Читать книгу Hygiène de la voix et gymnastique des organes vocaux - Auguste 1802-1890 Debay - Страница 10
CACOMUTHIES.
ОглавлениеVice ou imperfection de la parole.
Les imperfections de la parole peuvent dépendre ou d’une lésion organique, ou d’une affection des nerfs qui président aux fonctions vocales, ou encore d’un défaut d’harmonie entre les actes de combinaison et d’expression, ou enfin d’une habitude développée par l’imitation. Les vices de la parole peuvent se réduire à dix.
1° Nasonnement. — Articulation désagréable généralement occasionnée par un obstacle à l’écoulement du son dans le canal nasal. Selon la nature et le volume de l’obstacle ce vice offre différents degrés, depuis la voix légèrement nasillarde jusqu’au nasonnement complet.
Le nasonnement qui dépend d’un vice de conformation ou d’un obstacle développé dans les cavités nasales, exige la main d’un homme de l’art. Lorsqu’il est le résultat d’une irritation chronique,d’un épaississement de la muqueuse qui tapisse les parois des cavités nasales, la médecine ordonne des reniflements répétés d’une eau émolliente d’abord et puis détersive, astringente, ou encore des fumigations de même nature; quelquefois de petites saignées locales au moyen de sangsues; les gargarismes souvent répétés sont d’un excellent effet, quand l’irritation se borne à l’orifice postérieur des fosses nasales.
Dans les cas, fort nombreux, où le nasonnement dépend d’une mauvaise habitude contractée, soit par imitation, soit à la suite d’un rhume de cerveau chronique, qui n’a laissé aucune trace, il faut tout simplement habituer le sujet à lancer sa parole, de manière à ce que le son sorte, en grande partie, par la bouche, et que l’autre partie trouve un libre écoulement par le canal nasal; car, c’est le tourbillonnement du son derrière le voile du palais et son engouffrement, sans issue, dans les cornets nasaux, qui produit et perpétue le nasonnement.
2° Grasseyement. — Cette articulation défectueuse à laquelle on trouve quelque charme, lorsqu’elle est très légère, dépend soit d’un défaut de longueur de la langue, soit de son peu d’agilité, soit enfin de la position vicieuse de cet organe, pendant la formation de la vibrante r. En effet, chez les personnes qui grasseyent, la langue se trouve retirée en bas et sa face supérieure est convexe au lieu d’être concave, ce qui la force de vibrer par sa base, tandis qu’elle devrait vibrer par sa pointe. Or, c’est par un mécanisme de vibration tout opposé qu’on parvient à extirper ce vice de la parole; ce mécanisme, le voici: — On s’exercera fréquemment à prononcer, avec la pointe de la langue les lettres, T, D, — B, D et P, D; d’abord lentement, puis avec rapidité et tout à coup, de manière qu’il y ait explosion et vibration instantanée. En prenant pour exemple, les mots travail, preuve, brave, on devra articuler Tda-vail, Pdeu-ve, Bda-ve.
Après quelque temps de ce premier exercice, on passera à des mots plus compliqués, c’est-à-dire contenant deux r séparés, comme transparent, prêtresse qui devront s’articuler Tdans-pa-tdant, Pde-tdesse. Dans les mots qui se terminent par un r,comme amour, plaisir, bonheur, on substituera la lettre d à l’r et l’on prononcera amoud, plaisid, bonheud, mais il faut alors qu’en articulant le d, la pointe de la langue recourbée attaque la voûte du palais et se retire instantanément.
De semblables exercices sur une foule de mots, souvent répétés et longtemps continués, habitueront la langue à vibrer par sa pointe et effaceront pour toujours le défaut du grasseyement.
3° Sifflement. — Bruit exagéré pendant l’articulation des sifflantes, ordinairement occasionné par la disposition vicieuse ou la perte des dents incisives. L’habitude de modérer la poussée d’air pendant l’articulation des sifflantes, peut modifier ce défaut; mais l’art du dentiste est seul apte à l’effacer complètement.
4° Kliatement. — Perversion des articulations cl et ch dépendant de la rigidité et de la position vicieuses de la langue; ainsi, au lieu de prononcer chou — chat — cieux, on prononce kliou — kliat — klieux. Dans le mot kliatement que j’ai hasardé pour désigner cette imperfection le K doit se prononcer comme le χ grec manquant à notre langue.
Pour détruire ce vice, il s’agit tout simplement de mettre obstacle à la fuite d’air qui a lieu entre les parois de la bouche et l’un des côtés de la langue près de la base. On y parvient en recourbant la pointe de cet organe contre les incisives inférieures et, sa base étant abaissée, on opère la poussée d’air en ligne droite, de manière qu’il ne s’en perde point sur les côtés.
5° Jotacisme. — Difficulté d’articuler les gutturales, le plus ordinairement consécutives aux perforations et aux lésions du voile du palais. Ce vice, lorsqu’il n’est que le résultat de l’habitude, disparaît devant une gymnastique soutenue sur les articulations K, Q et C rude; s’il dépend d’une altération ou lésion du voile palatin ou de l’arrière bouche, le traitement est du ressort de l’art chirurgical.
6° Mogistalisme. — Gêne dans l’articulation des explosives causée par une lèvre inférieure trop courte ou un bec de lièvre. Dans le premier cas des tractions répétées sur la lèvre inférieure et une gymnastique journalière sur les lettres explosives, sont bien souvent couronnées de succès. Dans le cas de bec de lièvre il n’y a qu’une opération chirurgicale qui puisse amener la guérison.
7° Lallation. — Substitution de la lettre L à la lettre R: ainsi, lêvelie pour rêverie, ma-lie pour marie. Ce vice est plus ou moins saillant; quelquefois il est imperceptible. Une langue trop courte en serait la cause. Les moyens de combattre ce défaut sont les mêmes que ceux contre le grasseyement.
8° Blésité, ou Zézaiement. — Ze pour je. Ce vice peut dépendre du trop grand volume de la langue, mais le plus souvent il est le résultat d’une mauvaise habitude; on le rencontre à l’état endémique dans certaines provinces de la France.
Les personnes affectées de ce défaut devront gymnastiquer sur l’articulation ch, en chassant avec force l’air du poumon; château, chameau, cheval, étant pris pour exemple, on prononcera che — ateau, che — ameau, che — val, en appuyant fortement sur la première syllabe.
9° Bredouillement. — Ce vice, assez commun aux tempéraments nerveux, pétulants, irascibles se traduit par un embarras de la langue, des articulations précipitées, confuses, inachevées. Les bredouilleurs sont, en général, d’une grande vivacité ; leurs idées se succèdent avec une telle rapidité qu’ils n’ont pas le temps d’achever les mots pour les rendre. Le bredouillement a donc pour principale cause l’impatience et la précipitation avec lesquelles on veut rendre ses idées. Ce défaut s’effacera peu-à-peu si l’on prend la ferme détermination de parler lentement et d’appuyer sur chaque syllabe des mots, afin de n’en omettre aucune. Le bredouilleur devra s’exercer aux lectures très lentes, à haute voix, à la déclamation bien accentuée de morceaux d’éloquence; le récitatif musical sera aussi un excellent moyen de combattre ces défauts et de lui rendre la parole facile.
10° BÉGAIEMENT ou Psélisme. — Cette grave imperfection se manifeste par la suspension plus ou moins prolongée des articulations au commencement ou au milieu des mots, surtout lorsqu’il s’agit d’attaquer certaines syllabes dont la prononciation exige quelques efforts de l’appareil vocal. Les causes du bégaiement sont multiples; tantôt c’est la longueur exagérée du frein de la langue ou son adhérence aux parois de la bouche; tantôt c’est la rétraction des muscles glossaux; d’autrefois c’est une affection spasmodique de la glotte qui met obstacle au courant d’air laryngien, et l’empêche d’arriver au moment où l’articulation doit avoir lieu; enfin, le bégaiement peut encore dépendre de certaines dispositions morales et au défaut d’équilibre dans les intellectualisations.
Les bègues, de même que les bredouilleurs, pensent trop vite; ils sont en général, vifs, spirituels, mais aussi très timides, et cette timidité naît de la crainte d’être raillés. Les enfants et les vieillards ne bégaient point, parce qu’à ces âges l’activité musculaire est moindre. On distingue deux sortes de bégaiement, l’un dit guttural, parce qu’il dépend du gosier; l’autre nommé labial, parce que la difficulté réside en grande partie dans les lèvres.
Traitement. — Divers procédés opératoires ont été proposés contre le bégaiement par cause physique; malheureusement, le succès n’a pas été aussi complet qu’on se l’était promis. Dans les cas où le bégaiement a sa source dans une névrose, une affection spasmodique des organes vocaux, ou dans certaines dispositions de l’organe intellectuel, on a recours à une gymnastique variée des lèvres, de la langue et de la poussée d’air, afin de faciliter l’association des mouvements d’expiration et d’articulation. La gymnastique de la langue consiste à la faire mouvoir de bas en haut, et d’arrière en avant; de la recourber, et de porter sa pointe vers le voile du palais. Le bègue doit pratiquer cette gymnastique à tous les instants du jour, c’est-à-dire toutes les fois qu’il y pensera. Il s’exercera à articuler lentement deux, trois et quatre syllabes de suite; puis, il en ajoutera plusieurs autres, jusqu’à ce qu’il arrive à débiter couramment une courte phrase. Si, pendant cet exercice, le bégaiement survenait sur certaines syllabes, le bègue devrait aussitôt répéter en déclamant ou en chantant sa phrase; car on a observé que, pendant la déclamation et le chant, le bégaiement ne ne manifestait point. La déclamation de poésies à rhythmes variés, surtout avec mouvements des bras, est un moyen que le Dr Serres, d’Alais emploie avec beaucoup de succès. Le récitatif musical et le chant opèrent aussi de nombreuses guérisons. Le Dr Colombat joint à ces moyens l’action d’un petit instrument nommé refoule-langue, qui, se fixant aux dents incisives, force la langue à se porter vers l’arrière-bouche. ltard avait déjà conseillé de mettre une entrave mécanique à la langue, et de faire travailler cet organe en gênant ses mouvements. Ceci rappelle l’exemple de Démosthène, qui, après s’être longtemps exercé à l’art de la parole avec des cailloux dans la bouche, de bègue qu’il était, devint le plus brillant orateur de la Grèce.
La méthode du Dr Colombat, pour extirper le bégaiement, ainsi que celle des Drs Serres d’Alais et Delau, comptent de nombreux succès: les autres méthodes préconisées sont la copie de celles-ci, hormis quelques modifications. Les exercices curatifs, indiqués par les orthophonistes les plus distingués comme les plus compétents, se résument ainsi:
1° Exercices sur les voyelles et leurs combinaisons;
2° Exercices sur les explosives labiales et linguales: Ba, Be, Bé, Pa, Po, Ta, To, Da, Du, etc.;
3° Exercices sur les gutturales; Ka, Ké, Ko, Cha, Che, Ga, Go, Gui, Gu, etc.;
4° Exercices sur les palatales: Ja, Je, Sa, Se, Za, Zi, Zo, etc.;
5° Exercices sur les nasales: Nan, Nin, Non, Nun, etc.;
6° Exercices sur la vibrante R: Ra, Re, Rin, Ron, Run, etc.
Ces divers exercices, variés selon les besoins, répétés et continués pendant un temps plus ou moins long, parviennent toujours, lorsqu’ils sont exécutés avec volonté ferme et constance, à modifier considérablement le psélisme, sinon à l’extirper complètement.
Plusieurs savants médecins se sont spécialement occupés du mécanisme de la phonation et des moyens propres à combattre les défauts de la voix: MM. Itard, Magendie, Voisin, Malbouche, Arnold, Hervez de Chégoin Serres d’Alais, Jourdan, Colombat, Bénati, etc.; c’est à leurs ouvrages, et surtout à leur pratique éclairée, que les personnes affectées de vices de la parole, doivent avoir recours pour obtenir leur guérison.
Nous ne saurions trop engager les personnes affligées de bégaiement, et les parents d’enfants bègues, à consulter sans retard les hommes spéciaux qui s’occupent de l’art orthophonique, car eux seuls peuvent leur enseigner à triompher de cette grave imperfection de la parole.
De la voix parlée chez les animaux. — Dans la série animale, quelques oiseaux seulement ont le privilége d’articuler des mots, et même des phrases entières. Sont dans ce cas les perroquets, les pies, geais, corneilles, sansonnets, etc.; les autres animaux ne peuvent que pousser le cri propre à leur espèce. Les exemples qu’on cite de chiens, d’ânes, de chevaux, de crocodiles, de serpents qui ont appris à parler, ou qui ont parlé tout-à-coup sans enseignement préalable, doivent être rejetés dans le domaine des fables. Cependant, des hommes dont l’autorité est d’un grand poids, Leibnitz, Bradley, Kircher, Fritsch et autres, font mention de chiens qui articulaient certains mots de plusieurs langues. Devant l’aveu de ces savants, il n’est permis que de douter. Quant aux oiseaux que nous entendons tous les jours répéter, jusqu’à fatiguer nos oreilles, les mots qu’on leur a appris, leur articulation et leur débit dépendent exclusivement de la personne qui les a élevés, et surtout de ses constantes répétitions; car, sans cette persévérance de la part du maître, l’écolier ne tarderait pas à oublier sa leçon.
On rapporte qu’à l’époque des sanglantes rivalités de César et de Pompée, les courtisans qui en prévoyaient l’issue favorable à l’avantage du premier, apprirent à des corneilles à saluer César. Un cordonnier, dans l’espoir d’une récompense, voulut, à l’instar des courtisans, enseigner à son corbeau la formule salve, César Imperator. Salut à César Empereur. Bien souvent impatienté de l’indocilité de son écolier, l’artisan s’écriait en le corrigeant: perd - di tempus et opéram. J’ai perdu mon temps et ma peine.
César fut vainqueur: à son entrée dans Rome, les corbeaux, presque aussi nombreux que les courtisans, se mirent à voltiger autour de lui, débitant le salut qu’on leur avait appris. Le corbeau du cordonnier vint un des derniers crier aux oreilles du vainqueur: Salut à César Empereur. Mais fatigué de ces salutations intéressées, l’Empereur ordonna qu’on écartât ces oiseaux importuns. On exécutait ses ordres lorsque le corbeau du cordonnier s’écria d’une voix piteuse: j’ai perdu mon temps et ma peine; César se prit à sourire de l’a propos et ordonna que l’artisan fût récompensé de sa peine.
Kircher cite le fait suivant non moins curieux:
Un vieil écclésiastique récitait chaque soir, avant de se coucher, les litanies des saints; à la fin de chaque verset on entendait une voix grêle et flûtée répondre: ora pro nobis. Le prêtre était âgé et personne ne pouvait entrer à cette heure dans son appartement. Kircher intrigué résolut de connaître le jeune sacristain qui articulait si mélodieusement le répons, et, poussant la curiosité jusqu’à l’indiscrétion, il se cacha, un soir, dans la chambre du vieux curé. L’heure de la prière étant sonnée, celui-ci s’agenouilla sur son prie-Dieu et entama les litanies. Aussitôt la voix enfantine répondit ora pro nobis. Kircher tournait les yeux autour de lui et cherchait de tous côtés sans apercevoir personne. Enfin, après bien des recherches, quel fut son étonnement de découvrir, au lieu du jeune sacristain, une calendre (espèce d’alouette) perchée sur le bâton de sa cage, répondant sans retard et d’une manière irréprochable l’ora pro nobis.
En parcourant, de la base au sommet, l’échelle zoologique, on rencontre une foule d’êtres privés de poumons et qui n’ont pour témoigner leur existence, pour se reconnaître, s’attirer, qu’un bruit d’ailes ou de membranes. Les êtres doués des organes vocaux n’ont en général, à l’exception de l’homme, qu’un cri propre à leur espèce dont ils ne s’écartent jamais, et que leurs petits répètent invariablement par instinct d’imitation.
A en juger parle nombre incalculable d’êtres qui peuplent la terre, ces cris sont infiniment variés: on a cherché, autant que possible, à consacrer un mot propre au cri de chaque espèce. Ainsi l’on est convenu de dire: le bourdonnement des insectes, — la strideur des cigales, des grillons, — le coassement des grenouilles, — le sifflement des serpents, — le croassement des corbeaux, — la clangueur de l’aigle et des vautours, etc. La pie babille, — l’orfraie gémit, — l’hirondelle gazouille, — le loriot fredonne, — la poule glousse, etc. Pour les quadrupèdes, on dit: le hennissement du cheval, — le braiment de l’âne, — le beuglement du taureau, — le vagissement des veaux, — le grognement du porc. etc. Enfin, les brebis et les chèvres bêlent, — les Aïs sanglotent, — les loups hurlent, — les tigres et les panthères glapissent, — le lion rugit, etc. etc., l’homme seul, l’homme est doué de la faculté de parler et d’imiter plus ou moins naturellement le cri de tous les animaux. Cette faculté d’imitation est due à la conformation de ses organes vocaux et cérébraux beaucoup plus parfaits que ceux de toutes les espèces vivantes, sans exception.