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UNE RÉAPPARITION A L'OPÉRA

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Parisis était à l'Opéra avec ses amis, Miravault et Monjoyeux. On jouait le Prophète. On écoutait religieusement le ballet des Patineurs.

Miravault, qui vivait à la minute, regardait sans cesse à sa montre; Monjoyeux jetait çà et là une saillie; Parisis ne regardait pas l'heure et n'écoutait pas les beaux mots. Il avait vu apparaître, dans une loge de galerie, la jeune fille qu'il avait rencontrée au bois de Boulogne.

C'était bien elle, c'était la même beauté, hautaine et décidée, que tempéraient la grâce innée et la douceur du sourire. C'était bien ce même profil idéalement sculpté, c'était la même chevelure abondante, retenue dans sa révolte, blonde comme les gerbes mûres. Elle était ce soir-là plus belle encore: ses bras admirablement modelés, ses épaules de marbre, son cou ferme et ondoyant à la fois, sa main qui agitait l'éventail avec la simplicité du haut style, achevaient de séduire Octave. «Voyez donc là-bas, dit-il à ses amis.—Eh bien! dit Miravault, c'est la marquise de Fontaneilles, la duchesse d'Hauteroche et une jeune fille que je ne connais pas. Mais tu n'as pas le temps de t'attarder à ces curiosités-là: vois donc l'heure qu'il est. Tu sais bien qu'on nous attend chez M. Million.»

Octave devait emprunter cent mille francs pour une dette de Courses.

Il se tourna vers Monjoyeux: «Puisque vous restez dans ma loge, il faut que vous me sachiez le nom de cette belle créature. J'espère revenir d'ailleurs avant la fin du spectacle.—Allons! allons! dit Miravault, te voilà encore avec ta soif de conquêtes. Il n'y a rien à faire par là, mon cher; tu sais bien que la marquise est toute à Dieu, que la princesse est une ambitieuse qui veut mettre un écu d'or de plus sur son blason. Quant à ce qui est de la jeune fille, qui me semble ce soir faire son entrée à l'Opéra, tu dois bien juger au premier coup d'oeil qu'elle est aussi imprenable que le quadrilatère rhénan. Tout ce que tu pourras faire, ce sera de passer à côté. Viens vite, M. Million n'attend pas.»

Octave serra la main de Monjoyeux. «Vous me direz le nom de cette jeune fille.»

Il était bien loin de penser que dans la même loge il voyait du même coup trois cartes de son dernier jeu: la Dame de Carreau, la Dame de Trèfle et la Dame de Coeur.

Si l'homme était toujours dans la coulisse, prendrait-il grand intérêt au spectacle?

Octave donc avait prié Monjoyeux du savoir le nom de la jeune fille qui était avec la marquise de Fontaneilles dans la loge de Mme d'Hauteroche. Mais elles étaient parties à la fin du quatrième acte. «Ça n'est pas de ma faute, dit Monjoyeux à Parisis, quand il reparut vers la fin du spectacle: j'ai fait tout au monde pour les retenir; j'ai dit à l'ouvreuse qu'un duc, un vrai duc, un comte des croisades, demandait à être présenté à la marquise de Fontaneilles.—Est-ce que vous avez dit mon nom?—Non.—Mais vous ne me dites pas le nom de la jeune fille.

—Elle s'appelle Geneviève.—Geneviève de quoi!—Ah! je me suis arrêté au baptême.»

Octave était furieux. «Geneviève! reprit-il, je connais ce nom-là.

Ah! pardieu, c'est le nom de ma cousine; mais celle-là est une vraie

Parisienne, tandis que ma cousine est une provinciale. Il faudra

pourtant que j'aille voir Mlle de La Chastaigneraye.»

Octave tarda d'un jour; le lendemain, quand il se présenta au petit hôtel de sa tante, elle était partie.

En rentrant chez lui, il trouva parmi ses lettres du matin ce billet qu'il n'avait pas lu:

Je pars très mécontente, monsieur mon neveu. J'ai tenté deux fois de vous trouver pour vous dire adieu. Mais monsieur le duc ne recevait pas. Je ne vous pardonnerai que si vous me faites la grâce de venir à Champauvert. Puisque vous avez peur de votre cousine, je vous promets que vous ne la rencontrerez pas. Elle a, d'ailleurs, le plus grand désir de ne jamais vous voir.

Sur ce, monsieur le Duc, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte et digne garde.

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