Читать книгу Leçons d'histoire, prononcées à l'École normale - C.-F. Volney - Страница 4
LEÇONS
D'HISTOIRE.
ОглавлениеPREMIÈRE SÉANCE[3], 1er Pluviôse. PROGRAMME.
Objet, plan et distribution de l'étude de l'histoire.
L'HISTOIRE, si l'on veut la considérer comme une science, diffère absolument des sciences physiques et mathématiques. Dans les sciences physiques, les faits subsistent; ils sont vivants, et l'on peut les représenter au spectateur et au témoin. Dans l'histoire, les faits n'existent plus; ils sont morts et l'on ne peut les ressusciter devant le spectateur, ni les confronter au témoin. Les sciences physiques s'adressent immédiatement aux sens; l'histoire ne s'adresse qu'à l'imagination et à la mémoire: d'où résulte entre les faits physiques, c'est-à-dire existants, et les faits historiques, c'est-à-dire racontés, une différence importante quant à la croyance qu'ils peuvent exiger. Les faits physiques portent avec eux l'évidence et la certitude, parce qu'ils sont sensibles et se montrent en personne sur la scène immuable de l'univers: les faits historiques, au contraire, parce qu'ils n'apparaissent qu'en fantômes dans la glace irrégulière de l'entendement humain où ils se plient aux projections les plus bizarres, ne peuvent arriver qu'à la vraisemblance et à la probabilité. Il est donc nécessaire, pour évaluer le degré de crédibilité qui leur appartient, de les examiner soigneusement sous un double rapport: 1º celui de leur propre essence, c'est-à-dire le rapport d'analogie ou d'incompatibilité avec des faits physiques de la même espèce, encore subsistants et connus, ce qui constitue la possibilité; 2º sous le rapport de leurs narrateurs et de leurs témoins scrutés dans leurs facultés morales, dans leurs moyens d'instruction, d'information, dans leur impartialité, ce qui constitue la probabilité morale; et cette opération est le jugement compliqué d'une double réfraction, qui, par la mobilité des objets, rend le prononcé très-délicat et susceptible de beaucoup d'erreurs.
Appliquant ces observations aux principaux historiens anciens et modernes, nous nous proposons, dans le cours de ces leçons, d'examiner quel caractère présente l'histoire chez différents peuples; quel caractère surtout elle a pris en Europe depuis environ un siècle. Nous ferons sentir la différence remarquable qui se trouve dans le génie historique d'une même nation, selon les progrès de sa civilisation, selon la gradation de ses connaissances exactes et physiques; et de ces recherches sortiront plusieurs questions importantes.
1º Quel degré de certitude, quel degré de confiance doit-on attacher aux récits de l'histoire en général, ou dans certains cas particuliers?
2º Quelle importance doit-on attribuer aux faits historiques, et quels avantages ou quels inconvénients résultent de l'opinion de cette importance?
3º Quelle utilité sociale et pratique doit-on se proposer, soit dans l'enseignement, soit dans l'étude de l'histoire?
Pour développer les moyens de remplir ce but d'utilité, nous rechercherons dans quel degré de l'instruction publique doit être placée l'étude de l'histoire; si cette étude convient aux écoles primaires, et qu'elles parties de l'histoire peuvent convenir selon l'âge et l'état des citoyens.
Nous considérerons quels hommes doivent se livrer et quels hommes l'on doit appeler à l'enseignement de l'histoire; quelle méthode paraît préférable pour cet enseignement; dans quelles sources l'on doit puiser la connaissance de l'histoire, ou en rechercher les matériaux; avec quelles précautions, avec quels moyens on doit l'écrire; quelles sont les diverses manières de l'écrire, selon ses sujets; quelles sont les diverses distributions de ces sujets; enfin quelle est l'influence que les historiens exercent sur le jugement de la postérité, sur les opérations des gouvernements, sur le sort des peuples.
Après avoir envisagé l'histoire comme narration de faits, envisageant les faits eux-mêmes comme un cours d'expériences involontaires, que le genre humain subit lui-même, nous essaierons de tracer un tableau sommaire de l'histoire générale, pour en recueillir les vérités les plus intéressantes. Nous suivrons chez les peuples les plus célèbres la marche et les progrès;
1º Des arts, tels que l'agriculture, le commerce, la navigation;
2º De diverses sciences, telles que l'astronomie, la géographie, la physique;
3º De la morale privée et publique; et nous examinerons quelles idées l'on s'en est faites à diverses époques;
4º Enfin, nous observerons la marche et les progrès de la législation; nous considérerons la naissance des codes civils et religieux les plus remarquables; nous rechercherons quel ordre de transmission ces codes ont suivi de peuple à peuple, de génération à génération; quels effets ils ont produits dans les habitudes, dans les mœurs, dans le caractère des nations; quelle analogie les mœurs et le caractère des nations observent avec leur climat et avec l'état physique du sol qu'elles habitent; quels changements produisent dans ces mœurs les mélanges des races et les transmigrations; et jetant un coup d'œil général sur l'état actuel du globe, nous terminerons par proposer l'examen de ces deux questions:
1º A quel degré de sa civilisation peut-on estimer que soit arrivé le genre humain?
2º Quelles indications générales résultent de l'histoire, pour le perfectionnement de la civilisation, et pour l'amélioration du sort de l'espèce?