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CHAPITRE III. — CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR L’ENLÈVEMENT DES TACHES.

Table des matières

Quand une estampe est souillée de taches, surtout aux endroits les plus intéressants, on ne peut se décider à la mettre en portefeuille sans avoir tenté de faire disparaître ou tout au moins d’affaiblir ces teintes étrangères qui la déparent. C’est là, je l’a voue, la partie de cet opuscule la plus difficile à traiter, celle aussi qui laissera le plus à désirer. Mes simples notions de chimie ne pourront suffire à tous les cas, et un jour un homme de l’art très exercé dans l’analyse et la décomposition des corps pourra refaire avec avantage ce chapitre. Je signalerai néanmoins un assez grand nombre de résultats satisfaisants que des expériences répétées avec soin sur des fragments d’épreuves tirées sur papier non encollé ( circonstance la plus défavorable ) m’ont fait obtenir.

La première difficulté consiste à ne pouvoir aisément reconnaître sur-le-champ la nature des taches. Telle tache jaune qui a résisté au lavage et au blanchiment peut être formée par un corps gras ou un oxyde métallique quelconque; il faut donc avoir recours aux hypothèses, aux tâtonnements. Dans cette obligation où l’on se trouve de faire des essais, il serait important de savoir quelle substance chimique doit être employée en premier lieu, afin que, si la tache persiste, cette vaine tentative du moins ne s’oppose pas à celle subséquente d’un autre agent. Il est impossible de fixer à cet égard des règles bien positives, sauf certains cas qui seront mentionnés à leur place. J’essaie indifféremment l’action d’un acide avant celle d’un alcali, et vice versa. Seulement j’ai soin, avant de préluder à une nouvelle expérience, de tremper quelques minutes dans l’eau froide ou chaude l’endroit qui a subi l’action du liquide, afin d’en effacer les traces ou d’en annuler l’effet rétroactif.

Quand une estampe a exigé pour s’éclaircir le secours du chlore ou des liquides dont il forme la base, on conçoit que ces substances ont pu enlever, en même temps que la teinte enfumée, plus d’une tache sur laquelle elles avaient de l’action. On verra aux détails sur chacune de ces taches quelles sont celles qui cèdent à leur emploi.

Ma série d’expériences a surtout eu pour objet les taches les plus communes. Quant à celles que je ne signalerais pas, par oubli, on pourra, par analogie, tenter, dans l’occasion, des essais du même genre, en demandant, ainsi que je l’ai fait, des conseils aux meilleurs livres de chimie modernes.

La première tentative à faire sur une tache dont on ignore l’origine, c’est de tremper pendant quelques heures l’estampe dans l’eau froide; puis, sans la retirer de la bassine, on frotte soit avec le doigt, soit avec une éponge ou un blaireau, à l’endroit de la souillure. Il arrive souvent, surtout quand le papier est formé d’une pâte bien encollée et bien lisse, que la tache, cédant à ce simple frôlement, glisse et disparaît. Quand la tache est épaisse et empâtée, elle est au moins très atténuée. si elle ne s’efface tout à fait. C’est donc en tout cas une première opération indispensable. Mais il faut agir avec beaucoup de légèreté, de peur d’excorier la superficie de la gravure. On favorise quelquefois ce système de détachage, qu’on peut appeler par entraînement (car il n’y a là aucune action chimique), au moyen des matières onctueuses, gluantes, ou agissant par frottement, telles que le savon en gelée, la colle, la mie de pain, la râpure de bois, etc. J’indiquerai à chaque article spécial les taches qui cèdent à ces procédés détersifs Quand l’estampe a resisté à cet essai préliminaire, on a recours à diverses substances que je signalerai.

De la manière d’enlever les taches isolément. — Je vais en quelques lignes indiquer les moyens les plus simples à employer quand il s’agit d’attaquer une tache sans être obligé, pour un seul point à réparer, de soumettre toute la surface de l’estampe à l’action d’un liquide dont l’emploi excessif augmenterait inutilement la dépense. D’ailleurs, s’il devait en résulter une altération ultérieure, il vaut mieux qu’une seule place en coure la chance que l’estampe tout entière .

Mes expériences ont en général été faites en petit; aussi je ménageais peu la matière. Je déposais dans une fiole de verre arrondie, nommée matras, de petits échantillons d’épreuve, opérant en plein liquide à froid ou à chaud; l’effet était prompt et n’offrait aucune difficulté manipulative. Mais quand on procède en grand, les obstacles se présentent: il faut s’exercer à les vaincre.

Une tache qui souille un des coins de l’estampe n’offre aucun embarras; on maintient cette partie d’une manière quelconque au fond d’une soucoupe ou d’une assiette, et l’on verse le liquide froid ou chaud qui doit agir. Mais, si la tache est isolée au milieu d’une grande pièce, à quel expédient avoir recours pour l’attaquer particulièrement?

Si l’on a affaire à un papier fort, résistant, à pâte bien encollée, on peut le plisser à la manière des papiers à filtre, ayant soin que la partie tachée forme le fond de cette espèce de cône renversé. Ainsi façonnée, la gravure se place dans un entonnoir de verre. On maintient à la main ou autrement la partie qui dépasse, puis on verse doucement au fond du creux le liquide nécessaire. Mais, si le papier n’était pas dans les conditions ci-dessus, le poids du liquide emporterait le fond, à moins peut-être qu’on ne lui ait donné un morceau de toile pour soutien. Si le liquide n’a pas disparu en s’infiltrant à travers les pores du papier, on le retirera en aspirant avec une pipette ou tube de verre effilé et formant vers le milieu un renflement où se loge le liquide aspiré.

Je conseille encore l’usage d’un large godet de porcelaine, tel qu’on en fabrique pour l’aquarelle, ayant une pente inclinée de la circonférence au centre. La portion tachée de l’estampe s’appliquerait, à l’état humide, sur ce fond concave, de manière à en prendre la forme; on assujettirait d’une manière quelconque le papier qui déborde. Le liquide n’agissant qu’au centre où serait le point à détacher, son emploi serait ainsi plus restreint.

Quand l’agent employé produit son effet sur-le-champ, on peut l’appliquer sur la tache au moyen d’un fragment d’épongé , d’un pinceau de plume, ou, en certains cas, d’une mèche d’amiante qui en est imbibée.

On peut encore façonner au moyen de plomb laminé de petites caisses étroites et plus ou moins profondes. On les remplit de liquide et l’on y plonge la portion malade, après avoir ajusté l’estampe d’une manière convenable.

Enfin, si tous les procédés ci-dessus ne pouvaient être mis en usage, il faudrait prendre le parti d’étendre toute l’estampe au fond d’une bassine (avec un papier de soutien). Pour économiser le liquide, voici ce qu’on ferait: on appliquerait sur l’estampe une forte toile percée à l’endroit de la tache à enlever; puis on remplirait la bassine, hors à l’endroit troué, d’une poignée de petits cailloux siliceux ou de fragments de cristal, de porcelaine, ou de toute autre matière très divisée et non susceptible de décomposition, puis on verserait le liquide dans l’espèce de petite cuve menagée à l’endroit taché. L’action chimique terminée, on enlèverait, en même temps que la toile, la plus grande partie de ces matériaux de remplissage. On comprend aisément l’économie qu’offre un tel procédé, quand il s’agit d’une substance assez chère, de l’éther par exemple .

Tout ce que je viens de dire s’applique également aux cas de blanchiment partiel et de décoloriage sur des points isolés.

Dans toutes ces opérations pratiquées sur un seul point, l’action de la substance chimique, dépassant toujours la limite des taches, laisse tout à l’entour des traces blanches qui forment avec le reste du papier un contraste désagréable. On les raccordera avec la teinte générale comme je l’ai dit page 15.

Essai sur la restauration des anciennes estampes et des livres rares

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