration sous la présidence de Clinton ne modifie la législation dans ce sens. Certains managers de banque développèrent de nouveaux produits financiers, expérimentèrent avec eux et se mirent à la recherche de sponsors à cette fin.

Ainsi Fink passe pour le créateur, chez First Boston, des titres « de valeur » qui sont créés à partir de crédits immobiliers et autres, certifiés parce que revendus par les banques puis rassemblés en bouquet. Pour avoir créé tels produits financiers et paris financiers, il obtint des crédits par la société de private equity Blackstone. En 1994, il créa BlackRock à partir de Blackstone : La petite « pierre noire » se transforma successivement en « rocher noir », beaucoup plus grand.

BlackRock effectua le premier grand saut grâce aux spéculations financières que Fink avait contribué à développer. Celles-ci conduisirent en 2007 à la faillite des banques occidentales traditionnelles. Le patron de BlackRock avait « lui-même inventé, dans les années 1980 chez First Boston, ces titres d’hypothèque qui ont massivement contribué au krach financier de 2007/08 ».27 C’est ainsi que le patrimoine géré par BlackRock passa d’environ 300 milliards de dollars US dans l’année 2004 à 1,3 billion de dollars dans l’année 2008.

Le prochain grand saut fut réussi dans les deux années qui suivirent l’éclatement de la crise financière. L’administration états-unienne sous la présidence de Barack Obama chargea Fink de gérer la crise financière. Ainsi, BlackRock coordonna la mise en liquidation des banques d’Investissement Bear Stearns et Lehman Brothers ainsi que le sauvetage public de la compagnie d’assurances American International Group (AIG). Cela signifiait par exemple que des indemnités d’assurance dont le versement aurait incombé à AIG, ont été payées aux banques Golmand Sachs et Deutsche Bank. L’honoraire pour BlackRock se chiffrait à 180 millions de dollars.28

Ce qui était nettement plus important que l’honoraire du gouvernement, était le fait qu’à travers cette position d’initié, BlackRock pouvait se procurer une position encore plus forte sur le marché et en termes d’influence, par exemple par le rachat d’acteurs de la Finance de taille moins importante, même en faillite, ce qui ouvrit à BlackRock l’accès à des crédits bon marché. Les riches investisseurs fuyaient les banques de Wall Street, déstabilisées, au profit de BlackRock qui était chuchoté par le gouvernement : jusqu’en 2009, au cours des deux ans, le patrimoine géré par la société avait augmenté à 3,3 billions de dollars US. En 2018, il se chiffrait déjà à plus de 6,4 billions… donc environ vingt fois le budget de l’État le plus riche et le plus puissant de l’Union européenne, et deux fois son produit intérieur brut annuel. (Note du traducteur : Le PIB allemand était évalué à 3,677 billions de dollars US en 2017.)

Affaires sombres : une banque gouvernementale disparaît

Après une première période au cours de laquelle BlackRock agissait en tant que fonds d’investissement en dehors de toute réglementation, en 1999, par son introduction en bourse, il devient une Société par actions.

Le plus grand détenteur de capitaux est, avec 25 % de parts de capitaux, la banque régionale Pittsburgh National Corporation, PNC. En 2017, elle en possédait même encore 34 % ; c’est, dans ces milieux, une proportion inhabituellement élevée. Les principaux copropriétaires suivants sont Vanguard avec 8,4 %, Wellington avec 7,2 %, BlackRock lui-même avec une part de capitaux propres de 6,9 %, puis Capital World avec 6,6 %.29

Riggs : La banque de blanchissement des capitaux à Washington D.C.

La banque régionale PNC n’a jamais fait partie du centre financier de la Wall Street et a un volume d’affaires incomparablement plus réduit, par rapport à d’autres propriétaires de BlackRock. Où est situé le secret ? Il aurait pu être révélé au public dans l’année 2005. C’est alors que la PNC a racheté la Riggs National Bank à Washington (D.C.). Celle-ci était inconnue du public mais revêtait une importance systématique dans la capitale états-unienne : des présidents des États-Unis tels que Abraham Lincoln et Jefferson Davis avaient ici leurs comptes au 19e siècle, comme au total vingt-trois présidents du pays, parmi eux Dwight E. Eisenhower et Richard Nixon. Jusqu’en 2005, cette banque hébergeait en toute discrétion les comptes pour 95 % des ambassades étrangères au siège du gouvernement des États-Unis ainsi que des ambassades et consulats états-uniens dans le monde. Des clans de dictateurs en Afrique comme celui de Teodoro Obiang en Guinée équatoriale reçurent, à travers des douzaines de comptes à la Riggs, leurs commissions occultes de la part de groupes pétroliers états-uniens comme Exxon.

Bien sûr, la banque Riggs avait son siège juridique dans le paradis financier du Delaware et comptait des filiales à la City de Londres et sur l’île anglo- normande de Jersey, dans le centre de l’anticommunisme Berlin (Ouest), à Miami et sur les îles Bahamas. Du conseil juridique fut procuré par le cabinet d’avocats de la Wall Street, Sullivan & Cromwell. Des contrôleurs de gestion et des membres du Conseil d’administration vinrent de la société d’audit « réputée » Deloitte. Riggs se lia avec la deuxième banque proche des milieux gouvernementaux à Washington D.C., elle aussi inconnue du public, Alex Brown, qui coopérait étroitement avec la CIA. Elle allait jouer un rôle dans l’ascension de Jeffrey Bezos, le futur patron d’Amazon. Riggs se trouvait au centre de l’« État profond » comme au milieu d’une toilée d’araignée.30

Obiang, Chodorkowski, prince Bandar, Pinochet…

Lors du pillage de la Russie postsocialiste sous la présidence du chéri de l’Occident corrompu Boris Eltsine, Riggs aida des oligarques russes tels que Mikhaïl Khodorkovski à transférer le patrimoine vers l’Occident, par exemple par la fondation de sociétés-écran aux Îles Caïman.31 Tout cela aurait dû tomber sous le coup de la législation états-unienne contre le blanchiment de capitaux. Mais ça servait des bons objectifs « occidentaux ».32

Après l’attaque terroriste contre le World Trade Center en 2001 à New York, les enquêteurs tombèrent, en recherchant des traces du financement des terroristes, sur des comptes à la Riggs détenus par l’ambassadeur saoudien, le prince Bandar, qui avait perçu des commissions occultes pour avoir servi d’intermédiaire lors de la conclusion de contrats de ventes par exemple par le groupe d’armement britannique BAE. Ce « scandale », comme d’autres, ne devait pas éclater au grand jour. Mais par la suite, des procureurs dans d’autres pays, en Espagne, en France, en Argentine, en Grande-Bretagne et au Chili découvrirent, malgré le refus d’entraide qui leur était opposé par la Justice états-unienne, que le dictateur chilien – soutenu par les États-Unis – Augusto Pinochet avait parqué sa fortune, amassé grâce à la corruption et avec le soutien de la CIA, sur dix comptes à la Riggs. La banque lui avait, pour cela, aussi installé des sociétés-écran dans les Caraïbes.

Mais ce « scandale », aussi, fut rapidement enterré. Pour cela, la banque régionale PNC procurait une couverture idéale : En 2005, la PNC soudainement avait à sa disposition beaucoup d’argent et achetait sans attirer l’attention la banque à scandales Riggs. Les actionnaires, parmi eux le patron Joseph Albritton, membre actif de la Ronald Reagan Presidential Foundation, pouvaient empocher le prix de rachat de 650 millions de dollars tout en restant impunis. L’histoire de cette banque ayant une certaine tradition dans la capitale des États-Unis, vieille de 200 ans, a depuis été complètement rayée de la mémoire publique.33

Par la même, la clientèle et les relations gouvernementales de Riggs vinrent à BlackRock. L’ascension accélérée de BlackRock à partir de 2006 pouvait démarrer.

La plus grande banque de l’ombre du monde

Avec la réglementation du secteur bancaire de 2010 – avec la loi états-unienne Dodd Frank-Act (Wall Street Reform and Consumer Protection Act) –, seules les banques traditionnelles ont été soumises à une régulation. BlackRock & al. ne sont cependant pas qualifiés de banques.

BlackRock effectue beaucoup de transactions similaires à celles des banques, mais n’est juridiquement pas une banque. Le même constat vaut pour d’autres organisateurs du Capital, donc pour Vanguard, State Street, Fidelity, Capital Group, Wellington, Northern Trust, Amundi, Templeton, T.Rowe Price et Franklin Resources et autres de ce type.

C’est pourquoi ils sont désignés, dans les publications spécialisées et par les institutions financières internationales telles que le FMI et la Banque des règlements internationaux (BRI, la banque centrales des banques centrales), comme des banques de l’ombre.34 Leur lobby a réussi, avec le soutien de président de la BCE, Mario Draghi, à imposer qu’elles continuent à être seulement mises sous observation.35 En revanche, une réglementation pour le secteur, comme l’avait proposée par exemple l’ancien patron de l’Autorité allemande de régulation des marchés financiers – Bafin –, Jochen Sanio, n’a pas vu le jour.36

Ainsi elles ont saisi les opportunités qu’offrait la nouvelle liberté. Lorsqu’elles avaient besoin de crédits, elles les prirent des banques soumises – elles – à une réglementation, ces dernières étant contentes de pouvoir continuer à rester dans le jeu. Et BlackRock & al. s’achetèrent des actions des cettes banques et sont désormais non seulement leurs emprunteurs importants, mais aussi leurs copropriétaires puissants. BlackRock est copropriétaire de plus de 17.000 entreprises et banques à l’échelle mondiale.

Le plus grand organisateur de sociétés-écran

BlackRock & al. construisent un monde de la Finance parallèle. Ce dernier traverse l’ensemble de l’économie occidentale, au nez et à la barbe des autorités de contrôle des États.

Puits obscures

Ce monde de la Finance parallèle et occulte englobe des dark pools (note du traducteur : « eaux opaques » ou « puits obscures »). Bien que BlackRock & al. soient copropriétaires par exemples des bourses à New York, Londres et Francfort, ils organisent cependant en même temps un système parallèle non public, non réglementé par la loi. Ce sont des lieux de transaction extra-boursiers pour actions et titres de valeurs de tout type. Dans ces trous noirs du système financier, c’est BlackRock, en particulier, qui agit comme intermédiaire et établit le contact direct entre acheteurs et vendeurs, c’est-à-dire surtout entre banques, entreprises et les investisseurs financiers. Tous les participants restent anonymes envers l’extérieur. Selon des estimations, en 2014 déjà, 40 % des transactions d’actions aux États-Unis eurent lieu en dehors des bourses traditionnelles soumises à réglementation.37

Utilisation systématique de paradis financiers

Le monde parallèle occulte englobe les paradis financiers les plus importants. Leur utilisation dépasse, dans le cas de BlackRock & al., largement la dimension qui a été dévoilée par des « médias d’investigation » établis tels que The Guardian, The New York Times et la Süddeutsche Zeitung. La plus grande partie des fonds individuels de BlackRock, qui agissent juridiquement comme actionnaires par exemple de Vivendi, Saint Gobain, Bayer, Monsanto, Linde, Praxair, Deutsche Bank, Siemens, Deutsche Post – DHL, Commerzbank etc., ont leur siège juridiquement dans l’un des nombreux paradis financiers.

Ainsi, BlackRock a réparti ses 5 % d’actions du fournisseur d’énergie allemand RWE sur 154 (cent cinquante-quatre) sociétés de fonds et instruments financiers, parmi lesquels BlackRock Holdco 2 Inc., BlackRock Holdco 4 LLC, BlackRock Holdco 6 LLC, BlackRock Delaware Holdings, BlackRock Institutional Trust, BlackRock Netherlands B.V., BlackRock International Holdings Inc., BlackRock Group Ltd., BlackRock Asset Management Deutschland AG etc. Ces structures ont leur siège juridiquement, la plupart du temps, dans un paradis financier, par exemple le Delaware aux États-Unis, l’île de Jersey, le Luxembourg, les Pays-Bas, Singapour et aux Îles Caïman.38

Au 1er mars 2018, BlackRock, en tant que premier détenteur de capitaux chez le groupe énergétique allemand E.ON, avait réparti ses – au total – 7,86 % des actions sur soi-même en tant qu’entreprise dominante et sur 152 filiales, éparpillées entre le Delaware (le site le plus fréquemment cité), le Luxembourg, les Pays-Bas, l’île de Jersey, la Grande-Bretagne, Singapour, l’Australie, le Canada.39 Les 10 % des actions qu’il détient dans le plus grand groupe immobilier en Allemagne, Vonovia, BlackRock les a planquées dans 220 sociétésécrans de ce type.

Selon ce modèle, BlackRock procède avec toutes les entreprises dans lesquelles ce dissimulateur de capitaux investit les capitaux de ses clients. C’est ainsi que procèdent également les autres organisateurs du Capital comme Vanguard, State Street, Wellington, Templeton, T.Rowe Price etc.40

C’est le même procédé aussi pour des entreprises de dimensions plus réduites : auprès du champion autrichien sur les marchés mondiaux en matière de machines-outils spécialisées, Andritz AG à Graz, BlackRock détient 4,01 % des actions. Celles-ci sont réparties sur plusieurs dizaines de fonds individuels, ayant leur siège dans différents États : en Allemagne, Australie, au Japon, au Canada, mais aussi dans les paradis financiers affichés tels que Londres, l’île de Jersey, les Pays-Bas, les Îles Caïman et le Delaware.41

Pour nommer encore deux autres exemples : les deux plus grandes compagnies de croisières dans l’histoire de l’humanité jusqu’ici créées, Carnival Corporation et Royal Caribbean, ont toutes les deux leur centre opérationnel à Miami aux États-Unis mais leur siège fiscal, respectivement, au Panama et au Libéria. Les principaux actionnaires de Carnival sont SunTrust Banks, BlackRock, Vanguard, Northern Trust et la Bank of America ; les principaux actionnaires de Royal Caribbean sont Vanguard, BlackRock, Primecap, Baillie Gifford et State Street. Auprès du plus gros actionnaire de Carnival, SunTrust Banks, ce sont à leur tour BlackRock, Vanguard, Capital Worls, Fidelity et State Street qui détiennent des parts de capitaux.42 Cela signifie que les deux compagnies de croisières ont leurs propres sièges fiscaux dans des paradis financiers et qu’en même temps, leurs plusieurs milliers d’investisseurs en capital anonymes ont également leur siège fiscal dans des paradis financiers.

BlackRock lui-même a son centre opérationnel principal a New York, mais son siège juridique est implanté dans le plus grand paradis financier d’entreprises au monde, le Delaware. En plus BlackRock entretient à Wilmington, la capitale du Delaware, deux filiales distinctes.43

Liens étroits avec les agences de notation : mélange des genres

BlackRock, Capital Group, Vanguard, State Street et T.Rowe Price étaient, pendant la phase préliminaire de la dernière crise financière, en même temps les actionnaires majoritaires dans les deux agences de notation dominant le marché, S&P (antérieurement : Standard&Poor’s) et Moody’s, et le sont restés également après la crise.44 Ces agences évaluaient, avec des rapports de complaisance rendus en contrepartie d’honoraires élevés, les produits financiers de banques ayant des liens avec BlackRock & al., autrement dit, leurs propriétaires.45

Les agences de notation qui, aux États-Unis et dans l’Union européenne, sont chargées par les pouvoirs publics d’évaluer la santé financière d’entreprises et d’États, étaient des coresponsables et des bénéficiaires essentiels de la crise financière. Elles et leurs propriétaires tels que BlackRock n’ont cependant pas été sanctionnés ni amenés à verser des dommages-intérêts, ni soumis à des nouvelles règles.

Après la faillite des banques, les rapports de propriété au sein des agences se sont seulement déplacés à l’intérieur de la famille. Les trois principaux actionnaires de S&P sont désormais Fidelity, Vanguard et BlackRock. Les quatre principaux actionnaires de Moody’s sont Berkshire Hathaway (qui appartient à Warren Buffett), Vanguard, Baillie Gifford et State Street (situation en 2016, sachant que BlackRock est un gros actionnaire de Berkshire Hathaway).

BlackRock & al. déterminent ainsi indirectement aussi les conditions dans lesquelles des États, entreprises et banques pourront avoir accès au crédit. Les conseils d’administration des trente groupes économiques du Dax (note du traducteur : principal indice boursier allemand, comparable au CAC40 français) en Allemagne, par exemple, ont chargé les trois agences de notation états-uniennes d’évaluer leur santé financière et les conditions d’accès au crédit. BlackRock & al. sont en même temps copropriétaires de S&P et Moody’s, et copropriétaires de l’ensemble des trente groupes économiques du Dax. D’une part, BlackRock, en tant que copropriétaire d’une agence, gagne de l’argent par les honoraires élevés versés pour ces évaluations ; d’autre part, en tant que copropriétaire des entreprises et États évalués, il peut être un fournisseur privilégié d’informations pour l’agence en charge de l’analyse.

La privatisation des retraites et des logements

BlackRock & al. n’exploitent pas seulement la substance industrielle et financière existante. Ils cherchent à transformer le plus grand nombre possible de besoins humains en marchandise monopolisée et alinéable à des fins privées. A cette fin, il faut casser des formes d’organisation communautaires ou collectives.

Le patron de BlackRock, Lawrence Fink, fait partie aux États-Unis – ensemble avec les patrons de JPMorgan Chase et General Electric – du lobby intégriste pour la privatisation des système de retraites. Fink lui-même en a proposé une version particulièrement agressive, selon laquelle l’État contrait la population à économiser de l’argent pour assurer sa retraite : économies contraintes. Sur ce point, le lobby n’a pas réussi à s’imposer, mais il a appris de se contenter provisoirement d’un premier pas. Les conditions politiques ne permettaient pas d’aller plus loin, mais il s’agit de marquer une entrée en la matière : l’administration Obama a introduit une législation sur les économies privées volontaires pour la retraite, sous l’intitulé myRA pour myRetirementAccount, « mon compte de retraite personnel ». Il est conçu pour ceux et celles dont l’employeur ne verse pas de cotisations pour la retraite. Il est subventionné par les pouvoirs publics, par exemple sous forme d’allègements fiscaux. A cette fin, des fonds sont désormais créés, dont les titres sont négociables.46 « BlackRock doit son ascension d’une part à la privatisation de la prévoyance en matière de retraite, à travers laquelle des compagnies d’assurance et des caisses de retraites recherchaient des taux d’intérêt élevés et apportèrent leurs milliards à BlackRock. »47

Des logements, aussi, constituent un objet de convoitise. BlackRock a acheté le complexe résidentiel Stuyvesant Town a New York, comportant 110 bâtiments et 10.000 logements. Il avait été construit par l’assurance-vie municipale après la Seconde guerre mondiale pour loger des vétérans de guerre, des enseignants, policiers et pompiers. BlackRock ne voulait rien savoir de la protection légale des droits acquis pour les nombreux locataires anciens. Mais ici, son plan n’a pas marché. Des locataires saisirent les tribunaux et obtinrent gain de cause dans 4.400 dossiers. Alors BlackRock enregistra des pertes.48 Aux États-Unis, il n’y a pas (plus) beaucoup d’appartements de location. Mais, comme nous le verrons : après avoir traversé l’Atlantique pour arriver en Europe de l’Ouest, BlackRock & al. tomberont sur une proie plus importante.

L’« action populaire » de BlackRock

Entre-temps, BlackRock & al. ont aussi développé quelque chose pour « le peuple » : la gestion robotisée de petits montants à partir de 10.000 euros ou dollars, parfois déjà à partir de 1.000. Le produit financier de ce type le plus répandu s’appelle ETF pour Exchange Traded Fund, « fonds négocié en bourse ». Ce titre de « valeur » destiné à la spéculation fut inventé sous la présidence de Clinton, en 1993, à la Wall Street, et ceci par l’actuel troisième organisateur du Capital dans l’ordre de grandeur, State Street. Il était conçu pour des gros investisseurs, mais a été transformé par BlackRock & al. en produit de masse. Ce n’est pas une action mais un bon de participation à un fonds de capitaux qui investit dans des entreprises, des logements, matières premières ou autre chose. Ces bons de participation sont négociés à la bourse.

Les iShares, un instrument de pilotage

Les iShares ont été développés comme une version particulièrement « populaire » des ETF. Ce sous-groupe des ETF repose sur un pari sur l’évolution d’un indice boursier tel que le Dax allemand et l’indice états-unien S&P500 ou l’indice new-yorkais MSCI listant 1.644 groupes économiques internationaux. De tels bons peuvent déjà être achetés pour quelques milliers d’euros, les frais sont très réduits. BlackRock a racheté en 2000 le service de la banque britannique Barclays qui avait développé ce produit financier. BlackRock & al. sont passés à un stade où ils vendent des iShares aussi sous forme d’actions de groupes du Dax individuels comme par exemple Bayer, BASF ou Siemens, mais aussi de groupes d’armement tels que Lockheed, Raytheon, Northrop Grmman ou Safran.49 Lorsque la valeur de l’indice boursier ou celle de l’action de Lockheed augmente, la valeur des iShares augmente automatique avec elle.

A côté de BlackRock, Vanguard et State Street négocient de la même manière à une large échelle avec des ETF et iShares. Ensemble, ces « Trois Grands » (Big Three) dominent les trois quarts du marché mondial, avec un volume du commerce estimé à quatre billions de dollars (situation en 2017).50 Ils pilotent la distribution, la vente et le rachat des iShares par date, quantité, entreprise et par unités nationales ou autres sur la base d’un savoir d’initiés unique. De plus en plus, des robots pilotant les fonds indexés à l’aide d’algorithmes et conseillent les clients « personnellement ».51

A travers les ETF et iShares, les « Grands Trois » détiennent des parts de capitaux supplémentaires dans les entreprises respectives. Ainsi les grands organisateurs du Capital se procurent une source supplémentaire de revenus, d’opérations et de pouvoir. Ils laissent le petit peuple participer au grand jeu des affaires, insensé voir nuisible en termes d’économie nationale. Le peuple frissonne et se met ensuite à espérer, lui aussi, que « les marchés d’actions » et les autres « marchés » continuent de monter.

Dans le secteur financier, on part du principe, comme d’une évidence, que le commerce des ETF qui enfle contribue lui aussi à la formation d’une nouvelle bulle… et à un moment ou un autre, une crise financière éclate à nouveau, alors que les initiés peuvent dès avant conclure des contre-paris sur les produits financiers pourris.52

Réseaux d’influence politiques

Afin de sécuriser ses pratiques, BlackRock construit et renforce dans tous les États importants des réseaux d’influence politique. L’organisateur du Capital va chercher des ex-politiciens et des ex-banquiers réputés pour siéger dans ses instances.

États-Unis : les Démocrates, c’est bien, les Républicains aussi

Lawrence Fink créa – chose habituelle pour des entreprises états-uniennes – un « Comité d’action politique » (PAC, Political Action Commitee), qui reçoit des dons plus ou moins volontaires émanant surtout de personnels dirigeants. Ces dons sont distribués, par précaution, aux deux partis institutionnels des États-Unis, Républicains et Démocrates.

BlackRock a grossi avec les dérégulations sous la présidence de William Clinton puis celle de Barack Obama, du Parti démocrate. En 2013, la cheffe de cabinet de la ministre des Affaires étrangères de l’époque, Hillary Clinton – Chery Mills – devint membre du conseil d’administration de BlackRock. Fink passait pour un possible ministre des Finances. Certains membres de l’administration Obama passèrent chez BlackRock.53

Fink ne goûtait d’abord guère la critique dure du candidat – finalement élu – Donald Trump portant sur l’avidité de la Wall Street et la caste politique corrompue à Washington D.C. Mais au bout d’un an de l’administration Trump au pouvoir, Fink déclara ceci : « Trump est bon pour l’économie des États-Unis et, pour cette raison, aussi bon pour l’économie mondiale. » Il loua les baisses d’impôts décidées par Trump pour les entreprises et la dénonciation des accords de libre-échange « asymétriques », présentées comme défavorables aux intérêts des États-Unis. Fink loua sans ambages la mission de Trump « de rendre l’Amérique à nouveau grande » (to make America great again).54

En Suisse, en France

En Europe, Fink a recruté comme agent d’influence l’ancien président de la Banque centrale suisse, Philipp Hildebrand, et l’a fait entrer au Conseil de surveillance mondial.

En France, Jean-François Cirelli fut nommé président de BlackRock France, dont la compétence s’étend aussi à la Belgique et au Luxembourg. Le haut dirigeant du groupe énergétique Gaz de France œuvrait depuis la présidence de Jacques Chirac pour la privatisation du secteur de l’énergie français et continue d’être membre dans les conseils de surveillance de groupes du même secteur.55

Au Royaume Uni

En Grande-Bretagne, Fink recruta l’ex-ministre des Finances conservateur George Osborne, immédiatement après son départ du gouvernement, au BlackRock Research Institute pour y épauler Hildebrand. Au cours de sa fonction ministérielle, Osborne avait rencontré des représentants de BlackRock à au moins cinq reprises. Il touchait des revenus complémentaires pour des discours auprès de divers investisseurs états-uniens : 85.000 livres auprès de Citibank, 68.000 livres auprès de l’investisseur en private equity Centerbridge et 40.000 livres chez BlackRock.56

Osborne conserve maintenant son mandat de députés et touche de la part de BlackRock, pour quatre jours de travail par mois, 750.000 euros par an. Sa mission : pousser la réforme des retraites, qu’il avait déjà soutenue en Grande-Bretagne, aussi auprès de la Commission européenne à Bruxelles. Après la réforme, le chef de cabinet d’Osborne, Robert Harrison, obtint auprès de la filiale britannique de BlackRock un poste de directeur de la stratégie.57

En Allemagne

Aussi en Allemagne, BlackRock a recours au personnel dirigeant d’entreprises proches du gouvernement et de partis gouvernementaux. Christian Staub d’Allianz/PIMCO devint PDG de BlackRock Allemagne, dont la compétence s’étend également à la Suisse, l’Autriche et l’Europe de l’Est. Lui succéda en 2018 Dirk Schmitz venant de Deutsche Bank. L’ancien patron de Deutsche Bank, Jürgen Fitschen, devint en 2018 président du Conseil de surveillance de groupe immobilier Vonovia, contrôlé par BlackRock & al.

En 2016, l’ancien chef du groupe parlementaire de la CDU/CSU (Union chrétienne-démocrate/chrétienne-sociale) au Bundestag, Friedrich Merz, fut nommé président du Conseil de surveillance de BlackRock Allemagne… suscitant l’euphorie de la presse patronale. Déjà en tant qu’homme politique, Merz avait battu le tambour pour la retraite privatisée par capitalisation, puis conseillé des investisseurs de private equity en tant qu’associé du cabinet d’avocats basé aux États-Unis Mayer Brown et, en tant que président de l’association Atlantik-Brücke (note du traducteur : « Pont sur l’Atlantique », un groupe de lobbying œuvrant en faveur de relations politiques, économiques et militaires étroites entre l’Allemagne et les États-Unis), cultivé des relations étroites avec l’élite états-unienne élue et non élue.58

BlackRock ne fournit pas seulement ses conseils en matière de politique économique, mais aussi en matière d’Affaires étrangères. Ainsi, depuis 2015, pas seulement les ministres allemands des Finances successifs Wolfgang Schäuble (CDU) puis Olaf Scholz (SPD) ont rencontré Lawrence Fink, mais aussi le ministre allemand des Affaires étrangères Sigmar Gabriel (SPD). Il y a eu également des entretiens avec des représentants de BlackRock menés par le chef du Bundeskanzleramt (note du traducteur : chef de l’« Office du chancelier fédéral », un poste-clé du gouvernement fédéral allemand ne trouvant pas d’équivalent exact en France, dont la fonction consiste à coordonner le travail entre le chef ou la cheffe du gouvernement et les différents ministères), Helge Braun (note du traducteur : occupant ce poste depuis mars 2018), ainsi que le secrétaire d’État au ministère des Finances Jörg Kukies, qui avait auparavant travaillé pour la banque d’investissment Goldman Sachs. Lors de plusieurs rencontres depuis 2017, le lobbyiste en chef allemand Friedrich Merz était également présent.59

Commission européenne et BCE

La représentation de BlackRock à Bruxelles a décuplé ses dépenses de lobbying entre 2011 et 2018, passante de 150.000 euros annuellement à 1,5 million d’euros.60

L’ONG de lutte contre la corruption Transparency International calcule que le commissaire européen aux Finances Jonathan Hill avait eu plus de rendezvous, en 2015 et 2016, avec BlackRock qu’avec les lobbyistes d’aucun autre groupe financier. L’ONG Finance Watch observe que des organisateurs du Capital comme BlackRock investissent des millions pour accabler des décideurs avec de longs papiers de position et pour les inviter à des réunions « afin de minimiser les risques de leurs affaires ».61

C’est ainsi que les lobbyistes de BlackRock dans la capitale de l’Union européenne, sous la direction de George Osborne, ont aussi obtenu que la Commission européenne produise, en 2017, un texte (note du traducteur : COM 343, « proposant la création d’un cadre législatif européen ») en matière d’épargne-retraite privée.

Autant d’influence avec aussi peu de parts de capitaux ?

Beaucoup de citoyennes et citoyens n’arrivent pas à s’imaginer pourquoi BlackRock & al., avec leurs parts de trois ou de dix pour cent d’actions d’un groupe, peuvent avoir un tel pouvoir d’action. Par ailleurs, BlackRock prétend n’être qu’un mandataire qui ne fait que gérer le capital pour ses clients. Mais cela ne correspond pas à la réalité juridique. Car pour les dix ou quinze millions de dollars ou d’euros d’un client et investisseur, BlackRock va fonder une enveloppe d’entreprise, autrement dit : une société-écran, qui ne porte pas le nom du client mais celui de BlackRock, comme par exemple BlackRock Holdco 4 LLC, BlackRock Netherlands B.V. etc. Et BlackRock exerce les droits de vote dans les assemblées générales d’actionnaires ; ce ne sont pas les clients qui le font.

BlackRock & al. forment dans les entreprises les plus importantes, avec leurs 30 à 40 % des parts de capitaux, le principal bloc d’actionnaires et disposent de largement plus d’outils d’influence que les autres actionnaires.

L’arsenal d’outils d’influence

BlackRock & al. font régulièrement monter les dirigeants des groupes économiques pour un roadshow (note du traducteur : une tournée promotionnelle, pouvant combiner une rencontre avec des investisseurs et des spectacles ou animations) à New York, San Francisco ou Houston, et leur mettent la pression : « Nous devons utiliser le pouvoir de nos voix, nous devons parler avec le conseil d’administration et conseil de surveillance et parfois pousser vers des changements profonds. Et nous le faisons. C’est notre boulot », déclare le patron de BlackRock, Lawrence Fink.62 Le patron du producteur d’l’électricité allemand E.ON, Johannes Teyssen, le formule ainsi : « Ils nous convoquent devant eux. »63

BlackRock & al. ne respectent pas, dans l’Union européenne, les lois nationales sur les sociétés par actions qui fixent les obligations de surveillance des membres des Conseils de surveillance. Fink cultive une relation personnelle avec les présidents des Conseils de surveillance p.ex. de Siemens, Lufthansa, E.ON et Deutsche Bank.64 BlackRock & al. n’envoient pas des représentants aux Conseil de surveillance, mais ils assèchent le terrain des Conseils de surveillance en les privant d’informations et installent une procédure de décision propre à eux, en marge de la législation. En Allemagne, ils violent au passage aussi la Mitbestimmungs-Gesetz (Loi sur la codétermination, Loi sur les droits des élus du personnel).65

S’y ajoutent d’autres outils :

Premièrement, BlackRock & al. détiennent des informations sur toutes les entreprises importantes, aussi sur les concurrents au sein de la même branche.

Deuxièmement, BlackRock & al. sont copropriétaires des entreprises et banques les plus importantes des économies nationales les plus importantes en Occident : les États-Unis, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la France, l’Italie, l’Espagne, et ils possèdent une influence sur les gouvernements et institutions financières.

Troisièmement, BlackRock sont copropriétaires des agences de notation qui fixent les conditions d’accès au crédit des entreprises et des États. BlackRock & al. sont aussi copropriétaires des sociétés de conseil aux entreprises les plus importantes, p.ex. d’Accenture et Capgemini.

Quatrièmement, les entreprises dépendent en même temps de prestations de service qu’effectuent BlackRock & al. comme des analyses de risques, management financier.

Cinquièmement, BlackRock & al. influencent l’évolution de la valeur des actions d’une entreprise et mettent ainsi sous pression aussi les membres du Conseil d’administration et du Conseil de surveillance, dont la performance est mesurée par le cours de l’action. En plus, la valeur des stock options des membres de la direction eux-mêmes en dépend.

Sixièmement, les organisateurs du Capital, surtout les plus importants – BlackRock, Vanguard, State Street, Capital World, Wellington, Fidelity, Norges – coordonnent l’expression de leur vote lors des assemblées générales d’actionnaires. Ceci est d’autant plus facile que Vanguard, State Street, Capital World, Wellington, Fidelity, Norges & al. sont en même temps des actionnaires de BlackRock.

Septièmement, BlackRock & al. coordonnent leurs votes à travers les conseillers en vote rémunérés par eux, tels que ISS Corporate Solutions et Glass Lewis.66

Les co-bénéficiaires

BlackRock & al. ont des auxiliaires « réputés », qui, en plus, gagnent très bien. Il y a là d’un côté les créanciers sollicités par BlackRock qui, par exemple, versent le prix du rachat de Monsanto – un montant en milliards à deux chiffres – pour Bayer, dans ce cas précis les banques Credit Suisse, Morgan Stanley et Goldman Sachs ; et dans toutes, BlackRock & al. détiennent des participations en tant que gros actionnaires.

Lors de fusions et acquisitions, de nombreux conseillers gagnent avec les frais de transaction : la vente de brevets, de terrains et de participations à des entreprises doit être arrangée, des politiques, syndicalistes, médias et des autorités de la concurrence doivent être mis dans la poche.

Les honoraires versés à des cabinets d’avocats tels que Freshfields, des contrôleurs de gestion tels que PwC et des agences de communication telles que Finsbury se montent, lors d’une fusion comme celle entre Bayer et Monsanto, à environ deux milliards de dollars. Lors de la fusion entre Linde et Praxair, pas encore clôturée, il s’agit jusqu’ici de 940 millions d’euros selon des estimations.67 Les « contrôleurs » des gestion gagnent ici aussi en transférant le siège juridique du groupe issu de la fusion dans un paradis financier.68

Fonds souverains

Certains États, aussi, ont recopié le modèle de BlackRock et créent des fonds souverains. C’est ce que font plusieurs pays du Golfe avec leurs revenus issus des ventes de pétrole et de gaz, tels que le Koweït, le Qatar, les Émirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite. La Chine fait gérer les grands stocks de devises et acheter des parts d’entreprises à l’étranger par les deux fonds souverains, CIC et SAFE. En Allemagne, des fonds souverains du Golfe détiennent des participations importantes : le Qatar à VW, Siemens et Deutsche Bank, le Koweït auprès d’Infineon. Mais aucun d’entre eux n’a une telle couverture géographique comme le fonds souverain norvégien, Norges.

Portrait : Le fonds souverain norvégien Norges

C’est le fonds souverain norvégien Norges qui apparaît le plus fréquemment en tant que copropriétaire d’entreprises capitalistes en Occident ; en Allemagne, c’est le cas de tous les trente groupes du DAX. C’est le plus grand fonds souverain de la planète.

A l’échelle mondiale, Norges agit comme copropriétaires dans 9.000 entreprises sises dans 72 États. Le centre de gravité est situé aux États-Unis, en Europe et dans la région Asie/Pacifique. En Allemagne, au-delà des trente entreprises du DAX, le fonds participe à 167 autres entreprises ainsi qu’à 79 instruments financiers et à seize complexes immobiliers tels que le Kranzler Eck à Berlin et la SZ Tower à Munich. Le volume global de tous ses investissements en capital à l’échelle mondiale se chiffre à plus d’un billion de dollars, donc déjà un sixième de celui de BlackRock. Le taux de bénéfice pour l’année 2017 est indiqué comme 13,7 %.69

Ce fonds a été créé en 1990 avec les recettes de l’État norvégien parvenant de la vente du pétrole. Il est géré par la banque centrale norvégienne. « Un jour, le pétrole sera épuisé, mais les revenus du fonds profiteront à la population du Norvège. » Les sommes sont investis – selon la version donnée par le fonds lui-même – de manière durable, responsable et éthique. Cela sonne bien… mais n’est pas vrai. D’abord, la qualification de fonds de retraite ne correspond qu’en partie à la réalité. A côté du paiement des retraites à d’anciens membres de la fonction publique, des recettes du fonds peuvent aussi être versés dans le budget de l’État. Norges, en tant que copropriétaire de BlackRock et – en plus – copropriétaire de son actionnaire principal PNC, est coresponsable des pratiques de BlackRock. Ainsi, pour gérer ses actions d’entreprises comme VW, Vonovia, Deutsche Post DHL, Fresenius et Siemens, Norges utilise des sociétés-écran basées aux Pays-Bas. Norges, aussi, organise pour ses clients l’évasion fiscale à l’échelle mondiale.

Norges a investi du capital dans des groupes économiques qui sont en pointe en matière d’intoxication de l’environnement, ainsi chez Monsanto et RWE, chez le groupe agricole et minier Glencore, mais aussi dans les grands groupes pétroliers Exxon, Chevron, Royal Dutch Shell, Total et BP. Quand des groupes d’armement se trouvaient sous les feux des critiques en raison de la production d’armes nucléaires, Norges s’est retiré de Boeing, Lockheed et d’autres, mais est resté copropriétaire p.ex. de Rheinmetall, Dassault, Raytheon, Daimler de Leonardo (le plus grand groupe d’armement d’Italie) qui participent au programme de réarmement de l’Union européenne contre la Russie, PESCO.70 Norges est copropriétaire d’Amazon et McDonald’s et n’en a jamais critiqué les relations de travail contraires aux droits humains.

Norges est copropriétaire de la Deutsche Post DHL. Le groupe postal précarise les facteurs qu’il emploie et les transporteurs, transformés en faux travailleurs indépendants. En 2015, il a externalisé 10.000 salariés vers 47 filiales (DHL Delivery) créés soudainement et contrairement à un accord avec la fédération syndicale des services Ver.di, avec des salaires inférieurs et des conditions de travail détériorées. Voilà l’éthique de Norges : des salariés dans un autre État se voient privés de parts de salaire, et ainsi aussi de cotisations de retraite, et avec le bénéfice, on finance gracieusement les pensions des retraités en Norvège.71

Les vingt principaux organisateurs du Capital Grand

Les grands acteurs de la Finance, à l’échelle mondiale, sont copropriétaires chacun dans quelques milliers d’entreprises, jusqu’à 17.000 dans le cas de BlackRock, dans des banques et auprès d’autres acteurs de la Finance, et avec vingt à quarante implantations dans d’autres pays, ils gèrent chacun des dizaines de milliers jusqu’à des centaines de milliers de créanciers/investisseurs. Le ranking change d’année en année, surtout sur les rangs inférieurs à partir de la cinquième place et particulièrement à partir de la dixième place. La grille suivante reflète (selon les informations disponibles, qui ne sont pas forcément fiables) la situation en mars 2018.72 La domination états-unienne se reflète aussi dans des détails : le patron de BlackRock, Fink, reçoit une rémunération de base de 25 millions, alors que le patron du premier acteur de la Finance européen, Amundi, Yves Perrier, reçoit un dixième de ce montant : 2,5 millions.73

CenteCapital investi
NomopérationnelSiège fiscal(billions de USD)
BlackRockNew York/USADelaware6.30
VanguardValley Forge/USADelaware5.10
State StreetBoston/USAMassachusetts2.80
Fidelity (FMR)Boston/USAÎles Bermudes2.50
Bank of NYNew York/USADelaware1.90
PIMCO/AllianzNew York/USADelaware1.75
Capital GroupLos Angeles/USA1.70
Goldman SachsNew York/USADelaware1.50
PrudentialFinancialNewark/USANew Jersey1.40
AmundiParis/France1.20
Northern TrustChicago/USADelaware1.20
Legal & GeneralLondon/New York1.00
WellingtonBoston/USA1.00
Wells FargoSan Francisco/USADelaware1,00
Natixis GlobalParis/France0.99
T. Rowe PriceBaltimore/USAMaryland0.99
NuveenChicago/USADelaware0.97
InvescoAtlanta/USAÎles Bermudes0.93
AXAParis/France0.75
FranklinTempletonSan Mateo/USADelaware0.75

La fin de la « Société anonyme Allemagne »

Deutschland AG (note du traducteur : « Société anonyme Allemagne », selon un terme utilisé depuis 1965 par des critiques du système économique dominant), cela signifiait jusqu’à la fin de l’ancienne République fédérale (note du traducteur : autrement dit, jusqu’à la fin de la République rhénane marquée par la réunification en 1990) que les trois banques majeures – Deutsche Bank, Dresdner Bank et Commerzbank – étaient, ensemble avec les compagnies d’assurance Allianz et Münchner Rückversicherung (à leur tour interconnectées avec les trois banques) les propriétaires principaux des grandes entreprises industrielles telles que Bayer, BASF, Daimler, Hochtief, Holzmann, RWE, Siemens, Mannesmann etc.

Les banques détenaient des parts de propriété élevées – jusqu’à 40 % – dans les entreprises, gagnaient grâce aux crédits et pilotaient l’économie allemande. Pour ce faire, environ quatre douzaines de membres des Conseils d’administration et des Conseils de surveillance des banques occupaient, pour chacun, des dizaines de mandats de Conseils de surveillance dans les entreprises. Les rois incontestés de cet Empire incestueux étaient les patrons de Deutsche Bank, depuis Hermann Josef Abs jusqu’à, en dernier, Hilmar Kopper.74 Ce trait était même encore renforcé par la « réunification » des deux États allemands, c’est-à-dire l’extension de la « Société anonyme allemande » au territoire de l’ancienne RDA, avec l’aide de la Treuhand-Anstalt (note du traducteur : littéralement « Établissement fiduciaire », nom de la structure étatique chargée, après 1990, de privatiser les entreprises de l’ex-RDA, jusque-là sous contrôle public).75

Programme de gouvernement : « Décartelliser la Société anonyme Allemagne »

Puis, au début des années 2000, le gouvernement SPD/Verts du chancelier Gerhard Schröder a offert la place économique Allemagne aux nouveaux investisseurs. Le gouvernement du chancelier fédéral Helmut Kohl, composé de la droite chrétienne-démocrate et chrétienne-sociale et du parti libéral FDP, avait déjà effectué des travaux préparatifs. L’étape la plus importante vers la mondialisation dirigée par les États-Unis consistait dans le rôle dominant des conseillers états-uniens lors de la privatisation des entreprises de l’ex-RDA par la Treuhand-Anstalt entre 1990 et 1994.76

Après les élections du Bundestag (parlement fédéral allemand) du 27 septembre 1998, la presse économique anglo-saxonne polémiqua sur Germany – the sick man of Europe : l’Allemagne, l’homme malade de l’Europe. La banque de Wall Street dominante, Goldman Sachs, critiqua l’État-providence par trop généreux et demanda une réforme radicale des systèmes de protection sociale, en plus d’une fixation des salaires au niveau de l’entreprise au lieu de la branche, des baisses des retraites et des privatisations accrues. Par ailleurs, il fut mis en avant que la République fédérale d’Allemagne, occupant une place économique centrale mais marquée par une croissance faible, menaçait l’euro si elle continuait sans « réformes ». L’Union européenne serait alors moins attrayante pour les capitaux états-uniens et en tant que débouché pour les produits états-uniens.77 La Chambre du commerce états-unienne en Allemagne et les agences de notation étatsuniennes en rajoutèrent et exigèrent une dérégulation accrue du marché du travail.78

Au cours des années 1999 à 2003, Schröder se trouvait – sans que ce ne fût remarqué par les médias de masse, publics comme privés – en contact étroit avec la Wall Street. Celui-ci avait été organisé par son ami personnel Sanford (« Sandy ») Weill, le fondateur et PDG de Citigroup, alors le plus grand prestataire de services financiers du monde occidental. Le social-démocrate allemand et l’« éminence grise du monde bancaire » étaient liées « depuis des années par une amitié fraternelle et une confiance réciproque ».79

Schröder eut le droit de faire l’éloge de son ami Sandy à l’Université Johns Hopkins, lorsqu’il reçut le Global Leadership Award (Prix pour un leadership mondial). Le lendemain, le deuxième banquier le plus puissant de Wall Street, Hank Paulson, patron de Goldman Sachs, invita à une rencontre avec dix-sept patrons de banques et de groupes économiques états-uniens triés sur le volet. Résultat : « Les dirigeants d’entreprises états-uniens considèrent qu’il est extrêmement important que l’Allemagne s’attaque aux réformes programmées ».80

La décartellisation de la. Société anonyme Allemagne

Schröder poussa son ministre des Finances Oskar Lafontaine, critique par rapport au cap choisi, hors de son gouvernement et se fit conseiller par McKinsey, Roland Berger et la Fondation Bertelsmann. Puis l’Agenda 2010 (note du traducteur : nom du train de « réformes » sociales adopté entre 2003 et 2005) conduisit à des baisses d’impôts pour les entreprises, les « réformes » du marché du travail par les quatre Lois Hartz et une augmentation des cotisations pour les assurés dans les systèmes de protection sociale. Pour la transformation des agences pour l’emploi, il fut fait appel aux sociétés de consultants Accenture, Ernst&Young (devenue aujourd’hui EY) et Bearing Point. La maxime générale était la « décartellisation de l’Allemagne S.A. ».81

A partie de 1999, il pleuvait de lois d’invitation aux investisseurs : Loi sur la réduction de la charge fiscale (en 1999, avec la réduction de l’impôt sur les sociétés pour les bénéfices conservés) ; Loi sur l’ajustement fiscal (en 1999, avec la réduction de l’impôt sur les recettes à l’étranger) ; surtout la Loi sur la baisse d’impôts (en 2000, avec la liberté d’impôts en cas de cession de participations à une entreprise ; baisse de l’impôt sur les sociétés à 25 %) ; la Loi de modernisation de l’investissement (en 2003, avec la légalisation des fonds spéculatifs et des ventes à découvert d’actions). Les quatre Lois Hartz rendirent possible la baisse du coût du travail subordonné et des droits afférents : temps partiel, travail intérimaire, contrats à durée déterminée, diminution d’allocation de chômage et sanctions contre les chômeurs/ chômeuses.

En 2004, le gouvernement fédéral fit publier des annonces payées sur plusieurs pages de journaux : « L’Allemagne se bouge. L’Allemagne est champion d’Europe en tant que place d’investissement attrayante. ».82 Le gouvernement fédéral nomma Hilmar Kopper, l’ancien patron de la Deutsche Bank, au poste de Federal Commissioner for Foreign Investments, lui procura un staff à plusieurs têtes et un budget annuel de 5,5 millions d’euros.83 Des ventes majeures « sensibles » d’entreprises allemandes étaient auparavant mises au point au sein de l’Office du chancelier. Cette politique secrète a été également poursuivie par la successeuse de Schröder, Angela Merkel (CDU) : C’est à l’Office de la chancelière, et non au parlement fédéral, qu’il a été et qu’il est toujours (co-)décidé de la transformation économique de l’Allemagne.

Le patron de BlackRock donne les directives

Au milieu des années 1990, seulement 20 % de toutes les actions des trente entreprises de l’indice boursier DAX appartenaient à des investisseurs étrangers. Cette proportion a continûment augmenté : de 33 % dans l’année 2001 à 44 % en 2005, puis à 53 % en 2007 et à 58 % en 2012. Huit pour cent des actions ne pouvaient pas être attribuées à une nationalité (leurs propriétaires passant par des paradis financiers), ce qui faisait que seuls 34 % pouvaient être attribués avec certitude à des propriétaires allemands.84 Depuis, cette évolution a continué.

Le patron de BlackRock, Lawrence Fink, est le porte-parole incontesté des nouveaux organisateurs du Capital. « Les dirigeants d’entreprises d’Allemagne ont reçu cette semaine un courrier de l’homme les plus puissant des marchés financiers », rapporte le quotidien économique allemand Handelsblatt. « Le boss de BlackRock, Larry Fink, exhorte les dirigeants à penser plus à long terme. » Il fait partie de cette pensée de ne pas donner aux salariés de garanties d’emploi à moyen ou long terme, insiste Fink.85

BlackRock & al., copropriétaires des trente groupes économiques du DAX86

Des médias d’information économique en Allemagne tels que le Süddeutsche Zeitung (note du traducteur : quotidien généraliste doté d’un fort cahier économique), le Handelsblatt ou le magazine Wirtschaftswoche indiquent occasionnellement, depuis 2016, les participations de BlackRock aux trente groupes économiques de l’indice boursier DAX. Il manquent cependant les participations détenues en même temps par les autres grands organisateurs du Capital. Les petits actionnaires et les salariés actionnaires de leurs entreprises, souvent plusieurs centaines de milliers, possèdent ensemble – la plupart du temps – entre 1 % et 5 % des actions. Les entreprises eux-mêmes n’indiquent pas des noms d’actionnaires mais parlent d’une « propriété éparpillée ». A côté des gros actionnaires nommés dans la grille, la plupart du temps, entre une dizaine et quatre dizaines d’« investisseurs institutionnels » sont copropriétaires ; ils restent en-dessous du seuil de 3 % prévalant en Allemagne, à partir duquel il y a un enregistrement obligatoire. Les participations de BlackRock et des autres grands organisateurs du Capital, en particulier, varient très fortement en raison de leur modèle économique fondé sur la spéculation avec les actions. Ainsi, la participation de BlackRock à Adidas entre 2009 et 2015 variait-il entre 3 %, 15 %, 25 % et se trouve actuellement à 5,65 %. Les pourcentages des « autres propriétaires » dans la liste n’est indiquée que lorsqu’ils sont plus importants que ceux de BlackRock. Les chiffres reflètent le capital souscrit, pas les actions ordinaires procurant un droit de vote : BlackRock & al. donnent de l’importance au volume d’actions dont la négociation permanente constitue leur fonds de commerce, et parce qu’ils prennent de l’influence sur les directions d’entreprise par d’autres canaux que l’exercice du droit de vote.

GroupeBlackR.Autre propriétaires
Vonovia8,30Massachusetts Financial (9,3), Norges, Deutsche Bank, AXA, BNP Paribas
Fresenius Medical7,37Fresenius SE (30), Norges, Allianz Global
Merck7,20Vanguard, College Amercia, Wellington, Fidelity, Norges
Deutsche Post DHL7,11État allemand/KfW (20), Norges, Deutsche Bank, Vanguard, Invesco, Deka, Fidelity
Münchener Rück7,11SEB, Credit Suisse, Peoples Bank of China, Allianz, Berkshire Hathaway/Warren Buffett, Norges
Allianz7,05Harris Associates, Morgan Stanley, Deutsche Bank, Vanguard, Norges, State Street
Bayer7,00Temasek (fonds souverain de Singapour), Sun Life, Capital World, Vanguard, Norges, Deutsche Bank
E.ON6,75Norges, Credit Suisse, Morgan Stanley, Société Générale
BASF6,61Norges, Vanguard, Amundi, Deutsche Asset, Franklin, State Street, Deka
Deutsche Bank6,51C-Quadrat/HNA (China, 7,9), Paramount+Supreme Universal/fonds souverain du Qatar, Norges, Cerberus
Deutsche Börse/ Bourse allemande6,45Invesco, Capital Group, Dodge & Cox, Franklin Mutual, Royal Bank of Scotland, Norges, Baillie Gifford
Commerzbank6,01État allemand/KfW (15), Cerberus, Norges, Capital Group
SAP5,93Fondateur Hopp/Plattner/Tschira (23), Vanguard, Norges, Allianz, Deutsche Bank
Siemens5,84Famille Siemens (6), Katar, Vanguard, Norges, Deutsche Bank, State Street, Deka
adidas5,65Groupe Bruxelles Lambert (Albert Frère), Elian, Fidelity, Norges, Capital Group
GroupeBlackR.Autre propriétaires
Linde5,60Norges, Sun Life, Massachusetts Financial, Dodge & Cox, Artisan Partners
Infineon5,23Allianz (5,7), Norges, Capital Group, Sun Life, fonds souverain du Koweït
RWE5,02KEB+RW Holding (cette structure regroupe les villes de la région allemande de Rhénanie du Nord-Westphalie), Vanguard, Norges, Dimensional Fund, JPMorgan, State Street
Fresenius4,94Fondation familiale (26), Allianz Global, Norges
Deutsche Telekom4,92État allemand/KfW (32), Deutsche Bank, Norges, Vanguard, State Street, Deka, Lyxor
Covestro4,81Bayer AG (14), fonds de retraite de Bayer (9), Goldman Sachs, Norges, Standard Life
Lufthansa4,50Société Générale (5,1), Lansdowne, Norges, Deutsche Bank, Templeton
Heidelberg Cement4,49Morgan Stanley, EuroPacific, Capital Group, Norges, Artisan Partners, First Eagle, Efiparind
Daimler4,16Geely (9,7), Koweït(6,8), Renault-Nissan, Norges, Harris, Vanguard, Deutsche Bank
Volkswagen3,58Porsche SE (30), fonds souverain du Qatar (14),État-région allemand de Basse-Saxe 12), Norges, Vanguard
Continental3,22Famille Schaeffler (46), Harris, Vanguard, Norges, Deutsche Bank, Henderson Global, Oppenheimer, Allianz
BMW3,10Familles Quandt/Klatten (46), Capital Group, Norges, Crédt Suisse
Henkel3,08MFS International (3,9), Vanguard, Henkel AG, Swedbank, Allianz Global, Artisan Partners, Norges
ThyssenKrupp2,82Fondation Krupp (21), Cevian (18), Elliott (3), Franklin Mutual, Norges
Beiersdorf1,49maxingvest/famille Herz (51), Beiersdorf AG (10), Norges

L’État allemand est (encore) le plus gros actionnaire de Deutsche Telekom, Deutsche Post/DHL et Commerzbank. Chez VW, l’État-région allemand de Basse-Saxe est désormais (encore) le troisième plus gros actionnaire. Les villes de l’État-région allemand de Rhénanie du Nord-Westphalie sont ensemble (encore) le deuxième plus gros actionnaire chez RWE. Mais dans tous les cas de figure, la puissance publique a renoncé, depuis l’entrée des investisseurs, à influer sur le cours des entreprises, mais elle laisse l’initiative à BlackRock & al.

Du capital « allemand » n’est stratégiquement déterminant, plus qu’au sein des deux group es d’automobile VW et BMW : il s’agit des clans familiaux Porsche, Piëch et Quandt/Klatten qui ont conservé et augmenté leur pouvoir et leur patrimoine qu’ils avaient accumulés sous la dictature nazie.

L’influence de BlackRock & al. est encore renforcée, au-delà de la liste des participations énumérées dans la liste, par le fait que BlackRock, JPMorgan, State Street, Fidelity, Capital Group etc. sont en même temps aussi copropriétaires d’autres actionnaires présents dans la liste, ainsi chez Deutsche Bank, AXA, Allianz, Crédit Suisse etc. ; et par le fait que le fonds souverain norvégien Norges ainsi que Wellington, Vanguard, State Street, Fidelity, JPMorgan, Morgan Stanley, Capital World et Massachusetts Financial sont également copropriétaires de BlackRock.

Par ailleurs, BlackRock & al. sont copropriétaires de centaines d’autres entreprises en Allemagne : ainsi, c’est le cas de BlackRock par exemple chez Rheinmetall, Fraport, freenet, Hochtief, Rhön-Kliniken, Heidelberg Cement, Heidelberg Druck, Jenoptik, Dürr, Hugo Boss, Symrise, Delivery Hero, Kion, Morphosys, Lanxess, Scout24, Ceconomy (il s’agit des supermarchés de l’enseigne real, externalisés par le groupe Metro), Zalando, Scalable Capital, Wirecard, Kali&Salz, zooplus, Wacker Chemie et ElringKlinger. De toute manière, c’est le cas dans des milliers de groupes économiques états-uniens qui influencent les branches professionnelles et la politique aussi en Allemagne et dans l’Union européenne, ainsi Apple, Google, Microsoft, Coca-Cola, Amazon, Facebook, Hewlett Packard, IBM.

En 2018, la filiale de BlackRock à Francfort-sur-le-Main a été renforcée pour atteindre 150 employés. Un cadre dirigeant de Deutsche Bank fut installé comme patron. Déjà au cours des années précédentes, on avait fortement investi en Allemagne, déclara-t-il, et cela allait continuer : « Le renforcement de nos affaires en Allemagne constitue une de nos priorités stratégiques. » Depuis l’Allemagne se fait aussi le suivi de l’Autriche et de l’Europe de l’Est.

Les plus grands propriétaires de logements en location

Les conséquences de la fin de la Société anonyme Allemagne seront aussi démontrées dans un autre domaine, jusqu’ici peu mis en avant dans le débat : BlackRock & al. sont, de loin, les plus grands propriétaires privés de logements en location.

Vonovia

Le plus grand groupe immobilier dans le domaine locatif, en Allemagne, est Vonovia. 355.000 logements dans toutes les grandes villes lui appartiennent. En plus, il gère 65.000 logements d’autres propriétaires. L’expansion ne se limite pas à ça.

Le groupe fut créé au début des années 2000, à partir de travaux préparatifs d’investisseurs en private equity anglo-saxons : 1. Terra Firma à Londres avait d’abord racheté des logements de militaires britanniques, à la fin de leur stationnement en Allemagne, des logements de cheminots de l’entreprise ferroviaire privatisée Deutsche Bahn AG (transformée en Société anonyme) et des logements d’ouvriers de RWE et les avait regroupés sous l’enseigne Deutsche Annington AG (Société anonyme). 2. Fortress avait racheté les 145.000 logements de la Bundesversicherungsanstalt – l’Établissement fédéral d’assurance-vieillesse des employés – ainsi que p.ex. les 48.000 de la municipalité de Dresde. 3. Cerberus avait racheté l’office municipal d’habitation berlinois GSW (65.000 logements).87 Tous ces logements appartiennent désormais à Vonovia.

Après l’introduction en bourse en 2015, BlackRock est devenu (avec actuellement 8,3 % des parts de capitaux) le premier actionnaire de Vonovia, suivi par Norges avec 7,3 %, Lansdowne Partners avec 5,1 % et Massachusetts Financial Services avec 3 %. Les nouveaux propriétaires transformèrent Vonovia, initialement une Société par actions allemand, en Société européenne (SE, Societas Europaea). Les transactions financières ont été externalisées dans la filiale Vonovia Finance B.V. ayant son siège dans le paradis financier d’Amsterdam, aux Pays-Bas. Le groupe, pour assurer son contrôle, fait de plus en plus appel aux personnels dirigeants en provenance d’Allemagne. Ainsi l’ancien PDG de Deutsche Bank, Jürgen Fitschen, a-t-il été recruté comme présidentś du Conseil de surveillance de Vonovia, ceci parce qu’il possède « des réseaux de premier ordre au sein des sphères politiques ».88

Deutsche Wohnen et LEG

S’y ajoutent encore les groupes immobiliers LEG Immobilien AG (Société anonyme) et Deutsche Wohnen SE (Société européenne). Deutsche Wohnen était d’abord une filiale de Deutsche Bank, fondée en 1998, après le rachat de logements d’ouvriers du groupe pharmaceutique Hoechst. Suite à diverses acquisitions, Deutsche Wohnen fut introduit en bourse. L’entreprise possédant 160.700, dont plus de 100.000 situés à Berlin, relève aujourd’hui de la propriété de Massachusetts Financial Services détenant 9,94 % des actions, BlackRock avec 9,52 % et Norges avec 6 ,93 %. BlackRock y participait d’abord sous une forme indirecte jusqu’à début 2019 ; Vonovia détenait 4,99 %, cette participation étant vendue lorsque Vonovia avait échoué avec son OPA hostile sur Deutsche Wohnen.89

La Landesentwicklungs-Gesellschaft (LEG, « Société de développement régionale ») de l’État-région allemand de Rhénanie du Nord-Westphalie avec ses 130.000 logements fut d’abord vendu en 2008, par le gouvernement régional de droite de l’époque, à deux fonds spéculatifs états-uniens. Par la suite eut lieu lentrée de BlackRock & al. Depuis, les nouveaux propriétaires s’appellent : BlackRock à 11,6 %, Massachusetts Financial à 9,3 %, Deutsche Bank à 4,5 %, AXA Assurances et BNP Paribas respectivement à 3 %.90

Les charges, un marché à part

Le Landgericht (note du traducteur : tribunal régional, à peu près comparable à un Tribunal de grande instance dans l’organisation judiciaire française, mais jouant parfois aussi le rôle d’une Cour d’appel) de Brême avait donné raison, en appel, à un locataire : Vonovia avec voulu augmenter son loyer de presque 40 %, suite à des travaux de rénovation de l’amélioration de l’efficacité énergétique du logement… alors que la loi applicable permettait de l’augmenter de 11 %. L’avocat du locataire, Maître Valentin Weiß, estime le nombre des locataires concernés par des mesures similaires à 1.500 rien qu’à Brême. Vonovia cherche à contourner la limitation de l’augmentation des loyers prévue par la législation sous prétexte de travaux de rénovation.91

Les investisseurs ont sévèrement réduit le nombre d’emplois. Les contrats des prestataires de services antérieurs en matière de gardiennage, entretien des jardins, relèvement des compteurs de chauffage et d’eau, réparations, déneigement et fourniture d’accès à la télévision et à Internet ont été dénoncés. Vonovia a fondé ses propres filiales pour prendre en charge ces services, avec des personnels à bas salaires. Depuis de nombreuses villes telles que Berlin, Hambourg, Dresde, Hanovre, Potsdam, Cologne et Magdebourg, des associations de locataires et des contrôleurs signalent qu’à travers cette « internalisation » de certains services, Vonovia facture des coûts surélevés, envoyant des factures de charges fausses ou injustifiées aux locataires. Les bénéfices des filiales ont augmenté, selon le rapport d’activité 2017, de 80 %.92

« Villes attractives » : miser délibérément sur la pénurie de logements

Vonovia & al. misent sur les villes attirant de nouvelles populations : ils achètent, gèrent, modernisent des logements et transforment des appartements locatifs en propriétés, et ceci là où l’augmentation de la population et la pénurie de logements sont les plus fortes. Dans les zones périphériques, on laisse les logements se dégrader ; dans les « villes attractives » avec beaucoup de mobilité comme p.ex. Berlin, où la pénurie est forte, on investit dans des travaux de rénovation de luxe, pousse les loyers à la hausse et chasse les locataires anciens. Les travaux d’amélioration de l’efficacité énergétique dont les coûts sont mis à la charge des locataires sont aussi appréciés, même si les économies en matière de frais de chauffage ne sont pas prouvées.

9 %, c’était le taux moyen d’augmentation des loyers chez Vonovia dans l’année 2016. Pour les neuf premiers mois de l’année 2017, Vonovia indiquait dans ses bilans une augmentation de 4,6 % ; mais cette moyenne peut englober des augmentations individuelles allant jusqu’à 40 %.93

Ainsi, Vonovia contribue à l’explosion du coût des loyers en Allemagne et à l’appauvrissement voire à l’expulsion d’anciens locataires et de leurs familles. Vonovia avait augmenté le bénéfice pour ses actionnaires pour l’année 2017 de 15 % par rapport à l’année précédente. Pour 2019, c’était à nouveau une augmentation du bénéfice de 15 % qui était retenue comme objectif, même si Vonovia veut limiter les travaux de rénovation en raison des nombreuses contestations émanant de locataires. En même temps, Vonovia exhorte le législateur à déréguler le droit de la construction.94

Achats de logements dans l’Union européenne

Depuis l’Allemagne, BlackRock effectue aussi son expansion vers l’Autriche, l’Europe de l’Est et l’Europe du Nord. Fin 2017, Vonovia acheta la société autrichienne BUWOG pour l’ajouter à son empire. En Suède, Vonovia acheta, la même année, 15.000 logements de Victoria Park AB… parce que « le marché du logement (y) a tendance à être encore plus en tension qu’en Allemagne », comme l’indiqua alors le patron du groupe, Rolf Buch.95

A travers Viktoria Park AB, il s’agit de mettre la Suède en coupe réglée selon le modèle allemand. Et pour ce qui concerne l’entrée en France, le patron de Vonovia, Buch, attend que « le président Macron libéralise encore davantage le marché du logement ».96

Avec la transformation de Vonovia et Deutsche Wohnen dans une Société européenne (SE, ou Societas Europaea), la loi allemande sur la « constitution sociale de l’établissement » (note du traducteur : la législation sur les droits des élus du personnel applicable en Allemagne) est contournée : au sein d’une Société européenne, il n’existe aucune règle de droit impératif pour une représentation élue du personnel.97

Un peu de populisme…

Afin de sécuriser les affaires sur un plan politique voire sur celui du populisme, Hildegard Müller fut élue au Conseil de surveillance ; cette femme politique, appartenant à la CDU – Union chrétienne-démocrate – allemande, est aussi membre du « Comité central des catholiques allemands » (note du traducteur : ZdK, un organe officiel de l’Église catholique, composé de 230 membres, en partie élus et en partie nommés par les diocèses) et présidente de l’Association économique germanoisraélienne. Le christianisme et le sionisme servent aussi de valeurs de référence pour BlackRock (avec des investisseurs saoudiens prévalent d’autres règles).

Le centre d’affaires opérationnel de Vonovia est situé à Bochum, dans la Ruhr. Afin de contrer le mécontentement parmi les locataires, on mise sur le divertissement : pour le club de football ancré dans la région, le VfL Bochum, on finance le « Stade Vonovia de la Ruhr ».

L’État laisse la gérance à BlackRock

Même là où l’État est le premier actionnaire d’une entreprise, comme c’est le cas dans le groupe Deutsche Post DHL, le gouvernement fédéral laisse – comme mentionné précédemment chez Telekom, Commerzbank, VW et RWE – toutes les décisions de gestion aux autres actionnaires, à savoir BlackRock, Capital Group, Norges, Lyxor, Vanguard. Cela a concerné par exemple l’externalisation, par un coup de surprise, de services postaux et de salariés jusqu’ici employés par Deutsche Post, transférés à 49 filiales : au sein de celles-ci, les salaires versés sont plus bas. L’externalisation viola, en plus, l’accord collectif avec la fédération syndicale de services, Ver.di.98

En réponse à une question parlementaire du parti de gauche (DIE LINKE) portant sur les conditions du travail au sein de l’entreprise Deutsche Post, le ministère des Finances allemand répondit : de la position de l’État en tant qu’actionnaire principal « ne résultent pas de droits et d’obligations aux fins d’exploration des situations faisant l’objet de la question ».99

De manière similaire, le gouvernement fédéral allemand se comporte au sein de l’entreprise Deutsche Telekom et de la Commerzbank. Là aussi, l’État est l’actionnaire principal, mais toutes les décisions sont laissées aux copropriétaires BlackRock, Capital Group & al., y compris le versement de primes excessives pour l’encadrement supérieur et le mandatement de toujours les mêmes agences de notation et « contrôleurs » de gestion.100

Bien entendu, les gouvernements fédéraux successifs n’abordent pas l’évasion financière et fiscale, systématiquement organisée par BlackRock & al. L’autorité de Surveillance financière à Berlin est, là encore, débordée… en toute complicité.

L’Allemagne, tête de pont dans l’Union européenne

Des entreprises, banques, conseillers et militaires des États-Unis ont développé leur expansion vers l’Europe continentale déjà après la Première et la Seconde guerre mondiale, puis après l’effondrement du bloc socialiste. L’Allemagne y jouait toujours un rôle de première place d’investissement en Europe continentale, aussi en tant que premier débouché de marchandises, avec l’appui du Plan Dawes (1924), du Plan Young (1930) ou encore du Plan Marshall (1947). Un objectif essentiel consistait, par ailleurs, à empêcher que les potentiels de l’Allemagne et de l’Union soviétique ne se réunissent.101

Le gouvernement dirigé par le SPD a ouvert, avec le programme de « réformes » sociales de l’Agenda 2010 adopté au début du 21e siècle, la brèche à une emprise encore plus massive, favorisée par la législation. Le FMI et une alliance militaire menée par les États-Unis avaient démantelé l’État fédéral de la Yougoslavie dans les années 1990102, des agences de communication états-uniennes avaient rendu « respectables » les sentiments nationalistes et racistes103, et le gouvernement fédéral allemand avait joué les pionniers, au sein de l’Union européenne, pour la reconnaissance diplomatique d’États séparatistes conduits par l’extrême droite tels que la Croatie.

Des groupes économiques d’Allemagne de l’Ouest s’étaient incorporé, avec le soutien de conseillers états-uniens et de banques de Wall Street, l’ancienne RDA. La place économique Allemagne formait ainsi la tête de pont pour les nouveaux acteurs de la Finance, aussi dans l’Union européenne. Nous allons revenir sur le rôle pionnier des investisseurs en private equity en Allemagne depuis le milieu des années 1990, dès avant l’ère de BlackRock & al.

BlackRock & al. n’avaient pas encore d’activité en Europe continentale dans les années 1990. Mais les groupes allemands VW, BASF, Bayer et Siemens implantaient de nouveaux sites de production en Allemagne de l’Est, puis dans les autres États anciennement socialistes tels que la Pologne, la Hongrie, la Roumanie ou l’Ukraine, surtout afin de tirer profit des salaires bas qui étaient ici possibles. A elle seule, la Pologne a mis en place pour cela 300 zones économiques spéciales, offrant des avantages particuliers aux investisseurs étrangers. Par la suite, General Motors, UPS, Microsoft, Monsanto et Amazon sont aussi venus s’installer ici.

Avec eux, BlackRock & al. sont désormais également présents ici. C’est là que la logique à l’œuvre se montre de manière encore plus brutale : la substance économique existante, créée par d’autres, est épuisée, qu’il s’agisse de la main d’œuvre bien formée et soumise au chantage à l’emploi, qu’il s’agisse du reste d’infrastructure industrielle susceptible de modernisation, qu’il s’agisse du marché de la consommation encore exploitable malgré la pauvreté ambiante. Mais le statut d’atelier de production délocalisé est conservé avec le soutien de gouvernements nationalistes, populistes et de droite extrême. L’Union européenne annonce régulièrement dans ces pays le combat contre la corruption, sans succès.104

Les économies nationales se rétrécissent, des oligarques s’enrichissent, des millions d’habitants appauvrissent et partent dans l’émigration de travail temporaire ou durable. Nous allons comparer cette situation plus tard avec celle, au départ similaire sous maints aspects, en Chine.

La fin de la Société anonyme France

En octobre 2016, un média en ligne posa la question pour un champion : « Qui est l’actionnaire principal d’AXA, de Sanofi, Société Générale, Michelin, Vivendi ? » L’auteur poursuivit : « Ah, vous ne saviez pas ? Il s’agit de BlackRock avec son patron, Lawrence Fink. Jamais entendu parler de lui ? »105

En France aussi, pays qui garde toujours la réputation d’avoir une économie nationale et en large partie sous contrôle public, l’évolution des choses a été similaire à celle en Allemagne, avec une décennie de décalage. Déjà le gouvernement « conservateur » et raciste sous la présidence de Nicolas Sarkozy, à partir de 2007, penchait en faveur des investisseurs états-uniens. Sa ministre des Finances, Christine Lagarde (note du traducteur : devenue présidente de la Banque centrale européenne, fin 2019, après avoir été directrice du FMI), sortait alors de cabinet d’avocats d’affaires de l’ancien ministre des Affaires étrangers des États-Unis, James Baker : Baker McKenzie. Sarkozy et Lagarde procurèrent des abattements fiscaux élevés aux investisseurs étrangers, mais ne parvenaient pas à imposer des « réformes » sociales comparables aux Lois Hartz en Allemagne.106

Ce n’est que sous la présidence du « socialiste » François Hollande que les règles financières, fiscales et en matière de relations de travail furent massivement flexibilisées au profit des chefs d’entreprises. Hollande se faisait conseiller, alors qu’il tempêtait pendant la campagne électorale contre « la Finance », en même temps par Emmanuel Macron, associé-gérant de la banque d’investissement aux activités mondiales, Rothschild & Cie.107 Macron devint d’abord secrétaire général adjoint du cabinet présidentiel, puis ministre de l’Économie.

Ainsi BlackRock était, fin 2016, un gros actionnaire chez 18 parmi les 40 groupes économiques français indexés au CAC40, par exemple : Lafarge Holcim (matériaux de construction), Air Liquide (gaz industriel), Vivendi (premier groupe de médias du pays), Michelin (pneus automobile), Accor Hôtels, les banques majeures Société Générale et BNP Paribas, Schneider (électronique), Total (pétrole et carburant), Valeo (premier fournisseur du secteur automobile), Vinci (premier groupe du secteur de la construction en Europe), Saint-Gobain (holding du secteur industriel), Sanofi (pharmaceutique), AXA (assurances) et unibail rodamco (premier groupe immobilier en Europe). Comme en Allemagne, les parts des capitaux se situent dans une dimension allant de 3 % à 10 %.

Engie constitue, avec ses 153.000 salariés, le troisième plus grand groupe énergétique du monde en dehors du secteur pétrolier. Le gouvernement avait organisé, en 2008, la fusion entre Gaz de France (GDF) et Suez. L’État détient encore 25 % des actions. Capital Research et Dodge&Cox sont déjà les premiers actionnaires suivants sur la liste, puis viennent Vanguard, Norges et BlackRock aux côtés de cadres dirigeants et d’actionnaires français. Le groupe a externalisé des services, baissé des salaires et versé des dividendes financés sur la base de crédits. Emmanuel Macron veut vendre la participation de l’État.108

Cependant les autres organisateurs du Capital sont présents, eux aussi, au sein des groupes économiques français. Ainsi chez Alstom Transport, fabricant de produits et services liés à l’industrie ferroviaire, à côté de propriétaires français comme le groupe de construction, de télécommunication et de médias Bouygues, outre BlackRock on compte également Vanguard, Wellington et Schroders Investment parmi les copropriétaires.109 Chez le plus grand groupe de médias et de communication, Vivendi, sur la liste des principaux actionnaires, l’oligarque national Vincent Bolloré est suivi par BlackRock, Lansdowne, Vanguard, Fidelity, State Street.

Alors que ces acteurs de la Finance misent sur le bénéfice, des entreprises chinoises misent sur l’acquisition de connaissances. Pour cette raison, elles ne sélectionnent que de telles entreprises dont elles peuvent utiliser les potentiels pour renforcer leurs propres compétences. Ainsi le producteur automobile Dongfeng est-il devenu le premier copropriétaire de PSA (Peugeot, Citroën, Vauxhall, Opel), mais aussi copropriétaire de Nissan et Honda (au Japon) et Kia (en Corée du Sud).

BlackRock mise sur Macron

BlackRock est devenu, en peu d’années, le premier capitaliste en France. La valeur de ses participations à dix-huit entreprises du CAC 40 se monte à 35 milliards de dollars, alors que l’ensemble des participations de BlackRock à des entreprises en France est valorisé à 150 milliards (situation à la fin 2016).110

Quelques mois après sa victoire électorale, le président de la République Emmanuel Macron invita les 21 plus grands organisateurs du Capital au palais de l’Élysée. De Lawrence Fink/BlackRock à Norges, tous étaient présent. Sur fond de ses « réformes » en matière fiscale, sociale et en matière de droit du travail, l’ex-banquier Macron appela à investir en France : Choose France ! – Choisissez la France ! Les participations de l’État, comme à la SNCF et chez Engie, sont aussi disponibles pour être vendues.111

Macron s’entend bien avec le président états-unien Donald Trump. Sur la chaîne préférée de Trump, Fox News, le président français imita son slogan America First : « I will make France great again ! »112 Ainsi BlackRock élargit depuis 2018 sa centrale européenne à Paris, distribue des fonds pour l’infrastructure et les énergies renouvelables, soutient les plans d’Emmanuel Macron pour une centralisation financière de l’Union européenne et pour des fusions entre banques, y compris en s’opposant au gouvernement allemand.113

Grande-Bretagne : encore plus transformée en propriété états-unienne

Aucun pays capitaliste, et de loin, ne se trouve autant entre des mains étrangères que la Grande-Bretagne. Il est de notoriété publique que l’industrie automobile britannique, autrefois vaste, a été complètement rachetée par des groupes économiques étrangers : Bentley, Jaguar, Vauxhall et toutes ces marques aux noms qui résonnent appartiennent à BMW, VW, Ford, Toyota, Honda, Nissan, PSA et Tata Motors. Mais aussi les autres industries anciennes et nouvelles, le commerce de détail, l’équipement avec les aéroports, les ports, trains, ponts à péage, centrales électriques, centrales hydrauliques, cliniques et EPHAD, les médias ainsi que les terrains et les biens immobiliers urbains appartiennent en grande partie à des investisseurs, y compris des oligarques et des évadés fiscaux issus de pays riches ou pillés de tous les continents.114

En se référant non seulement à la doctrine des « Chicago Boys » néolibéraux mais aussi à la volonté du Dieu des chrétiens (« La prière de Saint François d’Assise »), le gouvernement « conservateur » de Margaret Thatcher promouvait à partir de 1979 le bradage de la propriété publique. Il fut organisé par les banques d’investissement Rothschild, Schroders, Warburg et UBS, mais aussi les fournisseurs de crédit comme HSBC, Goldman Sachs et Barclays ainsi que les conseillers tels que PwC et Allen&Overy. Ils résident à la Cité de Londres totalement dérégulée, un État au sein de la ville et dans l’État, ou avaient créé ici des filiales lancées depuis New York. Y contribuaient aussi des facteurs tels que la mise au pas des syndicats et l’évasion fiscale, favorisée par les pouvoirs publics, à travers la dizaine de paradis financiers entre les îles anglo- normandes et les Îles Vierges, qui font partie intégrante de la place financière de Londres.115

Dès le lendemain de la Seconde guerre mondiale, des investisseurs étatsuniens avaient commencé à intensifier l’achat d’industries, de banques et assurances. C’est pour cela que dans la plupart des cas, les propriétaires des banques britanniques ne s’appellent pas (encore) aujourd’hui BlackRock & al., mais Fisher, Dimensional Fund, Bank of America, Bank of New York Mellon et Cambiar Investors – ce sont les propriétaires de HSBC, Barclays et de la Royal Bank of Scotland, mais ils ont eux aussi leur siège aux États-Unis.

Aussi par exemple les propriétaires des grands groupes miniers Rio Tinto et Anglo American ne s’appellent pas BlackRock mais CGM Realty, Comerca, Delaware VIP Emerging, PMC, Franklin, Goldman Sachs et Arrowstreet ; eux aussi ont leur siège aux États-Unis. En même temps, la Grande-Bretagne fournit plus d’investissements directs aux États-Unis que tout autre État.

BlackRock & al. ont cependant attrapé du retard, ces dernières années. Entre-temps, ils sont devenus copropriétaires de groupes économiques britanniques traditionnels tels que Royal Dutch Shell, British Petroleum, Astra Zeneca ou encore Marks&Spencer. BlackRock lui-même fait partie des trois investisseurs cumulant le plus grand nombre de participations dans les 100 entreprises britanniques les plus importantes, réunies dans l’indice boursier FTSE. BlackRock a, en plus, lancé le BlackRock Smaller Companies Trust, un fonds d’investissements qui achète des participations dans de nombreuses PME du Royaume Uni. BlackRock renforce la situation traditionnelle qui fait que les États-Unis et la Grande-Bretagne sont les États les plus interconnectés au niveau capitaliste.

Surtout : BlackRock a acheté le département des ETF (Exchange Traded Funds) de la banque Barclays et a étendu cette activité au niveau mondial, BlackRock devenant un leader sur le marché mondial dans ce domaine. Les Conservateurs britanniques étaient les complices naturels pour BlackRock, aussi. En 2014, le ministre des Finances (chancelier de l’échiquier) George Osborne a soutenu la « révolution des retraites » exigée par le lobby de BlackRock : depuis lors, les fonds de retraites peuvent aussi être investis dans les ETF de BlackRock.

BlackRock & al. en Suisse

BlackRock & al. dominent aussi le paradis financier traditionnel que constitue la Suisse. Les deux principales banques suisses, qui gèrent à l’échelle mondiale le patrimoine de super-riches évadés, appartiennent en totalité aux nouvelles puissances du Capital. Les quinze plus importants propriétaires de l’United Bank of Switzerland (UBS) s’appellent, dans l’ordre : Massachusetts Financial Services, UBS, Wellington, Crédit Suisse (CS), Vanguard, Capital Global Investors, Dodge & Cox, Franklin, Fisher, Schroders, Zürcher Kantonalbank, JPMorgan Chase, Fidelity, Invesco, Deutsche Bank. Sur ce point, il faut tenir compte du fait que BlackRock, qui n’est pas directement représenté ici, est un actionnaire de taille des copropriétaires de l’UBS ici énumérés : Crédit Suisse, JPMorgan Chase et Deutsche Bank.

Chez Crédit Suisse, les quinze principaux propriétaires s’appellent, dans l’ordre : Bank of America, Earnest Partners, Morgan Stanley, Brandes, Allianz Asset Management, UBS, Northern Trust, Thornburg, Goldman Sachs, Parametric, Masters Capital, Renaissance Technologies, Dimensional Fund, Tocqueville Asset Management, SEI Investments. Là aussi, BlackRock n’est pas directement présent, mais gros actionnaire chez Bank of America, Morgan Stanley, Allianz, UBS et Goldman Sachs.

Pour rester sur les seules affaires de BlackRock, suivent maintenant des indications concernant les entreprises suisses connues dont BlackRock est directement gros actionnaire : il s’agit de Nestlé, Lafarge Holcim (matériaux de construction), Adecco (mise à disposition de travailleurs intérimaires à l’échelle mondiale), Swiss Re (réassureur), GAM (gestionnaire de fortunes planétaire), Rieter (machines du secteur textile), Barry Callebaut (chocolat), VAT (soupapes), Georg Fischer (industrie mécanique), Temenos (logiciels pour le secteur bancaire), Forbo (revêtements de sol), Galenica (prestataire de soins de santé) ainsi que, aux côtés des banques majeures UBS et Crédit Suisse (CS), aussi de la banque privée de référence Julius Baer.116

En 2015, le premier quotidien suisse constate, étonné, que 82,2 % des actions des trente principales entreprises et banques en Suisse appartiennent à des propriétaires étrangers ; parmi eux dominent « les sociétés de fonds étatsuniennes BlackRock, Vanguard, Templeton, Schroders et Invesco ».117

BlackRock & al. se sont également emparé de la gestion du patrimoine de la caisse helvétique d’assurance-vieillesse et d’assurance invalidité, AHV/AVS (Alters- und Hinterlassenenversicherung/Assurance-vieillesse et survivants). Elle passe pour un modèle à l’échelle mondiale. Comme les retours sur investissement sont plus élevés chez BlackRock & al., ou comme il est attendu qu’ilsś le soient, BlackRock a dépassé les deux banques majeures suisses UBS et CS dans ce domaine et constitue maintenant le premier gestionnaire du patrimoine de l’AHV/AVS. Après UBS et CS, qui ont été rétrogradées deuxième et troisième rang, suivent sur la liste uniquement des membres de la famille BlackRock : Schroders, Western Asset Management, Pramerica, Guggenheim Partners, State Street.118

En plus, BlackRock domine en Suisse aussi le marché des iShares/ETF. Par ailleurs, BlackRock vend en Suisse aux investisseurs des participations un fonds qui regroupe des parts de capitaux d’autres entreprises suisses de référence comme Lonza, Partners Group, Schindler, Tecan, Sika et Straumann.

BlackRock a renforcé sa filiale suisse à Genève, en 2016. Après le départ forcé du président de la Banque centrale suisse, Philipp Hildebrand, en raison d’« irrégularités », BlackRock le nomma immédiatement et avec joie au poste de vice-président et, en même temps, représentant pour l’Europe.

BlackRock& Co. en Italie

La présence de BlackRock & al. en Italie est relativement faible : ici, il existe encore quelques résidus des anciens réseaux de corruption impliquant l’État et des riches familles. Dans trois des dix premiers groupes économiques du pays, l’État est encore représenté, en partie avec des participations importantes : dans le premier groupe d’armement Leonardo (30 %), dans le groupe énergétique Enel (23 %) et chez Eni (4 %). De la même manière, des clans familiaux détiennent encore des participations parfois importantes, ainsi Del Veccio dans le groupe de luxe Luxottica (60 %), et Benetton dans le groupe de construction et de routes à péage Atlantia (30 %).

Les grands organisateurs du Capital sont souvent représentés dans plusieurs entreprises en même temps, cependant pas de manière aussi intense et systématique qu’en Allemagne et en France. Ils se concentrent sur un très petit nombre d’entreprises qui jouent un rôle de premier plan au niveau technologique, sur l’assureur de référence Assecurazioni Generali et sur les deux banques majeures, aux activités à l’échelle internationale, Unicredit et Intesa Sanpaolo. Le grand reste de l’économie nationale n’est pas développé par le grand capital. Les PME et le sud du pays continuent à être décrochés. Une position intermédiaire revient à Telecom Italia. Son propriétaire déterminant est le groupe de médias de communication français Vivendi, dans lequel BlackRock, Lansdowne, Vanguard, Fidelity et Lazard détiennent cependant des participations ; le hedgefonds états-uniens Elliott en détient 9 %. Une entreprise chinoise tient également une participation à Telecom Italia.

Les parties importantes du reste sont surtout suivies, depuis la crise financière qui avait frappé l’Italie particulièrement fort, par des entreprises chinoises. Au premier rang, ChinaChem est le principal propriétaire, avec 26 % des parts de capitaux, du groupe de pneus et de chimie Pirelli. Avec des parts de capitaux plus réduites, des entreprises chinoises participent aux perspectives stratégiques d’Enel, Eni, Assecurazioni Generali et FiatChrysler et, comme mentionné plus haut, de Telecom Italia. La banque centrale chinoise People’s Bank of China (PBOC) a acheté son entrée dans les trois banques affaiblies Unicredit, Monte dei Paschi di Siena et Intesa San Paolo.119

Le gouvernement formé en 2018 souhaitait dépasser le sous-développement relatif du pays et s’affranchir des restrictions imposées par l’Union européenne. Giovanni Tria, alors ministre de l’Économie, salua le projet chinois de la Nouvelle Route de la Soie ; l’Italie annonça, comme premier pays membre de l’Union européenne et du G7, son intention de le soutenir formellement. Depuis l’année 2000, des investisseurs chinois ont pris des participations dans 600 entreprises italiennes ; ce sont très peu, en comparaison avec l’Allemagne et la France. Pour cette raison, il est question d’intensifier les investissements chinois en Italie de manière comparable, dans le secteur de la machine-outil comme dans la mode, mais aussi dans les ports et l’équipement, infrastructures qu’il s’agit de relier à la Nouvelle Route de la Soie. De la même façon, des investissements italiens en Chine devront être soutenus, mais aussi des projets communs en Afrique.120

BlackRock & al. aux États-Unis et dans le monde

De par le volume concerné, les participations de BlackRock & al. aux entreprises et banques de la place économique états-uniennes ont logiquement une taille autrement plus importante qu’en Europe. A ce propos, il existe au sein des deux douzaines d’organisateurs du capital une concentration du capital extréme. BlackRock, Vanguard et State Street, constituant les « Grands Trois » (Big Three), dominent la scène.

Parmi les 500 plus grandes entreprises états-uniennes qui appartiennent à l’indice S&P 500, BlackRock & al. constituent les premiers actionnaires individuels dans plus de 450 d’entre elles, ainsi par exemple chez Tesla, Apple, CocaCola, Exxon Mobil, Ford, General Electric, General Motors, Google, Goldman Sachs, Amazon, Facebook et Microsoft. Comme « cacahuètes » gigantesques, s’y ajoutent 1.200 autres parmi les 1.700 entreprises états-uniennes les plus importantes, dans lesquelles BlackRock, Vanguard et State Street détiennent ensemble 40 % des titres de propriété des capitaux (situation en 2012). Les parts de capitaux les plus importantes parmi les entreprises du S&P 500, après les « Grands Trois », se trouvent entre les mains des organisateurs du Capital de taille un peu plus réduite : Capital Group, Wellington, Fidelity, Invesco, T.Rowe Price et autres.121

Le holding de Warren Buffet, Berkshire Hathaway

Des investisseurs individuels célébrés, jusqu’ici marqués par le succès, ne peuvent eux-mêmes pas échapper à cette évolution. Alors que les médias dominants populistes, des deux côtés de l’Atlantique, célèbrent toujours l’« investisseur légendaire » Warren Buffet, Vanguard et BlackRock constituent les principaux propriétaires de sa holding Berkshire Hathaway ; puis suivent, entre autres, la fondation de Bill Gates (Bill & Melinda Gates Foundation), Northern Trust, Fidelity, Norges et Capital World.122

BlackRock & Co : Le super-cartel du capital mondial occidental

BlackRock possède soixante-dix filiales dans trente États.123 Les États-Unis constituent le centre de gravité, puis suivent l’Union européenne et, distancée derrière, l’Asie. Dès l’année 2012, BlackRock était en même temps gros actionnaire dans 282 des 300 sociétés de capitaux les plus importantes en Occident (la plupart du temps des groupes économiques états-uniens), suivi de près par Vanguard (267 sociétés), State Street (247), Fidelity (239), JPMorgan Chase (219) et Capital Group (172).124

De cette manière, BlackRock était devenu, fin 2017, copropriétaire dans 17.309 entreprises, banques et chez d’autres organisateurs du Capital, à l’échelle mondiale.125 Chez Vanguard etc., le nombre de participations au capital est plus réduit, compte tenu de sa place inférieure.

En plus, comme montré plus haut, Vanguard, Wellington, Fidelity, Capital World, Norges et JPMorgan détiennent des participations à BlackRock. La Commission allemande des monopoles nota, en plus, que BlackRock est – en sens inverse – aussi copropriétaire chez State Street et Vanguard.126 Ce supercartel n’est qualifié de cartel par aucune autorité occidentale de contrôle des cartels. Là encore, les termes et les règles de l’ancien capitalisme, appliqués avec nostalgie, ne saisissent pas le réel mais embellissent la situation.

Un des traits du cartel, c’est que BlackRock conseille le gouvernement des États-Unis, le FMI, la Banque centrale états-unienne Federal Reserve, la Commission européenne, la Banque Centrale Européenne lors du sauvetage de banques et d’États, et prend donc en charge des fonctions gouvernementales. Les représentants de BlackRock ont leurs entrées dans les ministères de Finances de plusieurs pays, ils conseillent les banques centrales du monde occidental. Lawrence Fink connaît personnellement les présidents des Conseils de surveillance et des Conseils d’administration des entreprises importantes. « Il passe une grande partie de son temps avec des chefs de gouvernements et des dirigeants d’entreprises. »127

Dans d’autres régions importantes du capitalisme occidental, des acteurs de la Finance comparable ne se sont pas formés, pas non plus dans les États les plus importants : l’Allemagne et le Japon. « Nous n’avons pas des investisseurs institutionnels significatifs en Allemagne », plaint-on à l’association du secteur financier allemand Deutsches Aktieninstitut.128 Seulement en France avec Amundi, Natixis et AXA et en Norvège, avec le fonds souverain Norges, se sont formés des acteurs du Capital comparables.

D’abord le grand nombre d’investisseurs du type BlackRock, leur interconnexion mutuelle, leur ancrage dans le système économique mondial dominé par les États-Unis, le nombre de leurs participations capitalistes ; puis la combinaison avec leur position d’initiés, leurs relations au niveau gouvernemental et leur prise en charge de fonctions gouvernementales, leurs prestations de services pour d’autres acteurs du secteur financier (et cela tout en étant en lien avec leurs clients bailleurs, eux-mêmes déjà riches et influents, la classe capitaliste transnationale, en tenant compte de l’anonymat de ces clients protégé par BlackRock) : de tout cela résulte le pouvoir du nouveau super-cartel de BlackRock & al.

Cinéma pour les actionnaires

Les Assemblées générales annuelles des actionnaires dans les grands groupes économiques occidentaux sont ainsi devenues, encore plus qu’auparavant, un spectacle ridicule. Des groupes économiques traditionnels en Allemagne tels que Siemens et Deutsche Bank comptent plusieurs centaines de milliers de petits porteurs. Ces derniers sont amusés avec des petites saucisses et des brochures sur papier glacé. Réjouis ou révoltés, ils écoutent les paroles du PDG, annonçant le niveau du dividende qui sera versé cette fois-ci, d’un montant faible mais peut-être quand même augmenté. Quelques-uns parmi les petits porteurs un peu plus grands ou des représentants des « Actionnaires critiques » prennent la parole en exprimant une critique, parfois véhémente. Mais leurs quelques pour cent de voix ne leur confèrent aucun pouvoir. Les représentants de BlackRock & al. ne disent rien du tout, votent sans commentaire pour les propositions du Conseil d’administration… depuis longtemps, ils ont négocié les décisions derrière les coulisses.

Le capitalisme des actionnaires… ça a (peut-être) existé il y a fort longtemps.

Avec un haut niveau d’éthique… totalement affranchi de toute morale

Bien évidemment, BlackRock possède une Charte éthique sophistiquée, intitulée Code of Business Conduct and Ethics. La « responsabilité sociale » et des « standards éthiques élevés » sont mis en avant. Même des voix critiques réputées font l’éloge de leur pote Lawrence Fink, ainsi le lauréat du prix Nobel d’économie hétérodoxe, Joseph Stiglitz : « Larry est convaincu que le capitalisme doit se réinventer… Il combat pour la cause juste. »129

Mais au troisième paragraphe de la Charte éthique, le fondement devient clair : l’objectif supérieur consiste à « dépasser les attentes de nos clients ». Les salariés sont traités comme « capital humain », qui est incité avec des programmes spécialisés à adopter une « performance élevée » et une « attitude productive ». Ce faisant, des « grands cadres et dirigeants » doivent être formés.130 Cette éthique tout entière consiste donc à procurer un bénéfice le plus élevé possible aux clients riches et restant anonymes. Les droits humains universels, et les droits économiques et sociaux compris en eux, n’apparaissent nulle part dans cette Charte éthique.

Revenus sans efforts pour les cadres dirigeants

Tout comme BlackRock fait participer, en son sein, les cadres dirigeants de l’entreprise – avec des distinctions tranchées selon leur niveau hiérarchique respectif – aux bénéfices, la société favorise cette méthode aussi dans les entreprises dont elle est copropriétaire. Bien que la Deutsche Bank, par exemple, soit accusée et condamnée depuis des années et à travers le monde pour escroquerie, dans des centaines de dossiers, versant des milliards en amendes, qu’elle soit surendettée et se trouve au bord de la faillite : depuis la crise financière, les revenus de ses cadres dirigeantes ont augmenté de plus en plus rapidement. Ainsi 705 de ses cadres dirigeants affichaient un revenu égal ou supérieur à un million d’euro, en 2017. Un an auparavant, avec 316, leur nombre était inférieur de moitié. Cinquante cadres de la Deutsche Bank gagnaient entre 3,5 et huit millions d’euros pendant l’année 2017, plus que le PDG.131

Destructeurs de l’environnement

BlackRock & al. ne « souhaitent » pas détruire l’environnement. Mais ils laissent faire et laissent le détruire, en tant que gros actionnaires dans les principales entreprises de la production de charbon et de la combustion du lignite, de l’utilisation de pesticides, de trucage des mesures de la pollution automobile, de privatisation de l’eau en Inde et au Brésil (Nestlé)… L’ONU a déclaré que l’accès gratuit à l’eau potable propre constitue un droit humain132… BlackRock & al. favorisent le contraire. BlackRock, Vanguard, BPCE, Capital Group et aussi leś fonds souverain Norges, prétendument si valeureux sur le plan éthique, participent à travers le groupe agro-alimentaire et minier suisse Glencore à la mise à sac de la forêt primaire au Brésil.133

Aggravation de la situation des salaries

Les « droits de l’homme », tels qu’envisagés par le Code de conduite éthique, sont de toute manière rétrécis et limités aux seules valeurs de « non-exclusion » et de « diversité », en adéquation avec le concept de Human Resources.134 Les législations nationales en matière de droit du travail ou les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) ne sont mentionnées nulle part. Externalisations comme chez Deutsche Post, emploi de salariés intérimaires placés sous astreinte, licenciement d’élus du personnel.. : la loi du silence sur la violation des droits des travailleurs fait partie du modèle économique.

BlackRock & al. sont gros actionnaires chez Amazon, Facebook, Microsoft, Apple et Google, qui imposent des salaires extrêmement bas au plan national comme dans le cadre de chaînes de livraison internationales. Le groupe de construction allemand Hochtief et le groupe de construction français Vinci construisent, au Qatar, les installations pour la coupe du monde de football 2022. Pour cela, ils exploitent depuis des années les travailleurs à très bas salaires, mis au pas par l’État, sous des conditions de travail et de vie inhumaines ; aucune des conventions de l’OIT garantissant par exemple la liberté syndicale, la protection de la sécurité et de la santé au travail, la protection contre le licenciement, le droit à une protection sociale, le droit à des congés payés n’est respectée.135 Les grands experts d’éthique de BlackRock, en tant que gros actionnaires de ces groupes, gagnent en même temps qu’eux et se taisent.

Lors de fusions d’entreprises, des emplois sont supprimés. Chez Bayer-Monsanto, il devrait s’agir de 12.000 emplois, dans un premier temps.

La mise en danger de la santé passe par la corruption

BlackRock, Vanguard, State Street, Price T.Rowe, Lazard, Wellington, Massachusetts Financial sont depuis longtemps des gros actionnaires de Medtronic, le premier producteur mondial de matériel médical sous forme de défibrillateurs ou de prothèses des hanches, par exemple. Pendant des décennies, le groupe a soudoyé des médecins, versé de l’argent à des patients lésés pour les faire taire, fourni des appareils insuffisamment testés.136

Armement et guerre : on ferme les yeux délibérément

BlackRock, Capital Group, Vanguard et State Street sont, avec respectivement plus de trente milliards de dollars de parts de capitaux, les principaux propriétaires des entreprises d’armement participant à la construction de bombes atomiques : Lockheed, Boeing, Honeywell, Northrop, General Dynamics, Airbus. BlackRock est principalement engage, dans l’ordre, chez Boeing, Honeywell, Lockheed, Northrop (tous aux États-Unis), Airbus (Union européenne), General Dynamics (États-Unis), Safran (France) et BAE Systems (Grande-Bretagne).137

En Allemagne, BlackRock est le premier actionnaire chez Rheinmetall. Ce groupe contourne des limitations d’exportation imposées par la législation allemande à travers des sites de production externalisés, par exemple en Afrique du Sud et en Sardaigne.138 Des chars de combat sont livrés dans des zones de guerre et à des belligérants qui violent le droit international comme l’Arabie Saoudite (dans la guerre contre le Yémen). Le PDG de Rheinmetall, Armin Papperger, soutient un réarmement de l’Union européenne et de l’OTAN contre la Russie : « Nous ne devons pas seulement compter sur l’Amérique ou attendre que des forces asiatiques montent : l’Europe doit avoir une indépendance et aussi montrer de la force. »139 Rheinmetall coopère avec le groupe d’armement états-unien Raytheon, auprès duquel BlackRock est également le premier propriétaire et gère en plus le fonds de pension.140

Après un massacre, le fait était publiquement dénoncé que le fusil d’assaut M&P15 produit par Smith & Wesson était l’arme la plus utilisée lors de tueries par balles de la dernière période. Par la suite, Smith & Wesson, sous l’égide BlackRock, fut renommé en 2016 pour porter le nom banalisé d’American Outdoor Brand.141

BlackRock & al. ne disent pas qu’ils « souhaitent » mener des guerres et tuer ; ce n’est pas ainsi que fonctionne leur capitalisme. Ils poursuivent de manière professionnelle leur objectif, et celui de leur clientèle, consistant à faire du bénéfice et à s’enrichir à titre privé. Ils ne font rien contre les conflits intérieurs et extérieurs, mais continuent tout simplement à les nourrir, avec encore plus de fusils d’assaut et encore plus de chars de combats. Les yeux délibérément fermés.

Investir en soi-même

BlackRock & al. exploitent la substance antérieure des entreprises dans lesquelles ils entrent. Ils investissent les bénéfices, non pas pour recréer de la substance, mais pour augmenter encore plus leur propre valeur et celle de leurs bailleurs.

Les groupes économiques auxquels BlackRock & al. participent, rachètent le maximum possible d’actions à des petits actionnaires et les retirent du marché. « La motivation : moins d’actions signifie une raréfaction de l’offre et fait monter le cours. Par-dessus le marché, le futur bénéfice par action monte parce qu’il sera réparti sur moins de titres… Aussi le versement de dividendes sera-t-il réparti sur moins d’actions, ce qui fait que les actionnaires restant à bord reçoivent un dividende plus élevé par action. » Et plus les parts de capitaux de BlackRock & al. sont élevées comme p.ex. chez Vonovia, Fresenius, SAP, Adidas, Allianz et Siemens, plus les groupes intensifient la méthode.142 Cela fait monter la valeur des actions des groupes et, en même temps, le pouvoir d’influence de BlackRock & al. sur le marché, constituant des cartels et poussant les prix à la hausse. En parallèle, l’économie nationale se rétrécit sous prétexte de « réduction de surcapacités ».

Saper les fondements de l’économie de marché

BlackRock & al. détiennent des parts de capitaux dans beaucoup d’entreprises de la même branche en même temps. On pousse à des fusions et acquisitions comme chez Bayer-Monsanto, Linde-Praxair et E.ON-RWE, mais aussi chez les groupes chimiques états-uniens Dow et Dupont, chez les groupes techno-logiques Siemens et Alstom, chez Nestlé et Pfizer, chez Nestlé et Starbucks, chez les groupes de télécommunication états-uniens T-Mobile et Sprint.143

Les fusions et acquisitions mènent à des oligopoles et des monopoles. Ce pouvoir de BlackRock & al., contraire aux lois du marché, est parfois critiqué dans le (note du traducteur : quotidien allemand réputé proche des milieux capitalistes) Frankfurter Allgemeine Zeitung, généralement favorable aux États-Unis : « Les restrictions à la concurrence liées à la croissance des sociétés gestionnaires de fonds mènent à des bénéfices des entreprises plus élevés. Ce sont principalement les investisseurs américains qui en tirent profit, qui parviennent par là à croître toujours plus. » Et : ces « grands investisseurs », y lira-ton encore, « minent les fondamentaux de l’économie de marché ».144

Mais pourquoi occupe-t-on une position de media dominant auprès des couches possédant un niveau de formation universitaire et des hommes politiques considérés comme aptes à gouverner, si on laisse finalement détruire les « valeurs » dont on a fait soi-même la propagande… ? Si c’est pour une bonne cause et pour la puissance du seigneur… Rappeler aux « valeurs », rouspéter un peu sans que ça ne porte à aucune conséquence : voilà la liberté d’expression dominante.

L’Union européenne aux croches de BlackRock

BlackRock formule régulièrement des exigences à l’adresse de l’Union européenne. Le vice-président européen de BlackRock conforme : « L’Europe a aussi un problème structurel. Les marchés du travail et des produits sont sur-régulés. Les investissements rapportent trop peu. Ici, il faut la disponibilité de la politique pour casser des structures existantes. » Avec les Lois Hartz, l’Allemagne aurait constitué un modèle à suivre, mais elle aurait entre-temps relâché ses efforts sous le regard sévère de BlackRock : « L’Allemagne doit donner un exemple en Europe. Au cours des années passées, l’Allemagne, en ce qui concerne les réformes structurelles, a de moins en moins rempli son rôle dirigeant… Dans certains domaines, on a même régressé, par exemple avec la retraite à 63 ans. »145

Hildebrand demande aussi la fusion transfrontalière entre banques européennes, la mise sous la touche des autorités de régulation financière nationales et une supervision bancaire centralisée au niveau de l’Union européenne, sous l’égide de la BCE146… cette dernière étant de toute manière conseillée par BlackRock. Hildebrand rejoint ici le banquier de chez Rothschild, devenu désormais président de la République française, Emmanuel Macron.

L’influence est invisible pour le public, mais elle agit rapidement et efficacement : la Commission des monopoles (Monopolkommission) allemande, l’OCDE et la Surveillance anti-trust de l’Union européenne (note du traducteur : une mission exercée par le Commissaire européen à la concurrence) critiquèrent, en 2017, la dangereuse concentration de pouvoirs de BlackRock. De cela, Christian Staub, à l’époque patron de BlackRock en Allemagne, se plaignit auprès du gouvernement fédéral allemand. Le ministère fédéral de l’Économie qualifia ensuite cette critique de « supposition » purement « théorique »… fin du débat !147

BlackRock conseille la Commission européenne et la Banque centrale

Aucun des gouvernements centraux dans l’Union européenne est plus complaisant que celui de l’Allemagne, indépendamment de sa composition politique. En 2012, le ministre des Finances allemand Wolfgang Schäuble se trouva obligé, sur demande du ministre des Finances de Barack Obama, Timothy Geithner, de prendre des vacances sur l’île de Sylt afin de se laisser « travailler » à l’écart de la capitale, Berlin. Après la crise financière de 2008, Geithner avait chargé BlackRock du sauvetage de banques et compagnies d’assurance. Dans l’« intérêt égoïste » des États-Unis – ainsi le formula le magazine hebdomadaire allemand Der Spiegel –, la Banque centrale européenne (BCE) devait, en suivant l’exemple des États-Unis, inonder les marchés financiers de l’Union européenne avec de l’argent pas cher. Schäuble donna son accord. BlackRock vint à conseiller la BCE. Peu de temps après, le patron de la BCE, Mario Draghi, promit « de faire tout le nécessaire ».148

Ainsi, BlackRock a conseillé et conseille toujours la BCE pour le programme de rachat d’emprunts des entreprises et des États. BlackRock a organisé, pour le compte de la Commission européenne, le stress test (examen de résistance, test de robustesse) pour les 39 principales banques dans l’Union européenne… au sein desquelles le testeur est souvent lui-même copropriétaire. BlackRock a établi les analyses de risques pour les sauvetages de banques en Irlande, Grèce, Grande-Bretagne et à Chypre. Mario Draghi, un ancien banquier de Goldman Sachs, a ainsi « américanisé » la Banque centrale européenne sur le modèle de la Banque centrale états-unienne – la Fed – et ainsi renforcé l’emprise de banques et d’investisseurs états-uniens, aussi.149

En même temps que la Troïka (note du traducteur : pour la gestion de la crise en Grèce, composée de la Commission européenne, la BCE et du FMI), des chargés de mission de BlackRock se trouvaient à Athènes, sous couvert d’un « Projet Solar », et dissimulés sous le nom de code « Claire » à Chypre. Lors de toutes ces missions, il s’agissait, pour ce copropriétaire de nombreuses banques, directement et indirectement aussi du sauvetage de ses propres investissements.150 Le conseil fourni à la BCE pour le traitement de crédits à risque a procuré à BlackRock, de surcroit, un « accès exclusif à des données d’entreprises européennes ».151

« Il manque aux épargnants européens des données fiables et le mode d’emploi sur comment investir et planifier pour l’avenir », annonça Lawrence Fink. C’est pourquoi il rémunéra l’ancien ministre des Finances britannique George Osborne qui avait imposé la « révolution des retraites » en Grande-Bretagne pour BlackRock. (Le Capital a le droit de faire des révolutions, les salariés n’y ont pas droit.) Ce lobbyiste fit accepter par la Commission européenne le plan PEPP, pour Pan European Personal Pension. Avec le sceau de qualité de BlackRock, mais sans garantie de versement d’une retraite, les salariés des autres pays de l’Union européenne – après le Royaume Uni – sont censés acheter à leur tour les produits financiers de BlackRock, ETF/iShares, au titre de prévoyance individuelle pour la vieillesse.152

Le populiste en chef : le patron de BlackRock, « Larry » Fink

Lawrence Fink, le PDG de BlackRock, attache de l’importance à se faire appeler familièrement « Larry », et les médias dominants lui obtempèrent en cela. Lui, qui se laisse fêter en « capitaliste en chef » lorsque les élites non élues et formellement élues sont entre elles au Forum économique mondial à Davos, se met en scène, face aux critiques publiques, comme avocat de « l’homme de la rue ». Avec une tonalité populiste, il endosse même les habits du dirigeant ouvrier. Quand, en 2018, la critique surgit en Allemagne alors que le PDG de la Société anonyme BlackRock Allemagne, Friedrich Merz, fut candidat à la présidence de la CDU – parti patronal à vernis chrétien –, Larry fit solliciter en langue allemande, depuis Wall Street, la compréhension des Allemands. Il voulait, annonça-t-il, « personnellement » présenter son entreprise. Il avait, fit-il savoir, « fondé (BlackRock) il y a trente ans avec sept collègues, dans un petit bureau ». On gère la fortune « de millions de personnes dans le monde »… non, il ne dit pas « fortune », mais cette fois il utilisa le mot : « l’épargne ». Alors que Fink désigne par ailleurs BlackRock comme un « gestionnaire de fortune » et cherche à attirer les placements financiers de multimilliardaires et de multimillionnaires, cette fois-ci, il pénètre l’âme des gens simples et évoque des « économies », « l’épargne ». Et parmi les millions de personnes dans le monde dont il gère « l’épargne », on trouve ainsi « des ouvriers et des employés ». Le bienfaiteur BlackRock leur procure, dira-t-il, « un accès facile aux marchés d’investissements dès un petit montant d’investissement de 25 euros. Votre Larry Fink. »153 Cependant, pour cela, il ne tient pas à disposition des sociétésécran comme pour les super-riches. Un populiste n’a besoin que de quelques particules de vérité pour mentir.

1 International Monetary Fund (Fonds monétaire international) : Bringing Down High Debt 18 avril 2018.

2 Norbert Haering : Irlands absurd hohes Wachstum zeigt, wie fragwürdig BIP-Statistiken sind. (La croissance absurdement élevée de l’Irlande montre à quel point les statistiques en matière de PIB sont douteuses), http://norberthaering.de/27-germannews 23 août 2016 ; les statistiques en matière de travail et d’emploi sont elles aussi trafiquées.

3 Jeronim Capaldo : The Trans-Atlantic Trade and Investment Partnership, Tufts University octobre 2014.

4 https://www.businessinsider.com/larry-summers-imf-speech 17 mars 2013.

5 Investitionsstreik in Europa (Grève des investissements en Europe), quotidien économique allemand Handelsblatt 15 août 2016.

6 Hans-Jürgen Jakobs : Wem gehört die Welt ? Die Machtverhältnisse im globalen Kapitalismus (A qui appartient le monde ? Les rapports de pouvoir dans le capitalisme global), Munich 2016 p. 21.

7 Hedgefonds greifen Lufthansa an. Leerverkäufer wetten auf einen Kursverfall der Fluggesellschaft. (Des fonds vautours attaquent Lufthansa. En vendant à découvert, ils parient sur une perte de valeur de l’action de la compagnie aérienne), Der Spiegel (magazine hebdomadaire allemand) 33/2016 ; Lufthansa-Aktie : Rückzug von Leerverkäufer BlackRock (Valeur boursière de Lufthansa : Le vendeur à découvert BlackRock fait machine arrière) http://aktiencheck.de 13 juillet 2016.

8 Netto-Leerverkaufspositionen 2016-08-18 (Ventes à découvert solde net au 18 août 2016), http://www.bundesanzeiger.de/ebanzwww/wexsservlet ?, consulté le 19 août 2016.

9 Wie Blackrock & Co Unternehmen beeinflussen (Comment BlackRock & al. Prennent de l’influence sur des entreprises), quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung 22 novembre 2016.

10 Gerhard Schick : Cum-Ex : Die Umverteilung von unten nach oben muss enden. (Cum-Ex : La redistribution du bas vers le haut doit s’arrêter), magazine Gegenblende édité par le DGB (la Confédération allemande des syndicats) 5 décembre 2018.

11 Bundesanstalt für Finanzdienstleistungen (Bafin) : Blackrock : Bafin verhängt Bußgeld in Höhe von 3,25 Mio Euro (BlackRock : La Bafin impose une amende d’un montant de 3,25 millions d’euros), communiqué du 20 mars 2015.

12 Heike Buchter : Blackrock. Eine heimliche Weltmacht greift nach unserem Geld (BlackRock. Une puissance mondiale secrète fait la mainmise sur notre argent), Francfort-sur-le-Main 2015, p. 220 et suivantes.

13 ETFs gefährden Finanzmarktstabilität (Les Exchange Traded Funds mettent en péril la stabilité des marchés financiers), Frankfurter Allgemeine Zeitung 8 avril 2014.

14 Cf. l’article de Werner Rügemer : Die transnationale kapitalistische Klasse. Strukturen der globalen Machtelite (La classe transnationale capitaliste. Structures de l’élite dirigeante mondiale), Hintergrund, 1/2016, p. 72 et suivantes. ; cette classe n’est pas composée, comme le décrit p.ex. David Rothopf (in : Superclass. The Global Power Elite and the World They are Making, New York / Londres 2008), de 6.000 individus aussi puissants les uns que les autres – chefs de gouvernements, de banques et d’entreprises, connus du grand public –, mais de groupes et de clans autrement plus importants en nombre, mais en même temps très hétérogènes, structurés de manière hiérarchisée. Ce n’est pas seulement « les riches » et « les milliardaires et millionnaires » en tant que tels qui forment cette classe, mais l’appartenance passe par des formes d’organisation tendues vers la défense des mêmes intérêts, qui peuvent revêtir différentes formes. Celles-ci ne constituent pas une organisation formelle unitaire, ne possèdent pas de Comité central, mais elles sont organisées de multiples manières, de façon publique et non publique, et aussi interconnectées de façon informelle. Leur pouvoir d’agir résulte de différents critères : le nombre et le volume des titres de propriété détenus dans des entreprises d’importance stratégique et le degré d’interconnexion (voir à ce propos le chapitre : « BlackRock & al. : le super-trust »), la connexion aux sections importantes et aux membres de l’« armée privée civile du capitalisme occidental » mais aussi avec des membres dirigeants d’institutions étatiques – civiles comme militaires ou liées aux services de renseignement –, sur le plan national comme transnational, aussi à des fondations privées et des Think Tanks. En font partie des structures parallèles formelles et informelles telles que l’utilisation systématique et professionnelle des paradis financiers et l’achat, public comme secret, ainsi que l’intégration dans des réseaux de lobbying de politiques, journalistes, scientifiques etc. mais aussi un financement diversifié d’activités culturelles, scientifiques, médiatiques et sociales. La pure existence de « super-riches » en soi ne signifie pas encore l’appartenance à la Classe capitaliste transnationale. Ainsi, si de nombreux « super-riches » font leur apparition en Chine, ils ne disposent pas des instruments nécessaires pour exister en tant que classe dirigeante, tels que des partis gouvernementaux financés en permanence par eux etc.

15 José Azar, Martin Schmalz, Isabel Tecu : Anti-Competitive Effects of Common Ownership, in : Ross School of Business Papers, 1235, 5 juillet 2016.

16 Monsanto bleibt stur (Monsanto reste têtu), Der Spiegel 26/2016.

17 Die Monsanto-Übernahme (Le rachat de Monsanto), Handelsblatt 16 août 2016.

18 74 Milliarden für Celgene (74 milliards pour Celgene), Handelsblatt 4 janvier 2019.

19 www.nasdaq.com/symbol/px/institutional-holdings 19 août 2016.

20 Linde confirms Merger Talks with Praxair, Wall Street Journal 16 août 2016.

21 Ein neues Monopol (Un nouveau monpole), Der Spiegel 2 février 2019, pages 66 et suivantes.

22 Innogy-Übernahme gefährdet 5.000 Arbeitsplätze (Le rachat d’Innogy menace 5.000 emplois), Zeit online (le site Internet de l’hebdomadaire allemand Die Zeit) 13 mars 2018.

23 https://www.finanzen.net/unternehmensprofil/innogy, consulté le 13 mars 2018.

24 V. Zeit online 13 mars 2018, précité

25 Deutsche Bank wirbt für Fusionen (La Deutsche Bank bat le tambour pour les fusions), publié dans le journal boursier allemand Börsen-Zeitung 1er septembre 2016.

26 Blackrock steigert die Dividende das neunte Jahr in Folge (BlackRock augmente le dividende pour la neuvième année consécutive), https://www.finanzen.net 12 janvier 2018 ; agence Reuters 12 avril 2018.

27 Hans-Jürgen Jakobs : Wem gehört die Welt ? (A qui appartient le monde), op.cit. p. 24.

28 Geithner has phone friend at BlackRock, FT online 11 octobre 2012 ; l’article a été supprimé entre-temps.

29 www.nasdaq.com/de/symbol(ownership-summary 8 février 2018.

30 Peter Scott : The American Deep State, Lanham / Maryland 2015.

31 William Engdahl : Manifest Destiny. Democracy as a Cognitive Dissonance, Wiesbaden 2018, p. 47/48.

32 The Oligarch Who Came in from the Cold, https://www.forbes.com 18 mars 2002, consulté le 19 avril 2018.

33 U.S. Senate Permanent Subcommittee on Investigations : Money Laundering and Foreign Corruption. Enforcement and Effectiveness of the Partiot Act. Case Study involving Riggs Bank, Washington D.C., 15 juillet 2004 (rapport de 1.592 pages pour le Sénat des États-Unis) ; Peter Scott : The American Deep State. Deep Events and Off-the-books Financing, in : The Asia-Pacific Journal 6 avril 2014.

34 Laura Kodres : What’s Shadow Banking ? Many financial institutions that act like banks are not supervised like banks, in : Finance and Development, juin 2013, p. 42/43 (article publié dans le magazine du FMI).

35 Global Shadow Banking Monitoring Report 2015, http://www.fsb.org/2015/global-shadow-banking-monitoring-report-2105

36 « Licht ins Dunkel des Paralleluniversums » – Bafin-Präsident Jochen Sanio im Gespräch über Schattenbanken (« Ramener de la lumière dans l’obscurité de l’univers parallèle »), in : BaFinJournal (publication de l’Autorité allemande de régulation des marchés financiers), 11-12/2011, p. 20 et suivantes.

37 Dark Pools : Finster und geheimnisvoll (Dark pools : obscures et énigmatiques), Zeit online 3 juillet 2014.

38 DGAP News Service : RWE AG, communiqué du 06 février 2018.

39 https://eon.com/content/dam/on/eon-com/investors/voting-rights/180301_Stimmrechtsmitteilungen_eon.pdf, consulté le 13 mars 2018.

40 Les données concernant p.ex. Blackrock peuvent aussi être consultées, à l’aide de son n° : ISIN US09247X1019, auprès de la bourse de New York.

41 Communiqué à propos des droits de vote de la Société par actions Andritz AG, 9 mars 2016, www.andritz.com/de/gr-notification-blackrock-10032016-de.pdf, consulté le 24 août 2016.

42 https://www.nasdaq.com, consulté le 11 mai 2018.

43 www.blackrock.com/locations, consulté le 5 février 2018.

44 Werner Rügemer : Ratingagenturen. Einblicke in die Kapitalmacht der Gegenwart (Agences de notation. Aperçus sur le pouvoir du Capital au présent), Bielefeld 2012, pages 43 et suivantes, p. 61/62.

45 United States of America : Financial Crisis Inquiry Commission : The Financial Crisis. Inquiry Report. New York 2011, pages 118/119, 131/132, 281/282, 344 et suivantes.

46 Blackrock CEO : President Obama’s new $ 12 Trillion regulation is a great thing, www. businessinside.de/ 15 avril 2016.

47 Blackrock. Der Zauberer von OZ (BlackRock Le magicien d’OZ.), Wirtschaftswoche (magazine hebdomadaire allemand spécialisé aux sujets économiques), 29 mars 2018, page 20.

48 How Stuy town got a tourniquet while Blackstone gets Billions, http://gothamist.com/ 2016/03/31

49 Facing Finance : Dirty Profits. Unser Geld für Rüstungsexporte in Kriegs- und Krisengebiete (Face à la Finance : bénéfices sales. Notre argent pour des exportations d’armes vers des zones de guerre et de crises), Berlin juillet 2018.

50 The Three Largest Players have a 70 % Market Share in $ 4 Trillion Global ETF Industry, www.forbes.com 17 mai 2017, consulté le 23 février 2018.

51 Robo-Stox-ETF : Neue Revolution bringt Milliardengewinne (Robo-Stox-ETF : Une nouvelle révolution rapporte des milliards de bénéfices), https://www.boerse-online.de 29 avril 2016.

52 Börsengehandelte Fonds werden immer beliebter (Des fonds négociés en bourse gagnent de plus en plus d’adeptes), Süddeutsche Zeitung 5 mars 2018.

53 Larry Fink and His BlackRock Team Poised to Take Over Hillary Clintons Treasury Department, The Intercept 2 mars 2016.

54 Blackrock chief executive says Donald Trump has been good for the global economy, www.cityam.com 26 janvier 2018.

55 Jean-Francois Cirelli est nommé président de Blackrock France, L’Agefi.fr 30 novembre 2015.

56 Buy, George ? World’s largest fund manager hires Osborne as advisor, The Guardian 20 janvier 2017.

57 George Osborne to be paid 650.000 pounds for working one day a week, The Guardian 8 mars 2017.

58 Das Comeback des Friedrich Merz (Le retour de Friedrich Merz), Handelsblatt 2 novembre 2018.

59 Réponse du gouvernement fédéral allemand à une question parlementaire du député Fabio de Masi du groupe Die Linke, Bundestagsdrucksache 19/6652 du 5 décembre 2018.

60 Ein Geldkonzern auf dem Weg zur globalen Vorherrschaft (Un groupe financier sur le chemin à la domination mondiale), Tagesspiegel 8 mai 2018.

61 Ein Gesicht für den Riesen. Ex-Politiker Friedrich Merz soll für die Investmentfirma Blackrock Lobbyarbeit machen und neue Kunden finden (Un visage pour le géant. L’ancien homme politique Friedrich Merz devra effectuer du lobbying pour le groupe d’investissement BlackRock et trouver de nouveaux clients), Süddeutsche Zeitung 18 mars 2018.

62 « Die Deutschen haben zu viel Angst » (« Les Allemands ont trop de peur »), « entretien avec Larry Fink, patron du plus grand gestionnaire de patrimoine du monde, BlackRock », Der Spiegel n° 12/2015, p. 77.

63 Blackrock. Der Zauberer von OZ (BlackRock. Le magicien d’OZ), Wirtschaftswoche 29 mars 2018, p. 20.

64 Wie Blackrock die Konzerne kontrolliert (Comment BlackRock contrôle les groupes économiques), Wirtschaftswoche 2 avril 2018.

65 Alexander Sekanina : Finanzinvestoren und Mitbestimmung (Investisseurs financiers et droits des élus du personnel), Mitbestimmungsreport 42, Düsseldorf 4/2018.

66 Michelle Celarier : The Mysterious Private Company Controlling Corporate America, https://www.institutionalinvestor.com 29 janvier 2018.

67 Wer an der Fusion von Linde und Praxair verdient (Qui gagne avec la fusion de Linde et Praxair), Frankfurter Allgemeine Zeitung 29 septembre 2017.

68 Neue Heimat Irland (Nouvelle patrie Irlande), Handelsblatt 8 mars 2017 ; Boerse online 24 novembre 2017 ; Handelsblatt 7 février 2018.

69 https://www.nbim.no, consulté le mars 2018 ; les autres indications parviennent aussi de ce site Internet..

70 « Wir verlieren Zeit » (« Nous perdons du temps »), entretien avec Alessandro Profumo, Handelsblatt 15 mai 2018.

71 Post AG : Lohndumping, Streikbruch, Profitgier (Post AG : dumping salarial, violation du droit de grève, avidité de profits), https://arbeitsunrecht.de 15 juin 2015, consulté le 03 avril 2018.

72 https://google.de/search, consulté le 3 mai 2018. Le siège fiscal des entreprises étatsuniennes ressort des rapports annuels obligatoires (Form 10-K) transmis à l’autorité de régulation de la bourse SEC ; pour certaines entreprises états-uniennes, le siège fiscale n’a pu être déterminé. Pour les entreprises européennes, le siège fiscal principal devrait correspondre au centre opérationnel, mais n’exclut pas l’utilisation de paradis financiers par ailleurs ; ainsi Amundi possède aussi des sièges au Delaware, à Dublin et au Luxembourg

73 « Europa muss sich mehr als Macht begreifen » (« L’Europe doit davantage se définir comme une puissance »), entretien avec Yves Perrier, Handelsblatt 4 mai 2018.

74 Voir l’ouvrage de référence, publié à plusieurs reprises entre 1990 et 2005, de Rüdiger Liedtke : Wem gehört die Republik ? Die Konzerne und ihre Verflechtungen. Namen-Zahlen-Fakten (A qui appartient la République ? Les groupes économiques et leurs connexions. Des noms, des chiffres et des faits.) Aussi dans la dernière édition de 2005, BlackRock n’apparaît pas..

75 Werner Rügemer : Privatisierung in Deutschland. Von der Treuhand zu Public Private Partnership (Privatisation en Allemagne. De la Treuhand jusqu’au Partenariat publicprivé), Münster 2008, pages 38 et suivantes.

76 op.cit. pages 38 et suivantes.

77 The sick man of the euro, The Economist 3 juin 1999.

78 Werner Rügemer : Ratingagenturen. Einblicke in die Kapitalmacht der Gegenwart (Agences de notation. Aperçus sur le pouvoir du Capital au présent), Bielefeld 2012, deuxième édition, pages 93/94.

79 Handelsblatt 25 novembre 2003.

80 A Transatlantic Business Giant : Fred Irwin, The Atlantic Times août 2007 ; Werner Rügemer : Warum Bundeskanzler Schröder an der Wall Street für die Agenda 2010 warb (Pourquoi le chancelier fédéral Schröder a battu le tambour à Wall Street pour son Agenda 2010), publié dans le quotidien allemand junge Welt 9 janvier 2004.

81 Werner Rügemer / Elmar Wigand : Die Fertigmacher. Arbeitsunrecht und professionelle Gewerkschaftsbekämpfung (Les acheveurs. Non-droit du travail et lutte anti-syndicale professionnelle), Cologne, troisième édition élargie, 2017, p. 181.

82 Voir p.ex Frankfurter Allgemeine Zeitung 30 décembre 2004.

83 Bundesfinanzministerium (ministère fédéral des Finances) : Bundeshaushaltsplan 2004, Einzelplan 09, 68683-642 Maßnahmen zur Darstellung des Wirtschaftsstandorts Deutschland im Ausland (Programme budgétaire 2004, plan détaillé 09, 68683-642, mesures pour la présentation de la place économique Allemagne à l’étranger).

84 Focus Money online et Die Welt 10 mai 2013, en citant une étude d’EY.

85 Weckruf an die Dax-Chefs (Appel au réveil à l’adresse des patrons du DAX), Handelsblatt 16 janvier 2018.

86 Proportions calculées en pourcentage, situation arrêtée fin mars 2018. Les données parviennent de différentes sources et remontent jusqu’au second semestre 2017.

87 Rainer Neef : Privatisierung großer Wohnungsbestände (Privatisation de vastes parcs de logement), https://www.gemeingut.org 3 avril 2014, consulté le 24 février 2018 ; Berliner Mieterverein (Association des locataires berlinoise) : Schwarzbuch Privatisierung (Livre noir des privatisations), Berlin 2006.

88 Fitschens Neuanfang (Le nouveau départ de Fitschen), Handelsblatt 11 mai 2018.

89 Vonovia steigt bei Deutsche Wohnen aus (Vonovia se retire du capital de Deutsche Wohnen), Frankfurter Allgemeine Zeitung 2 février 2019.

90 https://www.leg-wohnen.de/aktionaersstruktur/, consulté le 8 février 2018.

91 Vonovia scheitert in zweiter Instanz vor Bremer Gericht (Vonovia échoue en appel devant une juridiction à Brême), quotidien régional Weserkurier 22 mars 2018.

92 Vonovias Profit mit Nebenkosten. Die Miet-Gewinnmaschine (Le bénéfice de Vonovia à travers les charges locatives. La machine à gagner de l’argent), Der Spiegel 19 novemre 2018.

93 Erkaltete Liebe (Amour refroidi), Handelsblatt 19 février 2018.

94 Vonovia will Mietsteigerungen kappen (Vonovia veut mettre fin aux augmentations de loyers), Handelsblatt 7 décembre 2018.

95 Vonovia steigt in Schweden ein (Vonovia fait son entrée en Suède), Handelsblatt 4 mai 2018.

96 Expansion im Ausland (Expansion à l’étranger), Handelsblatt 9 mai 2018.

97 Michael Stollt / Erwin Wolters : Arbeitnehmerbeteiligung in der Europäischen Aktiengesellschaft (SE) (Participation des salariés au sein de la Société européenne – SE), Düsseldorf 2012, p. 22.

98 Werner Rügemer : Der deutsche Staat als Privatunternehmer (L’État allemand en tant qu’entreprise privée), Hintergrund n° 3/2015, p. 68.

99 Question parlementaire intitulée : Kenntnis der Bundesregierung über die Arbeitsbedingungen bei der Deutsche Post AG (Connaissance du gouvernement fédéral en ce qui concerne les conditions de travail chez Deutsche Post Société anonyme), Bundestagsdrucksache (publication du parlement fédérale) n°18/3796, 21 janvier 2015.

100 Werner Rügemer : Der deutsche Staat als Privatunternehmer (L’État allemand en tant qu’entrepreneur privé), op.cit., pages 69 et suivantes.

101 Werner Rügemer : Europa im Visier der Supermacht USA (L’Europe dans la ligne de mire de la super-puissance USA), https://www.nachdenkseiten.de/ ?p=25959.

102 Hannes Hofbauer : Experiment Kosovo. Die Rückkehr des Kolonialismus (Expérimentation au Kosovo. Le retour du colonialisme). Vienne/Autriche 2008.

103 Jörg Becker/Mira Beham : Operation Balkan – Werbung für Krieg und Tod (Opération Balkans – publicité pour la guerre et la mort), Baden-Baden 2008.

104 EUGH : Hohe Kriminalität, Korruption, ineffiziente Justiz (CJUE : délinquance élevée, corruption, Justice inefficace), Frankfurter Allgemeine Zeitung 31 octobre 2012.

105 BlackRock, l’institution financière la plus puissante au monde, patron du CAC 40, sur www.agoravox.fr/actualites/economie/article/blackrock-institution-financiere-1895781.

106 Werner Rügemer : Gefährliche Großmachtpolitik (Politique de grande puissance dangereuse), junge Welt 29 décembre 2015.

107 Michel Pincon / Monique Pincon-Charlot : La Violence des Riches, Paris 2013, pages 96/97, 106/107.

108 Engie et ses très chers actionnaires, Le Parisien 18 mai 2018 ; www.zonebourse.com 4 juillet 2018.

109 www.4-traders.com, consulté le 26 mars 2018.

110 Article publié sur Agoravox, précité, p. 2.

111 Le gratin de la finance mondiale à l’Élysée : Macron, president des patrons !, sur www. europe1.fr/ 26 octobre 2017.

112 « Größter Trickbetrüger der Weltgeschichte » (« Le plus grand escroc de l’histoire mondiale »), Die Welt kompakt 26 avril 2018.

113 Vermögensverwalter Blackrock drängt auf europäische Bankenunion (Le gestionnaire de patrimoine BlackRock pousse à l’union bancaire européenne), Spiegel online 19 avril 2018 ; Blackrock et Citigroup veulent se développer à Paris, Les Echos 10 juillet 2018.

114 Alex Brummer : Britain for Sale. British Companies in foreign hands, Londres 2012, pages 138 et suivantes, 178 et suivantes.

115 Voir Simon Jenkins : Thatcher & Sons, Londres/New York 2007.

116 La montée en force de BlackRock en Suisse, Le Temps (quotidien de Lausanne) 22 août 2016.

117 Neue Zürcher Zeitung 21 août 2015.

118 Le fonds de l’AVS confie davantage à BlackRock qu’aux grandes banques, Le Temps 16 juin 2016.

119 Auf Shoppingtour (En tournée de shopping), Süddeutsche Zeitung 8 juillet 2015.

120 Rome’s ruling elite pivots towards Beijing, Financial Times 9 mars 2019.

121 These 3 firms own corporate America, http://theconversation.com 10 mai 2017.

122 Berkshire Hathaway Inc. : http://money.cnn.com, consulté le 12 juillet 2018.

123 Toutes les données issues de www.blackrock.com

124 Georgina Murray/John Scott : Financial Elites and Transnational Business, Cheltenham/ Northampton 2012, p. 32.

125 Barbara Novick : Remarks at OECD Discussion on Common Ownership by Institutional Investors, Paris 6 décembre 2017, http://www.oecd.org/daf/competition/commonownership-and-its-impact-on-competition.htm

126 www.monopolkommission.de/images/HG21/HGXXI_Gesamt.pdf, p. 228.

127 « Unternehmen müssen mehr tun » (« Les entreprises doivent faire plus »), entretien avec Larry Fink, Handelsblatt 18 avril 2019.

128 Das Ausland setzt auf den DAX (L’étranger mise sur le DAX), Handelsblatt 26 avril 2018.

129 Blackrock. Der Zauberer von Oz (BlackRock. Le sorcier d’Oz), Wirtschaftswoche 29 mars 2018, p. 24.

130 https://www.blackrock.com.corporate/responsability/human-capital, consulté le 19 mars 2018.

131 Mehr verdienen als der Chef (Gagner plus que le patron), Handelsblatt 19 mars 2018.

132 Wem gehört das Wasser ? (A qui appartient l’eau ?), ARD – die story 25 mars 2015.

133 Amazon Watch : Complicity in Destruction. Washington D.C. septembre 2018, p. 21.

134 Rügemer / Wigand : Die Fertigmacher (Les acheveurs), op.cit., p. 65/66.

135 Amnesty International : The Dark Side of Migration. Spotlight on Qatar’s Construction Sector Ahead of the World Cup. Londres 2013 ; 1,8 Millionen « moderne Sklaven » bauen die WM-Stadien in Katar (1,8 million d’« esclaves modernes » construisent les stades de la coupe du monde au Qatar), communiqué de presse de la Confédération syndicale internationale (CSI, ou IGB en allemand) et de la Confédération des syndicats allemande DGB 18 décembre 2018 ; Glenn Jäger : In den Sand gesetzt. Katar, die Fifa und die Fußball-WM 2022 (Planté dans le sable. Qatar, la FIFA et la coup du monde de football 2022), Cologne 2018, pages 100 et suivantes.

136 Implant Files : Schweigsamer Riese (Implant Files : Le géant silencieux), Süddeutsche Zeitung 26 novembre 2018 ; Faulty pacemaker raises concerns over medical device testing, The Guardian 25 novembre 2018.

137 International Campaign to Abolish Nuclear Weapons (ICAN, Campagne Internationale pour Abolir les Armes Nucléaires) et PAX : Don’t Bank the Bomb. A Global Report on the Financing of Nuclear Weapons, 2018, pages 66/67.

138 Sofian Philip Naceur : Die Rüstungsrepublik (La République de l’armement), junge Welt 4 mai 2018.

139 Rheinmetall träumt vom militärischen « Super-Zyklus » (« Rheinmetall rêve du ‹super-cycle› militaire »), Die Welt 29 novembre 2018.

140 ARD/die story 15 janvier 2018.

141 Where Do All The Assault Rifles Come From ?, https://priceonomics.com, consulté le 10 mai 2018.

142 Programme ohne Fantasie (Des programmes sans imagination), Handelsblatt 28 mai 2018.

143 Höttges’ größter Coup (Le plus grand coup de Höttges), Handelsblatt 30 avril 2018.

144 Die neue Macht der Fondsgesellschaften (Le nouveau pouvoir des sociétés gestionnaires de fonds), Frankfurter Allgemeine Zeitung 30 juillet 2016.

145 Schwaches Wachstum, lasche Behörden : Finanzriese Blackrock warnt vor Risiken in Europa (Croissance faible, autorités laxistes : Le géant financier BlackRock alerte contre les risques en Europe), entretien avec le vice-président de BlackRock, Philipp Hildebrand, SPON 23 novembre 2015.

146 Blackrock-Vize Hildebrand attackiert Europas Bankenlobby und nationale Aufsichtsbehörden (Le numéro deux de BlackRock, Hildebrand, attaque le lobby bancaire d’Europe et les autorités de régulation nationales), Der Spiegel 25/2018, page 56.

147 Moritz Honert : Warum der Einfluss der globalen Geldverwalter gefährlich ist (Pourquoi l’influence des gestionnaires d’argent mondiaux est dangereuse), Der Tagesspiegel 5 mai 2018.

148 US-Finanzminister Geithner bei Schäuble. Heimgesucht auf Sylt (Le ministre étatsunien des Finances Geithner chez Schäuble. Hanté sur l’île de Sylt), SPON 30 juillet 2012.

149 Adam Tooze : Crashed. Wie zehn Jahre Finanzkrise die Welt verändert haben (Après le krach. Comment dix années de crise financière ont changé le monde), Munich 2018, pages 514 et suivantes et page 619.

150 Buchter op.cit., pages 72 et suivantes.

151 Draghi holt den « König der Wall Street » als Berater zur EZB (Mario Draghi recrute le « roi de Wall Street » comme conseiller à la BCE), Deutsche Wirtschaftsnachrichten 27 août 2014.

152 Paulo Pena/Harald Schumann : Achtung, Rentenfresser (Attention, mangeur de retraites), hebdomadaire allemand Der Freitag 26/2018.

153 BlackRock – wer wir sind und was wir tun (BlackRock – qui nous sommes et ce que nous faisons), https://www.blackrock.com/de/privatanleger/ueber-blackrock/letter, consulté le 27 novembre 2018.

Les Capitalistes du XXIème siècle

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