Читать книгу Les douze nouvelles nouvelles - Arsène Houssaye - Страница 15
II
ОглавлениеCe qui n'empêcha pas Janina d'aller à l'hôtel du Louvre.
C'est là que se passe la seconde scène, dans une de ces chambres bien numérotées qui font la joie d'une étrangère et qui feraient le désespoir d'une Parisienne.
Elle avait écrit à la Faramineuse, par la main de Mme Hamilton.
Il n'y avait pas une heure qu'elle attendait, quand Caroline Bertin, qui ce jour-là n'avait rien à faire, vint en personne pour répondre à la lettre d'appel, inquiétée d'ailleurs par ce singulier autographe.
Dès que la jeune femme entendit frapper, elle noua un double voile. Elle ouvrit et se mit à contre-jour pour parler à Caroline Bertin.
—Mademoiselle, j'arrive de Russie. Je sais que vous êtes à la mode et je ne m'en étonne point en vous voyant. Vous faites la pluie et le beau temps dans les régions de la galanterie. Voulez-vous que je vous donne dix mille francs pour...
—Donnez toujours, princesse, nous verrons après. C'est que le mari de Janina n'était pas si généreux. Il fallait lui arracher les billets de cinq cents francs. La jeune mariée déploya dix billets de mille francs comme si elle eût déployé son éventail. La Faramineuse les saisit avec ivresse.
—Tout ce qu'il vous plaira, madame.
Caroline Bertin s'attendait à recevoir une déclaration à bout pourtant.
—Mademoiselle, je sais votre vie intime. Vous avez pour amant le vicomte de***, qui a été le mien. Je veux le voir sans l'avertir. Faites-moi le sacrifice de m'ouvrir pour cette nuit votre chambre à coucher, où vous ne serez pas.
—De tout mon coeur, princesse.
—A quelle heure rentre votre amant?
—Il vient toujours à minuit et demi.
—Eh bien! je serai là avant minuit.
Disposez tout pour que la comédie soit bien jouée; je donnerai cinq cents francs à votre femme de chambre. Naturellement, il n'y aura pas une bougie allumée; il n'y aura pas même une bougie dans la chambre à coucher, car je ne veux pas être reconnue.
Caroline Bertin était silencieuse. Elle ne voulait pas rendre les dix mille francs, mais elle ne voulait pas perdre le vicomte. Enfin, une idée folle lui passant pas l'esprit, elle parut se résigner.
—Soyez tranquille, princesse. J'ai une petite gueuse de femme de chambre qui est trop futée pour faire une bêtise... Donnez-moi toujours les cinq cents francs... Ça lui donnera du coeur à l'ouvrage.
Naturellement, elle trouvait que ce serait de la folie de donner plus de cinq louis à une femme de chambre.
Janina, qui déjà n'avait pas une haute estime pour la Faramineuse, lui donne cinq cents francs sous un regard de pitié.
—Donc, à minuit, dit-elle.
Caroline Bertin tendit la main à Janina, qui ne daigna pas comprendre; la jeune femme voulait bien qu'on lui tendît la main pour recevoir de l'argent, mais non pour serrer la sienne.
En descendant le grand escalier de l'hôtel du Louvre, la courtisane rencontra le prince Rio.
—D'où viens-tu, Caroline?
La Faramineuse prit un air mystérieux pour conter l'histoire au prince.
—Voilà un mari heureux! s'écria-t-il en riant.
—Prince, vous avez votre coupé, mettez-moi à ma porte pour causer un peu.
Que se dirent-ils?
Cependant la pseudo-princesse éclatait en sanglots.
Est-il possible que je vais jouer cette comédie? Oh! non, je ne la jouerai pas.
Elle s'offensa de toute sa dignité.
—Et pourtant, comme je serais heureuse de dire demain à mon mari: «Comment avez-vous passé la nuit?»
Affolée par sa passion, la téméraire jeune femme était capable de tout, hormis de trahir Fernand. Elle se disait que peut-être Mme Hamilton avait raison et qu'il fallait tout risquer pour ne pas tout perdre. Qui sait s'il ne voudrait pas recommencer toujours cette nuit-là?