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11. Les Fantômes de Palmyre
ОглавлениеYasmin Badawi était une Syrienne chrétienne de Tadmur, connue en Occident sous le nom de Palmyre. Elle était diplômée d'Oxford et avait un doctorat en archéologie du Moyen-Orient, parlait un anglais impeccable et avait une grande culture littéraire, poétique et musicale. C'était une femme accomplie, sophistiquée et dévouée à son métier. Elle avait déjà travaillé comme archéologue avec son oncle sur l'étude et la préservation des sites antiques syriens.
Mais quand l'État Islamique avait envahi Palmyre, son mari avait été tué et elle fut capturée et mise en esclavage. Ses ravisseurs l'avaient donnée à un combattant pour un mariage forcé. En un mois, il était mort en "martyr" au combat et le combattant qui le remplaça connut le même sort. Il en fut de même pour le troisième. Considérée dès lors comme portant la malchance, Yasmin fut utilisée comme esclave sexuelle mais elle avait résisté de tout son être, tant et si bien que Daesh avait décidé de se débarrasser d'elle en la mettant à vendre aux marché d'esclaves avec d'autres femmes et filles indésirables.
C'est dans le cadre du projet de Tess en lutte contre la traite des personnes que Nicola Orsini et George Kimmel s'étaient fait passer pour des Européens musulmans désireux de rejoindre Daesh et avaient réussi à infiltrer le groupe à Raqqa. Ils s'étaient rendus au marché d'esclaves et avaient réussi à acheter trois jeunes filles yézidies ainsi qu'Yasmin mais celle-ci leur avait donné du fil à retordre, jusqu'à ce qu'elle réalisât qu'elles avaient été achetées pour être sauvées. George et Nicola les avaient fait passer à Gaziantep en Turquie, où ils s'arrangèrent pour que leurs rescapées soient prises en charge jusqu'à ce qu'elles retrouvent leurs familles. Yasmin avait accepté d'aller à New York.
Après quelques mois, Yasmin avait demandé à intégrer SRD. Qu'elle ait été brutalisée par des gens à la mentalité médiévale l'avait ébranlée mais ne l'avait pas anéantie. Avec l'aide de Tess, de Carmen et de George, elle s'était peu à peu reconstruite et était devenue un membre précieux de l'équipe. Sa connaissance des langues et de la culture arabe était sans égale, tout comme sa passion pour l'étude et la sauvegarde des trésors des civilisations passées.
Archéologue de formation, elle n'avait pas la panoplie de compétences militaires que recherchait la compagnie, comme l'aptitude à piloter des hélicoptères et des avions, ni à se servir d'armes diverses. Néanmoins, elle avait participé à la planification des opérations en Syrie et avait finalement demandé à s'entraîner comme tireur d'élite. Quand elle était étudiante à Oxford, Yasmin avait appris à jouer de l'alto et elle intégra aussi le groupe de musique de chambre Valkyries.
Tout comme il avait rasé l'ancienne ville assyrienne de Nimrod et détruit des statues dans le musée de Mossoul en Irak, l'État Islamique s'était livré à un véritable saccage de Palmyre, pillant des objets qu'il vendai à des collectionneurs sans scrupules et détruisant tout bâtiment qu'ils considérait comme idolâtre selon sa version de la foi islamique. Les membres de Daesh avait mis en ligne des vidéos montrant les monuments et les statues datant de milliers d'années qu'ils avaient détruits. Chaque fois qu'elle voyait de telles vidéos, Yasmin assistait impuissante à l'anéantissement du travail de toute une vie. Cela l'avait mise dans une colère sans pareille.
Six mois plus tôt, Yasmin avait appris que Daesh avait crucifié son oncle, chef archéologue de Palmyre. C'est le cœur brisé et assoiffée de vengeance qu'elle était retournée en Syrie où elle avait rejoint une unité de combattantes kurdes et qu'elle s'était portée volontaire pour accompagner Eva Bar-Lev, ancienne agent du Mossad, en mission secrète à Raqqa. L'objectif avait été de localiser des armes nucléaires nord-coréenne que Laurent Belcour et Daesh projetaient de faire exploser quelque part en Europe. Yasmin et Eva avaient identifié l'endroit où les bombes étaient stockées mais elles avaient été découvertes. Si Eva avait réussi à s'échapper, les djihadistes avaient capturé Yasmin. Daesh avait voulu qu'elle serve d'exemple et avait projeté de l'immoler dans une cage, tout comme ils l'avaient fait à un pilote jordanien et ami d'Efsan, une combattante kurde.
Tess et son équipe avaient lancé une opération de sauvetage et combattirent Daesh à bord d'appareils d'attaque au sol Warthog A-10 et, avec l'assistance des Forces Spéciales américaines, ils purent sauver Yasmin de justesse. Depuis, l'aversion d'Yasmin pour Daesh n'avait qu'empiré ; sa rage et son besoin de vengeance avaient atteint un degré pathologique. Elle s'était mise en couple avec George mais même à ce dernier, elle avait dissimulé son intention d'aller se venger et elle était partie à la première occasion.
Les troupes syriennes et russes avaient fini par chasser Daesh de Palmyre mais le site était demeuré vulnérable ; les terroristes pouvaient reprendre le territoire. C'était à ce moment qu'Yasmin reçut un appel de Pierre Beaumont, directeur des antiquités au Louvre, qui lui demanda de prendre part à un projet à Palmyre. Yasmin reçut l'autorisation de Tess de se rendre à Paris pour rejoindre un groupe de jeunes architectes, de mathématiciens et de concepteurs qui se préparaient à produire des modèles numériques des sites historiques menacés.
L'équipe archéologique s'envola pour Damas, puis voyagea jusqu'à Palmyre, dont certaines parties avaient été détruites par les Islamistes qui avaient jugé ses monuments idolâtres. Yasmin avait travaillé pendant quatre jours avec des archéologues et des techniciens à survoler les arches et les temples dévastés à l'aide d'un drone muni d'une caméra. Ils avaient un équipement dernier cri, des drones à quatre ou six rotors qui pouvaient approcher les anciens bâtiments de très près, enregistrant chaque détail structural, chaque fissure et chaque trou, pour en produire des mesures précises. Ils mirent au point des nouvelles techniques qui permettaient de conserver des images dont des scientifiques et des archéologues pourraient se servir pour recréer des modèles numérisés, permettant à des monuments et autres sites historiques menacés d'être un jour restaurés, réparés ou reconstruits. Leur travail ne se limitait pas à Palmyre. Leurs drones survolaient une vingtaine de sites historiques en Syrie et pouvaient analyser l'impact que la guerre avait eu sur des endroits tels que Ninive, Khorsabad ainsi que le temple et le palais saccagés de Nimrod.
De retour en France, le groupe avait lancé une exposition intitulée Sites Éternels : De Bâmiyân à Palmyre au Grand Palais à Paris, où plusieurs des 40.000 images prises par l'équipe servirent de base à l'exposition. En plus des images de Palmyre, de grandes photos et vidéos 3D furent projetées en spectacle multimédia, plongeant les visiteurs dans différentes époques. Le spectacle visait à attirer l'attention sur les menaces croissantes à l’encontre du patrimoine mondial.
Tout cela était bien beau mais la soif de vengeance d'Yasmin était toujours là.