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II.

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Le jour apparoissoit, et prime sonnoit à l'abbaye, quand l'on vit arriver le comte Raoul. Il apostrophe ses barons avec colère: «Félons, gloutons, séducteurs, vous êtes bien mal pensants d'oser ainsi oublier mes ordres!»

—«Grâce, beau sire, grâce par Dieu le rédempteur! Nous ne sommes ni juifs, ni tyrans pour aller de la sorte violer l'asile des saints.»

Raoul furieux reprit: «J'ai commandé de tendre mon pavillon dans l'église: et qui vous a donc conseillé le contraire?»

—«Vraiment, dit le sor Géri, tu as trop d'outrecuidance; il n'y a pas encore longtemps que tu as été armé chevalier; et tu es perdu si tu attires sur toi la malédiction de Dieu. D'ailleurs les francs hommes doivent honorer les lieux saints et ne pas outrager les reliques qu'ils renferment. L'herbe est belle et fraîche par les prés; cette rivière est claire; ne pourrois-tu pas placer ici ton camp et loger tes gens à l'aise? La position est bonne; et tu n'aurois pas la crainte d'une surprise.»

—«Qu'il soit fait ainsi que vous le dites, répondit Raoul; je l'accorde, puisque vous le voulez.»

Les tapis sont jetés sur l'herbe verte. Raoul s'y couche avec dix chevaliers; et appuyés sur les coudes, ils prennent une résolution funeste.

«Allons au plus vite saccager Origni, mes amis, s'écrie Raoul aux chevaliers. Celui qui refusera de me suivre, jamais je ne l'aimerai!»

—Les barons ne l'osent abandonner; ils montent à cheval au nombre de plus de quatre mille, et s'approchent d'Origni. Ils commencent alors à assaillir le bourg et à lancer leurs traits. Les gens de Raoul vont couper les arbres devant la ville. Les habitants, voyant le danger, se disposent à la défense.

Les nonnes sortent du monastère dans la campagne. Les gentilles dames ont en main leurs psautiers et récitent de saintes oraisons: à leur tête s'avance Marcent, la mère de Bernier, tenant le livre des litanies de Salomon.

Elle saisit le comte Raoul par son haubert: «Sire, dit-elle, au nom de Dieu, où est Bernier, gentil fils de chevalier? Je ne l'ai plus revu depuis que je l'ai nourri dans son jeune âge.»

—«Dame! au maître-pavillon, où il se divertit avec maints bons amis. On ne trouveroit point pareil guerrier d'ici au Pré-Néron. Il a excité ma colère contre les enfants d'Herbert; et il dit bien qu'il ne chaussera plus jamais un éperon, si je leur laisse un bouton vaillant.»

—«Dieu! dit la dame, comme il a le cœur méchant! Tout le monde sait que les fils d'Herbert sont ses cousins; et s'ils viennent à perdre leur terre.... ah! le malheureux!...—Sire Raoul, nous sommes nonnes; et par les saints de Bavière, jamais vous ne nous verrez tenir ni bannière, ni lance; jamais nous n'étendrons personne dans la tombe...»

—«Vrai! interrompit Raoul, vous êtes bien une méchante flatteuse. Vile courtisane de bas lieu....»

—«Sire Raoul, pourquoi m'outrager? Nous ne manions ni l'épée, ni la lance; et vous pouvez nous mettre à mort sans défense: mais ce seroit grand péché.—Toute notre vie, c'est l'autel; et notre subsistance, on nous la donne.—Les puissants seigneurs qui vénèrent ces lieux saints, nous envoient l'or et l'argent dont nous avons besoin. Quel mal faisons-nous? Et pourquoi nous traiter cruellement? Si vous voulez ravir cette terre à notre sire, eh bien! vous la conquerrez avec vos chevaliers; mais respectez cette abbaye.—Allez, retournez dans nos prés; nous vous donnerons toutes provisions; et le foin et l'avoine ne manqueront pas à vos écuyers.»

—«Par saint Riquier, dit Raoul, j'ai pitié de votre prière, et vous fais grâce....»

—Et la dame répondit, «sire, je vous remercie.»

Raoul remonte sur son cheval coursier, et s'éloigne.

Fragments d'épopées romanes du XIIe siècle traduits et annotés par Edward le Glay

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