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IV

Table des matières

L’ARCHITECTURE ROMAINE

A chacune des deux grandes périodes de l’époque romaine correspond une architecture d’un caractère particulier, qui résulte d’ordres d’idées différents, d’influences diverses et surtout de l’emploi de matériaux qui ne sont pas les mêmes.

Dans la période républicaine une double influence se manifeste, celle de l’Étrurie et de la Grèce dont l’architecte romain ne copie alors ni les moyens de construction, ni l’art décoratif, mais dont il s’inspire pour créer, en définitive, des monuments d’un caractère national, réalisés à l’aide de la pierre. Il emploie cette matière pour les murs et les voûtes en berceau ou d’arête, se sert du mode d’appareil logiquement et avec un souci d’économie, fort instructif, qu’on retrouve au moyen âge. Dans les temples élevés au premier âge romain, les ordres grecs sont franchement adoptés avec toutes leurs conséquences, leur structure et leur caractère décoratif, mais pour d’autres édifices, la plate-bande est abandonnée et remplacée franchement par l’arc, avec une sobre mouluration rappelant la beauté des détails grecs. A cet égard, la porte de Pérouse (voir fig. 9) est un exemple frappant de l’originalité de cette période; la beauté en est simple et sévère, tandis que dans certains édicules et notamment dans les tombeaux, la richesse s’affirme avec un sentiment particulier de la décoration et de la sculpture. Ce caractère se retrouve lors de la période impériale, qui cependant était entrée dans une voie toute différente en ce qui concerne la conception, la construction et la décoration des grands édifices.

Fig. 9. — Porte de Pérouse.


En effet, sous l’empire romain, le mode de construire se transforme complètement et le principe d’appareil est abandonné, pour faire place à celui des blocages enfermés dans des armatures de briques. Ce système, en usage pour les murs, s’étend aux voûtes en berceau ou d’arête, et aux coupoles élevées sur plan circulaire. Dans ces ouvrages, généralement de grande portée, et dont l’inspiration était due à l’influence de la Perse, le romain ne suit cependant pas l’usage établi par ses devanciers et d’après lequel ces voûtes étaient constituées sans le secours de cintres.

Toutefois, il ne les supprimait pas complètement et il avait recours à un moyen terme; l’emploi des cintrages en charpente de bois se réduisait à des pièces d’équarissage restreint, car elles ne devaient donner que la résistance nécessaire à la construction d’une première voûte relativement légère, destinée, suivant une seconde opération, à supporter une autre voûte plus épaisse, terminant l’ouvrage.

Fig. 10. — Plan du Panthéon de Rome.


Dans cette combinaison, les blocages inférieurs et supérieurs étaient indépendants, mais les armatures en briques étaient solidaires entre elles et formaient des compartiments qui ont donné lieu à l’effet décoratif si puissant des caissons apparaissant à la partie inférieure de la première voûte. Cette disposition et ces moyens d’exécution furent adoptés pour les coupoles des Thermes et tout particulièrement au Panthéon de Rome, attribué plus ou moins sûrement à Agrippa (voir le plan fig. 10). — La figure 11 présente une coupe faite sur deux axes différents de cette admirable coupole recouvrant une rotonde de 40 métrés de portée qui n’est éclairée qu’à son sommet, par une ouverture de 7 mètres de diamètre, restée à ciel ouvert depuis l’origine de l’édifice (voir vue intérieure actuelle fig. 12).

Fig. 11. — Panthéon de Rome.

(Coupe).


Dans cette construction de murs et de voûtes fondée sur le principe de concrétion que donne la liaison des mortiers et de la brique, le romain avait réalisé un mode de structure sinon nouveau, du moins singulièrement perfectionné et qui donnait toutes les garanties du monolithe. La rupture de ce bloc était évitée par une combinaison (indiquée par le plan et la coupe) qui avait permis de réduire la masse des éléments verticaux, grâce à un système d’évidement des murs, admirablement raisonné. L’exécution parfaite de cette conception si rationnelle a assuré une durée indéfinie à cette coupole qui, debout depuis tant de siècles, n’a subi aucun désordre. Certes, voilà un édifice qui est une véritable œuvre d’architecture et cependant, l’expression de son admirable conception architectonique n’est pas architecturalement affirmée à l’extérieur. Au dedans, les caissons seuls de la coupole sont en concordance avec l’ossature constitutive; au dehors un immense portique à fronton disposé comme celui d’un temple, cache, sur la face principale, la forme générale de la rotonde ainsi que les éléments de sa structure.

Le romain, comme le prouve cet exemple et comme on peut le constater d’ailleurs dans presque toutes ses œuvres, n’avait donc pas la même compréhension logique et pratique de l’art que ses prédécesseurs. En tout cas, il n’a pas cherché à réunir, dans ces édifices, pour les faire concourir à une expression sincère, les éléments de la construction et de la décoration; voulant d’ailleurs, avant tout, affirmer sa puissance par la richesse et le faste des monuments, il empruntait leur décor aux ordres grecs. De ce fait, il entraînait l’architecture dans une voie fatalement contraire à son principe; et en outre il faisait plier à des nécessités de construction les lignes pures et rationnelles des ordres en les dénaturant. C’est à cette erreur de principe qu’est due celle des architectes de la Renaissance, qui l’aggravèrent, comme nous le verrons plus loin.

Fig. 12. — Intérieur du Panthéon de Rome.


Fig. 13. — Arcs romains.


Toujours est-il, que l’arc romain qui intervient comme une nécessité de construction est englobé dans une ordonnance de portique grec (voy. fig. 13) et surmonté d’une plate-bande qui est une superfétation. Cette plate-bande constitue, en effet, avec l’arc un double emploi de formes qui se contredisent, alors que dans une véritable composition d’architecture chacune doit rester indépendante, selon sa fonction.

Fig. 14 — Motif d’ordre romain imité du grec.


Cependant les ordres s’appliquent partout, jusque sur les arcs de triomphe (voir fig. 14) et même sont superposés par étages, comme au théâtre de Marcellus. Les imitateurs de cette singulière façon de comprendre l’art ont cherché de nos jours à la justifier; mais leurs explications sont puériles. Ils attribuent, par exemple, à la colonne engagée qui porte la plate-bande établie au-dessus de l’arc, une fonction de contrefort qui est absolument superflue; quant aux plates-bandes et aux entablements qu’elles supportent, ces saillies constitueraient d’après eux un moyen de consolidation dans le sens horizontal; mais les maçonneries romaines n’avaient nul besoin d’un tel secours. Donc rien ne peut expliquer ce vêtement au point de vue de la solidité, on ne peut y voir qu’un décor qui est la négation du bon sens en architecture, ainsi qu’une cause de double emploi de matière et de main-d’œuvre contraire à la plus élémentaire économie. Que les Romains, bâtissant avec des milliers de bras qui ne leur coûtaient rien, aient voulu faire montre d’un luxe aussi désordonné, passe encore, mais qu’à notre époque on prétende continuer à servir les intérêts de l’art par les mêmes procédés, c’est inadmissible. Quand les partisans impénitents de l’École de Rome se décideront-ils à voir ce qui se passe autour d’eux, — à se rendre compte qu’il est aujourd’hui d’autres moyens que ceux en honneur à la villa Médicis pour former des architectes? Si encore on se bornait à envisager les édifices romains selon leur véritable signification, on y trouverait des indications précieuses que jusqu’ici on a semblé laisser de côté.

Qu’on les considère au point de vue pratique, dans leurs moyens de construction applicables aux édifices à grande portée, dans leurs préoccupations de conduire les eaux et de chauffer les bâtiments, certes alors on y rencontrera, non pas des exemples à suivre, mais des solutions utiles à méditer et de nature à nous guider dans l’utilisation des ressources actuelles, bien plus puissantes encore que celles des Romains en tant que constructions monolithes. Sans doute il restera toujours la question de trouver le mode de décoration qui doit convenir à d’autres matériaux que la pierre, mais précisément c’est là un des problèmes les plus stimulants et qu’on doit pouvoir résoudre sans imiter ce qu’ont fait les Romains en pareil cas.

Notre époque serait-elle impuissante à cet égard? Ne le laissons pas croire sans avoir tenté l’effort qui s’impose.

L'architecture : le passé, le présent

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