Читать книгу Le crime et la débauche à Paris - Charles Desmaze - Страница 10

LA DÉBAUCHE A PARIS
I

Оглавление

ANTIQUITÉ DE LA DÉBAUCHE. – CHARLEMAGNE. – ORDONNANCES SOMPTUAIRES. – ORDONNANCE DE SAINT-LOUIS (1259) CANTONNANT LES PROSTITUÉES. – (1242) ORDONNANCE PERMETTANT AU ROI DES RIBAUDS DE PRÉLEVER UNE DIME SUR LES FILLES.

Nulla fèrè causa est in quâ non femina litem

Moverit… xxxxxxxxx(Juvénal, satire v.)

Où est la femme? (Un juge d'instruction.)

La débauche est vieille comme le monde33; elle se trouve au berceau, comme au déclin de toutes les sociétés humaines; les religions, comme les histoires et les législations en font foi34.

En Grèce, vingt-deux classes de courtisanes desservaient, en leurs groupes sympathiques, les vingt-deux branches de la volupté; elles étaient les prêtresses35 inspirées de la Vénus impudique. C'étaient la Fellatrice, coquette, trompant le désir, pour en prolonger les brûlants accès; la Tractatrice, venant de l'Orient parfumé où les plaisirs, qui font rêver, sont en honneur; la Subagitatrice, fille de Lesbos; la Lémane, avec les voluptés, douces et chatouilleuses; la Corinthienne, qui pourrait les remplacer toutes; l'agaçante Phicidisseuse, aux dents dévorantes et lutines, dont l'émail semble intelligent; enfin, la brillante et fougueuse Propétide, qui montre, en fuyant, les trésors qu'elle ignore elle-même, et qu'elle offre aux autres de contempler d'un œil enivré, de flatter d'une main caressante.

Paris, la grande Babylone, possède et exhibe encore les mêmes variétés, cultivées avec un art singulier, comme toutes les primeurs du vice36.

Remontons à la législation ancienne. La débauche est donc bien vieille; mais elle sait cacher ses rides sous le fard, se noircir les yeux, sourire, et raccoler force victimes. Elle suit une route parallèle à la marche progressive, qui pousse en avant les peuples; dans les sociétés, l'importance qu'elle acquiert, est de plus en plus grande, et lassée pour ainsi dire de régner sur les hommes, elle veut étendre son empire sur les arts. La peinture consacre ses toiles à ses scènes de volupté, la littérature lui donne grandes et petites entrées dans les journaux, dans les romans, dans les théâtres, la voilà qui étend sur tout ses mains avides; il faut compter avec elle. Aussi ne peut-il pas être sans intérêt de suivre cette course, de marquer ces étapes, de voir quels moyens ont été, tour à tour, et toujours inutilement employés, pour placer, devant elle, des barrières, sans cesse renversées.

Nous avons pensé qu'il serait curieux de passer en revue les défenses, essayées dans le dessein d'arrêter la luxure, l'amour de la débauche; et, fouillant dans l'arsenal où sont déposées les armes émoussées, nous avons voulu arriver jusqu'au temps présent.

Lointain est le moment où les rois frappaient les courtisanes d'une main, non gantée de velours.

En comparant les anciennes ordonnances aux règlements nouveaux, on ne peut manquer de trouver intéressantes ces recherches et d'en tirer peut-être plus d'un enseignement.

Que de chemin parcouru depuis le temps où le Lévitique flétrissait, comme une infamie, digne du dernier supplice, les crimes contre nature, chantés à Rome et à Athènes par les poètes. Aujourd'hui, moins sévères qu'aux jours primitifs, moins indulgents qu'Horace et Virgile, nous prenons en main le Code pénal et disons: Art. 330 et suivants: Ce délit est réprimé lorsqu'il est accompagné de violence, de publicité, qu'il est exercé sur des mineurs de treize ans; ou par un ascendant sur un mineur de plus de treize ans, non émancipé par le mariage, on lorsqu'il y a enfin habitude de proxénétisme, pluralité de victimes et d'actes impudiques. Oui, le vice persiste, le mal grandit; que faire? à l'histoire à prendre la parole!

Sans chercher des exemples aux époques où les règlements, les ordonnances se suivent sans ordre et se contredisent, ouvrons cette instructive série de documents à l'heure où véritablement tout s'organise.

Charlemagne, ajoutant aux peines, prononcées par ses prédécesseurs, ordonna (800) que: le propriétaire, chez lequel, se prostitueront des filles de mauvaise vie, les portera l'une après l'autre, sur la place du Marché, pour y être fustigées. S'il refuse, il sera lui-même frappé de la même peine.

Les guerres augmentèrent les débauches et saint Louis les réprima par la sévérité de son ordonnance de 1254.

Les ordonnances royales alors cantonnent les prostituées, dans certains quartiers de Paris, leur défendant de résider ailleurs, sous peine de confiscation, ni louer maisons et défendant à tous propriétaires de les recevoir ou loger en autres quartiers.

Défense de se trouver dans leur bordel ou clapier, après sept heures sonnées, sous peine de prison et d'amende arbitraire.

Défense de porter sur leurs habits, de l'or, de l'argent, des perles, du jais, des broderies, des fourrures, des collets renversés, des robes à queues traînantes, des ceintures dorées et autres ornements, que pourraient porter les femmes d'honneur, à peine de confiscation desdits habits et d'amende arbitraire.

Défense à toutes personnes de produire des femmes prostituées, à peine du pilori, d'être marquées d'un fer chaud et bannies (Ordonnances de 1395, de 1415, 1420, 1426, 1480; Delamare, 21 825, Fr.; Bibl. Nat. manuscrits).

Marguerite de Provence, la reine de France, digne femme de saint Louis, allant à l'offrande, après avoir touché de ses lèvres la patène consacrée, se retourna, selon l'usage de la primitive Église, pour donner le baiser de paix à sa voisine. Elle embrassa une dame de riche costume, de belle et haute apparence, qui n'était autre qu'une ribaulde folieuse (Bibl. Nat., manuscrits français, 13635, Fr. supp., 4945).

De là serait venu le proverbe:

Bonne renommée

Vault mieux que ceinture dorée.


A Paris, dès 1259, par les ordonnances du bon roi saint Louis, les prostituées étaient cantonnées, dans certains quartiers: la Cité, la rue Glatigny, rues de Mascon, de la Boucherie, du Clos-Breuneau, Froidmanteau, Robert de Paris, Baillehoe, de Tion, Chapon, de Champfleury.

Les règlements se succèdent, mais toujours impuissants. Le 3 février 1368, le roi Charles défend: qu'on tienne doresnavant bordeau, rue du Chapon, près le cimetière Saint-Nicolas-des-Champs. On forniquait même dans le cimetière des Innocents, nous apprend un chroniqueur indigné.

Le 8 janvier 1415. – Ordonnance du prévôt de Paris reproduisant, pour les prostituées, les mesures édictées par saint Louis, sous peine d'être brûlées d'un fer chaud, tournées au pilori, mises hors la ville.

Défense aussi de porter or, argent, boutonnières d'or et d'argent sur les habits (Livre rouge, vieil du Châtelet).

Malgré les sévérités des ordonnances royales de saint Louis (1259), du roi Charles (3 février 1368), du prévôt de Paris (8 janvier 1415), les lupanars confinaient aux salles des cours et détournaient les étudiants. Guillaume Breton (Philippidos. Lib. I), nous révèle ces malsaines habitudes, qui ne respectaient même pas les cimetières. (La Taille de Paris, 1292.)

Au treizième siècle, dans une enquête suivie à Douai, le procureur de messieurs du Chapitre de Saint-Amé répudie le témoignage de Waghe le Vaut, produit par les échevins, parce qu'il est homme de mauvaise vie, qu'il est nommé en ceste ville, roi des ribaulds, tient femmes folles, qui sieent èsbordiaux et waguent en péchié de leur corps.

En 1242, une ordonnance des échevins de Douai porte que les jeux de dés, breleng, boules et autres étant interdits au roi des ribaulds, il percevra, à l'avenir, sur chaque femme de folle vie, demeurant à Douai, en estuves ou en bourdel, pour bienvenue, pour la première fois, deux gros; sur chacune de ces femmes, par mois, un gros; si elles changent de maison, en ville, un gros; sur chaque individu hébergeant ou soutenant telles femmes de folle vie, un gros chaque mois; sur chaque femme d'estuve ou de bourdel, à la saint Pierre, un gros, et à la fête de saint Rémy, un gros; sur les femmes mariées, filles ou meskines, qui mésuseront de leur corps, ledit roi pourra prendre, à son profit, le mantel ou chaperon; de même, l'habit du ladre, venant habiter la ville sans permission. (Archives de Douai. Layette, 34, armoire 7, cartulaire B.)

33

Rapport sur l'instruction primaire et l'instruction secondaire, due à la plume si savante, si compétente de M. O. Gréard, vice-recteur de l'Académie de Paris.

34

Histoire de la médecine légale, d'après les arrêts criminels. Paris, 1880.

35

Honoré de Balzac.

36

Lecour, La prostitution à Paris et à Londres.

Le crime et la débauche à Paris

Подняться наверх