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OBSERVATIONS
SUR LES IDÉES GÉNÉRALES
CONCERNANT LA VIE ET LA MORT 14

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Vos observations sur les causes de la mort, et les moyens que vous proposez pour rappeler à la vie les personnes qui paraissent avoir été tuées par le tonnerre, prouvent également votre sagacité et votre humanité. Il paroît que les idées qu'on a sur la vie et sur la mort, sont en général peu exactes.

Un crapaud enseveli dans du sable, vit, dit-on, jusqu'au moment où ce sable se pétrifie; et alors l'animal étant renfermé dans une pierre, peut vivre encore pendant une longue suite de siècles. Les faits cités à l'appui de cette opinion, sont trop nombreux, et trop bien circonstanciés pour ne pas mériter un certain degré de créance.

Accoutumés à voir manger et boire tous les animaux qui nous sont familiers, nous avons de la peine à concevoir comment un crapaud peut exister dans une pareille prison. Mais si nous réfléchissons que, dans leur état ordinaire, les animaux n'éprouvent la nécessité de prendre de la nourriture, que parce que la transpiration leur fait perdre continuellement une partie de leur substance, il nous paroîtra moins impossible que ceux qui sont dans l'engourdissement, transpirant moins, parce qu'ils ne font point d'exercice, aient moins besoin d'alimens; et que d'autres, tels que les tortues de terre et de mer, les serpens, et quelques espèces de poisson, qu'on voit couverts d'écailles ou de coquilles, qui arrêtent la transpiration, puissent exister un temps considérable, sans prendre aucune espèce de nourriture.

Une plante, chargée de fleurs, se fane et meurt presqu'aussitôt qu'elle est exposée à l'air, si sa racine n'est point dans un sol humide, où elle pompe une assez grande quantité de substance pour remplacer celle qui s'exhale, et que l'air emporte continuellement. Mais, peut-être, que si elle étoit enveloppée de vif-argent, elle pourroit, pendant un très-long espace de temps, conserver sa vie végétale, son parfum et sa couleur. Alors, cette méthode seroit très-commode pour transporter, des climats lointains, ces plantes délicates, qui ne peuvent supporter l'air de la mer, et qui exigent un soin et des ménagemens particuliers.

J'ai vu un exemple de mouches communes, conservées d'une manière qui a quelque rapport avec celle-là. Elles avoient été noyées dans du vin de Madère, au moment où l'on l'avoit mis en bouteilles, en Virginie, pour l'envoyer à Londres. Lorsqu'on le déboucha, dans la maison d'un de mes amis, chez qui j'étois alors, il tomba trois mouches dans le premier verre qu'on remplit. Comme j'avois entendu dire que des mouches noyées pouvoient être rappelées à la vie, quand on les exposoit aux rayons du soleil, je proposai d'en faire l'expérience sur celles-là. En conséquence, on les mit au soleil, sur un petit tamis, qui avoir servi à passer le vin dans lequel elles étoient.

En moins de trois heures, deux de ces mouches commencèrent à recouvrer la vie par degrés. Elles eurent d'abord quelques mouvemens convulsifs dans les jambes; puis elles se levèrent, frottèrent leurs yeux avec leurs pieds de devant, battirent leurs ailes avec ceux de derrière, et bientôt après, commencèrent à voler, se trouvant dans la vieille Angleterre, sans savoir comment elles y étoient venues, La troisième ne donna aucun signe de vie jusqu'au coucher du soleil, et comme on n'avoit plus aucun espoir de la voir ressusciter, on la jeta.

Je désirerois que, d'après cet exemple, il fût possible d'inventer une méthode d'embaumer les noyés de manière à pouvoir les rappeler à la vie, à une époque très-éloignée, et comme je désire ardemment de voir quel sera l'état de l'Amérique dans cent ans d'ici, au lieu d'attendre une mort ordinaire, je me plongerois dans un tonneau de vin de Madère, avec un petit nombre d'amis, pour être, au bout d'un siècle, rappelé à la vie par le doux soleil de ma chère patrie.

Mais puisque très-probablement nous vivons dans un temps où les sciences sont encore trop dans l'enfance, pour voir un tel art porté à sa perfection, il faut que je me contente du plaisir, que vous me promettez, de voir ressusciter un poulet ou un coq d'Inde.

Vie de Benjamin Franklin, écrite par lui-même – Tome II

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