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I. — DÉVELOPPEMENT DES ÊTRES VIVANTS A LA SURFACE DE LA TERRE.

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Table des matières

Autant que nos connaissances en physique et en astronomie nous permettent d’en juger, il peut sembler logique de décider que les lois qui régissent l’univers sont les mêmes que celles auxquelles la terre est soumise, si bien que nous pourrions, sans trop nous hasarder, conclure de la partie au tout.

Les astres qui circulent dans l’espace, après avoir passé par divers états, se sont constitués en masses solides, formées, si nous en jugeons par les aérolithes qui visitent notre globe, des mêmes éléments minéralisateurs que la terre: fer, cuivre, étain, nickel, soufre, magnésie, silice, etc.; du moins jusqu’à présent, l’analyse de ces corps déviés de leur cours n’a-t-elle rien présenté qui ne nous soit connu, les proportions seules des composants paraissent différer.

Partout, de près ou à distance, s’exerce l’attraction, partout se manifeste le mouvement. La lumière, le calorique, l’électricité, le magnétisme, agissent sur les astres les plus éloignés de nous, comme ils agissent sur la terre.

Notre histoire est donc très-vraisemblablement celle du monde tout entier. Les phases par lesquelles nous avons passé, les révolutions que nous avons subies, sont les mêmes à travers lesquelles passent ou ont passé les astres les plus éloignés de nous. Ils ont une origine pareille, et, de même que la vapeur aqueuse devient de l’eau en se condensant, puis de la glace, si la température s’abaisse au-dessous de zéro, de même les astres, après avoir été vapeur, puis fluide, se solidifient en commençant par la surface, pour gagner le centre, et ne plus former, les siècles aidant, qu’un corps solide dans toute sa masse.

Ce qui nous frappe d’abord lorsque nous contemplons cet admirable spectacle de l’univers, c’est que tout y est mobile. Non-seulement les astres se déplacent, mais il s’opère en eux des changements dont les éphémérides du monde ont gardé le souvenir: modifications dans la couleur et dans l’intensité de la lumière, disparition subite ou graduée d’étoiles: par exemple, l’une des Pléiades, de sept, aujourd’hui réduite à six, et elle n’est pas la seule qui ait cessé de briller. On a été jusqu’à acquérir la certitude que des astres se sont brisés, lançant dans l’espace des fragments que de savants calculs ont fait retrouver dans les profondeurs du ciel.

Placés à des distances plus ou moins considérables de notre système, les astres ne nous transmettent la lumière dont ils brillent qu’après un temps plus ou moins long, depuis celle du soleil qui nous arrive en huit minutes, jusqu’à celle de certaines étoiles qui ne nous parvient qu’en un grand nombre de siècles. Il suit de là que le soleil, lorsqu’il nous éclaire, n’est pas exactement à la place où il se montre à nous; plus les astres sont éloignés, plus ils se sont écartés du point où ils paraissent être. Certains d’entre eux pourraient avoir disparu depuis mille ans et plus, que nous les verrions encore. Peu de personnes ont songé que nos yeux voient le ciel autrement qu’il n’est en réalité.

Notre vue est limitée, et nous n’avons pas à nous en plaindre; si nos yeux avaient la puissance télescopique, le ciel perdrait quelque chose de sa mystérieuse beauté. Les astres se présenteraient hérissés de montagnes, déchirés par des volcans, creusés d’abîmes; nous verrions la terre entourée d’astéroïdes qui la suivent comme les pierrailles suivent l’avalanche, et nous nous plaindrions bientôt de trop voir.

Ce que nous découvrons, aidés de nos instruments amplifiants, suffit pour nous démontrer combien sont nombreuses les analogies qui unissent la terre aux autres planètes ses sœurs. On a constaté que plusieurs d’entre elles ont une atmosphère, des pôles chargés de neiges que fait fondre la chaleur des étés. On croit savoir que les bandes observées à la surface de Jupiter ne sont autre chose que des amas de nuages. Il n’est pas même jusqu’au soleil qui ne change d’aspect, et même dans un temps assez court.

Si nous connaissions aussi bien les planètes et les astres que nous connaissons la terre, il nous serait facile de reconnaître que la stabilité n’est nulle part. En ce qui nous concerne, combien nos annales, si longtemps incertaines, et qui datent d’un jour, n’ont-elles pas constaté de changements! Que de montagnes écroulées, de continents modifiés, de rivages abandonnés parles mers! que de volcans éteints et de volcans rallumés, de sources taries, de fleuves détournés de leurs cours! Or, qui pourrait soutenir que ces changements sont propres à la terre et qu’ils ne s’étendent pas à l’univers tout entier.

Non-seulement le mouvement entraîne la masse, mais la masse elle-même est soumise, durant un temps variable en raison du volume et sans doute aussi d’après la nature des minéraux qui la composent, à un mouvement moléculaire considérable. Il agit sur la forme qu’il modifie, sur la température qu’il abaisse. C’est une sorte d’activité, une vie chimique et physique qui prélude par des actions et des réactions sans nombre à un repos dont le terme est inconnu.

Tant que cette activité dure, on pourrait dire que les astres vivent. C’est pour eux comme une manière d’être. Si elle s’arrête, ils perdent leur dignité et deviennent impropres au développement de la nature organique. Comme la lune, ils ne roulent plus alors dans l’espace qu’un corps éclairé d’une lumière d’emprunt; emportés par le mouvement général, le mouvement n’est plus en eux: ils ressemblent à ces rochers nus que la terre entraîne avec elle et qui la chargent d’un poids inutile.

Quoique les astres ne vivent pas, — dans le sens ordinaire que nous attachons à ce mot, — ils ont cela de commun avec les êtres organisés, de passer comme eux par des phases pendant lesquelles ils se constituent et prennent une forme.

Les éléments dont ils tirent leur origine sont dus à la matière cosmique, qui elle-même a peut-être sa source dans la matière éthérée qui remplit l’espace.

Ces vapeurs organisatrices ont une composition très-compliquée. L’oeuf des animaux renferme tous les éléments de l’organisation des êtres qu’il doit produire. La matière cosmique contient aussi à l’état de vapeurs, — tant l’élévation de la chaleur est considérable, — tous les minéraux destinés, en se condensant, à constituer la masse de l’astre en voie de formation.

On peut donc dire, sortant du domaine de l’hypothèse pour entrer dans la réalité, qu’il est dans le ciel des astres qui éclosent. Ces soleils naissants se présentent sous l’aspect de nébuleuses, les unes avec un seul noyau, les autres avec deux et même avec trois, jumeaux ou trijumeaux. Longtemps unis, ils se séparent pour avoir une individualité.

Lorsque la matière cosmique s’est condensée, l’astre est à l’état de fusion et rayonne des flots de lumière et de calorique. Peu à peu il se refroidit à la surface; la solidification gagne le centre, et l’œuvre, autant qu’il nous est permis d’en juger, semble terminée.

Par cela même que les soleils brillent, ils doivent s’éteindre, puisqu’ils tirent d’eux-mêmes la lumière qui s’en dégage. C’est une simple question de temps; et qu’est-ce que le temps, lorsque sa durée est sans bornes? une minute, un siècle, mille siècles, se présentent avec la même valeur. Comment trouver la fraçtion, lorsque n’existe pas le dénominateur?

La création n’est pas une œuvre terminée, elle se continue et se continuera sans doute indéfiniment. Le monde est toujours à l’état d’enfantement. Rien ne semble terminé, rien ne semble devoir se terminer. Si la vie sidérale cesse en un point, elle se développe sur un autre. C’est comme un but vers lequel on tendrait toujours, quoique perpétuellement atteint.

Ainsi, de même que sur la terre les êtres vivants naissent, meurent et se succèdent, de même verrait-on dans le ciel les astres se succéder pour ne plus rouler après leur constitution définitive que des masses inertes, impropres à permettre à leur surface le développement de la vie.

Sans doute l’histoire du ciel offre et offrira toujours à notre esprit des énigmes indéchiffrables; mais ce que nous en savons, sans nous empêcher de chercher à en savoir davantage, peut satisfaire notre orgueil. Nous avons pu comprendre comment se formaient les astres et quelle route ils parcourent dans le ciel, mais qui nous dira jamais en vertu de quelles lois se constitue la matière cosmique; quelle main allume les soleils et quel souffle les éteint? Comment le temps n’a pas commencé, et comment il ne doit pas finir? Comment, dans un espace sans bornes, circulent des astres sans nombre? En présence de ces infinis, l’intelligence humaine s’humilie et la grandeur de Dieu se révèle.

La fleuraison d’un astre, qu’on nous passe ce mot, est marquée par l’apparition à sa surface des êtres vivants, quelle que soit la forme qu’ils revêtent. Si la vie n’a pu s’y développer ou si elle s’y est éteinte, l’astre n’a pas vécu ou a cessé de vivre.

Quoi qu’on puisse dire de l’homme, de son imperfection, de la courte durée de sa vie, etc., c’est pourtant en lui que réside la dignité de la terre. L’intelligence est supérieure aux lois qui régissent la matière, car l’une est libre et l’autre obéissante.

Pour que les astres aient une raison d’être, il faut que la vie s’y développe. Il faut des créatures intelligentes qui élèvent leur pensée vers Dieu et qui admirent ses œuvres. N’y eût-il dans l’univers qu’un seul homme, il vaudrait à lui seul plus que tous les mondes.

Que sont les astres, dont le cours est réglé, à côté de l’homme qui agit librement? Qu’est-ce que la matière à côté de l’intelligence; ce qui pense et ce qui ne pense pas, la masse qui ne voit rien et l’œil qui voit la masse?

L’intelligence qui connaît le volume et le poids des astres, qui calcule à quelle distance ils sont de nous, qui détermine l’étendue de l’orbite qu’ils parcourent, m’étonne bien plus que les soleils sans nombre que nous découvrons dans les cieux. Je suis à peine un atome, mais cet atome a la pensée et la volonté .

Dépeuplez les mondes, el dites-moi ce que vaudra l’univers. Dieu remplira l’espace de sa majesté ; l’esprit régnera partout, mais les astres pourront disparaître sans qu’il en coûte rien à la grandeur divine.

S’il ne peut y avoir qu’un seul Dieu pour régir le monde, il ne peut y avoir qu’une seule destinée pour tout ce qu’il crée: passer de l’état actif, qui est la vie, à l’état passif, qui est la mort.

La puissance des agents auxquels la terre doit ce qu’on pourrait nommer sa vitalité ne saurait être limitée. La lumière peut avoir plus ou moins d’éclat, le calorique une élévation plus ou moins considérable, l’électricité et le magnétisme une intensité plus ou moins grande, sans pour cela cesser d’être le calorique, l’électricité ou le magnétisme, avec des propriétés semblables et une seule manière d’agir.

Les résultats que les études scientifiques nous ont fait obtenir sont immenses, et l’un des plus récents et des plus considérables est la découverte de moyens physiques à l’aide desquels on a pu déterminer la nature chimique du soleil et celle de plusieurs de ses satellites. C’est avoir beaucoup obtenu, et ce n’est pas là le dernier mot de la science. Cependant l’intelligence a ses bornes, et plus il semble qu’on soit près de les atteindre, plus elles semblent s’éloigner. Comment comprendre que la matière éthérée, si prodigieusement diffuse, puisse contenir à l’état gazeux les minéraux les plus réfractaires à l’action du feu de nos laboratoires? Et cette matière destinée à constituer la masse solide des astres, d’où provient-elle? en vertu de quelles lois se fractionne-t-elle pour émailler le ciel de ces millions de corps à peine accessibles à la vue aidée de télescopes? Ces impossibilités d’explication pour des phénomènes dont les effets sont évidents conduit nécessairement à admettre l’action toute-puissante d’un Dieu créateur.

Mais cet être suprême, quel est-il? Il faudrait, pour répondre à cette question, comprendre l’espace sans limites et le temps sans terme, ce qui n’a pas commencé, ce qui ne devra jamais finir.

Ne nous étonnons pas de voir les anciens confondre les œuvres de la création avec Dieu lui-même. Essayer de définir ce qui est indéfinissable conduit nécessairement à l’erreur. Quelle idée juste pourrions-nous avoir d’un être éternel dans le temps et dans l’espace, nous à qui l’espace et le temps ont été si étroitement mesurés? N’ayant aucun de ses attributs, comment espérer d’en deviner l’essence, lui prêter une formé et le personnifier?

Le nom de Créateur lui convient sans doute; cependant, s’il opère pour la vie, il opère aussi pour la mort. Tout ce qu’il produit est destiné à n’avoir qu’une durée éphémère, et les parts faites à la vie et à la mort sont absolument égales.. Pourquoi produire sans cesse pour détruire? Dans quel but? Pourquoi cette révolution perpétuelle de plantes dévorées par les animaux et d’animaux qui s’entre-dévorent? Pourquoi, en les créant, avoir mis la mort à côté de la vie, la douleur à côté de la jouissance? Pourquoi les éléments font-ils une guerre incessante à la nature vivante, et pourquoi faire acheter si cher le droit de vivre? L’homme est entouré de mystères, et ce qu’il ne comprend pas, il le blâme.

La vie telle qu’elle se manifeste sur la terre ne pouvait avoir qu’une durée temporaire. Ce qui fait vivre doit nécessairement faire mourir. Les organes, pour donner l’accroissement et la sensibilité, devaient avoir et ils ont en effet une délicatesse extrême. Chez les animaux, ce que perd le système nerveux pendant la veille, le sommeil le leur rend, jusqu’à ce que l’époque de la déchéance arrive. Alors la perte l’emporte sur le gain, le corps dépérit, et la mort arrive. Mais si l’individu meurt, la vie est transmise à la race, et elle se perpétue d’une manière qui, pour nous, peut paraître indéfinie. Il semble que la vie qui donne le mouvement ne peut pas plus s’arrêter que le mouvement des astres à travers les cieux.

Il n’était pas possible que les êtres organiques pussent vivre toujours. S’il en eût été ainsi, on ne saurait comprendre ce qui serait advenu. Pour éviter l’encombrement, il fallait que la mort intervînt, ou que la création s’arrêtât après avoir enlevé aux plantes et aux animaux la faculté de se reproduire. Toutes les lois auxquelles la nature vivante est soumise auraient été changées, et la terre serait autre chose que la terre d’à présent. Les corps planétaires se trouvent dans des conditions différentes; l’espace, étant infini, peut recevoir indéfiniment de nouveaux hôtes. S’ils changent d’état, ils n’en conservent pas moins leur place. Pourtant, comme aux êtres organisés, la vie leur échappe. Devenus obscurs et glacés, ils ont le sort de ces ossements fossilifiés, qui témoignent de la vie, mais qui sont à tout jamais condamnés à l’inertie.

Si nous songeons qu’une intelligence suprême a présidé sut la terre à l’évolution des êtres, pourquoi ne pas reconnaître que cette intelligence a dû se réfléchir sur une créature douée de qualités refusées à toutes les autres; or, cette créature privilégiée, quelle sera-t-elle, sinon l’homme? Les animaux n’ont d’intelligence que celle qui les aide à remplir leurs destinées et surtout à se conserver; l’espèce humaine, au contraire, étend la sienne par delà ses besoins matériels. On peut dire avec une apparence de vérité, que la formation de la terre n’est qu’un moyen, la création des animaux qu’une ébauche, et que l’apparition de l’homme pouvait seule compléter l’œuvre. Seul, en effet, il se met en communication avec la nature; il l’étudié, il la comprend; sans lui la terre n’aurait pas même un nom, et Dieu serait pour elle comme s’il n’existait pas. Pour qui alors eussent été créées tant de merveilles? qui les eût admirées? Les animaux jouissent de tout sans rien voir et sans rien comprendre; à l’homme le privilège exclusif de tout voir, sinon de tout comprendre. Ce n’est pas pour nous uniquement que le soleil éclaire la nature, que les étoiles brillent d’un si vif éclat dans les cieux, que les plantes revêtent mille formes, que les oiseaux et les insectes sont si richement habillés; mais, parmi les êtres sans nombre qui couvrent la terre, nous sommes du moins les seuls qui jouissions des harmonies de la nature, tandis que, pour tout le reste des animaux, la création est une œuvre morte.

Le darwinisme

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