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V.

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Table des matières

A travers les soupirs les plaintes et le râle

Poursuivons jusqu'au bout la funèbre spirale

De ses détours maudits.

Notre guide n'est pas Virgile le poëte,

La Béatrix vers nous ne penche pas la tête

Du fond du paradis.

Pour guide nous avons une vierge au teint pâle

Qui jamais ne reçut le baiser d'or du hâle

Des lèvres du soleil.

Sa joue est sans couleur et sa bouche bleuâtre,

Le bouton de sa gorge est blanc comme l'albâtre

Au lieu d'être vermeil.

Un souffle fait plier sa taille délicate,

Ses bras, plus transparents que le jaspe ou l'agate,

Pendent languissamment;

Sa main laisse échapper une fleur qui se fane,

Et, ployée à son dos, son aile diaphane

Reste sans mouvement.

Plus sombres que la nuit, plus fixes que la pierre,

Sous leur sourcil d'ébène et leur longue paupière

Luisent ses deux grands yeux,

Comme l'eau du Léthé qui va muette et noire,

Ses cheveux débordés baignent sa chair d'ivoire

A flots silencieux.

Des feuilles de ciguë avec des violettes

Se mêlent sur son front aux blanches bandelettes,

Chaste et simple ornement;

Quant au reste, elle est nue, et l'on rit et l'on tremble

En la voyant venir; car elle a tout ensemble

L'air sinistre et charmant.

Quoiqu'elle ait mis le pied dans tous les lits du monde

Sous sa blanche couronne elle reste inféconde

Depuis l'éternité.

L'ardent baiser s'éteint sur la lèvre fatale

Et personne n'a pu cueillir la rose pâle

De sa virginité.

C'est par elle qu'on pleure et qu'on se désespère:

C'est elle qui ravit au giron de la mère

Son doux et cher souci;

C'est elle qui s'en va se coucher, la jalouse,

Entre les deux amants, et qui veut qu'on l'épouse

A son tour elle aussi.

Elle est amère et douce, elle est méchante et bonne;

Sur chaque front illustre elle met la couronne

Sans peur ni passion.

Amère aux gens heureux et douce aux misérables,

C'est la seule qui donne aux grands inconsolables

Leur consolation.

Elle prête des lits à ceux qui, sur le monde,

Comme le Juif errant, font nuit et jour leur ronde

Et n'ont jamais dormi.

A tous les parias elle ouvre son auberge,

Et reçoit aussi bien la Phryné que la vierge,

L'ennemi que l'ami.

Sur les pas de ce guide au visage impassible,

Nous marchons en suivant la spirale terrible

Vers le but inconnu,

Par un enfer vivant sans caverne ni gouffre,

Sans bitume enflammé, sans mers aux flots de soufre,

Sans Belzébuth cornu.

Voici contre un carreau comme un reflet de lampe

Avec l'ombre d'un homme. Allons, montons la rampe,

Approchons et voyons.

Ah! c'est toi, docteur Faust! Dans la même posture

Du sorcier de Rembrandt sur la noire peinture

Aux flamboyants rayons.

Quoi! tu n'as pas brisé tes fioles d'alchimiste,

Et tu penches toujours ton grand front chauve et triste

Sur quelque manuscrit!

Dans ton livre, aux lueurs de ce soleil mystique,

Quoi! tu cherches encor le mot cabalistique

Qui fait venir l'Esprit.

Eh bien! Scientia, ta maîtresse adorée

A tes chastes désirs s'est-elle enfin livrée?

Ou, comme au premier jour,

N'en es-tu qu'à baiser sa robe ou sa pantoufle,

Ta poitrine asthmatique a-t-elle encor du souffle

Pour un soupir d'amour?

Quel sable, quel corail a ramené ta sonde?

As-tu touché le fond des sagesses du monde?

En puisant à ton puits,

Nous as-tu dans ton seau fait monter toute nue

La blanche Vérité jusqu'ici méconnue?

Arbre, où sont donc tes fruits?

La Comédie de la mort

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