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DÉGÉNÉRATION DE L’ART ET SA RENAISSANCE.
ОглавлениеLES arts, qui avaient toujours dégénéré depuis le règne de Néron, périrent avec le colosse de l’empire romain; dans leur état de dégradation, ils trouvèrent en Grèce un misérable asile: ils y furent employés plutôt qu’accueillis; les tableaux n’étaient, selon le langage d’alors, que des images rustiquement barbouillées, qui tiraient leur seul mérite des matières précieuses dont elles étaient enrichies Ce fut cependant à cette contrée que l’Italie, qui devait un jour devenir si fière de ses artistes, fut obligée de demander des maîtres. Florence, dès l’an 1240, fit venir de la Grèce des ouvriers en peinture, dont toute l’habileté consistait à établir un trait grossier, et à barbouiller des couleurs bien plutôt qu’à peindre l’intérieur de ce contour; ils trouvèrent alors des admirateurs en Italie, encore plus ignorans qu’ils ne l’étaient eux-mêmes; néanmoins le nombre des peintres devint en peu de temps très-considérable.
Les Florentins ne peignirent longtemps qu’en mosaïque, à fresque et en détrempe; les ouvrages des deux premiers genres ne pouvaient se transporter et porter la gloire de leurs auteurs hors de la ville où ils avaient travaillé ; ceux du dernier genre manquaient d’éclat, et, ne pouvant être poussés à un ton vigoureux, ils se gâtaient à l’humidité, et ne pouvaient se nettoyer.
La peinture languissait dans un état de décrépitude, lorsque Cimabué, élève de ces maîtres grossiers, les surpassa bientôt, et fit luire à Florence l’aurore des arts; ce n’était qu’une faible clarté, mais elle semblait éclatante, tant était grande l’obscurité dans laquelle on était enseveli. Cimabué peignait à la fresque et en détrempe. Ce fut André Castagna qui, le premier en Italie, peignit à l’huile: Pisanello, son élève, se distingua aussi à cette époque (1380). La peinture alors était un art grossier; on dessinait scrupuleusement la nature, mais avec tant de soin, qu’on pouvait compter les poils de la barbe et des cheveux; les draperies étaient très-brillantes, et rehaussées d’or. Les artistes avaient quelque capacité, mais pas la moindre étincelle de génie; la beauté qu’on tire du nu n’avait été imaginée de personne; on ne connaissait point le clair-obscur, ni la perspective aérienne, non plus que l’élégance des contours et le beau jet des draperies.
L’art de la composition était totalement ignoré ; néanmoins la peinture s’acheminait vers la perfection, mais à pas si tardifs, que sa progression était comme imperceptible. A la fin du XVe siècle, elle y marcha à pas de géant. Alors parut Ghirlandaio, qui fut maître de Michel-Ange, et André Verrochio, qui fut celui de Léonard de Vinci. Ghirlandaio mit dans la composition une intelligence inconnue jusqu’à lui. Verrochio peignit durement, mais il introduisit la science du dessin, et sut donner de la grâce aux têtes de femmes. Enfin la peinture, encore gothique, a commencé les ornemens de plusieurs édifices, dont les derniers embellisse-mens sont des chefs-d’œuvre de Raphaël et de ses contemporains. La destinée de la sculpture fut la même: il semblait que les yeux des artistes, jusque là fermés, se fussent ouverts par miracle. Chaque ouvrage de Raphaël faisait un peintre. Le prodige qui avait lieu à Rome s’opérait à Venise, à Florence; toutes les Écoles qui se formaient allaient au beau par des routes différentes; leurs manières ne se ressemblaient pas, mais étaient si bonnes qu’on serait fâché que chacune d’elles n’eût pas suivi la sienne. Cette époque eut une heureuse influence jusqu’en Allemagne. Chaque école prit un caractère particulier, que je vais tâcher de faire connaître, et aussi celui de ses principaux maîtres.