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NOUS N'AVIONS PLUS BESOIN DE PARLER

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Nous n'avions plus besoin de parler, j'écoutais

Le rêve sillonner votre pensif visage;

Vous étiez mon départ, mes haltes, mes voyages,

Et tout ce que l'esprit conçoit quand il se tait.

L'emmêlement des blés courbés, des ronciers même,

N'était pas plus serré ni plus inextricable

Que notre coeur uni, qui, comme le doux sable

Joignant le grain au grain, ne semble que lui-même.

—Je me souviens surtout de ces soirs de Savoie

Où nos regards, pareils à ces vases poreux,

A ces alcarazas qu'un halo d'onde noie,

Scintillaient de plaisir, et se livraient entre eux

L'ineffable secret du rêve et de la joie.

Soirs d'Aix! Soirs d'Annecy, ô villes renommées,

Qui mêlez aux senteurs des îles Borromées

Je ne sais quel plus franc et plus candide espoir,

Que j'aimais vos toits bleus, d'où montait la fumée,

Les cloches des couvents, qui tissaient dans le soir

De longs hamacs d'argent où l'âme inanimée

S'abandonnait, tandis que flottait, chaud, précis,

Le subjuguant parfum du café qu'on roussit.

Je revois les soirs d'Aix, l'auberge et ses tonnelles,

La montagne si proche, accostant le ciel pur,

Les frais pétunias entassés sur le mur,

Le char rustique, avec le cheval qu'on dételle.

Et les lacs! Soif des coeurs vous buvez à cette eau

Où passe comme un ange une barque à deux voiles!

Nous répétions tous deux, sans proférer de mots,

L'hymne éternel que dit le silence aux étoiles.

Mon ami, votre esprit et ses nobles soupirs

Semblait plus que le mien altéré de sublime;

Mais déjà vos pensers recherchaient leurs loisirs;

Et la paix, mollement, a comblé vos abîmes…

—C'est en moi seulement que rien ne peut finir.

Les vivants et les morts

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