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MONSIEUR DE LA PALISSE

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Messieurs, vous plaît-il d’ouïr

L’air du fameux La Palisse,

Il pourra vous réjouir

Pourvu qu’il vous divertisse.

La Palisse eut peu de bien

Pour soutenir sa naissance;

Mais il ne manqua de rien

Dès qu’il fut dans l’abondance.

Bien instruit, dès le berceau,

Jamais, tant il fut honnête,

Il ne mettait son chapeau

Qu’il ne se couvrît la tête.

Il était affable et doux,

De l’humeur de feu son père,

Et n’entrait guère en courroux,

Si ce n’est dans la colère.

Ses valets étaient soigneux

De le servir d’andouillettes,

Et n’oubliaient pas les œufs,

Surtout dans les omelettes.

De l’inventeur du raisin,

Il révérait la mémoire;

Et, pour bien goûter le vin,

Jugeait qu’il en fallait boire.

Il disait que le nouveau

Avait pour lui plus d’amorce,

Et moins il y mettait d’eau,

Plus il y trouvait de force.

Il consultait rarement

Hippocrate et sa doctrine,

Et se purgeait seulement

Lorsqu’il prenait médecine.

Il voyageait volontiers,

Courant par tout le royaume.

Quand il était à Poitiers,

Il n’était pas à Vendôme.

Il se plaisait en bateau,

Et soit en paix, soit en guerre,

Il allait toujours par eau,

A moins qu’il n’allât par terre.

Dans un superbe tournoi,

Prêt à fournir sa carrière,

Il parut devant le roi,

Il n’était donc pas derrière.

Monté sur un cheval noir,

Les dames le reconnurent,

Et c’est là qu’il se fit voir

A tous ceux qui l’aperçurent.

Il fut, par un triste sort,

Blessé d’une main cruelle;

On croit, puisqu’il en est mort,

Que la plaie était mortelle.

Regretté de ses soldats,

Il mourut digne d’envie,

Et le jour de son trépas

Fut le dernier de sa vie.

—Tu vois que c’était un malin celui-là, bien digne d’être l’un des aïeux des Gribouille. C’était lui qui disait: Ne brûlez pas la chandelle par les deux bouts. —Tant va la cruche à l’eau, qu’à la fin elle se casse. — Qui aime bien châtie bien.

Ah! la la! je me la rappelle cette sentence-là ; ah! oui! imagine-toi, petit, qu’un jour la mère Michel m’envoie lui acheter des lapins, — fais attention à celle-là, tu vas voir; — j’arrive chez un marchand qui en avait quatre: Combien me vendrez-vous vos quatre lapins? dis-je au marchand. — Six francs qu’il me dit. — Non, dis-je, c’est trop cher. Combien chaque lapin alors?— En les prenant séparément, me dit le marchand, c’est deux francs chaque. — Va pour deux francs chaque, dis-je, et j’en pris trois.

En arrivant à la maison, je raconte à la mère Michel le marché que je venais de conclure. «Comment, imbécile! qu’elle me dit, on t’offre les quatre lapins pour six francs et tu ne m’en rapportes que trois?» Oui, dis-je, mais j’ai choisi; j’ai pris les trois plus beaux.

— Ah! le double sot! dit la mère Michel, et là-dessus, sans m’en dire davantage, elle me donna une correction tellement sentie, que je m’en souviens encore. Ah! la la! quelle infusion d’huile de coudrier j’ai reçue ce jour-là ! mais je vois que je vais me laisser entraîner à de tristes souvenirs. Il faut savoir se consoler, et puis, je ne commence pas mes confidences par le commencement. Je reviens à mon histoire; tu vas voir, petit, comment la nature traite les grands esprits. Moi, dont on dit maintenant, — malin comme Gribouille, — je n’avais pas du tout de réputation dans mon jeune temps, et plus d’une fois on désespéra même de ma capacité ; mais je reviens à mes moutons.

Imagine toi, petit, que je suis venu au monde tout nu, seulement on dit que j’avais mes mains dans mes poches, un nez assez long, comme tu vois, car il n’a fait que croître et embellir; une bouche bien fendue, et des yeux percés comme avec un superbe vilebrequin. Ma mère était la propre sœur de la mère Michel, tu sais? la fameuse mère Michel, qui avait une si grande affection pour les chats, qu’on disait dans le pays qu’elle aimait mieux les bêtes que les gens. C’est pourquoi on prétendait qu’elle donnait quatre gros morceaux de mou à son chat, pendant qu’elle me donnait deux fessées pour m’apprendre à ne pas être gourmand. Enfin, la bonne femme idolâtrait tellement son chat, qu’elle manqua perdre l’esprit, parce qu’un individu vint lui dire un jour que notre cousin Lustucru avait prémédité de faire faire un tour à son matou dans sa casserolle. Aussi est-il resté un grand souvenir d’elle; une chanson bien connue aujourd’hui:

Les confidences de Gribouille

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