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VII.

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Cependant Raoul est descendu de son coursier au poil fauve, à l'entrée de son pavillon. Ses barons le désarment; ils lui délacent son heaume doré, lui déceignent sa bonne épée d'acier, lui enlèvent du dos son haubert et lui passent sa robe. Il n'y a pas en France de si beau chevalier, ni de plus habile à se servir de ses armes.

Raoul a appelé son sénéchal, qui est venu sur-le-champ, et songeant au plaisir de la bonne chère: «Fais-nous servir, dit-il, des paons rôtis et des cygnes poivrés: donne-nous aussi du gibier à foison; je veux que le dernier de mes gens en mange aujourd'hui à son gré.»

Le sénéchal l'a entendu: il le regarde et se signe trois fois à cause de si grand sacrilége: «Y pensez-vous, Monseigneur? Vous reniez donc la sainte chrétienté; vous reniez le baptême, vous reniez le Dieu de gloire. Il est carême; c'est aujourd'hui le vendredi solennel, dans lequel les pécheurs adorent la croix: et nous, misérables, nous sommes venus en ces lieux violer le saint monastère et brûler les nonnes qu'il renfermoit. Ah! nous n'obtiendrons jamais miséricorde, à moins que la pitié de Dieu ne soit plus grande encore que notre méchanceté.»

Raoul a jeté les yeux sur lui.

«Qui t'a dit de parler?.... Mes écuyers sont bien effrontés!... Il n'est pas étonnant que les fils d'Herbert aient payé cher leur audace; car pourquoi m'ont-ils manqué?.. Mais j'avois oublié le carême... donne-moi des échecs.»

Des échecs sont apportés.—Raoul s'assied sur l'herbe avec colère et joue comme un homme bien appris. Il met avec adresse sa tour en ligne, avec un pion prend un cavalier, et bientôt il a mâté et vaincu son compagnon. Alors il se dresse en pieds, le visage serein; et comme la chaleur est grande, il ôte son mantel gris et demande du vin.

Quatorze jeunes damoiseaux, portant pelisses d'hermine, s'empressent d'exécuter ses ordres; et l'un d'eux, fils du comte Ybert de Saint-Quentin, lui apporte une grande coupe d'or, contenant assez de liqueur pour en abreuver un coursier. Il s'agenouille devant le noble comte et la lui présente....

—Raoul l'a saisie entre toutes les autres.

«Francs chevaliers, s'écrie-t-il aussitôt, entendez-moi! Par ce vin clair que vous voyez, et par cette épée qui gît sur l'herbe, par tous les saints serviteurs du Christ, les fils d'Herbert seront maltraités, je vous le jure; jamais ils n'auront de paix, et par saint Géri, je ne leur laisserai pas même la valeur d'un parisis.... Je veux les tenir morts ou vifs, et je les poursuivrai jusque dans la mer où je les ferai nager.»

Fragments d'épopées romanes du XIIe siècle traduits et annotés par Edward le Glay

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