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ACTE PREMIER
SCENE IX

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LES MEMES, STROGOFF.

(Michel Strogoff entre, et reste immobile, militairement. Le gouverneur l'observe un moment sans parler.)

LE GOUVERNEUR.

Tu te nommes Michel Strogoff?

STROGOFF.

Oui, Excellence.

LE GOUVERNEUR.

Ton grade?

STROGOFF.

Capitaine au corps des courriers du czar.

LE GOUVERNEUR.

Tu connais la Sibérie?

STROGOFF

Je suis né à Kolyvan.

LE GOUVERNEUR.

As-tu encore des parents dans cette ville?

STROGOFF.

Oui… ma mère!

LE GOUVERNEUR.

Tu ne l'as pas vue depuis?..

STROGOFF. Depuis deux ans!.. mais je viens d'obtenir un congé pour aller la revoir, et je vais partir.

LE GOUVERNEUR.

Il n'est plus question de congé! Il n'est plus question de ta mère! Je vais te remettre une lettre que je te charge, toi,

Michel Strogoff, de porter au Grand-Duc, frère du czar.

STROGOFF.

Je porterai cette lettre.

LE GOUVERNEUR.

Le Grand-Duc est à Irkoutsk.

STROGOFF.

J'irai à Irkoutsk.

LE GOUVERNEUR. Mais, tu ignores que le pays est envahi par les Tartares, qui auront intérêt à intercepter ta lettre, et il faudra traverser ce pays!

STROGOFF.

Je le traverserai.

LE GOUVERNEUR.

Passeras-tu par Kolyvan?

STROGOFF.

Oui, puisque c'est la route la plus directe.

LE GOUVERNEUR.

Mais, si tu vois ta mère, tu risques d'être reconnu!

STROGOFF.

Je ne la verrai pas.

LE GOUVERNEUR. Tu seras pourvu d'argent et muni d'un passeport au nom de Nicolas Korpanoff, marchand sibérien. Ce passeport te permettra de requérir les chevaux de poste. Il autorisera, en outre, Nicolas Korpanoff à se faire accompagner, s'il le juge à propos, d'une ou plusieurs personnes, et il sera respecté même dans le cas où tout gouverneur ou maitre de police prétendrait entraver ton passage. Tu voyageras donc sous le nom de Korpanoff.

STROGOFF.

Oui, Excellence.

LE GOUVERNEUR. Voici cette lettre de laquelle dépend, avec la vie du Grand-Duc, le salut de toute la Sibérie!

STROGOFF.

Elle sera remise à Son Altesse.

LE GOUVERNEUR. Il se peut que dans quelque circonstance grave, désespérée, tu sois contraint de l'anéantir!.. Il faut donc que tu saches ce qu'elle renferme, afin de pouvoir le redire au Grand-Duc, si tu arrives jusqu'à lui.

STROGOFF.

J'écoute.

LE GOUVERNEUR, lisant la lettre. Le colonel Ivan Ogareff s'est enfui de la forteresse de Polstock. Il veut pénétrer dans Irkoutsk, et livrer la ville aux Tartares. Il importe donc de se défier de ce traître. Si, comme nous l'espérons, ce message arrive en temps utile à Son Altesse, le Grand-Duc est prévenu qu'une armée de secours sera en vue d'Irkoutsk, le 24 septembre, et qu'une sortie générale, exécutée ce jour-là, écrasera les ennemis entre deux feux… (Il referme la lettre. A Strogoff.) Tu as entendu et tu te souviendras?

STROGOFF.

J'ai entendu et je me souviendrai.

LE GOUVERNEUR.

Tu traverseras les lignes tartares! Tu passeras quand même!

STROGOFF.

Je passerai ou l'on me tuera.

LE GOUVERNEUR.

Le czar a besoin que tu vives!

STROGOFF.

Je vivrai… et je passerai.

LE GOUVERNEUR. Jure-moi que rien ne pourra te faire avouer, ni qui tu es, ni où tu vas!

STROGOFF.

Je le jure.

LE GOUVERNEUR. Pars donc, et quand il s'agira de surmonter les plus grands obstacles, de braver les plus menaçants périls, redis-toi ces paroles sacrées: "Pour Dieu, pour le czar…

STROGOFF.

Pour la patrie!"

Strogoff sort par la droite, après avoir salué militairement.

Alors les portières se relèvent, les invités rentrent dans le salon.

LE GOUVERNEUR. La fête populaire va commencer. Mesdames, prenez place à ce balcon.

(Tous se dirigent vers le balcon.)

Michel Strogoff

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