Читать книгу Hygiène de la voix et gymnastique des organes vocaux - Auguste 1802-1890 Debay - Страница 8
De la parole ou voix parlée.
ОглавлениеLa parole est la voix articulée au moyen des lèvres, de la langue et du voile palatin. La parole n’a lieu qu’à partir de l’arrière-bouche; le voile du palais forme la limite des deux phénomènes de la phonation: la voix chantée et la voix parlée.
Les éléments de toute langue sont composés de deux ordres de signes, les voyelles et les consonnes qui, diversement combinées entre elles, produisent toutes les modifications phoniques du langage.
Notre langue possède cinq voyelles radicales: a-é-i-o-u. Les cinq analogues â-ê-î-ô-û qui s’y rattachent peuvent être comparées aux demi-tons de la gamme, et les cinq voix nasales an-en-in-on-un ne sont que le résultat de la combinaison.
La voyelle est un son de la voix qui, se formant dans la glotte, traverse la bouche, et sort par l’ouverture des lèvres. La différence de son entre les cinq voyelles, est causée par la dilatation ou le resserrement de la glotte, et par le passage plus ou moins large que la langue et les lèvres accordent au son. — Les consonnes n’ont de sons que ceux qu’elles empruntent aux voyelles; leur articulation isolée ne fait entendre qu’un sifflement, un souffle, un bruit sourd. — Les voyelles sont formées par de simples modifications laryngo-buccales, tandis que les consonnes ont besoin du concours de la langue, des dents et des lèvres.
Les consonnes de notre alphabet sont au nombre de vingt-une: b-c-ch-d-f-g-h-j-k-l-LL (mouillées) m-n-p-q-r-s-t-v-x-z.
Relativement à la variété des articulations, l’alphabet de chaque langue est plus ou moins riche; l’alphabet grec est plus riche que le nôtre, puisqu’il possède les lettres ϕ-θ-χ, articulations douces et agréables dont nous sommes privés. Il serait à désirer qu’on révisât notre alphabet, afin d’en supprimer deux lettres inutiles C et Q. Le c pouvant être remplacé par k lorsqu’il est dur, par s lorsqu’il est cédillé ; le a pouvant toujours être remplacé par le k: Le θ et le x entreraient dans notre alphabet en remplacement de ces deux lettres supprimées.
Plusieurs classifications ont été établies pour les consonnes; les unes dérivent du bruit que produit l’articulation des consonnes; les autres tirent leur nom des organes vocaux qui concourent à leur formation. On les a donc distinguées en:
1° Labiales. — B-P-M — parceque l’émission de ces lettres est exclusivement produite par les lèvres. — B et P ont été nommées explosives, parcequ’elles exigent une poussée d’air et la séparation instantanée des lèvres. M a aussi été classée dans les nasales.
2° Dento-linguales. — D-T — formées par l’application de la langue sur les dents incisives supérieures, et son retrait instantané.
3° Dento-labiales. — F — V — formées par la poussée d’air, les dents incisives supérieures étant appuyées sur la lèvre inférieure.
4° Palato-lingunies. — L-N-R — formées par la langue et le palais. — N a aussi été classée parmi les nasales, et R a reçu la dénomination de vibrante, parceque son émission s’accompagne d’une vibration marquée de la langue.
5° Gutturales. — C-K-Q — provenant de la poussée d’air brusque à l’isthme du gosier, la base de la langue étant relevée.
6° Liquides. — ll mouillées comme quille, bille.
7° Sifflantes. — Ç-S — produisant un sifflement.
8° Gutturale-sifflante. — X.
9° Soufflante. — G-J-CH.
Une classification exacte ne saurait être établie, que par le physiologiste qui a étudié le mécanisme des diverses pièces concourant à l’émission de la parole. Jusqu’ici les classifications grammaticales sont défectueuses, parce qu’elles ont été établies par des grammairiens parfaitement étrangers au mécanisme de l’appareil phonateur.
Le lecteur pourra se rendre compte, d’une manière très imparfaite sans doute, du mécanisme de l’émission, en faisant la gymnastique de chaque lettre de l’alphabet, et en observant attentivement le jeu et les situations des diverses pièces de l’appareil vocal. Ainsi a se prononce la bouche entièrement ouverte et la langue abaissée. — a est un son guttural. — é donne un son palato-lingual, c’est-à-dire qu’il est nécessaire, pour le former, que la base de la langue s’élève, tandis que sa pointe s’appuie contre les incisives de la mâchoire inférieure. — Le son du b et du p se produit avec les lèvres; — celui du d et du t avec la langue qui, appliquée contre les incisives de la mâchoire supérieure, se retire tout-à-coup, etc. etc. Chaque lettre, chaque articulation a son mécanisme différent.
Les langues où les voyelles abondent, sont les plus sonores, les plus euphoniques; celles au contraire qui sont embarrassées de consonnes, offrent de la dureté, de la dysphonie. Ces différences entre les langues ont donné lieu a ces axiomes: — La langue GRECQUE, harmonieuse et poétique par excellence, est la langue des poètes et des dieux. — La langue ITALIENNE, riche en voyelles, est celle de la musique. — L’ESPAGNOLE, pompeuse et sonore dans ses finales, grave, majestueuse dans son débit, est la langue des orateurs; — L’ANGLAISE, qui produit de nombreux sifflements, est la langue des oiseaux; — L’ALLEMANDE, péniblement surchargée de consonnes, est la langue des chevaux et des ours; — La FRANÇAISE, intermédiaire à ces extrêmes, pourrait être nommée la langue des savants; car, en France, où les sciences et les arts ont fait de si grands progrès, où de hautes intelligences ont arrêté la composition de tous les genres d’idées, la langue est désormais précise et fixée.
Plusieurs érudits ont fait de longues et d’inutiles recherches pour découvrir quelle fut la langue originelle, la langue mère, celle que parla la premier homme. Les uns ont avancé que ce fut l’idiôme phrygien; les autres se sont prononcés pour le chaldéen, mais sans aucune donnée certaine. Ce problème de l’histoire philologique, caché sous un voile épais, reste encore à résoudre.
Quel que fût l’idiôme primitif, il dut être aussi simple, aussi borné que les hommes qui le parlèrent. Si nous remontons à l’époque des premières sociétés, nous découvrons que les besoins de l’homme sont peu nombreux, et par conséquent les idées peu composées; les premiers mots qu’ils articulèrent furent probablement une espèce d’harmonie imitative que leur fournissaient les êtres et les choses qui développaient en eux des idées; ils désignèrent peut-être le chien, le cheval, le bœuf, etc., par des noms qui imitaient leur cri; le tonnerre par un grondement; le vent par un sifflement, etc. Le savant Court de Gébelin a dit avec raison: Nous sommes partis d’un seul principe, l’imitation. L’homme a eu un modèle pour parler, la nature. L’imitation dut être la base de toute langue, et ce langage d’imitation, enseigné par la nature, est intelligible à tout le monde.
L’amour cette grande passion que la nature alluma dans le cœur de tous les êtres, afin de perpétuer leur race, l’amour dut aussi puissamment contribuer à l’invention du langage. Ce furent d’abord des gestes, des cris, des sons diversement modulés, ensuite des articulations monosyllabiques, et puis des mots, rudiments de phrases, pour se communiquer les sensations éprouvées. Ne remarquons-nous pas tous les jours, autour de nous, les animaux, muets jusqu’à l’époque de l’accouplement, sortir tout-à-coup de leur silence et faire retentir les airs de leurs bruyants éclats de voix? les oiseaux surtout trouvent des chants variés, des gazouillements délicieux, mais qui n’ont de durée que celle de la saison des amours.
Si l’on admet que le progrès, dans l’ordre intellectuel, est une loi de l’humanité, on peu aussi admettre que les hommes ne sont point sortis tout-à-coup de la terre, comme Minerv tout armée du front de Jupiter, c’est-à-dire aussi intelligents qu’ils le devinrent dans la suite des temps. A l’époque géologique où la première famille humaine parut sur le globe il ne devait point exister de langue parlée. C e nouveaux habitants, exclusivement guidés par des instincts de conservation et de reproduction, durent vivre longtemps dans un état sauvage. Voyez l’Histoire des métamorphoses humaines . Peut-être leur premier langage se réduisait-il à des cris comme le langage des animaux; ces cris devenant insuffisants pour exprimer des besoins, s’accroissant chaque jour, ils se servirent le la langue et des lèvres pour modifier des sons, jusque là gutturaux, et l’onomatopée leur fournit les premiers mots. Chaque individu, selon son intelligence et sa facilité d’imitation, inventa des sons, des mots dont l’harmonie se rapprochait plus ou moins des êtres, des objets qu’ils indiquaient. Ces sons, ces mots acceptés et reproduits par les membres d’une ou de plusieurs familles, s’augmentèrent d’autres sons, d’autres mots.
Le noyau du langage primitif alla toujours se grossissant, en raison de l’accroissement des familles et des besoins nouveaux; enfin, un homme plus intelligent parut un homme, qui, joignant au génie d’invention et de composition les règles naturelles de l’harmonie, réunit les mots déjà formés, en composa d’autres et forma un langue. Cette langue originelle marche, se modifie, suit l’homme pas à pas, progresse avec lui, en forme d’autres qui conservent plus ou moins de ressemblance avec elle; plus tard elle se délaie et disparaît au milieu des nombreux idiomes dont elle est la souche. Les langues naissent donc avec les sociétés, se développent, se perfectionnent ou se dégradent avec elles.
Mais à combien d’influences la voix et le langage ne furent-ils pas soumis: la situation topographique, la nature du sol, les climats, le mélange des races, les tempéraments, les idiosyncrasies, la vigueur ou la faiblesse de la constitution physique des hommes, leur état de civilisation ou de barbarie etc., etc. etc., dûrent nécessairement influer sur le langage et le timbre vocal. Ainsi, l’on observe constamment que la langue est plus sonore chez les peuples méridionaux que chez ceux du nord; la voix est douce, le langage agréable dans les contrées fertiles ou règne l’abondance et le bien-être; au contraire dans les lieux où la stérilité du terrain isole les hommes, la voix est âpre, criarde; la langue peu riche et monotone; car la misère est un obstacle au développement des facultés intellectuelles. La voix est plus rude dans les pays montagneux que dans les vallées; plus forte dans les campagnes que dans les villes, etc., etc.
Physiognomonie. — La parole et le timbre vocal considérés comme peignant les idées, les facultés et l’état moral de l’individu, sont une des meilleures indications physiognomoniques.
— L’homme emporté a la voix brusque, saccadée; l’homme doux est doué d’une voix analogue à son caractère. — L’homme sérieux, réfléchi parle peu et posément; le son de sa voix est mesuré sur le sens des mots; l’être léger, inconstant, évaporé babille sans cesse en changeant incessamment de ton et de conversation. — La parole est brève et rapide chez l’homme bilieux; chez le nerveux elle est quelquefois d’une promptitude exagérée; le sujet phlegmatique s’exprime au contraire lentement, et sa voix est parfois traînante. La voix du tempérament sanguin est pleine, sonore, pétulante et légère. Doués d’une riche organisation physique, les sujets appartenant à ce tempérament possèdent un beau développement des organes vocaux. La voix du mélancolique est sèche, caverneuse mais profondément expressive. — L’homme naturellement bon, lephilantrope possède un langage doux, prévenant, analogue aux qualités de son cœur. — Le méchant se reconnaît à sa parole sèche, dure et désagréable. — Le présomptueux parle avec jactance et vanité ; il est tranchant, décisif, cherche à vous éblouir par un débit résonnant et pompeux; il vise toujours à l’effet. — L’homme modeste, simple et mesuré dans son langage, expose ses idées avec la tranquille douceur qui le caractérise. — L’homme ironique a la parole pénétrante, acérée; il pique au vif, mord et déchire. — L’hypocrite se cache sous des phrases ambiguës; toujours faux sous les couleurs de la sincérité, il cherche à vous entortiller dans ses dangereux ambages. — Le courtisan se reconnaît à ses discours flexibles et mielleux, à l’élastique souplesse de sa narration qui se prête à toutes les formes, réfléchit toutes les nuances. — L’idiot. fait entendre une voix lourde, traînante, sans inflexions harmoniques. — L’homme de génie se révèle par une accentuation vive et puissante; l’enthousiasme, qui bouillonne dans son cœur arrive brûlant sur ses lèvres et passe dans son langage; énergique et brillante, son éloquence vous émeut, vous saisit et ses convictions vous entraînent.
On a vu que le timbre de la voix dépend de la structure laryngo-buccale; l’accentuation au contraire est le résultat de l’exercice des organes vocaux, de l’éducation et du milieu social dans lequel on vit. L’articulation incomplète mal formée, précipitée ou traînante, la prononciation sautillante ou avec intonations diverses, sont très désagréables surtout dans la bouche des femmes. Le langage de certaines villes du midi de la France offre ces défauts qu’il serait si facile de corriger; un peu d’attention et quelques exercices journaliers suffisent dans la jeunesse, pour les faire disparaître. Les parents devraient fixer leur attention sur ce point; il est plus important qu’on ne pense; car cette imperfection de la prononciation est un immense obstacle aux effets oratoires; quelquefois aussi, il a refroidi l’amour et arrêté des mariages.