Читать книгу Guide des dames au Musée royal de peinture - Anonyme - Страница 6

ÉCOLE FLORENTINE.

Оглавление

Table des matières

L’École florentine se distingue par la fierté, le mouvement, une certaine austérité sombre, une expression de force qui exclut peut-être celle de la grâce, un caractère de dessin qui est d’une grandeur en quelque sorte gigantesque; on peut même lui reprocher une sorte de charge; mais on ne peut nier que cette exagération n’ait une majesté idéale qui élève la nature humaine au-dessus de sa nature faible et périssable. On lui reproche le manque d’ampleur dans les draperies; mais cette École a un titre incontestable à la vénération des amateurs des arts, car elle est la mère de toutes celles d’Italie.

FRA FILIPO LUPPI est un des plus anciens peintres de l’École florentine; il parut en 1400. Il est un des plus estimés de son siècle; ses Madones, environnées de chœurs d’anges, ont du mérite; on y trouve de l’élégance dans les formes, de la grâce dans les mouvemens; les visages sont pleins et rians, embellis d’une couleur qui est toute à ce peintre; ses draperies ont les plis serrés; ses teintes sont parfois brillantes, modérées cependant, et comme voilées par un ton violâtre, qu’on ne rencontre guère ailleurs. Le tableau au n° 1073 nous fera connaître ce peintre; il représente la Vierge offrant son Fils à l’adoration de deux saints abbés.

RAFFAELLINO DEL GARBO, élève de Luppi, a, comme lui, de la grâce, du naturel; mais sa couleur est si vraie, qu’on aurait peine à lui préférer aucun peintre de son temps. On peut en juger par un tableau de lui, qui est au Musée royal, au n° 1153; il représente la Vierge recevant la couronne de l’immortalité.

GHIRLANDAIO-CORRADI fut le premier peintre de cette époque, qui vit dans la nature la perspective aérienne. Cet artiste possède une grande pureté de contours, de la gentillesse dans les formes, et de la variété dans les idées. Un travail facile et soigné se fait remarquer dans le seul tableau que le Musée possède de ce peintre, au n° 1005, le Couronnement de la Vierge: on y reconnaît le digne précurseur de Léonard de Vinci et d’André del Sarto.

LÉONARD DE VINCI est le premier peintre de cette École qui ait fait une étude approfondie de l’expression. Son dessin est pur, précis, et ne manque pas de grandeur. Il ne s’éleva pas au-dessus de la nature, mais ne l’imita pas sans choix. Il fut, pour son temps, assez bon coloriste, mais ses carnations tirent sur la lie, et la teinte générale de ses tableaux est violâtre. Aucun peintre, avant lui, n’avait donné autant de grâce. à ses figures; il n’en vainquit pas tout-à-fait la roideur. Ses ouvrages sont finis, mais il a de la sécheresse; ses contours sont trop marqués. Cependant, si on le compare aux artistes de son temps, il est coulant et moelleux. Une qualité fort rare et fort estimable se fait remarquer dans ses tableaux, c’est la netteté avec laquelle se distinguent les figures qui les composent. Parmi ceux dans lesquels on peut admirer cet avantage (quoique ce ne soit qu’une copie ), on cite la Cène de Notre Seigneur. Ce tableau est à Versailles. Le Musée en possède huit: on y distingue particulièrement un Saint Jean, n° 1067. Sa gracieuse figure me semble cependant un peu maniérée. La Vierge tenant l’Enfant Jésus, au n° 1068, est plein de tendresse et d’une gaîté douce: il donne la plus juste idée du talent de Léonard; mais le portrait de la Joconde, au n° 1066, est le plus parfait de ses ouvrages. On y trouve une précision de détails et une imitation parfaite de la nature: l’attitude en est simple; la tête et les mains sont d’une exécution si suave et si fondue, qu’on n’aperçoit pas le trait des contours; la main droite est éclairée à la Corrége: beau idéal du clair-obscur.

ANDRÉ DEL SARTO étudia beaucoup les ouvrages de Léonard de Vinci et de Michel-Ange: il chercha la grâce du premier, et évita l’exagération du dernier. Ce peintre a une bonne couleur, quelquefois peut-être un peu trop rouge; quelquefois des demi - teintes d’un gris verdâtre noirâtre. Son pinceau est moelleux, qualité rare de son temps; son dessin a de la grandeur sans exagération, mais quelquefois un peu maniéré. On compte parmi ses chefs-d’œuvre la Charité, qui est au Musée au n° 850: la figure principale de ce tableau est noble et d’une grande manière. La Sainte Famille, au n° 849, est du même faire; le pinceau en est beau, les têtes admirables. Le Musée ne possède que ces deux tableaux d’André del Sarto. Pour bien connaître le mérite de ce peintre, il faut voir ses ouvrages capitaux qui sont à Florence. Winkelmann dit qu’aucun peintre n’a mieux rendu la forme d’un sein virginal.

MICHEL-ANGE est la gloire de l’École florentine. Il est grand, il est terrible; ses figures semblent appartenir à un ordre supérieur à l’humanité : elles représentent, sous des formes humaines, des êtres plus fiers, plus vigoureux, moins voisins de la mort; mais, il faut l’avouer, ses expressions graves, fières, sont peu naturelles; ses attitudes sont d’un choix désagréable; ses draperies sont adhérentes à la peau; son coloris tient de la brique pour les clairs, et du noir dans les ombres. Il a négligé d’être gracieux; ses femmes surtout semblent moins destinées à plaire qu’à lutter avec les plus vigoureux athlètes. A force de vouloir être grand, il a été lourd; il n’a ni couleur, ni harmonie, ni l’entente de la composition, ni l’art de jeter les draperies, ni l’intelligence du clair-obscur: il semble que son génie ait eu le droit de mépriser les parties inférieures de l’art. Toutes ses idées étaient élevées, grandes, sublimes: voilà sa gloire. Il étonne, on admire, on oublie les qualités qui lui manquent. Le Musée ne possède aucun tableau de ce peintre. Son tableau du Jugement dernier aune grande réputation, et lui a fait nombre d’admirateurs; cependant il a trouvé de sévères censeurs: on lui a reproché de n’avoir peint que de grossiers personnages; de n’avoir observé ni bienséance, ni costume; d’avoir profané le saint lieu par la représentation d’une foule de nudités; d’avoir observé une disposition symétrique dans un sujet où la nature entière doit être dans tout le désordre de la destruction; d’avoir représenté dans un sujet chrétien le nocher Caron avec sa barque; d’avoir plus étudié le Dante que la doctrine de l’Église, et de s’être livré sans réserve à la bizarrerie de son imagination, au lieu de se pénétrer de la terreur religieuse qu’il devait éprouver. Michel- Ange était non - seulement peintre, mais statuaire, architecte et poète.

DANIEL VOLTERRE, son élève, adopta sa manière, que cependant il adoucit; mais il fut quelquefois aussi bizarre dans sa composition, et ne sut pas plus que lui joindre la grâce à la correction; il ne corrigea pas le coloris de son École, le sien est d’un gris roussâtre violâtre. Comme son maître, il est très-savant en astronomie; mais il a un plus noble caractère et approche plus de la beauté. On voit de lui au Musée royal un tableau représentant Goliath terrassé par David, au n° 951. On l’a attribué à Michel-Ange; il en porte même le nom, puisque le Musée n’en possède point de cet admirable artiste. Ce tableau offre le double intérêt de nous faire connaître le talent de Daniel et le faire de son maître.

FRANÇOIS ROSSI ( dit le Salviati ) fut élève de Léonard de Vinci; il est dessinateur élégant et correct; mais on lui reproche de la sécheresse dans les concours; ses draperies sont larges et légères, ses carnations tendres, ses conceptions gracieuses. Le Musée ne possède du Salviati que son tableau de l’Incrédulité de saint Thomas, au n° 1184; encore ce tableau a-t-il été presque entièrement repeint; malgré des incorrections, le dessin est d’un grand caractère, et donne une idée de la plupart des défauts de son École.

Louis CARDI (dit Cigoli) jouissait à Rome d’une grande réputation; il fut même choisi pour peindre un tableau dans l’église de Saint-Pierre de Rome; il dessinait bien et d’une grande manière; il rendait bien les extrémités; son pinceau est léger et moelleux; ses têtes ne sont pas inférieures à celles du Carache, et sa couleur est plus agréable; il n’a pas également réussi dans la peinture des draperies. On voit de lui, au Musée, une Sainte Famille, au n° 938; un Saint François, n° 939, et un portrait, n° 940, dans lesquels on remarque les qualités que nous avons désignées.

FRA BARTOLEMMO forma son talent par la vue des ouvrages de Léonard de Vinci, dont il fit une étude toute particulière; il reçut des leçons de Raphaël sur la perspective: en échange, c’est peut-être à Bartolemmo que ce grand maître a dû son art de jeter les draperies, car c’est à lui qu’on doit l’invention du mannequin à ressort: il s’en servait pour étudier et peindre cette partie de l’art. Il peignait d’une belle forme; sa couleur est vigoureuse, son dessin savant et pur; ses attitudes ont de la grâce, de l’élégance. Le Musée royal a deux tableaux de ce peintre: le Mariage de sainte Catherine de Sienne, au n° 991, et une Annonciation, au n° 992, dans laquelle il y a huit figures, dont une représente une sainte, qui, placée sur le devant du tableau, est tout-à-fait dans la manière de Raphaël.

GEORGES BARBARELLI (dit le Giorgione) a une grande manière, mais son dessin est incorrect. Les objets qu’il a traités ont une force admirable et d’un grand relief. Sa couleur est harmonieuse, et son faire de la plus grande franchise: il semble voir couler le sang dans les chairs de ses figures. Son travail facile se cache sous une belle fonte de couleurs; à la force il joint la suavité. Il a souvent employé dans les carnations des teintes tirant sur le brun. Le ton et la mollesse qu’il savait donner aux cheveux sont remarquables. Quatre tableaux du Giorgione sont au Musée royal, aux nos 1009 et suivans. Ils met-mettent à même de juger ce peintre, surtout un Concert champêtre, au n° 1011, dans lequel on trouve la force et le suave, la fierté du pinceau, la facilité du travail, et beaucoup d’intelligence par l’accord de l’ensemble. On distingue aussi parmi ces tableaux le portrait de Gaston de Foix, ouvrage dont l’idée est singulière.

JACQUES CARRACCI (dit Pontormo). En voyant ses ouvrages, Michel-Ange dit qu’il élèverait la peinture jusqu’au ciel; cette prédiction ne fut pas accomplie: il ne tint pas ce qu’avait promis un grand caractère de dessin, et un ton vigoureux de couleur. Le Musée royal a de lui une Vierge sur les genoux de sainte Anne, au n° 1148; et un portrait, 1147, genre dans lequel il a réussi; la tête et la main sont d’un beau pinceau; le dessin est précis et d’un beau caractère.

MAÎTRE ROSSO (dit maître Roux.) Le feu de son génie lui fit négliger la perfection de l’art; son dessin est fier, mais bizarre, lourd et maniéré ; ses compositions sont riches, ses figures ont du mouvement, ses draperies de la légèreté. Les principaux ouvrages de cet artiste sont dans la grande galerie de Fontainebleau. Le Musée royal a deux tableaux de lui: le n° 1173 représente la Vierge chez Zacharie; le n° 1174, le Christ au tombeau.

PIETRO BUONACORSI (dit Perrin del Valga). Aucun de ses contemporeins ne saisit mieux que lui la manière de Raphaël, pour l’exécution et la partie des ornemens. Ce grand maître l’associa à ses travaux. Il a beacoup travaillé à Rome dans les loges du Vatican. Il peignait avec une facilité extrême, mais souvent il est tombé dans la manière, en abandonnant la nature. Ses femmes ont toutes le même caractère de tête. Son tableau de la Dispute des Muses avec les Piérides, au n° 878, est bien terminé et d’une bonne couleur; les figures en sont correctes et tiennent du goût de Raphaël.

GEORGES VASSARI est un peintre assez médiocre; il n’est quelque chose que par imitation, et ne doit ses qualités qu’à un travail opiniâtre: ce qu’il fit d’ouvrages est immense. Il a de la sécheresse dans le pinceau, de la faiblesse, de la dureté dans les couleurs, de la manière dans les draperies; mais ces défauts sont compensés par l’exactitude et la science des formes, et par le beau caractère des têtes. Deux tableaux de ce peintre sont au Musée: une Annonciation, au n° 1241, et la Passion de Notre Seigneur, au n° 1242.

JEAN -JÉRÔME SERVANDONI est un peintre estimable dans le genre des ruines; un tableau de lui, au n° 1194, rend témoignage de son talent en ce genre, comme le portail de Saint-Sulpice en architecture.

MATHIEU ROSSELLI n’est pas un peintre de la première classe; son dessin n’est ni grand, ni mâle; il est maniéré, mou, et tombe dans le mesquin; ses figures sont sans verve et point animées. Malgré ces défauts, ses tableaux ont de l’agrément, et on les regarde avec plaisir; ses sujets sont bien choisis et traités avec sagesse; ses têtes sont d’un bon goût; sa couleur manque de vérité, mais il y a de l’accord, de l’harmonie dans les tons, et une grande fraîcheur. Il y a deux tableaux de cet artiste au Musée: le n° 1171 représente la Vierge et les Anges apportant des fruits à Jésus; le n° 1172 est le Triomphe de David.

BENEDETTO LUTTI est peut-être le seul peintre de cette École qui se soit plus occupé de la couleur que du dessin; aussi n’est-il pas très-correct dans ses formes; mais sa couleur a de belles parties. Ses têtes sont remarquables dans les deux Madeleines qui sont au Musée, nos 1077 et 1078.

PIERRE BERETTINI (dit de Crotone) n’est pas un dessinateur savant, et ne satisfait ni la science ni la raison sévère; mais il plaît: sa manière est si large, si facile, ses ordonnances ont quelque chose de si imposant, que si elles ne parlent point à l’esprit, elles offrent aux yeux un grand et pompeux spectacle; puis son pinceau est moelleux, sa couleur agréable, sans être vraie; enfin sa manière est séduisante; mais quel dessin incorrect! quel mauvais choix! ses têtes manquent de noblesse, ses femmes se ressemblent toutes, avec leurs têtes larges, et ne sont pas belles; mais leur physionomie irrégulière et la bizarrerie de leur coiffure peuvent les faire trouver piquantes, quoique sans expression. On peut reprocher à ce peintre de l’affectation dans ses draperies volantes, qui ne semblent pas toujours autorisées. Le Musée possède six tableaux de Pierre de Crotone, aux nos 1137 et suivans; celui qui représente la Vierge tenant l’Enfant Jésus et sainte Martine, n° 1141, est très-remarquable. Un rideau sur un fond de paysage sert à faire valoir les figures; les têtes en sont agréables, les carnations d’une fraîcheur extrême, et le faire d’une grande manière. Le n° 1138, représentant la naissance de la Vierge, est un tableau qui attire et attache.

POMPEO BATTONI n’a pas fait une étude approfondie de l’antique ni des ouvrages de Raphaël et des autres grands maîtres de l’Italie. On le juge facilement en voyant le seul tableau que le Musée possède de lui, au n° 863; il représente la Vierge les yeux baissés. Néanmoins on y reconnaît le bon peintre; il y a de la correction; de l’agrément, du caractère, et beaucoup de naturel.

DOLCI AGNÈSE a multiplié avec succès les ouvrages de son père Carlo Dolci; c’est le même fini, la même pureté de dessin. Un seul tableau est au Musée, n° 950: Jésus devant un calice tient un pain et semble prononcer les paroles de la consécration. Ce petit tableau est charmant; le fini en est précieux, les draperies, la couleur, le dessin, l’expression, tout en est beau; mais l’extrême fini y donne une sorte de roideur qui détruit le charme d’un pinceau facile et celui de la vérité.

Guide des dames au Musée royal de peinture

Подняться наверх