Читать книгу Manuel de l'amateur de porcelaines, manufactures européennes - Charles de Grollier - Страница 5
1° Aperçus historiques.
ОглавлениеDans ces considérations générales ma première pensée avait été de faire un historique très succinct de la porcelaine, voire même de la faïence, ou du moins d’en faire saisir les différences. Cet exposé ayant été traité d’une façon magistrale dans l’Histoire des manufactures françaises, j’ai cru de mon devoir de le respecter, sans y rien ajouter, et d’y renvoyer le lecteur désireux avide de s’instruire. Je vais donc me borner à tracer les grandes lignes de l’histoire de la porcelaine à travers l’Europe.
Dans les essais qui furent faits pour arriver à produire la porcelaine dure de Chine, les fabricants furent conduits à s’inspirer des formes, des décors chinois et même des marques orientales, très mal interprétées la plupart du temps.
Les efforts n’aboutirent d’abord qu’à la découverte de la pâte tendre dans plusieurs localités d’Italie. Florence est la seule fabrique dont on ait des pièces authentiques datant du XVIe siècle. Les décors en sont orientaux et se rapprochent souvent du goût persan.
Meissen produisit au commencement du XVIIIe siècle de la porcelaine dure avec des formes, des marques et des ornements chinois copiés sans une grande exactitude, surtout pour les marques. Plus tard le décor japonais ou plutôt coréen, improprement applé Imari, fit son apparition. Meissen étant le point de mire de tous les centres de fabrication, la France ne tarda pas à adopter aussi ce nouveau décor, et alla même jusqu’à imiter à cette époque les formes et la marque de cette manufacture sur des porcelaines tendres françaises.
Dans la collection Chavagnac se trouvait un bouillon de Chantilly marqué des épées de Meissen qui furent également copiées par d’autres établissements européens, comme on le verra par la suite.
A l’origine, certaines fabriques ont même surdécoré des porcelaines orientales pour faire croire qu’elles produisaient de la porcelaine dure, effort vers lequel tendaient toutes les manufactures. Nous pouvons en citer comme preuve le gobelet aux armes des Médicis placé sous notre n° 2337 et un peu plus loin à notre p. 365, le n° 460 de la collection Franks, qui sont tous les deux des porcelaines blanches orientales.
On a de même surdécoré à Delft des porcelaines chinoises en y ajoutant des inscriptions hollandaises. Il ne faut pas confondre ces contrefaçons avec les pièces commandées en Chine par les hollandais et connues sous le nom de porcelaines de la Compagnie des Indes.
Lowestoft a envoyé à Londres des pièces orientales également surdécorées.
A la fin du XVIIIe siècle, un revirement s’est fait sentir. Les produits et même la marque de Sèvres ont été imités dans plusieurs manufactures. Meissen et Frankenthal ont essayé de copier les fonds bleus de Sèvres avec ses médaillons de personnages.
L’Angleterre a subi cette crise d’imitation, mais leurs copies ont toujours conservé un certain goût de terroir.
Buen Retiro a fait du pur Louis XVI dans ses pièces à canaux creux avec filets bleus, sans parler des biscuits de Sureda à son retour de France en Espagne.
La Suisse a subi les influences des pays voisins, Zurich copiant l’Allemagne, Nyon copiant la France.
En Suède, Marieberg s’inspirait de la France dans la porcelaine tendre du Français Berthevin et dans la porcelaine dure du Français Fleurot.
En Danemark, le Français Louis Fournier produisit une porcelaine tendre, véritable copie de celle de Sèvres.
En Belgique, Tournay, par son voisinage et ses rapports constants, devait aussi s’inspirer du goût français.
En Italie, les fouilles de Pompéi et d’Herculanum avaient trop passionné les artistes pour qu’ils puissent tourner leurs regards vers la France. Le néogrec était adopté tôt ou tard par l’Europe. Sous l’influence de Marie-Antoinette Sèvres abandonna ses anciens modèles aux formes élégantes pour les remplacer par ces lignes rigides, disgracieuses, exhumées du sol italien. Mais la mode est souvent le plus cruel ennemi de l’art et torture sans pitié ceux qui viennent l’adorer. N’en déplaise à ses victimes.
Le glas de la décadence avait sonné pour l’Europe tout entière.