Читать книгу Les femmes de sport - Arsène Houssaye - Страница 7
ОглавлениеLES FEMMES DE SPORT
Sous l’influence des mœurs anglaises, depuis un quart de siècle, en France, les conditions d’existence de la femme subissent d’importantes modifications et le sport, avec tous les développements qu’il comporte, fait partie intégrante de la vie de nos mondaines. Autrefois, la danse et par exception l’équitation, constituaient les seuls exercices du corps inscrits au programme de l’éducation féminine. Il n’était même pas de bon ton, pour une femme de se livrer à la pratique du sport. La marquise d’Aylesbury conduisant elle-même son duke aux Champs-Élysées révolutionnait les passants et le pistolet de la duchesse de Montpensier, faisant son carton aux côtés de son mari, effarait la sainte reine Marie-Amélie et les dames de la cour de Louis-Philippe. Il ne fallait rien moins que le respect attaché à la personne de la duchesse d’Angoulême pour que le faubourg Saint-Germain lui pardonnât de faire chaque soir sa partie de billard à Goritz au à Froshdorff et la natation semblait chez le sexe faible un trait de hardiesse que désapprouvaient les familles à principes.
Aujourd’hui que tout cela est changé ! La gymnastique et tout ce qui se rattache au sport aquatique ou terrestre a droit d’entrée dans les maisons les plus sévères. Les courses, les concours hippiques ont développé pour la femme le goût du cheval; la dernière guerre l’a accoutumée à l’odeur de la poudre, tant et si bien, qu’elle fait à présent le coup de fusil contre les lièvres et les lapins à rendre des cartouches aux hommes; enfin, l’extension croissante de l’art de l’escrime, sa présence aux assauts d’armes lui a donné à son tour l’envie de manier le fleuret. Isabelle commence à jouer avec le fleuret de Dorante, par plaisir de tuer le temps avec lui, et, un beau matin, finit par le boutonner sans crier gare.
C’est ce changement chez la femme de nos jours qu’il m’a paru intéressant de mettre en relief dans une suite de portraits contemporains incarnant chacun quelque type spécial de femme de sport: ici, une femme d’épée avec la comtesse de Salles, là une femme de cheval avec la duchesse de Fitz-James; sur cette page un fusil émérite avec la princesse de Metternich sur cette autre une véritable naïade avec la duchesse de Chartres. En parcourant la galerie que j’inaugure aujourd’hui il n’y aura pas qu’une vaine curiosité de satisfaite, les filles d’Ève y trouveront un encouragement partant de haut à prendre les habitudes sportives et à réagir ainsi contre l’étiolement auquel les voue l’atmosphère des salons. Toute femme ne peut pas monter à cheval et courre le cerf à Chantilly ou à Rambouillet, mais il n’en est guère qui ne puisse se donner le luxe d’un coup de fusil — fut-ce contre les moineaux de son jardin.
Il n’est pas douteux ensuite que les exercices du corps n’aient sur notre société française l’influence fortifiante qu’ils ont eue sur la société anglaise. Grâce à eux, la classe supérieure refera son sang appauvri et offrira au monde d’autres spécimens que les gandins rachitiques et les coco-dettes efflanquées qui la distinguaient jusqu’ici. Le service militaire étant obligatoire pour tous, il est de rigueur que les femmes du highlife se mettent à la hauteur de leur mission de mères de défenseurs de la patrie.
Si cet album à l’encre rose aide à ce résultat, il aura bien mérité de la morale, — cette fameuse morale qu’il ne faut pas placer seulement au fond de toutes les fables mais aussi de tous les livres.
Château de Beauvois, 3 septembre.