Читать книгу Guide des dames au Musée royal de peinture - Anonyme - Страница 7

ÉCOLE ROMAINE.

Оглавление

Table des matières

Cette École doit la gloire à laquelle elle s’est élevée dans les arts aux ouvrages que l’ancienne Rome, riche de ceux qui ont été apportés de la Grèce, ou faits dans son sein, par des artistes grecs, a laissés dans ses débris à la Rome moderne. C’est par l’étude des antiques que se sont formés ses artistes; ils y ont trouvé la science du dessin, la suprême beauté des formes, la grandeur du style, la justesse des expressions, portées seulement jusqu’au degré où elles ne détruisent pas la beauté ; ils y ont même trouvé les principes de l’art de draper; ils les ont suivis, en adoptant cependant, pour la peinture, les draperies plus larges et plus flotantes que celles employées par les sculpteurs de l’antiquité. Ce sont les parties que je viens de détailler, et la science de la composition, qu’il faut chercher dans l’École romaine: elle s’y est livrée tout entière, s’occupant peu du coloris.




PIETRO VANNUCCI (dit le Perugin) est le patriarche de l’École romaine; malgré les défauts qu’il tenait de son temps, il laisse voir dans ses ouvrages le germe des qualités qui distinguent son élève Raphaël; on y trouve de la simplicité, du naturel; ses figures ont de la grâce; sa couleur est assez bonne, vu le siècle où il vivait; elle a de l’éclat, et son pinceau de la propreté, de la facilité. Ses tableaux sont d’un fini précieux, mais on peut lui reprocher de la roideur, de la sécheresse gothique. Trop peu de dégradation dans les plans, trop d’uniformité dans les tons, prouvent qu’il connaissait peu le clair-obscur et la perspective aérienne. Il a imité la nature d’une manière servile, défaut dont il résulte une qualité : celle de l’exactitude. L’or employé dans ses ouvrages ne peut lui être reproché ; ce tort appartient à son temps plutôt qu’à lui-même. Le Musée possède trois tableaux du Perugin: le n° 1132 représente Jésus ressuscité ; le n° 1133, la Vierge tenant l’Enfant Jésus; et le n° 1134, la Sainte Famille: on y reconnaît facilement les qualités et les défauts du peintre et de l’époque.

RAFFAELLO SENZIO aurait passé les limites de l’humanité, s’il avait possédé toutes les parties de l’art au degré de perfection où il porta celle de la composition: il en fut le créateur. L’expression fut celle à laquelle il s’attacha particulièrement: il y est resté le plus grand maître. Quelle variété il a su mettre dans une même expression sans contrastes recherchés! comme il a su peindre les passions violentes sans grimace, sans bassesse! Il a possédé l’art de jeter les draperies à un haut degré de perfection. Il est même parvenu, dans cette partie, jusqu’à la beauté idéale. Son dessin est très-beau, mais il n’a pas le fini, la perfection de celui des Grecs; et tout en l’admirant, on est forcé de convenir qu’il n’a pas eu des idées précises de la véritable beauté. Il lui manque aussi la grandioseté et la noblesse des anciens; il apprit seulement d’eux comment la nature doit être choisie. «Les Grecs planaient avec

» majesté (dit Mengs) entre le ciel et la

» terre; Raphaël a marché avec justesse

» sur la terre.» Ce grand peintre a excellé dans les caractères des philosophes, des apôtres, et d’autres figures de ce genre; mais en peignant les femmes, il a souvent abusé des contours convexes et arrondis, ce qui l’a fait tomber dans une sorte de pesanteur; quelquefois, quand il évite ce défaut, il est sec et roide. Ses enfans ont, en général, un caractère trop sage, trop grave, et il n’a pas rendu avec succès cette morbidesse, ce potelé que demande la nature enfantine. Le coloris est aussi une partie faible chez le grand maître; mais il n’est point d’artistes, point d’ouvrages sans défauts, et d’excellens juges ont prononcé que Raphaël n’avait que les plus petits. Le Musée possède de lui quatorze tableaux, sous les nos 1154 et suivans, parmi lesquels on distingue plus particulièrement le Silence de la Vierge, n° 1164: la tête de la Vierge est vraiment divine: elle respire en même temps la noblesse et la douceur; la Sainte Famille, au n° 1163, d’autant plus belle, qu’on la considère avec plus d’attention; Saint Michel victorieux du Démon, n° 1159, ouvrage de la plus grande beauté, de la plus haute poésie et de la plus grande élégance de dessin: la tête de saint Michel est vraiment angélique: douce et terrible à la fois, elle est de la plus sublime expression; elle serait insuffisante pour peindre la force d’un homme, mais on voit qu’il s’agit d’un ministre de la Divinité, dont il tire toute sa puissance. La Sainte Famille, n° 1162, connue sous le nom de la Belle Jardinière, me semble offrir une preuve du défaut reproché à Raphaël, d’avoir abusé des contours convexes et arrondis, ce qui donne à sa figure de Vierge, malgré son expression pleine de charme et de pureté, un manque de noblesse et de distinction. Le portrait de Jeanne d’Aragon de Sicile, n° 1155, dont la tête seule est de la main de Raphaël, est fort remarquable par sa belle couleur: le reste du portrait est de Jules Romain, son élève, avec lequel il confondit ses ouvrages.

JULES ROMAIN montra plus de feu que son maître, et souvent même s’est livré à une fougue imprudente en voulant joindre à l’imitation de Raphaël celle de Michel-Ange. Néanmoins ses grandes conceptions décèlent un esprit élevé, une tête poétique, du génie; son dessin est correct, mais maniéré dans certaines parties, surtout dans les extrémités. Il est dur et froid, son pinceau timide, lisse et léché ; ses figures ont une expression théâtrale et affectée; ses demi-teintes sont noires, et ses chairs tirent sur un rouge brique; ses têtes, ses draperies, manquent de vérité. Tous ces défauts sont balancés par une grande fécondité d’imagination et une grande érudition. Six tableaux de ce peintre sont au Musée sous les nos 1053 et suivans; ils peuvent servir à faire apprécier son mérite. Les plus remarquables sont l’Adoration des Bergers, n° 1054, dont les figures sont d’un grand caractère de dessin; la Circoncision, n° 1055, et le Triomphe de Vespasien et de Titus, au n° 1057, qui sont des tableaux capitaux par l’étendue de la composition; mais ce ne sont que des figurines, et Jules Romain n’était à son aise que dans les plus grandes proportions. On remarque, dans le dernier ouvrage dont je viens de parler, une grande connaissance de l’antique.

POLIDORE CALDARA (dit de Carravagge), disciple de Raphaël. Son génie est plus naturel, plus pur, mieux réglé que celui de Jules Romain. Le Musée ne possède qu’un seul tableau de ce peintre distingué, au n° 1146; encore n’est-ce qu’une esquisse sur bois peinte en détrempe: elle est assez arrêtée pour donner une idée de l’élégance et de la vérité de ses attitudes, de l’expression et du caractère des têtes, de l’excellente manière dont il savait jeter les draperies, et surtout de ses excellens principes du clair-obscur.

FRÉDÉRIC BAROCHIO (dit le Baroche) est un des peintres les plus gracieux de l’Ecole romaine. Ses attitudes sont agréables, ses figures bien dessinées, bien drapées; ses plis bien formés et nettement touchés. Le Musée n’a de ce peintre séduisant que deux tableaux. La Vierge assise sur les nuages, n° 858, à la douceur la plus aimable joint un dessin pur et d’une grande finesse; sa couleur plaît, et est facile à imiter, mais elle est fardée: ce sont des violâtres, des bleuâtres, des aurores, tous de la plus grande fraîcheur, mais fort au-delà de la nature. Le tableau du n° 859 est une demi-figure de sainte Marguerite.

FRANÇOIS VANNI imita le Baroche, sans en avoir la douceur. Trois tableaux que possède le Musée, aux nos 1238, 1235 et 1240) nous montrent combien sa couleur est agréable et tendre, son dessin excellent, et comme il rendait bien les extrémités, surtout les mains; ses têtes sont bien peintes et ont un caractère gracieux; son pinceau est aimable, sa manière large et facile, mais sans génie pour la composition.

MICHEL-ANGE AMERIGI (dit le Caravage) fut coloriste dans les jours, et digne du Titien dans cette partie de l’art; son-faire est large, facile; sa manière est grande, mais dure; ses draperies sont vraies, mais mal jetées; il manque de noblesse, d’expression et de grâce; mais si dans ses tableaux la nature ne peut être plus mal choisie, il faut convenir qu’elle ne peut être mieux peinte: ses compositions n’ont aucunes convenances, mais sont pittoresques, vraies, piquantes et singulières. Le Musée possède quatre tableaux de cet artiste; on remarque dans celui qui représente la Mort de la Vierge, n° 895, une belle conduite d’ombres et de lumières, une rondeur et une force merveilleuses; mais la figure de la Vierge est ignoble, le corps ressemble à celui d’une femme noyée. La femme qui est assise la tête penchée et couverte de ses mains, indique plutôt qu’elle ne montre une belle expression de douleur. Dans plusieurs autres figures, la tristesse est basse. On s’aperçoit dans la composition que l’auteur s’est trouvé embarrassé de placer onze figures. La machine est d’un grand effet, le pinceau est fier; mais la couleur est dure, et les ombres sont si noires, que le premier coup d’œil est repoussant. Le tableau du n° 897, qui représente une Bohémienne, a un grand mérite de couleur. Aucun de ces ouvrages ne peut être comparé au portrait d’Adolphe de Vignacourt, au n° 894; il est digne des plus grands éloges: vérité, force, suavité de couleurs; la figure principale est imposante; l’effet est de la plus grande fierté ; la tête du grand-maître et celle du page sont admirables; les accessoires, tels que l’armure, le casque, le panache, sont travaillés avec beaucoup d’art et une extrême vérité. Le quatrième tableau, n° 896, est attribué à un élève du Caravage.

DOMINIQUE FETI mérite une place distinguée entre les excellens peintres, par sa couleur vigoureuse, quoiqu’un peu noire dans les ombres; par son pinceau gras et moelleux, par la beauté de sa touche, par le relief qu’il donne aux objets; il plaît par la finesse de ses expressions, la variété de ses compositions, la vérité de ses teintes. Le Musée a quatre tableaux de ce peintre, qui tous ont de grandes beautés; ils sont aux nos 986 et suivans. La Mélancolie, au n° 988, est d’une belle expression; la couleur en est un peu sombre. Le n° 989 est la représentation de la Vie champêtre.

SACCHI (dit Pavia) a une manière large et hardie, un dessin vrai, une composition agréable; plus frais que vigoureux dans sa couleur, plus léger que savant dans l’art de la draperie, il plaît par la vérité de son style, et un air de simplicité qui séduit. Si on ne compte pas ce peintre au rang des plus grands maîtres, on peut lui donner un rang distingué parmi les artistes. Le tableau qui est au Musée au n° 1177 offre les qualités reconnues au talent de Sacchi; mais il offre aussi les défauts de l’époque.

GASPRE-DUGHET se consacra au paysage; il étudia les ouvrages de Claude le Lorrain; il se fit une manière vague et agréable; ses sites sont beaux et bien dégradés; son pinceau est facile; ses paysages ont de la vie: les effets des orages et du vent s’y font sentir avec vérité. Le Poussin, dont il fut élève, a peint quelquefois les figures dans ses tableaux, quoique lui - même les ait traitées assez bien. Le Musée a quatre paysages de cet agréable artiste, aux nos 999 et suivans.

FRANÇOIS ROMANELLI, dont les beautés et les défauts tiennent aux défauts et aux beautés de Pierre de Crotone son maître, est plus froid que lui; mais il a de même quelque chose qui tient de la grâce, un certain agrément dans les têtes, qu’on pourrait prendre pour de la beauté ; une abondance, une richesse de composition qu’on appelle quelquefois du génie; son dessin manque de grandeur et de correction; sa couleur est agréable. Romanelli tient un rang assez distingué parmi les bons peintres italiens. Un seul tableau de lui est au Musée, au n° 1170; il nous donne une faible idée de ses talens: c’est Japis instruit par Esculape dans l’art de guérir; il essaie en vain d’arracher le trait de la jambe d’Enée; Vénus, touchée des souffrances de son fils, jette les sucs de l’ambroisie sur les plantes employées pour le guérir.

LAURI PHILIPPI est correct dans son dessin et a de la grâce; sa couleur est exagérée de vigueur, et parfois très-faible. Un seul tableau de cet artiste est au Musée, au n° 1063: Saint Français malade; une musique céleste le ravit.

CARLE MARATTI. Les ouvrages de ce peintre sont dessinés correctement, mais il est facile de juger qu’il n’a pas étudié l’antique. Il est riche dans ses ordonnances, noble, magnifique dans ses compositions, mais froid et recherché, et rien qui décèle le génie; il est aimable, mais faible dans ses expressions. Ses airs de têtes ont de la beauté ; celles d’anges et de vierges sont agréables, et ne manquent pas de grâce; sa manière est grande et large, mais quelquefois molle. On y trouve la justesse, on y cherche le sentiment. Son style est soigné, mais maniéré ; ses draperies sont lourdes et affectées; souvent sa couleur est faible et tombe dans le gris; ses reflets manquent d’intelligence; cependant sa couleur est quelquefois suave, argentine, et même vigoureuse, comme au n° 1085, dans son joli tableau de l’Adoration des Bergers; les trois autres que le Musée possède de ce peintre estimable, sont aux nos 1086 et suivans.

ANDRÉ LUCATELLI est très-bon paysagiste; son intelligence du clair-obscur répand sur ses tableaux des effets piquans. Le seul de ce peintre qui soit au Musée, au n° 1075, fait regretter qu’il n’y en ait pas davantage: ce paysage est délicieux de fraîcheur, de composition.

Guide des dames au Musée royal de peinture

Подняться наверх