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5 - Capture

Les soldats irakiens firent cercle autour de l’équipage.

Les hommes à bord de l'autre hélico au-dessus d'eux voyaient ce qui se passait mais ils étaient à court de carburant et de munitions. Ils prirent la décision de ne pas intervenir et s'envolèrent pour la base pour monter une opération de sauvetage.

Les Irakiens hurlaient et dirigèrent l'équipage sans ménagement vers un grand bâtiment. Ils mirent les blessés à bord d'un véhicule. Puis ils se mirent à rouer les soldats de coups pour qu'ils avancent. Sarge frappa violemment l'un de ses ravisseurs, qui tomba à terre. Les soldats Irakiens se ruèrent sur lui et lui assénèrent de multiples coups de crosse de leurs fusils.

Le sergent irakien en charge cria à ses hommes. « Arrêtez de battre les Américains. C'est le général qui décidera que faire d'eux. »

Le groupe courut à travers la fumée, la poussière et les explosions, en esquivant des chars et des véhicules en feu jusqu'à ce qu'ils atteignirent une grande propriété dominée par une grande maison.

Les Irakiens poussèrent les prisonniers vers un groupe de bâtiments et conduisirent le véhicule transportant les blessés vers une petite infirmerie. Le Caporal Moretti, infirmier, les convainquit qu'il devait rester avec le blessé. Les ravisseurs emmenèrent le reste des prisonniers vers un bâtiment dont les fenêtres étaient munies de barreaux, apparemment une sorte de prison, et les jetèrent sans ménagement dans une grande cellule. Ils y finirent tous, à l’exception de Tess.

Deux soldats s'emparèrent d'elle et la tinrent à l'écart du reste du groupe de captifs. Ses hommes tentèrent de s'y opposer mais furent frappés de coups de crosse et finirent enfermés dans la cellule.

Tess, les mains liées dans le dos, fut emmenée sans ménagement vers un grand bâtiment. Essayant de rester vigilante, Tess remarqua que l'endroit semblait être une ancienne résidence comme l'attestaient les arches en forme d'ogive à l'entrée ainsi que sur les fenêtres des premier et deuxième niveaux.

L'intérieur était spacieux, le mobilier élégant. De grands tapis avaient été roulés contre les murs. Tess supposa qu'ils avaient été mis de côté pour les préserver du chaos à l'extérieur.

Les soldats irakiens jetèrent Tess à travers une énorme porte ouverte. Ils l'avaient poussée si fort qu'elle trébucha. D'instinct, elle regarda autour d'elle pour évaluer les lieux. Elle avait appris ça à l'entraînement de survie. Sache où tu es. Repère le danger. Trouve les issues. Évalue la situation. Elle se trouvait dans une vaste salle, décorée et haute de plafond, qui pourrait se trouver dans un manoir en Europe, la galerie d'ancêtres accrochée au mur en moins. Un haut-gradé de l'armée irakienne était assis à un bureau, rédigeant des notes, stylo en main.

Les soldats jetèrent Tess au sol et semblaient prêts à poursuivre le mauvais traitement.

« Que faites-vous, bande d'idiots ! Arrêtez les brutalités », dit l'officier en arabe. « Laissez la ici et disparaissez ! » Les soldats s'effacèrent obséquieusement et refermèrent la porte derrière eux.

« S'il vous plaît, approchez. »

Tess ne voyait d'autre choix que d'obtempérer. Son instinct aiguisé de soldat lui dit que résister ne ferait qu'empirer les choses.

Elle se releva avec hésitation et s'avança vers le bureau avec autant d'assurance qu'elle était capable de démontrer. L'officier ne la regardait pas, se donnant l'air occupé et signant des documents. Une fois à quelques pas du bureau, il lui signifia de s'arrêter d'un geste du bras, paume vers l'extérieur. Elle obtempéra, se tenant au garde-à-vous. D'après l'insigne sur son épaule, l'officier était un général de la Garde Républicaine. Il continuait de traiter ses documents, les signant avec un manque délibéré de hâte et ignorant la jeune femme qui se tenait devant lui, décoiffée, en sang et manifestement épuisée.

Après quelques minutes, il leva la tête. « Je suis le Général Amir Alkan al-Saadi. » Jetant un œil sur le nom épinglé sur son uniforme sali, il rajouta nonchalamment : « Et vous êtes le Commandant Turner de l'armée américaine, je vois. » Il se leva et contourna le bureau, se maintenant toutefois à distance. « Et quel est votre prénom ?

— Je suis le Commandant Morgan Theresa Turner, Armée des États-Unis, monsieur », répondit-elle, espérant que sa voix dégageât plus d'assurance qu'elle n'en avait vraiment.

Le Général sembla perplexe. « Votre père ne vous aime sans doute pas. Il vous a donné un nom étrange. Ou peut-être aurait-il préféré un fils, non ? »

Tess se sentit perdre son calme mais elle se contrôla et récita la phrase standard à propos des droits et devoirs de la Convention de Genève.

« J'espère que nous aurons des conversations plus intéressantes », dit le général. « Je suis au fait du Droit International de la Guerre, passons donc ces formalités. » Il parlait un anglais parfait, avec un accent britannique. Tess savait qu'elle avait besoin de temps pour réfléchir et trouver un moyen de sortir de ce guêpier. Elle fit appel à son entraînement. Évalue l'ennemi, trouve ses faiblesses.

Le général, élégant, semblant très sûr de lui et portant une moustache impeccablement entretenue, semblait être en très bonne forme pour un quinquagénaire, contrairement à beaucoup de ses homologues. Ses yeux noirs perçants étaient rivés sur Tess.

« Commandant, vous semblez avoir besoin d'un bain et de vêtements propres, et peut-être quelque chose à manger. Non ? » Le général semblait afficher une sollicitude sincère.

« Monsieur, je voudrais qu'on porte d'abord assistance à mes hommes. Et trois d'entre eux sont blessés et ont besoin de soins médicaux. » L'Irakien leva les sourcils.

« Vos hommes, vous avez dit. Vous écoutent-ils ? Reçoivent-ils leurs ordres d’une femme ? »

Tess se força à rester calme. « Général, vous semblez avoir reçu une instruction occidentale. Vous devriez savoir que les forces de la Coalition acceptent les femmes comme soldats et officiers.

— Ah oui ! Je pensais qu'ils utilisaient les femmes en tant que secrétaires et cuisinières, pas comme pilotes d'hélicoptère ou commandants. Peu importe. En fait, je voudrais en savoir plus sur les femmes guerrières. C'est un concept fascinant. Nous allons aborder la question d’une manière civilisée. Veuillez vous joindre à moi pour le dîner après vous être rafraîchie, comme ils disent. » Tess voyait les problèmes se profiler.

« Général, en tout respect, je tiens à prendre soin de mes hommes en premier. »

Pour la première fois, le Général al-Saadi montra de l'agacement. « On prendra soin de vos hommes après leur interrogatoire. » Au même moment, l'un des hommes de main apparut et chuchota quelque chose à l'oreille du général. L'officier se dirigea vers le bureau, saisit une petite cloche et l'agita brièvement. Immédiatement, une femme attirante apparut, vêtue à l'occidentale d'une longue robe de couleur sombre. « Veillez à ce que le commandant ait accès à un bain et des vêtements. Dites au cuisinier que je veux un dîner pour deux. » Le général retourna à ses papiers sur le bureau, signifiant avec dédain d'un geste de la main qu'il en avait fini avec tout le monde autour de lui.

La femme guida doucement Tess vers une porte latérale de l'immense salle. « Suivez-moi, s'il vous plaît. » Tess poussa un souffle qu'elle n'avait pas eu conscience d'avoir retenu. Elle n'avait pas entendu ce que le laquais avait dit au général pour que celui-ci souhaitât être seul, mais elle espérait trouver un moyen de gagner un peu de temps. La femme l'emmena à une luxueuse chambre à coucher. « Je vous ai préparé un bain, » lui faisant signe vers un endroit devant et sur la gauche. Tess, ressentant maintenant les effets de l'épreuve, courut vers les toilettes et se sentit mal.

'Tess, réfléchis' se dit-elle à elle-même. Toutes ces années d'entraînement et de préparation devaient bien enfin servir à quelque chose.

La femme réapparut avec plusieurs serviettes de bain dans ses bras. Au dehors de la fenêtre, Tess pouvait entendre des quolibets grivois des membres de la garde.

« Chut, je suis Kejal Malek. Nous ne devons pas faire de bruit. » Son anglais n'était que légèrement teinté d'accent.

« Vous parlez anglais ? Où est-ce que je me trouve ? Qui êtes-vous ? Je suis le Commandant Tess...

— Je sais qui vous êtes, Commandant. Je ne suis pas votre ennemie ; je veux vous aider. » Kejal commença à retirer l'uniforme sale de Tess. Tess était si fatiguée qu’elle ne résista pas. Une fois déshabillée, elle se dirigea vers une grande baignoire encastrée, carrelée de dessins géométriques, puis se laissa lentement glisser dans l'eau brûlante. Le plaisir de ce bain était presque inconcevable. Elle s'efforça de ne pas se laisser aller, de penser à ses hommes qui étaient loin de vivre un tel luxe. Encore méfiante de cette femme qui s'occupait d'elle, elle essaya de se renseigner le mieux possible sur l'endroit où elle se trouvait.

« Comment avez-vous appris l'anglais ? J'aurais pu vous prendre pour un interrogateur mais il est rare que ces porcs donnent un rôle si important à une femme.

— Vous avez raison ; ce sont des porcs. Je suis Kurde. Le général m'a amenée ici il y a cinq ans après que ses soldats aient tué mon mari et mes enfants à l'arme chimique. Ne pensez pas un seul instant qu’ils soient autre chose que des assassins. Ils abuseront de vous et si vous avez de la chance, ils vous tueront. Si vous êtes moins chanceuse, ils vous laisseront vivre. » Ce que Tess lut dans son regard lui indiqua que rester en vie n'avait pas été une aubaine pour cette femme.

Kejal quitta la salle de bain, laissant à Tess un peu d'intimité. Sur les bords de la baignoire, divers articles de toilette coûteux avaient été disposés pour elle. Elle s'en servit immédiatement, surtout du shampoing et du gel douche. 'C'est si étrange. Le monde est en flammes, je suis prisonnière et me voilà en train de profiter d'un bain chaud.’ Elle voulait tant s'attarder et se prélasser dans l'eau chaude mais se hâta de finir, prise d'un sentiment d'effroi et de culpabilité.

Elle se leva, et la femme apparut presque instantanément, l'enveloppant d'une grande serviette moelleuse. Au moins, observa Tess, ce n'est pas tout le monde qui est pauvre et grossier dans ce pays. Quelqu'un dans cette maison affectionne les produits de qualité.

« Vous devez vous reposer », suggéra sa gardienne. « J'ai apporté quelques robes, choisissez-en une. Vous trouverez d'excellents produits cosmétiques sur le haut de la commode. Appelez-moi quand vous serez prête. »

Tess inspecta rapidement la luxueuse chambre à coucher qui apparemment appartenait à une riche dame. 'Je me demande qui et où elle est,' murmura-t-elle pour elle-même. Probablement la femme du général.

Elle choisit des sous-vêtements de l'une des commodes, enfila un doux et moelleux peignoir de coton, et poursuivit son inspection. En dépit du luxe, c’était un endroit hautement sécurisé. Il n'y avait qu'une seule sortie, gardée par au moins deux soldats. Toutes les fenêtres avaient des barreaux ornementaux. 'Désolée de le dire mais je suis coincée,' conclut-elle.

Trois robes du soir de haute couture, vraisemblablement française, étaient suspendues. Elles semblaient conçues pour mettre en valeur le corps de celle qui les porterait. Elles étaient à la fois splendides et effrayantes. Une guerre fait rage à l'extérieur et je dois porter une robe de soirée. Mon Dieu, quelle est cette folie ?

Son énergie déclinait rapidement ; elle mordit avidement dans une pomme qu'elle prit dans un panier de fruits. Elle se sentit un peu mieux après quelques minutes ; rien de tel que du fructose pour vous requinquer. Ne voyant aucun moyen de sortir, elle prit le conseil de Kejal et s'allongea sur l'un des somptueux canapés. Elle ferma les yeux et aurait bien aimé dormir un peu, mais elle n'osa pas. Malgré tout et contre son gré, l'épuisement l'emporta et elle s'assoupit.

Kejal la réveilla doucement. Tess sauta sur ses pieds, se mettant par réflexe en position de défense.

« Tout va bien ! C'est moi. » La femme avait levé les bras pour se protéger de possibles coups. Tess se rendit compte qu'elle s'était endormie.

« Je suis désolée, Kejal, j'étais dans un sommeil profond. »

La femme se détendit. « Vous devez vous habiller maintenant. Laquelle de ces robes choisissez-vous ? » Tess réalisa soudain l'ironie de sa situation. 'Après tout ce que j'ai fait pour devenir un officier de l'armée, j'en suis réduite à faire la bimbo pour un pervers. Tout va pour le mieux, ma petite !'

Kejal lui intima à nouveau de se dépêcher. « S’il vous plaît, choisissez une robe. Le général n'aime pas qu'on le fasse attendre ! »

Tess lança un regard furieux. « Je ne moque complètement de ce qu'il aime ! »

Son hôtesse ne baissa pas les bras. « Ne soyez pas stupide ! Si vous le mettez en colère, il vous tuera vous et vos hommes. Choisissez une robe ! »

Tess s'assit, agrippant sa tête qu’elle sentait sur le point d’exploser. Elle avait besoin de temps pour réfléchir. Elle avait besoin de retrouver un semblant de contrôle. 'Bon, je dois me plier à ce jeu jusqu'à ce que je trouve un plan,' se murmura-t-elle à elle-même. Elle se leva, inspecta les robes et en choisit une, une superbe robe rouge bordeaux et crème avec des chaussures assorties. Incroyable, tout est à ma taille, remarqua-t-elle. Elle se regarda dans un grand miroir. Ses seins étaient magnifiquement mis en valeur par le profond décolleté.

« Vous êtes splendide, Commandant. Faites juste ce que le général veut et vous resterez en vie. » Admonesta Kejal.

Tess regarda cette belle femme émaciée. « C'est apparemment ce que vous avez fait, mais ça ne vous a pas fait que du bien. »

Kejal la fixa de ses yeux profondément tristes. « Il garde ma fille de quatre ans en otage dans l'une de ses résidences pour me contraindre à le servir. »

Tess ferma les yeux. « Je suis désolée. Je ne voulais pas vous critiquer. »

Kejal détourna la tête, des larmes dans ses yeux. « Ce n'est rien. Ce n'est pas de votre faute. »

Tess applique un peu de maquillage. 'Si je dois passer pour une femme vulnérable, autant avoir l'air jolie.'

Les deux femmes traversèrent plusieurs pièces à travers le somptueux manoir. Contrairement aux palais modernes de Saddam, cette maison était ancienne. La décoration était coûteuse et de bon goût.

Kejal conduit Tess à une grande salle à manger. Deux couverts étaient mis au bout d'une longue table. « Je dois vous laisser maintenant, » dit-elle.

Tess embrassa la salle du regard. Le maître des lieux a clairement été influencé par les Britanniques quand il a bâti cet endroit, pensa-t-elle. La pièce était décorée de boiseries et de meubles cossus et les fenêtres de brocart, légèrement fané. La pièce n'avait rien d'exotique.

« Aimez-vous ma maison ? » Le général était soudainement apparu. Il avait troqué son uniforme pour un costume magnifiquement taillé sur mesure, Savile Row fort probablement.

Tess décidé de se prêter au jeu. « C’est une belle maison, décorée avec goût. Est-elle ancienne ? »

Le général sembla content que Tess paraisse intéressée. « Près de cent cinquante ans. C'est mon arrière grand-père qui l'a construite. Il a passé la plus grande partie de son temps à l’étranger. Il était un diplomate de l'Empire Ottoman puis il a poursuivi à un poste similaire après qu'un général britannique ait tiré un trait sur une carte et créé l'Irak en 1922. Il a vécu longtemps en Angleterre. Il a beaucoup aimé ; un pays très civilisé, avec de claires distinctions de classes. Pas de confusion. »

Tess décida de taire son opinion sur le système de classes pour le moment. « Très intéressant », dit-elle sans grande conviction.

Le général se rendit vers une armoire sculptée et en ouvrit une porte, révélant un bar bien approvisionné. « Voudriez-vous un cocktail ? » il demanda avec sollicitude.

Tess était surprise. « Les Musulmans ne sont-ils pas interdits d'alcool ?

— Certains d'entre nous observent une certaine flexibilité. »

'J'aurais bien besoin d'un verre,' pensa Tess, 'mais je ferais mieux de m'en abstenir. Je suis la mouche et l’araignée me tisse la toile...'

« Non. Merci, Général. Je suis fatiguée. » 'Je n'arrive pas à croire que je suis en train de dire merci à cet homme,' pensa-t-elle.

« Amir, je vous prie. Appelez-moi Amir, » offrit-il.

'Je ne peux pas faire ça,' pensa Tess. « Général, je suis un prisonnier de guerre. Je m'en tiendrai au protocole. Je vous respecterai et j'attendrai le même traitement de votre part. »

Le général offrit un sourire oblique. « Bien sûr, mais que cela ne nous empêche pas d'apprécier ce dîner, d'accord ? » Tess préféra garder le silence.

« Je n'aime pas boire seul, je vous verse un verre de vin blanc léger, à moins que vous ne préfériez un apéritif ? » Amir ouvrit cérémonieusement les bras vers les bouteilles de l'armoire, comme s'il présentait un cadeau. Tess vit qu'il ne se découragerait pas et accepta le verre de vin.

Amir l'invita à prendre place sur un canapé pendant qu'il lui versait un verre. « Les vêtements de ma jeune sœur vous vont à merveille. Elle vous ressemble beaucoup ; très belle. Elle a de grands yeux noirs, les vôtres sont verts. Et une longue chevelure noire luxuriante alors que vous êtes blonde ; un vrai crime de les porter si courts. Mais peu importe. Je sais apprécier la beauté féminine sous toutes ses formes. »

Tess prit une gorgée du verre, éludant le compliment. C'était un excellent Sauvignon blanc. L’homme avait du goût. Le général s'approcha. « Commandant, puis-je vous appeler Tess ? »

'Comment diable savait-il que les gens m'appellent Tess?' Ses ravisseurs avaient du entendre ses hommes utiliser son nom.

« Ma sœur n'a jamais aimé vivre ici. Elle avait l'impression d'étouffer. Peut-être corrompue par son éducation suivie en Suisse.

— Corrompue ?

— Le terme est peut-être un peu fort. Le général eut un léger sourire. Peut-être suis-je personnellement responsable d'avoir encouragé une éducation occidentale. Elle est, après tout, issue d'une grande famille et deviendra une grande dame. Très utile lorsque viendra le temps de former une alliance avec une autre grande famille. Presque machinalement, il ajouta : J'ai été à la tête de la tribu depuis la mort de mon père, j'ai beaucoup de responsabilités. Encore une fois, Tess décida de garder ses vues sur les dynasties et les mariages arrangés pour elle.

— Qu’en est-il de votre femme ? demanda-t-elle.

— Elle est à Paris avec ma sœur. J'ai pensé qu'elles feraient mieux d'y attendre la fin de la guerre. Au cas où vous vous posez des questions, ma femme n'est rien pour moi. Nous nous sommes rencontrés le jour de notre mariage et n'avons jamais porté beaucoup d'affection l'un pour l'autre. »

'Je vois où cela va mener,' pensa Tess.

« C'est triste de vivre sans quelqu'un à aimer, et c'est pourtant ce que vous réservez à votre sœur. »

Amir s’assit en face d'elle, les yeux rivés sur la peau laiteuse de la poitrine de Tess.

« Nous sommes une famille distinguée. Nous nous devons de maintenir notre rang dans la société. Et devons faire quelques sacrifices quand c'est nécessaire. » Après une brève pause : « Cela n'a pas d'importance, ce n'est pas la compagnie qui me manque. J’ai des maîtresses splendides en Europe, en particulier à Londres. Les dames savent apprécier les vrais hommes qui peuvent se permettre de les traiter comme des reines. » Tess commençait à se voir comme l'héroïne des Perils of Pauline, ligotée aux rails et attendant le train qui lui roulerait dessus. Nous y voilà !

Amir fixait la beauté splendide de ses yeux. Il avait peine à concevoir qu'une telle créature pilote des avions et aille au champ de bataille, ou que des soldats, des hommes, puissent se soumettre à ce commandant qui devait certainement mieux servir ses dirigeants dans un lit. Il avait du mal à contrôler son désir, à ne pas se saisir d'elle de force, ici et maintenant. « Aucune de mes compagnes n'arrive à votre hauteur, Tess. J'aimerais beaucoup jouir de vous et vous donner plus de plaisir que vous ne pouvez en imaginer. » Tess sentit son humeur se mettre en ébullition.

« Général, vous êtes un homme charmant mais je ne peux pas être une de vos compagnes, ni même votre seule compagne, en tout état de cause. Je suis un officier américain et un prisonnier. Nous sommes au milieu d'une guerre, et ce n'est vraiment pas idéal pour une histoire d'amour. » Tess était à court d'idées.

Amir appréciait ses tentatives de dérobade. Il aimait qu'elle résiste. Il n'appréciait pas les femmes passives. En parfait prédateur, il avait goût pour la chasse. Cela rendait la conquête d'autant plus savoureuse.

« Tess, les guerres sont des événements éphémères. À l'exception de la guerre lancée par les Américains en Afghanistan, elles ne durent aujourd'hui guère longtemps. Pourquoi être ennemis quand nous pouvons être amants ? Je suis riche et puissant, et un homme très passionné. Je peux vous montrer le monde tel que vous ne l'aviez jamais imaginé. Au lieu d'une tente poussiéreuse au milieu de désert, vous pourriez vivre dans un château en France. Vous pourriez avoir votre propre avion à Paris, aller à l'Opéra à Monte-Carlo avec vue sur votre propre yacht amarré dans la baie. »

Tess se leva. « C'est ce que vous avez promis à Kejal ? »

Le général posa son verre. « Elle et sa famille sont des traîtres ! Elle devrait être reconnaissante d'être encore en vie ! »

Tess pointa en direction des appartements de sa sœur. « Elle n'a pas l'air très reconnaissante de l'être ! Que lui avez-vous fait ? »

Amir lui lança un regard glacial. « Si elle veut mourir, je peux arranger ça en moins d'une minute. »

Tess se tut. Elle savait qu'elle flirtait avec le danger.

« Mais revenons à vous, » Amir reprit. « Pourquoi risquer votre vie pour les ambitions de politiciens vieux et corrompus ? Vous êtes jeune, belle et vous êtes une femme ; pourquoi gâcher votre vie en tant que soldat, alors que vous pourriez vivre une vie de plaisirs ? »

D'un ton cassant, Tess riposta : « Général, parlant de servir des politiciens, n'est-ce pas exactement ce que vous faites ? Vous vous battez pour soutenir un dictateur brutal et un parti corrompu. Et comment envisagez-vous le simple fait que votre nation ne peut gagner une guerre contre les armées de la Coalition ? Pouvez-vous honnêtement dire que vous avez un avenir ? » Ouh la, elle regretta presque ses mots. 'Je devrais le laisser parler. Gagner du temps. Sauver mes hommes.'

Amir soupira et prit une gorgée de vin. « Tess, vous n'êtes manifestement pas étudiante en histoire. Quelles que soient les atrocités commises en temps de guerre, seuls quelques-uns des dirigeants paieront pour leurs crimes. Il n'y eut jamais qu'une infime fraction de la population au sommet du pouvoir qui ait été appelée à rendre des comptes. Après la Seconde Guerre Mondiale, les Nazis qui ont été pendus étaient si peu nombreux que c'en fut dérisoire comparé aux millions de victimes qu'ils avaient assassinées. Même au sein de la hiérarchie Nazie, y compris les pires de la SS et de la Gestapo, beaucoup avaient été emprisonnés mais finalement relâchés. Les Alliés ne pouvaient tout simplement pas les pendre tous. Au Japon, ils ont épargné l'Empereur et seuls le Général Yamashita et quelques officiers, dont la culpabilité était contestable, furent pendus ; la plupart de l'impitoyable hiérarchie samouraï qui avait mené d'innombrables massacres s'en était tirée. Il en ira de même ici en Irak.

"Mon grand-père était très rusé. Il avait compris que pour que la famille survive et prospère, elle devait être assez proche du régime pour lui être utile, mais aussi assez éloignée pour ne pas y être associée. Il avait totalement saisi la nature éphémère du pouvoir et me l’a bien appris. Je parviens à être important pour le régime mais pas trop important. »

Il but un peu de vin. « De plus, les circonstances de ce conflit sont inhabituelles. Je suis sûr que vous comprenez que les Américains et les Britanniques essaient naïvement de gagner les cœurs et les esprits du peuple irakien, si ce n'est du monde arabe. Ils ne peuvent pas se permettre de punir et d'humilier d'innombrables chefs arabes, quoi que ceux-ci aient fait. Après tout, vous ne venez pas conquérir mais 'libérer' l'Irak. Les choses reviendront à la normale très vite ; les politiciens continueront à faire ce qu'ils ont toujours fait, et pour le reste d'entre nous, nous retournerons aux affaires. » Tess dut admettre à contrecœur que l'homme avait marqué un point.

La porte s'ouvrit et un serviteur annonça en arabe que le dîner était servi. Amir se leva et offrit son bras. « Voulez-vous ? » Tess permit au général de tenir sa chaise alors qu'elle s'asseyait. Prenant sa place à la table, Amir s’excusa du peu de victuailles préparées pour le dîner. « La guerre a entraîné des pénuries », expliqua-t-il.

Aux yeux de Tess cependant, cela paraissait un vrai festin. Le général prit quelques minutes pour présenter la composition des quelques plats. Cela sonnait comme une véritable symphonie de spécialités du Moyen-Orient : agneau, poulet, couscous, divers grains mélangés à plusieurs sortes de riz et de légumes. Tess sentit son estomac rongé par la faim et, en d'autres circonstances, elle se serait jetée sur la nourriture dans la plus pure tradition GI. Une pensée pour ses hommes qui croupissaient probablement dans ce sale trou la transperça de culpabilité.

« Général, mes hommes ont-ils été nourris ? »

Amir parut brusquement irrité. « On s'occupe d'eux ! Et maintenant, mangez avant de perdre encore plus de poids ! » Mais bien sûr, se dit-elle, il me veut douce et grasse comme Gretel dans le conte de fées.

Ils entamèrent le repas, un silence de plomb se dressant entre eux telle une barrière de béton. Après quelques bouchées, Amir demanda : « Tess, resteriez-vous avec moi ? Je quitterais toutes les autres pour vous. » Tess déglutit, prit une gorgée d'eau et la secoua légèrement la tête.

« Non, Général, je ne le ferai pas. Je ne suis pas à la recherche d'une histoire d'amour et nous avons déjà abordé les autres questions. Je préfère m'assurer que l'on prenne soin de mes hommes. Si vous m'aidez, je suis certaine que mes supérieurs seront reconnaissants de votre coopération et en tiendront compte lorsque la reconstruction de votre pays commencera. Nous comprenons tout à fait que le régime puisse vous avoir contraint à faire des choses peu louables. Vous devez savoir que les forces de la Coalition approchent et que vos troupes n'ont pas une chance. Vous pouvez offrir votre reddition pour leur bien, de mon côté je m'engage à ce que vous soyez bien traité. »

Amir fit un geste dédaigneux de la main. « En ne luttant pas contre l'envahisseur étranger sur le sol irakien, vous me demandez de commettre une trahison. Mes soldats mourront si c'est leur seul choix ! »

Tess tenta un dernier appel à la raison. « Général, il n'y a aucun honneur à mourir pour une cause perdue. Vous provoquerez juste le massacre de votre propre peuple. »

Amir répondit avec colère : « Mon peuple ne compte pas. Ce sont des paysans primitifs et incapables de raisonnement et ils mourront sur place si je leur dis de le faire ! » Il se leva, comme pour donner un cours magistral. « Ne comprenez-vous donc pas la réalité de ce monde ? » ajouta-t-il, « Seule une poignée de personnes compte vraiment, le reste n'est là que pour se soumettre à eux. Vous vous trouvez parmi ces derniers et je vous offre la chance de gravir de l'échelle et de vivre dans le monde auquel vous appartenez. Vous vivez dans l'illusion que la démocratie est la solution à tout problème. Vous-êtes vous rendu compte que votre propre pays, les États-Unis d'Amérique, est dominé par une ploutocratie, par quelques personnes fortunées qui accaparent 80% des richesses et ne vous laissent que les miettes ? Pourquoi voulez-vous vous sacrifier pour quelques politiciens, quelques PDG gourmands et corrompus et leur empire ? »

Sans être statisticienne, Tess était consciente du pouvoir et de l'influence qu'exerçait une certaine classe riche mais elle ne s'en sentait pas victime pour autant. Tout ce qu'elle avait entrepris dans la vie relevait de son libre arbitre, de ses propres décisions, et en toute conscience des conséquences de ses actes.

« Oui, il y a les nantis et les autres, » admit-elle. « Pour autant, la majorité de la population de mon pays vit bien comparé au reste du monde. Dans la plupart des cas, nos élites le sont devenues au mérite et non par le nom de leurs familles. »

Amir secoua lentement la tête, montrant ainsi son mépris pour ces idées aussi simplistes. En même temps, il prenait plaisir à ses réponses pleine d'enthousiasme. Plus elle résistait, plus cela l'excitait. Cette magnifique tigresse avait besoin d'être domptée, subjuguée et savourée. Il savait être l’homme qui y arriverait.

« Tess, nous pouvons discuter à longueur de journée, et nous ne serons pas d'accord sur tout. Peu importe. Ce qui l'est, c'est mon désir pour vous et vous aurez envie de moi une fois que vous me connaîtrez. Je vous veux ! » Amir s'avança vers elle. Tess se leva, recula de quelques pas et s'arma de courage.

« Vous ne m'aurez pas, à moins de me violer. Et si vous le faites, alors vous n'êtes pas un homme ! »

Amir se mit à rire. « Vous violer ? Non, je ne ferai pas ça. Les femmes viennent à moi ! Les femmes veulent de moi ! Elles m'offrent leur corps parce qu'elle veulent que je leur donne un plaisir qu'elle n'ont jamais connu auparavant. Je les fais pleurer d'extase. Vous aussi — mais je ne vous violerai pas. C'est vous qui viendrez à moi. C'est la seule façon dont je vous veux. »

Tess, Le Réveil

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